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Le Courrier de la Tr a n s p l a n t a t i o n - Volume IV - n
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3 - juillet-août-sept. 2004
Éd i t o r i a l
Avec l’essor de la transplantation hépatique,
l’augmentation de la durée de vie des patients
transplantés et un suivi post-transplantation
dépassant maintenant 10 à 15 ans dans de nombreux
centres, le problème de la retransplantation de certains
patients est d’actualité (1, 2). L’indication de retrans-
plantation est variable. Il est important de séparer les
retransplantations urgentes des premières semaines des
retransplantations tardives.
Les retransplantations urgentes dans la première
semaine post-transplantation sont moins fréquentes
qu’auparavant ; en effet, les deux causes de retrans-
plantation urgente sont la non-fonction primaire du
greffon et la thrombose précoce de l’artère hépatique.
La non-fonction primaire du greffon est devenue rare
malgré l’âge plus avancé des donneurs et l’acceptation
de greffons à risque, grâce à l’amélioration des tech-
niques chirurgicales et anesthésiques. La retransplanta-
tion pour thrombose de l’artère hépatique est parfois
nécessaire malgré l’amélioration de techniques chirurgi-
cales, ce qui est dû à l’utilisation de donneurs plus à
risque avec athérome et à l’augmentation du nombre de
greffes à donneurs vivants, pour lesquels le risque de
thrombose artérielle chez le receveur est élevé. Ce
risque potentiel est minimisé par les équipes en raison
du recours à l’échographie doppler en postopératoire
et à la désobstruction chirurgicale précoce en cas de
thrombose en voie de constitution, qui permet parfois
d’éviter la retransplantation.
Le problème aujourd’hui est surtout celui des
retransplantations dites “tardives”. Il y a dix ans, la
cause de ces retransplantations tardives était essen-
tiellement le rejet chronique. Actuellement, les re t r a n s -
plantations pour rejet chronique sont devenues rare s
en raison de l’amélioration de l’efficacité des traitements
anti-rejet (moins de 5 % des transplantations hépatiques
sont compliquées de rejet chronique). La pre m i è re
cause de retransplantation tardive est la récidive de
l’hépatite virale sur le gre ffon. Depuis l’utilisation des
immunoglobulines anti-HBS et des analogues de
nucléosides et nucléotides efficaces dans la pro p h y -
laxie de la récidive virale B, les re t r a n s p l a n t a t i o n s
pour récidive virale B sévère sur le gre ffon sont
r a r e s ( 3 ). De plus, lorsqu’une seconde transplantation
est nécessaire, les résultats sont bons, car la récidive B
sur le second gre f fon peut être prévenue eff i c a c e m e n t .
En revanche, le nombre de défaillances du gre f f o n
par récidive de l’hépatite C est en hausse pour plu-
sieurs raisons : l’hépatite C est la pre m i è re indication
de gre f fe en Europe, la récidive est constante, le
contrôle virologique de l’infection VHC après la trans-
plantation hépatique n’est que de 30 % avec les anti-
viraux actuels, et l’utilisation de gre f fons de donneurs
âgés majore le risque d’évolution vers une fibro s e
s é v è r e, voire une cirrhose (4-6). Le risque d’évolution
vers la cirrhose est de 10 à 30 % à 5 ans et de 25 %
à 40 % à 10 ans. La survie à un an après l’apparition
de la cirrhose sur le gre f fon est de 75 % et chute à
4 5 % après apparition d’un premier épisode de
décompensation (2, 5, 6). Dans ces conditions, un
c e r tain nombre de patients vont décéder ou être
retransplantés à cause de cette récidive virale C. La
question est : “Sommes-nous prêts à envisager la
retransplantation pour cirrhose virale C sur le gre f f o n ,
tenant compte de l’absence de contrôle de l’infection
virale C, des résultats moins bons de la retransplantation
et du pool limité de donneurs ? ”
Avant de re n t rer plus avant dans le débat, il faut rap-
peler les faits. La survie après retransplantation est
d i r ectement liée à l’état général et hépatique du
patient, plus qu’à la cause de la re t r a n s p l a n t a t i o n
( 7 , 8 ) . Ainsi, si un patient est retransplanté au stade de
c i r rhose décompensée avec ictère ou insuff i s a n c e
rénale, s’il est placé en unité de soins intensifs, les
chances de survie à un an post-transplantation sont
i n f é r i e u r es à 50 %, alors que s’il est transplanté à un
stade plus précoce, les chances de survie sont supé-
r i e u r es à 70 %. Le groupe des patients candidats à une
seconde transplantation pour récidive virale C est un
g r oupe particulier par le fait que le VHC dont ils sont
infectés est souvent résistant aux antiviraux, et par la
sévérité de la récidive virale C. Ce groupe de patients
La re t r a n s p l a n t ation hépat i q u e :
une question d’ a c t u a l i t é
D. Samuel*
*Centre hépatobiliaire, hôpital Paul-Brousse, 94800 Villejuif.