A propos des nouveaux traitements de l insuffisance cardiaque

Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o2 - juillet-août-septembre 2001
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Point
LES MÉDICAMENTS
L’usage de nouveaux agents pharmacodynamiques dans le traitement de
l’insuffisance cardiaque met en œuvre, en particulier, une nouvelle classe de
médicaments, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, qui sont, à l’heure
actuelle, entrés dans la pratique courante (4). Plus récente a été la démonstra-
tion de l’efficacité à long terme des bêtabloquants, confirmée pour au moins
deux d’entre eux, le métoprolol et le bisoprolol (5, 6). D’autre part, l’arrivée
d’un bêtabloquant agissant sur les deux axes, cardiaque et périphérique, et ayant
sur l’axe périphérique des fonctions alpha-inhibitrices permettant d’améliorer
le débit cardiaque en diminuant les résistances périphériques a donné, même
à court terme, des résultats spectaculaires (7). Les diurétiques comme les thia-
zidiques ou le furosémide associés à la spironolactone à dose faible peuvent
diminuer l’étirement mécanique des fibres, favorisé par l’augmentation
du retour veineux vers l’oreillette droite puis le ventricule droit, qui va
augmenter la surcharge volumique du ventricule gauche. Il faut noter que la
pression du ventricule droit reste le plus souvent normale et que l’hyperten-
sion pulmonaire est devenue exceptionnelle.
LES PACEMAKERS
L’utilisation des pacemakers a démontré son efficacité pour resynchroniser le
cœur, impliquant à la fois la séquence auriculo-ventriculaire et l’activation du
myocarde lui-même.
aLa resynchronisation atrio-ventriculaire est réalisable par la stimulation
double chambre, atriale puis ventriculaire. Cela fait appel à des pacemakers
spéciaux reliés à deux sondes endocavitaires placées dans l’oreillette et le
ventricule droits. Cette stimulation double chambre est particulièrement
indiquée lorsqu’il existe un trouble de la conduction auriculo-ventriculaire, ou
un élargissement de l’intervalle PR supérieur à 220 ms.
bLa resynchronisation ventriculaire est possible grâce à la stimulation mul-
tisite, qui permet de corriger un retard d’activation des deux ventricules dû soit
à un trouble de conduction au niveau des branches du faisceau de His, soit à
des troubles de conduction pariétaux. On resynchronise alors les ventricules
en plaçant deux sondes, l’une dans le ventricule droit et l’autre dans une branche
distale de la grande veine coronaire abordée par le sinus coronaire, à partir de
l’oreillette droite. Cela a été grandement facilité par la réalisation de sondes
spéciales de faible taille et d’angulation judicieuse, qui permettent d’effectuer
une stimulation épicardique ventriculaire gauche (8). Ce type de stimulation
est indiqué lorsque la désynchronisation ventriculaire se manifeste par une
durée de QRS supérieure à 150 ms.
Il est évidemment possible de combiner ces deux fonctions, c’est-à-dire de
resynchroniser la séquence atrio-ventriculaire et d’effectuer une stimulation
multisite ventriculaire. Enfin, une nouvelle technique vient de voir le jour. Elle
consiste à prolonger la forme du potentiel d’action par un mode de stimulation
spécial effectué en période réfractaire.
!G. Fontaine*, J.L. Hébert**,
P. F ornes***, J.C. Chachques***
* Hôpital Jean-Rostand, 94200 Ivry-sur-Seine.
** Service d’explorations fonctionnelles cardiorespiratoires,
hôpital de Bicêtre, 94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex.
*** Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital européen
Georges-Pompidou, 75015 Paris.
À propos des nouveaux traitements
de l’insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque est un problème
de plus en plus fréquemment rencontré
dans les pays industrialisés,
du fait du vieillissement de la population,
dû aux progrès réalisés dans la prise
en charge des autres pathologies (1).
À côté des mécanismes classiquement
reconnus dans la genèse de l’insuffisance
cardiaque, la transformation adipeuse
(non dysplasique) du ventricule droit,
présente dans plus de 50 % des cas
de l’espèce humaine, et qui était considérée
jusqu’à présent comme une variante
de la normale, a pu être incriminée
récemment comme cause d’insuffisance
cardiaque (2, 3).
Dans le domaine pharmacodynamique,
l’utilisation des médicaments
a été optimisée grâce à de grands essais
cliniques multicentriques randomisés,
tant en ce qui concerne le choix
des différentes classes de médicaments
en fonction des situations cliniques précises
qu’en ce qui concerne leur association
et les doses administrées.
En outre, de nouvelles approches
thérapeutiques de l’insuffisance cardiaque
sont maintenant disponibles.
Elles font appel à des méthodes nouvelles,
dont certaines sont controversées.
de vue
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Point
de vue
LA CHIRURGIE
La résection segmentaire du ventricule gauche
Sur le plan chirurgical, la résection segmentaire du myocarde
a été tentée. Elle a fourni dans quelques cas des résultats inté-
ressants, y compris à long terme, mais il est souvent difficile
de prévoir quels sont les malades qui peuvent en bénéficier.
C’est pourquoi cette technique a tendance à être de moins en
moins utilisée actuellement (9).
La cardiomyoplastie cellulaire
Des méthodes expérimentales préliminaires ont montré que
l’injection de cellules myocardiques dans l’épaisseur du myo-
carde à proximité des zones altérées (10, 11) entraîne une amé-
lioration fonctionnelle à court terme.
Dans le laboratoire d’étude des greffes et prothèses cardiaques
de l’hôpital Broussais (Paris), il a été démontré que l’implan-
tation de myoblastes a permis une récupération de la contrac-
tilité myocardique dans un modèle expérimental d’akinésie ven-
triculaire. Des myoblastes viables ont été observés deux mois
après implantation ventriculaire. L’échocardiographie avec
Color Kinesis, technique basée sur la quantification acoustique,
a permis de mesurer l’amélioration de la contractilité segmen-
taire ventriculaire après thérapie cellulaire (10).
Une approche similaire, tentée récemment en France chez
l’homme, a consisté à prélever des cellules souches au niveau
du muscle squelettique de la jambe et, après avoir procédé à
leur multiplication in vitro, à les injecter directement dans le
myocarde en bordure de zones d’infarctus cicatrisé (12). De
nombreuses étapes sont encore nécessaires pour confirmer que
la conduction électrique intercellulaire, reproduisant l’activa-
tion normale de cellule à cellule, peut se trouver rétablie dans
les suites d’une telle technique. D’autre part, la qualité de
la fixation et de l’orientation de ces cellules sur le myocarde
résiduel reste à préciser.
La technique pratiquée à l’université de Washington consiste à
prendre des cellules de cœur de souriceaux nouveau-nés, à les
séparer les unes des autres par des protéases spécifiques, puis
à les mettre en culture sur un film de cellophane. Lorsque celui-
ci est soumis à des mouvements d’étirement rythmés, les cel-
lules en culture ont tendance à s’agréger et à développer entre
elles des jonctions communicantes du type connexine C43.
Cependant, le mode d’expression de ces protéines peut aussi
engendrer des effets arythmogènes (13).
Une autre approche, pratiquée à Harvard, consiste à prendre
des cellules au niveau de l’auricule au cours d’interventions de
chirurgie cardiaque et, après les avoir dissociées, à les faire se
reproduire sur un tapis de myocytes de rats, puis à faire se déve-
lopper des phénomènes de croissance et d’hypertrophie, qui
peuvent conduire à la création d’un modèle tissulaire
tridimensionnel. On a pu vérifier ensuite la qualité de ces
cardiomyocytes par microscopie électronique, par immuno-his-
tochimie et par analyse de l’ADN. Il a ainsi été démontré que
des cellules myocardiques adultes sont susceptibles d’être
manipulées biologiquement et de générer un substrat cardio-
myocytaire qui pourrait être utilisé pour des techniques de
cardiomyoplasties cellulaires (14).
Cependant, on peut penser que la vascularisation de ces
cellules placées dans des zones ischémiques nécessiterait
également la présence de facteurs de l’angiogenèse de façon à
pouvoir assurer leur viabilité à long terme.
La cardiomyoplastie dynamique
La cardiomyoplastie dynamique est une technique chirurgicale
consistant à prélever l’insertion inférieure du muscle grand dor-
sal et à l’amener à envelopper le cœur après l’avoir fait péné-
trer dans le thorax avec son pédicule vasculo-nerveux à travers
une fenêtre costale. Environ 500 patients ont bénéficié d’une
cardiomyoplastie dynamique dans le monde et, en particulier,
112 patients ont été opérés à l’hôpital Broussais à partir de 1985
(15).
Le grand dorsal peut être fixé sur le cœur, selon deux tech-
niques. La première consiste à le fixer au niveau du bord gauche
du ventricule gauche ; elle est principalement employée pour
corriger l’insuffisance cardiaque dans les cardiomyopathies
idiopathiques dilatées ou ischémiques, avec des résultats dont
la qualité s’est améliorée avec le temps. Plus récemment, on
s’est rendu compte que la même technique pouvait être appli-
quée au ventricule droit : dans cette variante, le muscle grand
dorsal est fixé sur le diaphragme (cardiomyoplastie antérieure).
Elle semble avoir des résultats à long terme particulièrement
intéressants dans les insuffisances ventriculaires droites sévères
associées à une insuffisance ventriculaire gauche (16).
La myoplastie aortique, “aortomyoplastie”, consiste à enve-
lopper la racine de l’aorte ou l’aorte descendante proximale
avec le muscle grand dorsal. La stimulation du grand dorsal
permet d’aider à la progression du volume d’éjection vers la
périphérie (17-19). En effet, lorsque le muscle grand dorsal
s’enrobe autour de la totalité du cœur, et particulièrement du
ventricule gauche, la contraction supplémentaire induite par
l’activation du grand dorsal est très limitée et n’a que peu d’ef-
fet sur un ventricule très dilaté. En revanche, l’enveloppement
de la racine de l’aorte par le grand dorsal va exercer, non plus
pendant la systole mais pendant la diastole, l’équivalent d’une
contre-pulsion aortique diastolique extramurale, hémodyna-
miquement plus efficace.
Quel que soit le point d’insertion final du grand dorsal, toutes
ces méthodes de myoplastie dynamique font appel à un stimu-
lateur d’un type particulier, qui va être synchronisé sur les ven-
tricules et va ainsi activer le muscle grand dorsal, en général au
rythme d’un battement sur deux, en envoyant une série d’im-
pulsions très rapprochées au niveau de l’électrode en forme de
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Point
de vue
fil qui traverse le muscle squelettique. Le préconditionnement
du muscle avant sa transposition par des exercices programmés
permet de raccourcir le temps d’adaptation métabolique du
muscle squelettique à sa nouvelle fonction.
CONCLUSION
Des progrès considérables ont donc été accomplis au cours
de ces dernières années dans le traitement de l’insuffisance
cardiaque chronique, permettant de diminuer de façon nette
le nombre des transplantations cardiaques, ce qui est oppor-
tun à un moment où le manque de greffons devient de plus
en plus critique. Force est de reconnaître qu’en dépit de ces
progrès, l’insuffisance cardiaque reste une cause importante
de mortalité, et qu’un certain nombre de questions restent à
résoudre. Il en résulte que la recherche doit être poursuivie
tant dans le domaine des mécanismes de l’insuffisance
cardiaque que dans celui de l’évaluation des nouvelles
thérapeutiques.
En ce qui concerne le premier, le rôle parfois crucial du ven-
tricule droit dans le développement de l’insuffisance car-
diaque, pour citer cet exemple, est devenu l’objet d’une atten-
tion particulière. Il est maintenant bien établi qu’en cas
d’altération importante de la fonction systolique du ventricule
gauche, la qualité du ventricule droit est le principal déter-
minant du pronostic (20). La survenue d’une insuffisance car-
diaque droite dans les suites d’une transplantation cardiaque
est le plus souvent rapportée à une hypertension artérielle pul-
monaire. Dans certains cas, elle peut être due à la perte de
fonction contractile du ventricule droit lorsque la quantité de
graisse dissociant sa paroi devient importante, comme cela a
été vérifié récemment dans l’un de nos cas particulièrement
clair.
Dans tous les cas, l’évaluation de ces nouvelles thérapeu-
tiques, dont certaines sont controversées, doit être poursui-
vie avec un souci de rigueur dans l’analyse des résultats, aussi
bien en ce qui concerne les médicaments que les appareils
implantables ou leur association. Cette évaluation doit donc
se baser sur des critères précis, associés à des tests statis-
tiques portant sur des populations significatives et tenant
compte de la survenue des complications sur une période de
temps suffisante (21)."
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