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Nous rappelons également que certains
antidépresseurs sont des traitements de
fond des troubles anxieux même en l’ab-
sence de troubles dépressifs et qu’ils peu-
vent être proposés en cas d’usage au long
cours d’hypnotiques ou d’anxiolytiques.
Prévenir les rechutes dépressives
Deux médicaments ont actuellement l’AMM
comme traitement préventif des rechutes
dépressives. Il s’agit de la sertraline et de la
venlafaxine. Leurs profils neurobiologique et
pharmacocinétique semblent relativement
compatibles avec les exigences d’un traite-
ment antidépresseur chez les patients infec-
tés par le VHC.
Les indications de ces traitements sont
l’existence d’antécédents de trois épisodes
dépressifs ou de deux depuis au moins 5
ans, en cas de présence d’antécédents fami-
liaux de troubles maniacodépressifs ou de
dépressions récurrentes, d’âge précoce du
premier épisode (avant 20 ans) ou de deux
épisodes marqués au cours des trois der-
nières années (22).
Notre expérience clinique témoigne d’une
bonne maniabilité et de l’efficacité clinique
de la sertraline. Elle peut être prescrite en
première intention (11). Cet antidépresseur
est relativement bien toléré et a une action
sérotoninergique et dopaminergique.
Les modalités de prescription d’un traite-
ment antidépresseur à visée préventive lors
d’un traitement par interféron sont encore
peu établies et méritent d’être évaluées.
Néanmoins le principe de débuter le traite-
ment deux semaines avant le début d’un
traitement antiviral, de le maintenir pen-
dant et de le prolonger après l’arrêt du trai-
tement antiviral en fonction de l’état affec-
tif (6 mois après rémission des troubles
affectifs) paraît raisonnable.
En cas de troubles maniaques
L’apparition d’un véritable syndrome
maniaque signe souvent l’existence de
troubles affectifs rentrant dans le spectre
de la maladie maniaco-dépressive et demande
que l’on réfléchisse à sa prévention par un
traitement régulateur de l’humeur et une
prise en charge psychiatrique.
Le lithium est le traitement thymorégula-
teur de première intention. Il possède une
activité préventive des risques suicidaires,
indépendante de son action antidépressive,
ainsi qu’une bonne tolérance hépatique et
une pharmacocinétique tout à fait adaptées
à la situation clinique. Il reste néanmoins
d’un maniement difficile.
Toutefois, de nouvelles molécules comme
l’oxcarbazépine ou l’olanzapine peuvent
être intéressantes lorsque les risques d’in-
teractions pharmacocinétiques ont été véri-
fiés (21).
Les agitations maniaques peuvent être amen-
dées par des traitements neuoleptiques ou
antipsychotiques comme la loxapine, le
zuclopenthixol ou l’olanzapine.
L’amisulpride n’est pas “anti-maniaque” et
régulateur de l’humeur. Si ces molécules
sont contre-indiquées, des benzodiazépines
comme le clonazépam ou le lorazépam
sont efficaces. L’arrêt des antidépresseurs
est également conseillé.
Maintenir l’identité
Il est primordial de maintenir le plus long-
temps possible une identité sociale, familiale
et professionnelle, ainsi qu’un style de vie
proche de celui que connaissait le patient
avant la maladie. L’isolement et la dépen-
dance, au sens large, sont en effet deux fac-
teurs de risque majeurs d’apparition de
troubles affectifs. Afin d’aider le patient à
supporter les effets handicapants qui accom-
pagnent sa maladie ou son traitement, il est
important de lui laisser le choix de ses orien-
tations, car il sera le plus à même d’évaluer
les meilleurs moments et moyens pour
affronter socialement sa situation. Il est éga-
lement important de réussir à faire naître
avec lui des bénéfices secondaires affectifs,
sociaux et familiaux qu’il faudra bien sûr
travailler en fin de traitement.
Conclusion
L’évaluation psychiatrique éclairée doit
faire partie intégrante du bilan préthérapeu-
tique d’un patient chez qui se pose l’indi-
cation d’un traitement antiviral pour une
hépatite C chronique.
Tout service prescripteur de traitement
antiviral chez les patients infectés par le
VHC devrait être dans l’obligation d’orga-
niser et d’offrir un soin psychiatrique. La
psychiatrie publique devrait être en devoir
de s’intéresser à un tel projet ainsi que d’y
répondre dynamiquement.
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