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Panorama de l’offre de traitements
de substitution à l’héroïne
Didier Touzeau*
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Le
de la
Références
1. Drogues et dépendances. Indicateurs et tendances en 2002. OFDT.
2. Duburck A et al.
Revue épidémiologie
Santé publique 2000 ;
vol. 48 (4) : 363-73.
3. OFDT, 2001.
4. Vignau J. J Subst
Abuse Treat 2001 ; 21 :
135-44.
En 1994 l’usage des codéinés avec 12 millions de
boîtes et 50 000 utilisateurs constituait le principal
mode d’“autosubstitution”. En 2001 avec 4 millions de
boîtes et un nombre inconnu, mais probablement
faible, d’usagers il est devenu un recours marginal. En
1995, en se fondant sur les critères d’un médicament
de substitution (avoir les mêmes propriétés pharmacodynamiques que le produit à substituer, avoir une
durée d’action longue, générer peu d’euphorie et
avoir peu d’effet renforçateur, s’administrer par voie
orale, avoir une AMM dans cette indication et être
compatible avec une qualité de vie satisfaisante), deux
médicaments ont obtenus une AMM : la méthadone
avec une délivrance très encadrée et la buprénorphine
haut dosage, traitement de première intention.
• Les sulfates de morphine (SM)
ont été expérimentés, suite à la
circulaire DGS 1996, mais n’ont
pas été retenus comme médicament de substitution. Un récent
rapport (1) estime à 700 les utilisateurs avec prescription médicale et à 25 par département les
“usagers de rue”. Les SM ne
répondent pas aux critères d’un
médicament de substitution
(demi-vie courte, excipient avec
talc, risque de dépression respiratoire). Ils font l’objet de détournement d’usage (injection, sniffing...) et d’une utilisation dans le
sevrage de psychostimulants. Ils
peuvent être prescrits comme
antalgiques (rotation des opioïdes).
Force est cependant de constater
que certains patients sont stabilisés avec les SM sans qu’il soit
toujours possible de distinguer ce
qui revient directement au médicament ou à son mode de prescription dérogatoire…
• En 2002, le nombre de patients
sous traitement de substitution
par buprénorphine haut dosage
s’est stabilisé autour de 70 000,
* Département Addictions, hôpital
Paul-Guiraud, 54, avenue de la
République, 94806 Villejuif.
Le Courrier des addictions (4), n° 4, octobre/novembre/décembre 2002
prescrits essentiellement par les
médecins généralistes qui se sont
formés (45 % contre 22 % en
1995 ont suivi une formation,
près de 60 % déclarent avoir reçu
au moins un patient (enquête
CEMKA-EVAL 2001) (2). Une
synthèse des études qui proviennent principalement de l’Assurance-maladie, montre que les
posologies moyennes varient de 6 à
11,5 mg, 90 % des 4 580 patients
(Est) ont un ou deux prescripteurs.
Le rapport Trend (3) estime à 5 %
les “multiprescrits”. Les coprescriptions varient d’un département à l’autre. Deux tiers des
patients sont observants. On peut
constater une amélioration de la
santé (étude de Vignau et Urcam
nord) (4) et de la situation sociale
et professionnelle.
L’Assurance-maladie est devenue
un nouvel acteur de prise en charge
contribuant au suivi épidémiologique et veillant au bon usage des
médicaments (limitation des prescriptions de benzodiazépines).
Les médecins conseils peuvent
contribuer à améliorer les prises
en charge en définissant des protocoles de soins (Pau) qui limitent
les multiprescriptions et les pratiques d’injection, préviennent les
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abandons de traitements et en faisant jouer l’article L324-1 (expertise pour évaluer les difficultés
rencontrées).
Le service médical de l’Assurance-maladie conclut à un bilan
globalement positif (Faits marquants 2001, 22 études) à propos
de la buprénorphine haut dosage,
dont les limites de prescription
tiennent plus à son cadre qu’au
médicament lui-même, mais aussi
à la formation du prescripteur et à
sa capacité à travailler avec les
partenaires offrant d’autres prestations utiles au patient (insertion
sociale, professionnelle…).
• On peut estimer à près de
16 000 le nombre de patients
bénéficiant d’un traitement par
méthadone. En 2002, le nombre
de patients en délégation de prescription a dépassé celui de ceux
suivis en centres spécialisés
(7 500). Deux expériences d’accès au soin (Bus méthadone) ont
été menées à Paris et à Marseille.
Peu d’études décrivent les populations des centres (plus âgées,
avec une plus grande comorbidité
psychiatrique et médicale) et en
particulier celle en délégation de
prescription. Un travail effectué à
la clinique Liberté a montré une
tendance à la diminution des
posologies dès que les patients
étaient suivis en ville ce que l’on
retrouve aussi dans les autres pays
où cette pratique existe. Les
résultats sont difficiles à interpréter (self-report, pas d’analyses
d’urine en ville...) et bien entendu
il faudrait pouvoir prendre en
considération les critères qui ont
présidé à l’indication de méthadone, puis à la décision de délégation en ville. C’est-à-dire
quand et comment peut-on considérer qu’un patient est stabilisé ?
En conclusion, l’offre de traitement de substitution a été importante quantitativement, originale
par sa diversité. Son accès aisé
s’est appuyé sur la mobilisation
de la médecine de ville et des pratiques collaboratives avec les
centres spécialisés. Cette expérience française devrait, ainsi que
la Société d’addictologie francophone le propose depuis plusieurs
années, faire l’objet d’une conférence de consensus pour en dégager les points forts et déterminer
de bonnes pratiques.
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