Chapitre 6: L'autre Afrique et la culture du don
L'Afrique semble être un continent en échec. Mais ce n'est que son occidentalisation qui a échoué.
Les Africains ont une forte vie sociale, qui permet de s'entraider et de survivre hors de la logique du
marché. C'est un peu comme une famille, très étendue. Ces "familles" se structurent souvent autour
d'un clan, d'une ethnie, d'une religion.
La mémoire est très importante dans ces familles. Il faut connaître tout le monde et savoir surtout à
qui l'on est redevable. Il y a des endroits en Afrique où l'activité économique est officiellement
quasi-nulle, mais où se passent pourtant beaucoup de production et de transactions.
La pauvreté n'est pas de manquer d'argent, mais de ne connaître personne.
Sans forcément travailler, les gens passent beaucoup de temps à se rencontrer, discuter, échanger,
bref entretenir leur réseau. Les fêtes peuvent paraître disproportionnées par rapport aux moyens
économiques, mais elles sont essentielles au réseau.
L'argent est très concret en Afrique, pas des chèques ou des cartes de crédit. Il est facilement mis en
commun dans les tontines, car chacun sait que lui-même peut en bénéficier à tout moment. Il y a
une grande responsabilité, car personne ne veut dilapider l'argent de la tontine. Tout le monde se
connaît. Ce n'est pas comme un prêt provenant d'une entité étrangère comme une banque (ni même
le micro-crédit).
Ce genre de relation a été qualifié d'économie informelle, mais c'est très réducteur de considérer
cela d'un point de vue uniquement économique. L'aspect social est plus important, d'où l'échec des
programmes d'ONG, de la Banque Mondiale ou du FMI tentant de transformer tous ces petits
artisans en entrepreneurs. Leur but n'est pas de maximiser leurs gains, mais de vivre et survivre, et
d'être utiles à leur réseau. Toute cette activité est organisée par les femmes.
On est dans une logique de don. Il faut savoir donner, recevoir et rendre, sans considération directe
de la valeur marchande, ni échange monétaire. Dans cette culture du don, le lien remplace le bien
(note personnelle: on retrouve cette philosophie dans l'open source). Les méfaits des rapports
marchands s'en trouvent minimisés, assurant une garantie minimale contre l'exclusion économique
et sociale.
Une étude de 1992 au Canada, évalue l'importance du travail non rémunéré à 34% du PIB.
Ces échanges peuvent être structurés dans les SEL, où l'aspect relationnel est aussi important. Par
contre, en Occident, il faut quantifier, contrairement à la culture d'entraide des sociétés
vernaculaires. La pression sociale décourage les abus. Nous redécouvrons ce qui est au coeur des
réseaux informels africains. Les SEL encouragent l'économie locale.
La théorie du libre marché veut que tout produit tende vers le prix juste. On voit que ce n'est pas
forcément le prix juste d'un point de vue social, car certains travailleurs ne sont pas rémunérés
suffisamment. La charité est censée y pallier. Elle est encouragée sous les régimes néo-libéraux
pour faciliter le démantèlement de l'état social.
Un problème des SEL est la détermination de la valeur du travail selon les qualifications de chacun.