Le Courrier de la Transplantation - Volume VIII - n
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de pre
Retransplantations pulmonaires :
quoi de neuf ?
P
roposer une nouvelle transplan-
tation à un patient ayant déjà eu
une transplantation mono- ou bipulmo-
naire peut être jugé comme discutable
pour plusieurs raisons : survie moindre
que celle espérée après primo-transplan-
tation, risque majeur de récidive d’une
bronchiolite oblitérante, pénurie de gref-
fons conduisant à une mortalité sur liste
non gligeable des patients en attente de
première greffe. Cependant, le paysage
change du fait d’une amélioration des
propositions de greffons et, surtout, du
fait de l’apparition de nouveaux traite-
ments permettant de modier totalement
la stratégie immunosuppressive lors
d’une retransplantation par rapport à la
stratégie initiale. Aux résultats décevants
viennent ainsi s’opposer des publications
plus optimistes.
L’intérêt de cet article, outre qu’il publie
l’expérience d’un centre, est surtout que
les auteurs étudient en détail la survie
et les complications en fonction de la
pathologie ayant conduit àcider d’une
retransplantation.
Entre 1995 et 2006, 46 patients ont
donc été retransplantés, soit pour une
défaillance primaire du greffon (n = 23)
dans un délai moyen de 26 ± 27 jours,
soit pour une bronchiolite oblité-
rante (n = 19) dans un délai moyen de
1 069 ± 757 jours, soit pour une sténose
des voies aériennes proximales ou
distales sans possibilité de traitement
par endoprothèse (n = 4) dans un délai
moyen de 220 ± 321 jours. Si, dans les
années 1995-2001, les indications étaient
dominées par la défaillance primaire du
greffon, la bronchiolite oblitérante est
devenue l’indication principale depuis
2002.
Parmi les patients retransplantés,
10 étaient atteints de mucoviscidose,
15 de bronchopathie chronique obstruc-
tive et 12 de brose pulmonaire.
Les retransplantations étaient soit bipul-
monaires (n = 14), soit unipulmonaires
(n = 32). Chez les patients ayant eu une
transplantation bipulmonaire en primo-
transplantation, presque 50 % ont eu à
nouveau une transplantation bipulmo-
naire ; parmi ceux qui avaient eu une
transplantation monopulmonaire, ont
été réalisées secondairement soit une
transplantation bipulmonaire, soit à
nouveau une transplantation unipulmo-
naire unilatérale ou controlatérale.
La survie actuarielle à 30 jours, un an
et 5 ans est respectivement de 52,2 %,
34,8 % et 29 % pour la retransplantation
pour défaillance primaire du greffon,
de 89,2 %, 72,5 % et 61,3 % pour le
groupe bronchiolite oblitérante, tandis
que tous les patients réopérés pour
sténose des voies aériennes survivent
actuellement.
Les causes de mortalité sont détaillées
dans cet article. Il est certain que
parmi les critères péjoratifs influen-
çant la survie, l’état hémodynamique
et respiratoire des patients est capital
puisque les sujets retransplantés pour
défaillance primaire du greffon étaient
soit sous ECMO (n = 8), soit sous assis-
tance ventilatoire, alors qu’aucun patient
retransplanté pour bronchiolite oblité-
rante n’était sous ECMO et que seuls
2 patients nécessitaient une assistance
ventilatoire.
Parmi les sujets retransplantés pour bron-
chiolite oblitérante, la récidive de cette
complication n’a concerné que 15,4 %
d’entre eux à un an et 23,1 % d’entre
eux à 3 et 5 ans.
La retransplantation pour défaillance
primaire du greffon donne donc des
sultats toujours cevants et les auteurs
pensent d’ailleurs que cette indication
devrait être écartée.
Dans cette série, la survie satisfaisante
des patients retransplantés pour bron-
chiolite oblitérante et l’excellente survie
des patients retransplantés pour compli-
cation mécanique des voies aériennes
sont à l’inverse très encourageantes.
Cependant, il est nécessaire de formuler
quelques remarques :
Il n’existe aucune donnée disponible
quant au nombre de patients éventuelle-
ment écartés de l’indication de retrans-
plantation et sur quels critères (difcul
chirurgicale, état nutritionnel, pathologie
initiale, observance thérapeutique,
etc.).
Le pourcentage de patients indemnes
de bronchiolite oblitérante après retrans-
plantation est particulièrement élevé.
La stratégie immunosuppressive a-t-
elle été complètement modiée lors de
cette retransplantation ? Les auteurs font
seulement état d’une trithérapie conven-
tionnelle sans entrer dans le détail des
traitements…
Quel type de retransplantation (bipul-
monaire ou unipulmonaire) proposer en
fonction de la pathologie pulmonaire
initiale ou de la transplantation initia-
lement réalisée ?
Comme le signalent les auteurs, les
patients réopérés avec d’excellents
résultats pour complications portant
sur les voies aériennes l’ont été surtout
pour sténoses. Le pronostic des patients
réopérés pour déhiscence n’est pas
du tout le même (difficultés opéra-
toires, fragilité des tissus, sepsis local
fréquent).
En conclusion, la faillance primaire du
greffon n’est pas une bonne indication
de retransplantation. Les bons résultats
de retransplantation pour bronchiolite
obtenus par cette équipe sont à contre-
courant des idées reçues et méritent, pour
cette indication précise, d’être confrontés
à l’expérience d’autres centres. Il est
indispensable d’établir des critères précis
de faisabilité an de mieux sélectionner
les candidats susceptibles de bénécier
d’une retransplantation.
P.Chevalier, Paris
Aigner C, Jaksch P, Taghari S et al. Pulmonary
retransplantation: is it worth the effort? A long-
term analysis of 46 cases. J Heart Lung Transplant
2008;27:60-5.
Hépatite E : première description
d’une évolution vers la chronicité
et premiers cas de cirrhose
L
équipe de Toulouse décrit pour
la première fois une évolution de
l’hépatite E vers la chronicité. Le virus
de l’hépatite E (VHE) est un virus à
transmission orale, donnant des hépa-
tites souvent asymptomatiques ; il est
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très présent dans le sous-continent
indien. Il peut cependant donner des
formes graves, concernant 1 % des cas
environ, notamment chez la femme
enceinte (10 % des cas). En Europe, il
existe des cas sporadiques qui pourraient
reéter l’existence d’une zoonose, dont
le porc serait une source majeure. La
prévalence des IgG anti-VHE est plus
élevée dans le Sud-Ouest que dans le
reste de la France. Entre 2004 et 2006,
la recherche du VHE par PCR en temps
réel a été positive dans 6,5 % des cas
chez 217 patients transplans, tandis que
des anticorps IgG, détectés en ELISA,
étaient présents dans 13,5 % des cas :
14,5 % des greffés rénaux et 10,4 % des
greffés hépatiques.
Dans les 14 cas d’hépatite aiguë E,
7 étaient asymptomatiques, détectés
en présence d’anomalies biologiques
hépatiques modérées 3 à 4 mois après la
transplantation, et 7 étaients caractérisés
par la fatigue, l’arthralgie, les myalgies,
sans èvre, durant 2 semaines. Aucun
patient n’avait récemment voyagé. Le
diagnostic a reposé sur la présence
de l’ARN viral E dans le sérum des
14 patients, et dans les selles pour les
3 cas testés. La souche était de géno-
type 3 (génotype européen) dans les
12 cas analysables. La biopsie, réalisée
dans 9 cas en période aiguë, montrait des
signes caractéristiques d’hépatite aiguë
non spécique. L’activité et la brose,
en score METAVIR, était respectivement
de 1,3 ± 1,0, et 0,9 ± 0,6. L’infection a
été guérie dans 6 cas, avec une PCR
négative dans le sérum et les selles
dans les 6 mois et pendant une période
de 12 mois au moins. Dans 8 cas, l’infec-
tion a évolué vers la chronicité, avec
persistance des anomalies biologiques
patiques et de la PCR pendant 15 mois
en moyenne (extrêmes : 10 à 24 mois).
Dans 6 cas, la biopsie a été refaite après
10 à 18 mois, montrant une aggravation
des sions, l’activité et la brose passant
à 2,0 ± 1,0, et 1,8 ± 0,8 respectivement,
avec des signes caractéristiques d’hépa-
tite chronique. Les patients ayant évolué
vers la chronicité étaient transplantés
depuis moins longtemps (37,5 mois
versus 78,5 mois), étaient plus leuco-
péniques (4 310 versus 8 850 GB/ul)
et thrombopéniques (155 000 versus
215 000 plaquettes), et avaient une
créatininémie plus basse (1,33 versus
2,15 mg/dl) par rapport aux patients
ayant présenté une infection aiguë réso-
lutive. Il n’y avait, en revanche, aucune
différence de charge virale ou de pic de
transaminases au moment de l’infection
aiguë, ni en termes de traitement immu-
nosuppresseur entre les 2 groupes. Dans
les 2 cas, le traitement immunosuppres-
seur n’a pas été modié et aucun traite-
ment antiviral n’a été mis en place.
L’équipe de Groningen décrit 2 cas d’hé-
patite chronique virale E développée sur
le greffon hépatique et évoluant vers
la cirrhose. Dans le premier cas, les
anomalies biologiques hépatiques sont
apparues 2 mois après une transplan-
tation hépatique (TH) pour cirrhose
virale B. L’origine de l’infection est
restée inconnue. L’histologie montrait
des signes d’hépatite aiguë, sans signe
de rejet. Aucune autre cause d’hépatopa-
thie n’a été trouvée. Les biopsies succes-
sives ont montré des signes d’hépatite
chronique évoluant vers la cirrhose.
La patiente a été retransplantée 7 ans
après la première greffe. L’histologie
du greffon montrait une cirrhose, sans
signe de récidive virale B. La maladie
virale E a récidivé 6 semaines après la
retransplantation et a persisté pendant les
10 mois de suivi, avec des signes d’hépa-
tite lobulaire et portale. L’analyse rétro-
spective des sérums a montque la PCR
était positive 2 mois après la première
TH ; elle est restée constamment positive
ensuite. La PCR était également posi-
tive dans le tissu hépatique et dans les
selles. En revanche, la recherche d’anti-
corps est restée presque constamment
négative chez cette patiente. La PCR
était négative dans le sérum du mari et
chez le receveur d’un rein provenant
du même donneur (du premier greffon
hépatique). Dans le second cas (maladie
de Wilson), l’infection est apparue 5 ans
après la TH, à la suite d’un voyage aux
Caraïbes. Sept ans après le début de
l’infection et la patiente a été retrans-
plantée pour cirrhose. Aucune autre
cause que l’hépatite E n’a été trouvée.
La PCR du VHE est restée positive
depuis l’infection jusqu’à la retrans-
plantation. Elle s’est négativée ensuite,
puis est restée constamment négative
pendant les 7 années de suivi. Des anti-
corps IgG et IgM étaient présents à titre
élevé pendant toute la durée de l’infec-
tion ; ils ont disparu après la retransplan-
tation et n’ont pas réapparu au cours des
années de suivi.
Dans ces 2 cas, l’hépatite E a persisté
plusieurs années et s’accompagnait
de signes biologiques et histologiques
d’hépatite chronique. La responsabilité
de l’hépatite E dans la cirrhose est très
plausible, dans la mesure où aucune autre
cause d’hépatopathie n’a été trouvée, y
compris sur le foie explanté. Dans le
premier cas, la maladie a récidivé rapi-
dement après retransplantation. Dans
le second cas en revanche, l’infection a
disparu rapidement après retransplanta-
tion et n’a pas réapparu après un suivi
prolongé de 7 ans, suggérant que la
receveuse a nalement pu éradiquer le
VHE. Cette éradication a pu être favo-
risée par une immunosuppression plus
réduite dans le second cas.
Ces deux articles démontrent clairement
que le VHE de génotype 3 peut induire
une hépatite chronique, au moins dans
le contexte d’une immunosuppression,
après transplantation d’organe solide.
L’article néerlandais suggère de plus que
cette hépatite peut induire une cirrhose
sur un greffon hépatique.
La fréquence de l’infection chronique
par le VHE en Europe reste à préciser. Il
reste également à déterminer si la chro-
nicité peut être constatée dans d’autres
situations d’immunosuppression, ou
même chez les sujets immunocom-
pétents. En cas d’hépatite chronique
évolutive, l’effet des modications de
l’immunosuppression et celle d’antivi-
raux doit être évalué.
Y. Calmus, Paris.
Kamar N, Selves J, Mansuy JM et al. Hepatitis E virus
and chronic hepatitis in organ-transplant recipients.
N Engl J Med 2008;358:811-7.
Haagsma EB, van den Berg AP, Porte RJ et al. Chronic
hepatitis E virus infection in liver transplant reci-
pients. Liver Transpl 2008;14:547-53.
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