Survivre au développement

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Observatoire du Management Alternatif
Alternative Management Observatory
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Fiche de lecture
Survivre au développement
Serge Latouche
2004
Audrey Boulkaid – Mars 2011
Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2010-2011
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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Survivre au développement
Cette fiche de lecture a été réalisée dans le cadre du cours « Histoire de la critique » donné
par Eve Chiapello et Ludovic François au sein de la Majeure Alternative Management,
spécialité de troisième année du programme Grande Ecole d’HEC Paris.
[Mille et une nuits], [Paris], [2004]
Première date de parution de l’ouvrage : 2004
Résumé : Dans ce livre, Serge Latouche nous propose une vision nuancée et critique du
développement. Il aborde ainsi l’ensemble des contradictions et paradoxes touchant au
développement et à la croissance économique. À l’issue de cet essai, l’auteur nous propose de
dépasser ces contradictions en esquissant la possibilité d’un après-développement qui
trouverait sa concrétisation dans la décroissance et le localisme.
Mots-clés : Après-développement, Développement, Décroissance, Liens sociaux, Localisme,
Convivialité
How to survive development
This review was presented in the “Histoire de la critique” course of Eve Chiapello and
Ludovic François. This course is part of the “Alternative Management” specialization of the
third-year HEC Paris business school program.
[Mille et une nuits], [Paris], [2004]
Date of first publication : 2004
Abstract : In this book, Serge Latouche presents us a nuanced and critical vision of
development. He addresses the contradictions and paradoxes related to development and
economic growth. The author offers us to overcome this contradictions through the possibility
of an after-development, that would be based upon degrowth, localism and social ties.
According to Latouche, an after development will not be possible if we don't start a new ear
of de-growth.
Key words : Development, Degrowth, Localism, Social ties, After development, Friendliness
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: «Survivre au développement» – Mars 2011
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Table des matières
1. L’auteur et son oeuvre ........................................................................................................4
1.1 Brève biographie ............................................................................................................4
1.2 Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur ......................................................................4
2. Résumé de l’ouvrage............................................................................................................5
2.1 Plan de l’ouvrage ...........................................................................................................5
2.2 Principales étapes du raisonnement et principales conclusions ....................................5
3. Commentaires critiques.....................................................................................................12
3.1 Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage ..............................................................................12
3.2 Avis de l’auteur de la fiche ...........................................................................................12
4. Bibliographie de l’auteur .................................................................................................14
5. Références...........................................................................................................................16
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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1. L’auteur et son oeuvre
1.1 Brève biographie
Serge Latouche est un économiste français, aujourd’hui professeur de droit, d’économie et
de gestion à l’université de Paris Sud (Orsay). Il est directeur du GRAEEP (Groupe de
recherche en anthropologie, épistémologie et économie de la pauvreté) et animateur de
la Revue du MAUSS (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales).
Fervent défenseur de la « décroissance conviviale » et d’un après-développement, il
dénonce l’économiscime de la société et critique les concepts de croissance économique et de
développement ainsi que leurs effets pervers. Ses écrits sont très influencés par François
Partant, lui-même économiste et premier défenseur de l’après-développement. Il a ainsi pu
diriger Ligne d’horizon (association des amis de François Partant).
1.2 Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur
Cet ouvrage a été publié en 2004. Il est le fruit d’une commande de l’UNESCO en vue
d’un Policy Paper à l’initiative d’Ali Kazancigil. Il a pour objectif de faire la synthèse des
critiques du développement et ainsi d’ouvrir des pistes quant à un après-développement. Il est
le reflet et le fruit d’un long travail collectif au sein de Ligne d’Horizon. La réalisation de
l’ouvrage a pu être influencée par Gilbert Rist, professeur à l'Institut de hautes études
internationales et du développement, travaillant sur les questions de développement.
L’opuscule contient cent vingt six pages. Il est structuré en cinq parties dont la majorité est
consacrée à la critique du développement ainsi qu’à ses contradictions. Soulignons que
l’attention apportée aux différents développements « à particule » est conséquente au sein de
l’ouvrage. Seule la dernière partie aborde de manière plus concrète la possibilité d’un aprèsdéveloppement et d’une société de « décroissance conviviale ».
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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2. Résumé de l’ouvrage
2.1 Plan de l’ouvrage
Introduction
I. Vie, mort et résurrection d’un concept
II. Le développement comme mythe et réalité
III. Le développement « à particule »
a. Le développement social
b. Le développement humain
c. Le développement local
d. Le développement durable
e. Le développement alternatif
IV. L’imposture développementiste
V. Sortir du développement
Conclusion : décoloniser l’imaginaire
2.2 Principales étapes du raisonnement et principales
conclusions
Dans cet ouvrage, Serge Latouche nous propose une réflexion sur le développement.
Historiquement, ce concept est évoqué dès 1949 par le Président Truman et considéré comme
un développement à « but unique ». Il est ainsi sous-entendu que chaque pays doit suivre une
courbe similaire et ainsi que le Tiers Monde doit rattraper les pays du Nord. Le
« développement » perd de sa vivacité dans les années 1980 devant une mondialisation qui
fait éclater le compromis « social » que ce dernier promettait. Ce n’est que plus tard qu’il
renaît avec l’émergence du développement durable.
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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L’auteur nous propose ainsi de revisiter l’ensemble des critiques émises à l’encontre du
développement et d’esquisser la possibilité d’un après-développement qui pourrait se
concrétiser dans la « décroissance conviviale ».
Les multiples facettes du développement : des tentatives désespérées pour sauver le
développement
On adjoint souvent un volet social, culturel ou économique à la notion de croissance et de
développement. Mais il ne faut pas y voir de réelle remise en question de ces concepts. Au
lieu de s’extraire des schémas classiques du développement, ces « développements à
particule » ne cherchent qu’à « guérir le mal » ponctuel et accidentel dont il est atteint.
L’auteur développe ainsi cinq types de « développement à particule».
Le développement social
Ce type de développement n’a pour objectif que de lutter contre les travers du
développement c’est-à-dire la pauvreté, la surpopulation, ou encore exclusion. Or, il y a un
fort paradoxe entre théorie et réalité du développement : un développement « réellement
existant » ne peut entraîner de l’injustice sociale mais pour l’auteur, le développement ne peut
être social. Par ailleurs, on constate que le développement social n’a pas été envisagé comme
une remise en cause du libre-échange. Par exemple, le projet de déclaration et de programme
d’actions à l’issue du sommet mondial pour le développement social inclut des propositions
de diminution du protectionnisme ou encore des barrières douanières.
Le développement social peut être illustré par le trickle down effect. Ce concept souligne
qu’au-delà d’un seuil de croissance de la production, il existe des retombées sociales. On peut
par exemple faire référence à un mode de régulation social de distribution des hauts salaires.
Très populaire dans les années 1960 grâce aux théories keynésiennes, il est cependant devenu
petit à petit caduque face à l’augmentation des inégalités et à la mondialisation.
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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Le développement humain
Il est souvent mesuré par l’IDH (Indice de Développement Humain), présenté par
certains comme «l’ indice de la vraie richesse et de la vraie pauvreté »1. Mais la définition des
besoins des individus qui y est faite est biaisée dans la mesure où elle est réalisée fonction du
mode de vie occidental. On comprend donc que la notion de développement est empreinte
d’un fort impérialisme culturel. En effet, ce concept n’envisage la croissance du PNB que
comme positive et comme un préalable à toute amélioration des conditions. Cette vision a
fortement été influencée par l’économisation du monde qui s’est étendu à toutes les sphères
de la société. Ainsi, le concept de développement ne peut être séparé d’une
« occidentalisation » du monde et d’une exportation des valeurs occidentales. On constate que
lorsqu’il est exporté vers les pays du Sud, il entraîne un déracinement et une diminution de
l’autonomie des sociétés. En effet, c’est qu’il est très souvent associé au décollage et à la
croissance économique. Or, la croissance économique est liée aux valeurs purement
occidentales.
Le développement local
Au lieu d’émerger comme un après-développement, le développement local n’est qu’une
autre illustration du « sauvetage » du développement. Serge Latouche souligne bien ses
nombreux effets pervers. Tout d’abord, en concentrant les pouvoirs industriels et financiers, il
a détruit le local. De plus, il a pu favoriser la prolifération des entreprises transnationales en
augmentant la concurrence entre les régions qui, pour les attirer, ont joué de leurs avantages
fiscaux, sociaux etc. Par ailleurs, le développement local a été instrumentalisé car la
croissance des dispositifs locaux n’a été utilisée que pour des finalités globales. L’argent a été
drainé hors des régions et les initiatives locales récupérées pour contribuer au développement
mondial. Le principal effet pervers de cette logique a été l’émergence d’une économie à deux
vitesses (entre les régions qui ont attiré les capitaux et les autres) et de nombreuses fractures
sociales.
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Séraphin Gilles, « L’indicateur du développement humain », Note GRAEEP, Sceaux, 1994
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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Le développement durable
On remarque une forte ambiguïté du mot « durable » . Pour les organisations non
gouvernementales (ONG), le concept englobe de nombreux aspects : c’est un développement
« écologiquement soutenable, économiquement efficace, socialement équitable,
démocratiquement fondé, géo-politiquement acceptable, et culturellement diversifié »2. Pour
la Banque mondiale, il existe trente sept acceptations différentes du développement durable.
Par ailleurs, on constate qu’il existe deux visions distinctes du développement durable. Pour
certains, il s’agit d’un développement ayant pour objectif la protection de la vie. Pour
d’autres, il s’agit d’un développement orienté vers le bien être de l’homme et donc vers un
développement infini. Cette dernière vision est soutenue par de nombreux lobbies
d’industriels et des entreprises transnationales pour qui le développement durable est relégué
à du simple libre-échangisme. Citons par exemple le Business Action for Sustainable
Development constitué de cent soixante trois entreprises transnationales. Marie Dominique
Perrot souligne bien cette conception en avançant que : « Qu’est-ce donc que le
développement durable sinon l’éternité assurée à une extension universelle du
développement ? ». Il ne s’agit pas seulement de préserver l’environnement mais bien tout le
développement !
Ainsi, on comprend que cette notion de durable est quelque peu floue et que selon les
acteurs, les visions et implications diffèrent. Pour Serge Latouche, le terme « durable » ne fait
que brouiller encore plus les choses, nous empêche de voir les contradictions du système et
nous promet un « développement » de manière indéfinie.
Le développement alternatif
Il a souvent été détourné et associé aux projets anti-productivistes et anticapitalistes.
Cependant, il convient de distinguer les deux approches car la première est bien dans la lignée
du développement tandis que la seconde s’ancre dans l’après-développement. Un exemple de
développement alternatif souligné par l’auteur est la modernisation de l’agriculture qui a en
réalité engendré de nombreux effets pervers. Par exemple, la mécanisation et
l’industrialisation ont amené à multiplier par trois la production mais aussi à réduire la
population paysanne et à aggraver la pollution.
Si l’on s’interroge sur la signification du terme « alter », il semble nécessaire de souligner
qu’il sous-entend une notion de changement de conception en termes de temps, technologie,
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Serge Latouche, Survivre au développement, Mille et une nuits, 2004
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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science, progrès, richesse… Or tous ces changements idéologiques feraient du développement
autre chose que du développement !
Les contradictions inhérentes au développement
Pour l’auteur, le développement peut être résumé à une simple guerre économique et à une
occidentalisation du monde. Il n’entraîne qu’une uniformisation planétaire et n’est qu’une
« machine à affamer les peuples »3. Et la croissance économique ne peut exister que par la
création de la pénurie.
L’auteur illustre son propos en présentant deux contradictions inhérentes au
développement :
Une contradiction conceptuelle :
Le concept de développement n’est pas inhérent à chaque société. Pour beaucoup de
civilisations, la notion de développement n’a pas de sens et n’existe pas en soi. Ces
civilisations n’aspirent pas à une accumulation continue de biens et de savoirs et ne
considèrent pas que celle-ci conditionne le bonheur des populations. D’autre part, elles n’ont
pas développé de croyance en la maîtrise de la nature, ni de vision du développement. Les
pratiques de développement peuvent ainsi être dépourvues de sens, voire même interdites.
Une contradiction pratique :
Serge Latouche avance trois types de « paradoxes pratiques ».
Tout d’abord, il fait référence au paradoxe de la création des besoins. Pour l’auteur, la
croissance économique est à l’origine même des tensions psychologiques et des frustrations
des populations. En effet, la croissance s’auto-entretient en élevant sans cesse les limites que
se fixent les individus en termes de besoins et d’objectifs de revenus. Elle exacerbe et créé de
nouveaux besoins. Et c’est la nécessité de les assouvir qui incite les populations à travailler
toujours plus. Ainsi, la croissance et le développement ne peuvent exister et survivre sans une
double misère : psychologique (en créant sans cesse de nouveaux besoins) et physiologique.
Par ailleurs, le développement engendre un paradoxe de l’accumulation. Il est souvent
avancé que la croissance diminue les inégalités. Or, elle ne peut exister sans inégalités. En
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Serge Latouche, Survivre au développement, Mille et une nuits, 2004
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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effet, elles sont au minimum nécessaires au début du processus de croissance car les
« riches » épargnent, investissement et favorisent l’accumulation. Cependant, pour l’auteur,
cette vision est erronée car ce n’est pas le manque d’épargne qui empêche d’investir mais la
faible incitation à investir. Et les inégalités ne peuvent pas être le « meilleur moyen de
remédier aux inégalités »4.
Enfin, le développement est à l’origine d’un paradoxe écologique. La croissance, telle
qu’elle est envisagée aujourd’hui et comptabilisée au travers du PNB (Produit National Brut),
ne prend pas en compte les choses nuisibles et destructrices. Or, en corrigeant le PNB et en
prenant en compte les pertes liées à la pollution ou aux dégradations de l’environnement,
l’indice obtenu pourrait diminuer tandis que l’indice initial de croissance économique
augmenterait. Par ailleurs, au niveau social, l’accumulation a justifié des régimes dictatoriaux
et autoritaires soi-disant nécessaires aux réformes structurelles favorisant la croissance
économique.
Comment sortir du développement ?
Face à toutes ces contradictions, Serge Latouche propose d’abandonner le principe de
développement pour un après-développement.
Ce dernier reposerait tout d’abord sur une décroissance conviviale. Il s’agit bien d’une
décroissance et non d’une croissance-zéro qui ne serait pas soutenable à long terme. C’est
aussi que la croissance-zéro ne peut être souhaitable car elle sous-entend qu’il faudrait
concilier préservation de l’environnement et acquis économique. Les individus ne
renonceraient ainsi pas à leur mode de production et à leur style de vie. Et il n’y aurait donc
pas de remise en cause des valeurs et logiques du développement, passage obligé vers l’aprèsdéveloppement.
Comment alors réaliser cette décroissance ? Serge Latouche propose de restaurer
l’environnement, la justice sociale
et de modifier nos modes de vie aujourd’hui
insoutenables. Il ne s’agit pas d’une régression du bien-être mais bien d’adapter nos modes de
vie aux contraintes naturelles. Par ailleurs, il faut renoncer à l’imaginaire économique (et
sortir de « l’économicisme »), remettre en cause la domination de l’économie sur nos vies et
restaurer les relations sociales. Notre consommation matérielle doit aussi être modifiée (vers
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Serge Latouche, Survivre au développement, Mille et une nuits, 2004
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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plus d’austérité…) et rechercher une meilleure qualité de vie. Pour l’auteur, la décroissance ne
pourra s’effectuer sans une réelle réflexion sur la propriété privée, sur les moyens de
production et l’accumulation illimitée. Il est aussi nécessaire de s’interroger sur la place du
travail dans la société et de le réinventer (diminution du temps de travail, place aux loisirs…).
Pour les pays du Sud, la décroissance doit être interprétée comme une opportunité et une
possibilité de « rénover avec leur histoire rompue par la colonisation »5. Elle peut par exemple
se concrétiser par la fin de l’agriculture productiviste. Il s’agirait donc de diminuer la
production de certaines cultures spéculatives et d’augmenter les cultures vivrières. Précisons
que l’après-développement pour les pays du Sud sera d’autant plus difficile à mettre en place
que ces derniers ont fortement intériorisé la notion de développement.
En outre, l’après-développement doit s’accompagner de localisme. Ainsi, l’objectif serait
de lutter contre la mondialisation, l’économie et le « glocal » mais aussi contre
l’omnimarchandisation, la concurrence générale et la perte du lien social dans la société. Quel
type de localisme faut-il alors promouvoir? Il faut revenir à un lien social qui s’intègre dans
l’économie et à l’existence de réseaux de solidarité. De plus, il faut promouvoir l’instauration
de logiques différentes de celles de marché comme par exemple le don, l’échange, ou la
réciprocité. Il s’agit donc de revaloriser l’aspect non-économique. Comment le localisme doitil se construire? Le localisme ne doit pas se fondre dans le système dominant, ni se cantonner
à un simple créneau défendant son territoire, au risque d’être instrumentalisé par les autres. Il
ne doit pas être un « oasis dans le désert »6. Il s’agit surtout d’adopter un principe de niche, de
le renforcer avec des innovations alternatives visant une cohérence globale et de coloniser le
marché ainsi que l’Etat.
Dans cet ouvrage, Serge Latouche prône une fin des valeurs économiques. Il est ainsi
nécessaire de décoloniser et « déséconomiser » nos esprits. Mais, peut-on réellement espérer
un réel changement de système? Le risque le plus important semble être notre propre
aveuglement. Cependant, les signes d’espoirs sont nombreux. La rationalité guidée par la
recherche du profit a mené à de nombreuses catastrophes qui peuvent aboutir à une véritable
remise en question. C’est la survie culturelle et la dignité de l’homme qui sont en jeu…
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Serge Latouche, Survivre au développement, Mille et une nuits, 2004
Serge Latouche, Survivre au développement, Mille et une nuits, 2004
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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3. Commentaires critiques
3.1 Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage
Cet ouvrage semble avoir été accueilli de manière positive et la synthèse des critiques du
développement effectuée par l’auteur appréciée par le grand public. En effet, la revue
Alternatives Economiques souligne que Serge Latouche :
« Met le doigt sur de vrais problèmes - l'injustice du monde, les déséquilibres
écologiques, la fuite en avant dans la marchandise - et il se transforme en prophète d'un
monde nouveau par la magie du verbe ». Cependant, elle déplore que « Serge Latouche
esquisse à gros traits (un peu trop gros) cette société de la simplicité, où le lien
prévaudra sur le bien.(...) Hélas, l'imprécation ne suffit pas à faire advenir d'autres
possibles et l'on se lasse de ces écrits eschatologiques qui transforment les questions en
mantras, les doutes en certitudes et les analyses en accusations ».7
Cette dernière critique sera approfondie dans la partie suivante.
3.2 Avis de l’auteur de la fiche
En pleine nébuleuse et remise en question du capitalisme, cet ouvrage semble d’actualité.
Les effets pervers de l’accumulation matérielle et de la recherche du profit n’ont jamais été
autant soulignés. Cependant, on ne peut s’empêcher d’adopter un regard quelque peu cynique
à la lecture de ce livre dans la mesure où l’on se demande si les sociétés occidentales mais
aussi les pays du Sud renonceront réellement à leur style de vie. Ce point est aussi souligné
par l’auteur. En effet, il avance que le principal risque et danger à tout changement est le
propre aveuglement des individus sur la réalité du système. Si la crise financière de 2008 a
entraîné une forte remise en question du capitalisme financier, on peut dès à présent se
« Survivre au développement. De la décolonisation de l'imaginaire économique à la construction d'une société
alternative par Serge Latouche », Alternatives Economiques, janvier 2005, http://www.alternativeseconomiques.fr/survivre-au-developpement--de-la-decolonisation-de-l-imaginaire-economique-a-laconstruction-d-une-societe-alternative-par-serge-latouche_fr_art_185_20867.html
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demander si cette nébuleuse n’est pas en passe de s’essouffler et le capitalisme de renaître de
nouveau de ses cendres.
Serge Latouche nous propose une approche intéressante et nuancée du développement. La
majorité de l’ouvrage étant consacrée à la critique du développement, l’argumentation nous
apparaît construite et approfondie. Cependant, on peut déplorer que la notion de décroissance
conviviale ne soit abordée qu’à la fin du livre et de manière quelque peu superficielle.Très
probablement, ce dernier point n’était pas l’objectif du livre qui est plutôt d’analyser et de
faire la synthèse des critiques du développement mais aussi de mettre en lumière ses
contradictions et ses paradoxes. Pour satisfaire la curiosité du lecteur, il sera nécessaire de se
plonger dans l’un des autres livres de l’auteur comme par exemple le Petit traité de la
décroissance sereine. De même, en évoquant la possibilité de réinventer le travail, l’auteur
attise notre curiosité. Mais là encore, il ne s’attardera pas à développer de manière concrète
son propos. Des points et concepts, quelques fois flous, présentés par l’auteur mais non
approfondis nuisent à son argumentation. Sa proposition de société alternative peut ainsi
sembler légère.
Pour finir, cet ouvrage s’inscrit tout à fait dans le management alternatif dans la mesure où
l’auteur fait une critique acerbe des sociétés actuelles dominées et dirigées par l’économie. Il
remet donc en cause aussi bien la croissance économique que le développement. D’autre part,
Serge Latouche nous propose une société alternative (quoique très peu développée dans ce
livre) qui ne serait pas tournée vers l’accumulation matérielle. Cette proposition nous amène
bien à sortir du schéma de pensée traditionnel et du système actuel ainsi qu’à « décoloniser
notre imaginaire ».
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4. Bibliographie de l’auteur
•
1973 - Epistémologie et économie : Essai sur une anthropologie sociale freudomarxiste, Paris, Anthropos,
•
1975 - Le Projet marxiste : Analyse économique et matérialisme historique, Paris,
PUF
•
1979 - Critique de l'impérialisme, Paris, Anthropos
•
1984 - Le procès de la science sociale, Paris, Anthropos
•
1986 - Faut-il refuser le développement ? Essai sur l’anti-économique du tiersmonde, Paris, PUF
•
1989 – L’Occidentalisation du monde, Paris, La Découverte
•
1991 – La planète des naufragés, Paris, La Découverte
•
1995 – La Mégamachine, Paris, La Découverte
•
1995 - L'économie dévoilée, du budget familial aux contraintes planétaires, ouvrage
collectif dirigé par Serge Latouche, editions Autrement
•
1996 - The Westernization of the World: The Significance, Scope and Limits of the
Drive Towards Global Uniformity
•
1998 – Les Dangers du marché planétaire, Paris, Presses de Sciences Po
•
1998 - L’Autre Afrique, Entre don et marché, Paris, Albin Michel
•
1999 – Critique de la raison économique (en collaboration avec Nohra Fouad, Zaoual
Hassan), Paris, L’Harmattan
•
2000 – La Planète uniforme, Castelnau-le-Lez, Climats
•
2001 – La Déraison de la raison économique, Paris, Albin Michel
•
2003 – Justice sans limite, Paris, Fayard
•
2003 – Décoloniser l’imaginaire, Lyon, Parangon
•
2004 - Survivre au développement : De la décolonisation de l'imaginaire
économique à la construction d'une société alternative, Mille et Une Nuits
•
2005 - L'invention de l'économie
•
2006 - Le pari de la décroissance
•
2007 - Petit traité de la décroissance sereine, Mille et Une Nuits
•
2008 - Entre mondialisation et décroissance. L'autre Afrique
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•
2010 - Le temps de la décroissance, avec Didier Harpagès, éditions Thierry Magnier,
Collection Troisième Culture
•
2010 - Sortir de la société de consommation, LLL/Actes Sud
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5. Références
•
Séraphin Gilles, « L’indicateur du développement humain », Note GRAEEP, Sceaux,
1994
•
« Survivre au développement. De la décolonisation de l'imaginaire économique à la
construction d'une société alternative par Serge Latouche »,
Alternatives
Economiques, janvier 2005,
http://www.alternatives-economiques.fr/survivre-au-developpement--de-ladecolonisation-de-l-imaginaire-economique-a-la-construction-d-une-societealternative-par-serge-latouche_fr_art_185_20867.html
: «Survivre au développement» – Mars 2011
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