P oint G. Fontaine*, J.L. Hébert**, P. Fornes***, J.C. Chachques*** de vue ! À propos des nouveaux traitements de l’insuffisance cardiaque L’insuffisance cardiaque est un problème LES MÉDICAMENTS de plus en plus fréquemment rencontré dans les pays industrialisés, du fait du vieillissement de la population, dû aux progrès réalisés dans la prise en charge des autres pathologies (1). À côté des mécanismes classiquement reconnus dans la genèse de l’insuffisance cardiaque, la transformation adipeuse (non dysplasique) du ventricule droit, présente dans plus de 50 % des cas de l’espèce humaine, et qui était considérée jusqu’à présent comme une variante de la normale, a pu être incriminée récemment comme cause d’insuffisance cardiaque (2, 3). L’usage de nouveaux agents pharmacodynamiques dans le traitement de l’insuffisance cardiaque met en œuvre, en particulier, une nouvelle classe de médicaments, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, qui sont, à l’heure actuelle, entrés dans la pratique courante (4). Plus récente a été la démonstration de l’efficacité à long terme des bêtabloquants, confirmée pour au moins deux d’entre eux, le métoprolol et le bisoprolol (5, 6). D’autre part, l’arrivée d’un bêtabloquant agissant sur les deux axes, cardiaque et périphérique, et ayant sur l’axe périphérique des fonctions alpha-inhibitrices permettant d’améliorer le débit cardiaque en diminuant les résistances périphériques a donné, même à court terme, des résultats spectaculaires (7). Les diurétiques comme les thiazidiques ou le furosémide associés à la spironolactone à dose faible peuvent diminuer l’étirement mécanique des fibres, favorisé par l’augmentation du retour veineux vers l’oreillette droite puis le ventricule droit, qui va augmenter la surcharge volumique du ventricule gauche. Il faut noter que la pression du ventricule droit reste le plus souvent normale et que l’hypertension pulmonaire est devenue exceptionnelle. Dans le domaine pharmacodynamique, l’utilisation des médicaments a été optimisée grâce à de grands essais cliniques multicentriques randomisés, tant en ce qui concerne le choix des différentes classes de médicaments en fonction des situations cliniques précises qu’en ce qui concerne leur association et les doses administrées. En outre, de nouvelles approches thérapeutiques de l’insuffisance cardiaque sont maintenant disponibles. Elles font appel à des méthodes nouvelles, dont certaines sont controversées. * Hôpital Jean-Rostand, 94200 Ivry-sur-Seine. ** Service d’explorations fonctionnelles cardiorespiratoires, hôpital de Bicêtre, 94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex. *** Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital européen Georges-Pompidou, 75015 Paris. LES PACEMAKERS L’utilisation des pacemakers a démontré son efficacité pour resynchroniser le cœur, impliquant à la fois la séquence auriculo-ventriculaire et l’activation du myocarde lui-même. a La resynchronisation atrio-ventriculaire est réalisable par la stimulation double chambre, atriale puis ventriculaire. Cela fait appel à des pacemakers spéciaux reliés à deux sondes endocavitaires placées dans l’oreillette et le ventricule droits. Cette stimulation double chambre est particulièrement indiquée lorsqu’il existe un trouble de la conduction auriculo-ventriculaire, ou un élargissement de l’intervalle PR supérieur à 220 ms. b La resynchronisation ventriculaire est possible grâce à la stimulation multisite, qui permet de corriger un retard d’activation des deux ventricules dû soit à un trouble de conduction au niveau des branches du faisceau de His, soit à des troubles de conduction pariétaux. On resynchronise alors les ventricules en plaçant deux sondes, l’une dans le ventricule droit et l’autre dans une branche distale de la grande veine coronaire abordée par le sinus coronaire, à partir de l’oreillette droite. Cela a été grandement facilité par la réalisation de sondes spéciales de faible taille et d’angulation judicieuse, qui permettent d’effectuer une stimulation épicardique ventriculaire gauche (8). Ce type de stimulation est indiqué lorsque la désynchronisation ventriculaire se manifeste par une durée de QRS supérieure à 150 ms. Il est évidemment possible de combiner ces deux fonctions, c’est-à-dire de resynchroniser la séquence atrio-ventriculaire et d’effectuer une stimulation multisite ventriculaire. Enfin, une nouvelle technique vient de voir le jour. Elle consiste à prolonger la forme du potentiel d’action par un mode de stimulation spécial effectué en période réfractaire. 82 Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o 2 - juillet-août-septembre 2001 P oint de vue LA CHIRURGIE cardiomyocytes par microscopie électronique, par immuno-histochimie et par analyse de l’ADN. Il a ainsi été démontré que des cellules myocardiques adultes sont susceptibles d’être manipulées biologiquement et de générer un substrat cardiomyocytaire qui pourrait être utilisé pour des techniques de cardiomyoplasties cellulaires (14). La résection segmentaire du ventricule gauche Sur le plan chirurgical, la résection segmentaire du myocarde a été tentée. Elle a fourni dans quelques cas des résultats intéressants, y compris à long terme, mais il est souvent difficile de prévoir quels sont les malades qui peuvent en bénéficier. C’est pourquoi cette technique a tendance à être de moins en moins utilisée actuellement (9). Cependant, on peut penser que la vascularisation de ces cellules placées dans des zones ischémiques nécessiterait également la présence de facteurs de l’angiogenèse de façon à pouvoir assurer leur viabilité à long terme. La cardiomyoplastie cellulaire Des méthodes expérimentales préliminaires ont montré que l’injection de cellules myocardiques dans l’épaisseur du myocarde à proximité des zones altérées (10, 11) entraîne une amélioration fonctionnelle à court terme. La cardiomyoplastie dynamique La cardiomyoplastie dynamique est une technique chirurgicale consistant à prélever l’insertion inférieure du muscle grand dorsal et à l’amener à envelopper le cœur après l’avoir fait pénétrer dans le thorax avec son pédicule vasculo-nerveux à travers une fenêtre costale. Environ 500 patients ont bénéficié d’une cardiomyoplastie dynamique dans le monde et, en particulier, 112 patients ont été opérés à l’hôpital Broussais à partir de 1985 (15). Dans le laboratoire d’étude des greffes et prothèses cardiaques de l’hôpital Broussais (Paris), il a été démontré que l’implantation de myoblastes a permis une récupération de la contractilité myocardique dans un modèle expérimental d’akinésie ventriculaire. Des myoblastes viables ont été observés deux mois après implantation ventriculaire. L’échocardiographie avec Color Kinesis, technique basée sur la quantification acoustique, a permis de mesurer l’amélioration de la contractilité segmentaire ventriculaire après thérapie cellulaire (10). Le grand dorsal peut être fixé sur le cœur, selon deux techniques. La première consiste à le fixer au niveau du bord gauche du ventricule gauche ; elle est principalement employée pour corriger l’insuffisance cardiaque dans les cardiomyopathies idiopathiques dilatées ou ischémiques, avec des résultats dont la qualité s’est améliorée avec le temps. Plus récemment, on s’est rendu compte que la même technique pouvait être appliquée au ventricule droit : dans cette variante, le muscle grand dorsal est fixé sur le diaphragme (cardiomyoplastie antérieure). Elle semble avoir des résultats à long terme particulièrement intéressants dans les insuffisances ventriculaires droites sévères associées à une insuffisance ventriculaire gauche (16). Une approche similaire, tentée récemment en France chez l’homme, a consisté à prélever des cellules souches au niveau du muscle squelettique de la jambe et, après avoir procédé à leur multiplication in vitro, à les injecter directement dans le myocarde en bordure de zones d’infarctus cicatrisé (12). De nombreuses étapes sont encore nécessaires pour confirmer que la conduction électrique intercellulaire, reproduisant l’activation normale de cellule à cellule, peut se trouver rétablie dans les suites d’une telle technique. D’autre part, la qualité de la fixation et de l’orientation de ces cellules sur le myocarde résiduel reste à préciser. La myoplastie aortique, “aortomyoplastie”, consiste à envelopper la racine de l’aorte ou l’aorte descendante proximale avec le muscle grand dorsal. La stimulation du grand dorsal permet d’aider à la progression du volume d’éjection vers la périphérie (17-19). En effet, lorsque le muscle grand dorsal s’enrobe autour de la totalité du cœur, et particulièrement du ventricule gauche, la contraction supplémentaire induite par l’activation du grand dorsal est très limitée et n’a que peu d’effet sur un ventricule très dilaté. En revanche, l’enveloppement de la racine de l’aorte par le grand dorsal va exercer, non plus pendant la systole mais pendant la diastole, l’équivalent d’une contre-pulsion aortique diastolique extramurale, hémodynamiquement plus efficace. La technique pratiquée à l’université de Washington consiste à prendre des cellules de cœur de souriceaux nouveau-nés, à les séparer les unes des autres par des protéases spécifiques, puis à les mettre en culture sur un film de cellophane. Lorsque celuici est soumis à des mouvements d’étirement rythmés, les cellules en culture ont tendance à s’agréger et à développer entre elles des jonctions communicantes du type connexine C43. Cependant, le mode d’expression de ces protéines peut aussi engendrer des effets arythmogènes (13). Une autre approche, pratiquée à Harvard, consiste à prendre des cellules au niveau de l’auricule au cours d’interventions de chirurgie cardiaque et, après les avoir dissociées, à les faire se reproduire sur un tapis de myocytes de rats, puis à faire se développer des phénomènes de croissance et d’hypertrophie, qui peuvent conduire à la création d’un modèle tissulaire tridimensionnel. On a pu vérifier ensuite la qualité de ces Quel que soit le point d’insertion final du grand dorsal, toutes ces méthodes de myoplastie dynamique font appel à un stimulateur d’un type particulier, qui va être synchronisé sur les ventricules et va ainsi activer le muscle grand dorsal, en général au rythme d’un battement sur deux, en envoyant une série d’impulsions très rapprochées au niveau de l’électrode en forme de 83 Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o 2 - juillet-août-septembre 2001 P oint de vue fil qui traverse le muscle squelettique. Le préconditionnement du muscle avant sa transposition par des exercices programmés permet de raccourcir le temps d’adaptation métabolique du muscle squelettique à sa nouvelle fonction. 3. Fontaine G, Fornes P, Fontaliran F. Fat dissociation syndrome (FDS) versus arrhythmogenic right ventricular dysplasia (ARVD) (abstract). J Heart Dis 2001 ; 2 : 93. 4. Coirault C, Hagege A, Chemla D, Fratacci MD, Guerot C, Lecarpentier Y. Angiotensin-converting enzyme inhibitor therapy improves respiratory muscle strength in patients with heart failure. Chest 2001 ; 119 : 1755-60. CONCLUSION 5. Reduced costs with bisoprolol treatment for heart failure : an economic analysis of the Second Cardiac Insufficiency Bisoprolol Study (CIBIS-II). Eur Heart J 2001 ; 22 : 1021-31. Des progrès considérables ont donc été accomplis au cours de ces dernières années dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique, permettant de diminuer de façon nette le nombre des transplantations cardiaques, ce qui est opportun à un moment où le manque de greffons devient de plus en plus critique. Force est de reconnaître qu’en dépit de ces progrès, l’insuffisance cardiaque reste une cause importante de mortalité, et qu’un certain nombre de questions restent à résoudre. Il en résulte que la recherche doit être poursuivie tant dans le domaine des mécanismes de l’insuffisance cardiaque que dans celui de l’évaluation des nouvelles thérapeutiques. 6. Bouzamondo A, Hulot JS, Sanchez P, Cucherat M, Lechat P. Beta-blocker treatment in heart failure. Fundamental & Clin Pharmacol 2001 ; 15 : 95-109. 7. Packer M, Coats AJ, Fowler MB et al. Effect of carvedilol on survival in severe chronic heart failure. N Engl J Med 2001 ; 344 : 1651-8. 8. Cazeau S, Leclercq JF, Lavergne T et al. Effects of multisite biventricular pacing in patients with heart failure and intraventricular conduction delay. N Engl J Med 2001 ; 344 : 873-80. 9. Bhat G, Dowling RD. Evaluation of predictors of clinical outcome after partial left ventriculectomy. Ann Thorac Surg 2001 ; 72 : 91-5. 10. Rajnoch C, Chachques JC, Berrebi A, Bruneval P, Benoit MO, Carpentier A. Cellular therapy reverses myocardial dysfunction. J Thorac Cardiovasc Surg 2001 ; 121 : 835-6. En ce qui concerne le premier, le rôle parfois crucial du ventricule droit dans le développement de l’insuffisance cardiaque, pour citer cet exemple, est devenu l’objet d’une attention particulière. Il est maintenant bien établi qu’en cas d’altération importante de la fonction systolique du ventricule gauche, la qualité du ventricule droit est le principal déterminant du pronostic (20). La survenue d’une insuffisance cardiaque droite dans les suites d’une transplantation cardiaque est le plus souvent rapportée à une hypertension artérielle pulmonaire. Dans certains cas, elle peut être due à la perte de fonction contractile du ventricule droit lorsque la quantité de graisse dissociant sa paroi devient importante, comme cela a été vérifié récemment dans l’un de nos cas particulièrement clair. 11. Atkins BZ, Hueman MT, Meuchel JM, Cottman MJ, Hutcheson KA, Taylor DA. Myogenic cell transplantation improves in vivo regional performance in infarcted rabbit myocardium. J Heart Lung Transplant 1999 ; 18 : 1173-80. 12. Hagege A, Menasche P. Cellular cardiomyoplasty : a new hope in heart failure ? Heart 2000 ; 84 : 465-6. 13. Zhuang J, Yamada KA, Saffitz JE, Kleber AG. Pulsatile stretch remodels cellto-cell communication in cultured myocytes. Circ Res 2000 ; 87 : 316-22. 14. Birjiniuk V, Whitehead S, Schneider JW. Growth of new beating adult human myocardium in vitro : potential cardiomyoplasty (abstract). J Heart Dis 2001 ; 2 : 67. 15. Chachques JC, Berrebi A, Hernigou A et al. Study of muscular and ventricular function in dynamic cardiomyoplasty : a ten-year follow-up. J Heart Lung Transplant 1997 ; 16 : 854-68. Dans tous les cas, l’évaluation de ces nouvelles thérapeutiques, dont certaines sont controversées, doit être poursuivie avec un souci de rigueur dans l’analyse des résultats, aussi bien en ce qui concerne les médicaments que les appareils implantables ou leur association. Cette évaluation doit donc se baser sur des critères précis, associés à des tests statistiques portant sur des populations significatives et tenant compte de la survenue des complications sur une période de " temps suffisante (21). 16. Fontaine G, Chachques JC, Argyriadis P et al. Traitement de l’insuffisance ventriculaire droite par cardiomyoplastie. J Chir Thorac Cardiovasc 2001 ; 5 : 143-8. 17. Trainini J, Barisani JC, Cabrera Fischer EI, Chada S, Christen AI, Elencwajg B. Chronic aortic counterpulsation with latissimus dorsi in heart failure : clinical follow-up. J Heart Lung Transplant 1999 ; 18 : 1120-5. 18. Mesana TG, Mouly-Bandini A, Ferzoco SJ et al. Dynamic aortomyoplasty : clinical experience and thoracoscopic surgery feasibility study. J Card Surg 1998 ; 13 : 60-9. 19. Chachques JC, Radermercker M, Tolan MJ, Cabrera Fischer EI, Grandjean P, Carpentier A. Aortomyoplasty counterpulsation : experimental results and early clinical experience. Ann Thorac Surg 1996 ; 61 : 420-5. R É F É R E N C E S 20. Juilliere Y, Barbier G, Feldmann L, Grentzinger A, Danchin N, Cherrier F. Additional predictive value of both left and right ventricular ejection fractions on long-term survival in idiopathic dilated cardiomyopathy. Eur Heart J 1997 ; 18 : 276-80. B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. McLaughlin MA. The aging heart. State-of-the-art prevention and management of cardiac disease. Geriatrics 2001 ; 56 : 45-9. 21. Packer M. Proposal for a new clinical end point to evaluate the efficacy of 2. Fontaine G, Fontaliran F, Zenati O et al. Fat in the heart. A feature unique to drugs and devices in the treatment of chronic heart failure. J Card Fail 2001 ; 7 : 176-82. the human species ? Acta Cardiol 1999 ; 54 : 189-94. 84 Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o 2 - juillet-août-septembre 2001