CONGRÈS
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 2 - vol. II - mars-avril 1999110
es techniques d’identification du génome de H. pylori
fournissent de plus en plus d’informations sur la trans-
mission de la bactérie, la résistance aux antibiotiques,
l’existence de gènes de virulence et le rôle de H. pylori dans le
cancer gastrique.
Les échéances de mise au point d’un vaccin s’éloignent car son
élaboration bute sur la reconnaissance de marqueurs d’immuni-
sation. Le seul marqueur reconnu à ce jour est l’infiltration de la
muqueuse par des lymphocytes, ce qui paraît bien difficile à
contrôler chez un patient.
La stratégie d’éradication de H. pylori sans endoscopie première
n’est pas justifiée économiquement en France.
LE MARQUEUR CAG : VIRULENCE ET CANCER
CagA est un marqueur de virulence uniquement occidental
Les techniques d’hybridation de l’ADN génomique de Helico-
bacter pylori permettent d’amplifier certains gènes (Berg, États-
Unis). Ainsi, les gènes contenus dans l’îlot cag ont été particu-
lièrement étudiés, puisque le gène et la protéine cag sont
reconnus comme jouant un rôle dans la virulence de la bactérie
en Europe et aux États-Unis. Les études génomiques ont mon-
tré que l’îlot cag était plus fréquent en Chine et au Japon qu’en
Europe sans que la prévalence des lésions ulcérées soit plus
importante dans ces pays. Il existe, à travers le monde, une grande
variabilité de l’îlot cag, qui fait douter de l’existence d’un réel
marqueur génomique et de pathogénicité. Celle-ci serait plutôt
dépendante d’une interaction entre l’hôte et la souche.
La présence de l’îlot de pathogénicité cag n’a pas de rela-
tion avec le cancer gastrique
L’équipe du Pr Mégraud (Occhialini et coll.) a montré, à partir
de 31 souches de H. pylori isolées chez 17 malades du Costa
Rica ayant un adénocarcinome de l’estomac, et chez 14 témoins,
que les îlots de pathogénicité cagA étaient présents dans 81 %
des cas, aussi bien chez les malades que chez les témoins. Il ne
pouvait être fait aucune association entre la composition des
8régions différentes de l’antigène cagA et la présence d’un car-
cinome gastrique. Ce résultat n’évoque pas la responsabilité de
cet îlot dans le cancer gastrique.
LA VACCINATION CONTRE H. PYLORI :
POUR APRÈS-DEMAIN, PEUT-ÊTRE
La vaccination contre H. pylori peut être prophylactique ou thé-
rapeutique (Quentin-Millet et coll.). En prophylaxie, elle se
conçoit dans les pays de forte endémie pour prévenir le cancer
gastrique. En thérapeutique, il s’agirait d’une immunothérapie
alternative à l’antibiothérapie. La mise au point de ces vaccins
requiert des modèles animaux qui, pour la plupart, ne sont pas
extrapolables à l’Homme. Mis à part le singe rhésus, les animaux
ne sont pas sensibles à H. pylori.Le modèle le plus utilisé reste
la souris contaminée par une souche de H. pylori sélectionnée.
La mise au point du couple adjuvant-antigène conférant une pro-
tection constante n’est pas encore réalisée. L’antigène immuno-
gène choisi reste l’uréase, qui est constamment exprimée par la
bactérie. Les vaccins parentéraux à base d’uréase recombinante
associée à des adjuvants représentent la méthode de vaccination
classiquement adoptée. Les vecteurs vivants sont de nouvelles
approches intéressantes. Ainsi la vaccination par salmonelle
recombinante exprimant l’uréase est-elle la méthode expéri-
mentale la plus explorée.
La protection immunitaire dépend de la réaction cellulaire locale
et non de la production d’immunoglobines A. Le mécanisme
immunologique de la protection n’est pas encore connu. La den-
sité des lymphocytes CD4 dans la muqueuse gastrique est le seul
facteur de la réponse immunologique qui soit corrélé à la pro-
tection. La réponse lymphocytaire locale nécessaire à la protec-
tion pourrait induire la présence de cellules inflammatoires dans
la muqueuse gastrique des patients vaccinés. Cette éventualité
doit être étudiée et prévenue dans des modèles animaux aussi
proches que possible de la pathologie humaine. En attendant le
résultat de ces travaux, la disponibilité d’un éventuel vaccin est
reportée de quelques années.
LA CONNAISSANCE DU GÉNOME DE H. PYLORI
MODIFIE LES MÉTHODES D’ÉRADICATION
L’inactivation de la protéine UreI :
une nouvelle thérapeutique d’éradication ?
L’équipe de A. Labigne a découvert une protéine UreI, codée par
un gène du même nom, dont l’inactivation rend la bactérie inca-
pable de coloniser l’estomac (Skouloubris et coll.). Cette impos-
Helicobacter pylori :
les actualités 1999 de l’Institut Pasteur
D. Lamarque*
L
* Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 2 - vol. II - mars-avril 1999 111
sibilité semble en rapport avec une moindre résistance de la bac-
térie mutée vis-à-vis de l’acidité. Il a été montré que la bactérie
dont le gène UreI était inactivé était incapable de coloniser un
milieu de culture acide et que sa survie était fortement diminuée.
À l’avenir, une thérapeutique inactivant la protéine UreI d’H.
pylori permettrait la disparition de la bactérie.
Les mécanismes génomiques de résistance au métronidazole
Le gène rdxA code pour la nitroréductase, une enzyme qui réduit
le métronidazole sous une forme active. Les conséquences d’un
traitement par métronidazole seul ont été évaluées sur la sélec-
tion de souches résistantes, la mutation du gène rdxA et l’effi-
cacité d’une trithérapie incluant le métronidazole chez la souris
(Jenks P.J. et coll.). Après monothérapie par métronidazole, 70 %
des souris avaient dans leur estomac un mélange de souches
métronidazole-résistantes et sensibles dans la proportion de 1 %.
L’éradication n’était observée chez les souris ayant des souches
résistantes que dans 25 % des cas. Chez les souris non éradi-
quées, la proportion de souches résistantes au métronidazole par
rapport aux souches sensibles était de 4 pour 1. Une ou plusieurs
mutations du gène rdxA étaient notées dans toutes les souches
résistantes analysées. Ce résultat montre que le métronidazole
induit une forte résistance et que des souches sensibles peuvent
coexister avec des souches résistantes.
Chez l’Homme in vivo, le développement de mutations du gène
rdxA est impliqué dans la résistance au métronidazole. La double
population de la bactérie a été également mise en évidence à par-
tir de biopsies gastriques de patients ayant une souche dont l’an-
tibiogramme a montré une résistance au métronidazole. Une tech-
nique d’amplification génique a montré que les souches sensibles
et résistantes coexistant dans l’estomac de 8 patients étaient géné-
tiquement identiques, hormis la modification du gène rdxA pour
les bactéries résistantes (Tankovic et coll.). La mutation mise en
évidence sur le gène rdxA évoque une variabilité importante dans
la modification du gène, ce qui peut rendre très difficile le dépis-
tage par des techniques d’investigation du génome.
L’éradication familiale prévient la recontamination chez l’enfant
H. pylori est une infection qui se contracte dans l’enfance, et une
éradication qui échoue pourrait être secondaire à une reconta-
mination dans un contexte familial d’infection. Kalach et coll.
ont rapporté 4 cas d’échecs d’éradication contrôlés deux mois
après un traitement par trithérapie. Dans les 4 cas, tous les parents
sauf un et plus de la moitié des enfants de la fratrie étaient infec-
tés. Un traitement éradicateur donné aux proches des 4 enfants
a permis une éradication de 100 % chez les frères et sœurs et
chez 5 des 7 parents infectés. Ensuite, une deuxième cure repre-
nant les mêmes antibiotiques était administrée chez les 4 enfants
avec échec initial d’éradication. Dans 3 cas sur 4, l’éradication
était alors obtenue. L’enfant avec échec d’éradication présentait
une souche résistante à la clarithromycine. Le typage molécu-
laire des souches a montré chez 3 des 4 enfants avec échec ini-
tial d’éradication des caractéristiques génétiques très proches
des souches des parents. Ce résultat évoque une réinfection intra-
familiale et suggère que l’échec de l’éradication de H. pylori
chez l’enfant doit faire rechercher la bactérie dans la fratrie et
chez les parents. Le traitement d’éradication systématique de
tous les membres de la famille est seul en mesure d’assurer le
succès de l’éradication.
LA DÉTECTION DH. PYLORI DANS LES SELLES :
UNE TECHNIQUE QUI PERMETTRAIT DE CONTRÔLER
FACILEMENT L’ÉRADICATION
Une nouvelle méthode de détection non invasive de H. pylori
permet la détection des antigènes de la bactérie dans les selles
(Premier Platinum HpSA, Méridian) (Monteiro et coll.). Ce test
a été comparé à la recherche de H. pylori par histologie, culture
et test uréase chez 97 patients dyspeptiques. Dans cet échantillon
de patients, 44 % étaient positifs par l’un des trois tests. La détec-
tion des antigènes dans les selles avait une sensibilité de 88,4 %
et une spécificité de 87 %. Par comparaison, dans le même
groupe, le test respiratoire pratiqué chez tous les patients avait
une sensibilité de 93 % et une spécificité de 98 %. Le test séro-
logique avait une sensibilité de 95 % et une spécificité de 93 %.
Ce test direct non invasif semble praticable dans tous les labo-
ratoires et pourrait permettre de contrôler l’efficacité du traite-
ment éradicateur à large échelle. La sensibilité et la spécificité
sont cependant moindres que celles du test respiratoire, mais les
conditions de réalisation de ce dernier sont trop strictes pour en
permettre une diffusion très large.
QUAND HELICOBACTER COLONISE LE FOIE...
Dans la même équipe, Avenaud et coll. ont recherché un lien
entre la survenue du carcinome hépatocellulaire chez les patients
non cirrhotiques et la présence d’une bactérie de genre H. pylori.
Cette association avait déjà été évoquée dans les hépatocarci-
nomes de souris. La recherche de la bactérie a été effectuée par
amplification génomique à partir de 16 fragments de foie de
8patients ayant un hépatocarcinome. Dans les 8 cas, la PCR
amplifiait l’ADN 16S de l’espèce Helicobacter. L’identification
trouvait dans un cas H. felis et dans deux autres H. pylori. À
noter que, chez un témoin, il existait une amplification de l’ADN
16S de Helicobacter. Ces résultats méritent d’être précisés dans
une série plus importante, où seraient déterminés le statut
H. pylori et l’éventuelle présence du génome de Helicobacter
dans le foie sain jouxtant la tumeur.
LA FORME COCCOÏDE DE H. PYLORI
N’EST QU’UN SARCOPHAGE
La transformation de H. pylori de sa forme bacillaire à sa forme
coccoïde est un processus d’interprétation controversée. Pour
certains, la forme coccoïde représenterait une forme viable mais
non cultivable, qui permettrait à la bactérie de survivre en milieu
hostile. D’après les travaux de Vanderbroucke-Grauls et coll., la
CONGRÈS
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 2 - vol. II - mars-avril 1999112
transformation de la forme coccoïde est un processus passif de
mort bactérienne qui survient dès que les conditions de culture
deviennent défavorables. Les arguments en faveur de cette hypo-
thèse sont multiples. Il a été observé que la perte des possibili-
tés de culture précède la transformation coccoïde. Les inhibi-
teurs de la synthèse protéïque ou de la transcription de l’ARN
accélèrent ce processus, et la quantité d’ADN diminue de 50 %
lors du passage à la forme coccoïde. Enfin, il existe une perte du
potentiel de membrane, évocateur de dégradation des protéines
membranaires. Il reste à expliquer pourquoi H. pylori prend cet
aspect en mourant alors que toutes les autres bactéries se lysent.
FAUT-IL FAIRE UN TRAITEMENT D’ÉRADICATION
CHEZ LES PATIENTS H. PYLORI DYSPEPTIQUES
SANS PRATIQUER D’ENDOSCOPIE ?
TOUT DÉPEND DU COÛT DE L’ENDOSCOPIE
La place de l’éradication de H. pylori dans une stratégie de prise
en charge de la dyspepsie a été abordée par Vakil de l’université
du Wisconsin (États-Unis). La dyspepsie est définie par une gêne
ou un inconfort de la région épigastrique dans la période post-
prandiale. Dans 50 % des cas, elle ne s’accompagne d’aucune
lésion endoscopique. Le recours à l’endoscopie ne serait donc
utile que chez la moitié des patients. Les essais contrôlés ran-
domisés ont montré qu’une stratégie consistant à rechercher H.
pyloripar un test non invasif pour ensuite proposer un traitement
d’éradication aux patients positifs réduit le coût de prise en
charge de la dyspepsie. L’endoscopie n’est pratiquée que chez
les patients H. pylori négatifs ou ayant une récidive douloureuse
après éradication. Cette stratégie s’applique aux patients de
moins de 45 ans chez lesquels le risque de cancer ou de lésions
ulcérées graves est très peu important. L’intérêt de ce type de
prise en charge en France est très contestable, car le coût de l’en-
doscopie y est bien moindre qu’aux États-Unis, si elle est faite
sans anesthésie générale. Ainsi les auteurs reconnaissent-ils que
la stratégie d’éradication préalable n’est rentable que si l’endo-
scopie coûte plus de 200 dollars (1 000 F). Par ailleurs, la pré-
valence de la résistance primaire à la clarithromycine atteint 10 %
en France, où elle est bien plus élevée qu’aux États-Unis. En
conséquence, la proportion d’échecs attendus du traitement éra-
dicateur rend la stratégie du traitement initial encore moins ren-
table. Enfin, dernier argument en défaveur de cette stratégie, les
études contrôlées ont montré que l’éradication des patients ayant
une dyspepsie non ulcéreuse ne modifiait pas les symptômes.
L’ensemble de ces considérations amène à la conclusion que, en
France, il est préférable d’effectuer en première intention une
endoscopie digestive chez les patients ayant une dyspepsie sans
symptôme de reflux gastro-œsophagien.
LISTE DES ANNONCEURS
ASTRA FRANCE (Mopral), p. 120 ;
HOECHST HOUDE (Bourse AGA), p. 116 ;
HOECHST HOUDE (Lanzor), p. 58 ;
SCHERING PLOUGH (Bourse), p. 107 ;
SOLVAY PHARMA (Dicetel), p. 113 ;
SOLVAY PHARMA (Duspatalin), p. 61.
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