Le Courrier de la Transplantation - Volume VIII - n
o 2 - avril-mai-juin 2008
92
revue
de pre
très présent dans le sous-continent
indien. Il peut cependant donner des
formes graves, concernant 1 % des cas
environ, notamment chez la femme
enceinte (10 % des cas). En Europe, il
existe des cas sporadiques qui pourraient
reéter l’existence d’une zoonose, dont
le porc serait une source majeure. La
prévalence des IgG anti-VHE est plus
élevée dans le Sud-Ouest que dans le
reste de la France. Entre 2004 et 2006,
la recherche du VHE par PCR en temps
réel a été positive dans 6,5 % des cas
chez 217 patients transplantés, tandis que
des anticorps IgG, détectés en ELISA,
étaient présents dans 13,5 % des cas :
14,5 % des greffés rénaux et 10,4 % des
greffés hépatiques.
Dans les 14 cas d’hépatite aiguë E,
7 étaient asymptomatiques, détectés
en présence d’anomalies biologiques
hépatiques modérées 3 à 4 mois après la
transplantation, et 7 étaients caractérisés
par la fatigue, l’arthralgie, les myalgies,
sans èvre, durant 2 semaines. Aucun
patient n’avait récemment voyagé. Le
diagnostic a reposé sur la présence
de l’ARN viral E dans le sérum des
14 patients, et dans les selles pour les
3 cas testés. La souche était de géno-
type 3 (génotype européen) dans les
12 cas analysables. La biopsie, réalisée
dans 9 cas en période aiguë, montrait des
signes caractéristiques d’hépatite aiguë
non spécique. L’activité et la brose,
en score METAVIR, était respectivement
de 1,3 ± 1,0, et 0,9 ± 0,6. L’infection a
été guérie dans 6 cas, avec une PCR
négative dans le sérum et les selles
dans les 6 mois et pendant une période
de 12 mois au moins. Dans 8 cas, l’infec-
tion a évolué vers la chronicité, avec
persistance des anomalies biologiques
hépatiques et de la PCR pendant 15 mois
en moyenne (extrêmes : 10 à 24 mois).
Dans 6 cas, la biopsie a été refaite après
10 à 18 mois, montrant une aggravation
des lésions, l’activité et la brose passant
à 2,0 ± 1,0, et 1,8 ± 0,8 respectivement,
avec des signes caractéristiques d’hépa-
tite chronique. Les patients ayant évolué
vers la chronicité étaient transplantés
depuis moins longtemps (37,5 mois
versus 78,5 mois), étaient plus leuco-
péniques (4 310 versus 8 850 GB/ul)
et thrombopéniques (155 000 versus
215 000 plaquettes), et avaient une
créatininémie plus basse (1,33 versus
2,15 mg/dl) par rapport aux patients
ayant présenté une infection aiguë réso-
lutive. Il n’y avait, en revanche, aucune
différence de charge virale ou de pic de
transaminases au moment de l’infection
aiguë, ni en termes de traitement immu-
nosuppresseur entre les 2 groupes. Dans
les 2 cas, le traitement immunosuppres-
seur n’a pas été modié et aucun traite-
ment antiviral n’a été mis en place.
L’équipe de Groningen décrit 2 cas d’hé-
patite chronique virale E développée sur
le greffon hépatique et évoluant vers
la cirrhose. Dans le premier cas, les
anomalies biologiques hépatiques sont
apparues 2 mois après une transplan-
tation hépatique (TH) pour cirrhose
virale B. L’origine de l’infection est
restée inconnue. L’histologie montrait
des signes d’hépatite aiguë, sans signe
de rejet. Aucune autre cause d’hépatopa-
thie n’a été trouvée. Les biopsies succes-
sives ont montré des signes d’hépatite
chronique évoluant vers la cirrhose.
La patiente a été retransplantée 7 ans
après la première greffe. L’histologie
du greffon montrait une cirrhose, sans
signe de récidive virale B. La maladie
virale E a récidivé 6 semaines après la
retransplantation et a persisté pendant les
10 mois de suivi, avec des signes d’hépa-
tite lobulaire et portale. L’analyse rétro-
spective des sérums a montré que la PCR
était positive 2 mois après la première
TH ; elle est restée constamment positive
ensuite. La PCR était également posi-
tive dans le tissu hépatique et dans les
selles. En revanche, la recherche d’anti-
corps est restée presque constamment
négative chez cette patiente. La PCR
était négative dans le sérum du mari et
chez le receveur d’un rein provenant
du même donneur (du premier greffon
hépatique). Dans le second cas (maladie
de Wilson), l’infection est apparue 5 ans
après la TH, à la suite d’un voyage aux
Caraïbes. Sept ans après le début de
l’infection et la patiente a été retrans-
plantée pour cirrhose. Aucune autre
cause que l’hépatite E n’a été trouvée.
La PCR du VHE est restée positive
depuis l’infection jusqu’à la retrans-
plantation. Elle s’est négativée ensuite,
puis est restée constamment négative
pendant les 7 années de suivi. Des anti-
corps IgG et IgM étaient présents à titre
élevé pendant toute la durée de l’infec-
tion ; ils ont disparu après la retransplan-
tation et n’ont pas réapparu au cours des
années de suivi.
Dans ces 2 cas, l’hépatite E a persisté
plusieurs années et s’accompagnait
de signes biologiques et histologiques
d’hépatite chronique. La responsabilité
de l’hépatite E dans la cirrhose est très
plausible, dans la mesure où aucune autre
cause d’hépatopathie n’a été trouvée, y
compris sur le foie explanté. Dans le
premier cas, la maladie a récidivé rapi-
dement après retransplantation. Dans
le second cas en revanche, l’infection a
disparu rapidement après retransplanta-
tion et n’a pas réapparu après un suivi
prolongé de 7 ans, suggérant que la
receveuse a nalement pu éradiquer le
VHE. Cette éradication a pu être favo-
risée par une immunosuppression plus
réduite dans le second cas.
Ces deux articles démontrent clairement
que le VHE de génotype 3 peut induire
une hépatite chronique, au moins dans
le contexte d’une immunosuppression,
après transplantation d’organe solide.
L’article néerlandais suggère de plus que
cette hépatite peut induire une cirrhose
sur un greffon hépatique.
La fréquence de l’infection chronique
par le VHE en Europe reste à préciser. Il
reste également à déterminer si la chro-
nicité peut être constatée dans d’autres
situations d’immunosuppression, ou
même chez les sujets immunocom-
pétents. En cas d’hépatite chronique
évolutive, l’effet des modications de
l’immunosuppression et celle d’antivi-
raux doit être évalué.
Y. Calmus, Paris.
Kamar N, Selves J, Mansuy JM et al. Hepatitis E virus
and chronic hepatitis in organ-transplant recipients.
N Engl J Med 2008;358:811-7.
Haagsma EB, van den Berg AP, Porte RJ et al. Chronic
hepatitis E virus infection in liver transplant reci-
pients. Liver Transpl 2008;14:547-53.
CT N°2 2008.indd 92 30/06/08 18:35:28