Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o2 - avril-mai-juin 2002
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DOSSIER
thématique
fréquemment chez ces malades des
asynchronismes électriques et méca-
niques du cœur gauche et droit. Dans des
cas cliniques récents, la cardiomyoplas-
tie a été associée à la mise en place d’un
défibrillateur implantable ou à une sti-
mulation biventriculaire (stimulation
multisite). Les résultats obtenus, très
positifs, permettent de prévoir une
expansion importante de cette associa-
tion thérapeutique.
AORTOMYOPLASTIE
L’aortomyoplastie consiste à envelopper
le muscle grand dorsal droit autour de
l’aorte ascendante ou le muscle grand
dorsal gauche autour de l’aorte descen-
dante, en réalisant une contraction mus-
culaire pendant la diastole (figure 1B).
Le but de l’aortomyoplastie est de trans-
former l’aorte ascendante ou descendante
en une nouvelle cavité qui soit contrac-
tile et hémocompatible. Cette technique
produit une contrepulsion diastolique
biologique sans endommager la paroi
aortique. Le but de l’aortomyoplastie est
de reproduire chroniquement les effets
d’une contrepulsion par ballon intra-
aortique, à savoir :
#diminution de la postcharge du ventri-
cule gauche ;
#augmentation de la pression de perfu-
sion coronaire, avec augmentation de
l’apport en oxygène au myocarde.
Lorsque l’aorte est de petit diamètre, il
est possible de l’élargir avec une pièce
de péricarde autologue, et d’augmenter
ainsi le volume de ce néoventricule. La
dissection, la mobilisation du muscle
grand dorsal, l’implantation d’électrodes
de stimulation et son transfert à l’inté-
rieur de la cavité thoracique sont réali-
sés selon le même protocole que celui de
la cardiomyoplastie. En revanche, la pro-
grammation du cardiomyostimulateur
est particulière, de manière à assurer une
électrostimulation du muscle grand dor-
sal permettant la compression diasto-
lique de l’aorte. Cette programmation
permet également une inhibition transi-
toire de la stimulation musculaire en
présence d’extrasystoles ventriculaires
(8, 9).
Expérience clinique internationale
Trente-neuf patients, d’âge moyen 54
±7ans, ont fait l’objet d’une aortomyo-
plastie élective : quatre patients à l’hôpi-
tal Broussais, quatre à Marseille (hôpital
La Timone), trois à Londres, seize à
Djedda (Arabie saoudite), dix à Buenos
Aires (Argentine), un à La Corogne
(Espagne) et un au Caire (Égypte).
Après un suivi moyen de 19 mois, l’éva-
luation de la classe fonctionnelle
(NYHA) montre une amélioration signi-
ficative, passant de 3,6 en préopératoire
à 2,2 en postopératoire (p < 0,05). Des
questionnaires concernant la qualité de
vie ont montré, pour la plupart des
patients, une amélioration de l’activité
physique, de la performance au travail et
des activités sociales. Parallèlement, des
études hémodynamiques, ainsi que
l’échographie doppler, ont mis en évi-
dence la compression diastolique de
l’aorte et une augmentation de la pression
diastolique lors de l’électrostimulation du
muscle grand dorsal.
Une expérience clinique à plus long
terme ainsi qu’un nombre plus important
de malades semblent nécessaires afin de
définir la place de l’aortomyoplastie dans
le traitement de l’insuffisance cardiaque
sévère.
Un des avantages de l’aortomyoplastie
dynamique réside dans le fait qu’elle est
réalisée sans manipulation du cœur, sans
clampage aortique total et sans circula-
tion extracorporelle, situation d’extrême
importance chez des malades en insuffi-
sance cardiaque sévère, souvent très
instables.
NÉOVENTRICULE MUSCULAIRE
Une autre approche consiste à construire
des ventricules biologiques en associant
une poche en silicone ou en péricarde,
recouverte par le muscle grand dorsal
pédiculé. Ce néoventricule est anasto-
mosé à l’aorte et électrostimulé en contre-
pulsion (figure 1C). Plusieurs études
expérimentales utilisant ce dispositif
d’assistance circulatoire biologique ont
été réalisées (22).
CARDIOMYOPLASTIE CELLULAIRE
Le développement de la biologie cellu-
laire et moléculaire permet d’envisager
de nouvelles stratégies thérapeutiques des
maladies du myocarde. L’objectif de la
cardiomyoplastie cellulaire est d’obtenir
une réparation du myocarde lésé par
l’injection de cellules myogéniques
issues du même malade (autologues), afin
de restaurer la contractilité ventriculaire
(23).
Il faut tenir compte de ce que les cardio-
myocytes, passé les stades fœtaux du
développement, perdent leur faculté
de prolifération. Une lésion d’infarctus
myocardique ne peut donc se réparer par
la prolifération des cardiomyocytes
adultes, car le nombre de cellules souches
myocardiques est très limité (24). Le
concept de cardiomyoplastie cellulaire
repose ainsi sur un apport de cellules exo-
gènes myogéniques dans le myocarde
pour suppléer aux cardiomyocytes
disparus ou altérés.
Les différentes voies de thérapie cellulaire
comme traitement de l’insuffisance car-
diaque consistent en l’implantation à l’in-
térieur du muscle cardiaque de différents
types cellulaires cultivés in vitro pendant
trois semaines : myoblastes squelettiques
autologues, cardiomyocytes fœtaux,
cellules musculaires lisses ou cellules
souches de moelle osseuse (25-31).
Notre équipe travaille depuis 1996 dans
la cardiomyoplastie cellulaire. Sous le
patronage de l’Union européenne, des
études expérimentales sont en cours de
réalisation, avec des résultats très pro-
metteurs (contrat de la Commission
européenne [ERBFM]). Des myo-
blastes prélevés des muscles squelet-
tiques sont cultivés et ensuite injectés
dans le myocarde pathologique du
même individu. Ce traitement entraîne
un processus de régénération capable
de rendre réversible la fibrose myocar-
dique survenue lors d’un infarctus du
myocarde, réduisant ainsi la taille de la
cicatrice post-infarctus. L’élasticité
myocardique, la compliance et la
contractilité régionale du ventricule
sont améliorées.