Le Courrier de la Transplantation - Volume IV - n
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Revue
de presse
La mesure de l’index
de résistance artérielle
du greffon rénal permet
de prédire la mortalité
des patients et des greffons
L
a néphropathie chronique du gref-
fon et le décès avec un greffon
fonctionnel sont actuellement respon-
sables de 80 % des pertes de greffe
après transplantation rénale (TR). Les
auteurs ont récemment montré que la
constatation d’un index de résistance
artérielle supérieur ou égal à 80 était un
élément prédictif de l’altération de la
fonction du greffon ou du décès chez
les patients transplantés présentant une
atteinte rénale autre qu’une sténose de
l’artère rénale. Les auteurs ont mis en
place une étude prospective, où l’index
de résistance a été mesuré au moins
trois mois après TR (médiane 40 mois).
Cette période de trois mois a été choisie
de façon à éliminer les insuffisances
rénales précoces postopératoires qui
n’avaient pas forcément de rôle prédic-
tif dans la survie du greffon ou des
patients.
Sur une période de quinze mois, une
étude ultrasonographique et doppler a
été effectuée par un seul investigateur
chez 776 transplantés rénaux consécu-
tifs ; 175 d’entre eux ont été exclus, soit
parce que la TR remontait à moins de
trois mois, soit parce qu’ils avaient des
facteurs confondants pouvant modifier
l’index de résistance. La présente étude
a donc porté sur 601 patients, suivis
pendant au moins trois ans. Le critère
principal de jugement était un critère
combiné associant réduction d’au moins
50 % de la clairance de la créatinine
entre échographie initiale et l’analyse
finale, nécessité de la dialyse ou décès
avec un greffon fonctionnel. Le signal
doppler a été enregistré sur des artères
segmentaires proximales. La vélocité
systolique maximale (Vmax) et la vélo-
cité diastolique minimale (Vmin) ont
été mesurées, et l’index de résistance
artérielle segmentaire ainsi calculé :
100 x (1-Vmin/Vmax).
Sur l’ensemble, 122 patients avaient un
index de résistance 80 et 479 < 80.
Les patients dont l’index était 80 cou-
raient un risque accru de développer le
critère principal (sensibilité 56 %, spé-
cificité 96 %, valeur prédictive positive
88 %, valeur prédictive négative 83 %) :
88 % des patients à haut index de résis-
tance versus 17 % des patients à faible
index de résistance (p < 0,01) ont atteint
ce critère. De plus, 84 patients ont évo-
lué vers une réduction de la créatinine
de plus de 50 % (69 % versus 12 % des
patients dont l’index était < 80) ;
57 patients ont eu recours à la dialyse
(47 % versus 9 % chez les patients dont
l’index de résistance était < 80), et 36
patients sont décédés (30 % versus 7 %
dans le groupe des patients dont l’index
était < 80) (p < 0,001 pour chaque com-
paraison). Les patients dont l’index de
résistance était 80 avaient une durée
médiane de survie du greffon de 2,5 ans
(IC95 : 2,3 à 2,6) versus 23,3 ans
(IC95 : 5,4 à 100,5) chez les patients
dont l’index de résistance était < 80. En
analyse par courbe ROC (receiver-ope-
rating-characteristic), les meilleures
sensibilités et spécificités étaient
atteintes pour un index de résistance de
0,795, confirmant la pertinence d’utili-
ser une valeur de 0,80 comme seuil.
En analyse multivariée, le risque relatif
de perte du greffon chez les patients à
haut index de résistance était de 9,1
(IC95 : 6,6 à 12,7). Les autres facteurs
prédictifs possibles, en analyse univa-
riée, étaient une durée d’ischémie froide
supérieure à 12 heures, une protéinurie
supérieure à 1 g/24 heures, une clairan-
ce de la créatinine inférieure à 30ml/mn
par 1,73 m3, un âge du donneur supé-
rieur à 65 ans, une épaisseur de paren-
chyme rénal inférieure à 15 mm, une
pression diastolique supérieure à
70 mmHg. Cependant, ces variables
avaient toutes un pouvoir discriminant
inférieur à celui de l’index de résistance
artérielle.
La présence d’un index de résistance
artérielle 80 semble donc être un puis-
sant prédicteur à la fois de la perte du
greffon et du décès avec un greffon
fonctionnel chez les transplantés
rénaux. La mesure de l’index de résis-
tance artérielle s’est avérée être simple
et reproductible entre les mains de
l’équipe de Hanovre. Elle peut être
répétée très facilement. Il serait bien sûr
intéressant d’analyser son évolution de
façon longitudinale.
L’index de résistance artérielle reflète
clairement des anomalies capables d’in-
fluencer la fonction à long terme du
greffon : la présence d’une augmenta-
tion de la résistance vasculaire est com-
mune à toutes les causes de néphropa-
thie, qu’elles soient immunologiques ou
non. Dans ce travail, l’index de résistan-
ce était corrélé avec un certain nombre
de paramètres histologiques obtenus un
an après la greffe, mais cela peut être
biaisé par le fait que seuls 31 % des
patients de cette série ont bénéficié
d’une biopsie rénale à cette date.
Y. Calmus, Paris
Radermacher J et al. The renal arterial resistance
index and renal allograft survival. N Engl J Med
2003 ; 349 : 115-24.
Implication
des récepteurs Toll
dans les mécanismes
du rejet aigu
L
es récepteurs Toll (TLR) sont des
récepteurs transmembranaires de
découverte récente. Leur premier rôle
démontré a été celui de la défense de l’or-
ganisme vis-à-vis des pathogènes. Ils sont
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capables de reconnaître des structures
très conservées chez les différents patho-
gènes (les LPS des bacilles à Gram néga-
tif sont reconnues par TLR4 par
exemple). Ainsi, contrairement aux Ig ou
aux TCR, leur capacité de reconnaissance
des pathogènes n’implique aucun réar-
rangement génétique (ils appartiennent
pour cette raison à l’immunité “innée”).
Une fois liés, les différents TLR signa-
lent tous, via la même protéine adapta-
trice, MyD88, responsable de la translo-
cation de NF-κB. Cette voie semble
cruciale pour le contrôle de la matura-
tion des cellules présentatrices de l’anti-
gène, qui seront ensuite capables de
migrer vers les ganglions drainants pour
activer les cellules T naïves et initier
une réponse Th1 (immunité adaptative).
Récemment, certaines publications ont
montré que des ligands du “soi modifié”
comme les HSP ou des extraits de cel-
lules nécrotiques pouvaient aussi activer
les TLR, et que ces ligands étaient en
quantité plus importante chez les sujets
présentant un rejet aigu d’allogreffe.
Ces deux observations ont conduit
Goldstein et al. à étudier l’implication
des TLR dans le rejet aigu d’allogreffe.
Les auteurs ont utilisé le modèle de
greffe de peau HY-mismatch chez la
souris [antigène mineur d’histo-compa-
tibilité porté par les mâles (donneurs) et
pas par les femelles (receveuses)].
Les souches de souris utilisées étaient
soit TLR2-/-, soit TLR4-/-, soit
MyD88-/-. Comme le rejet peut être
déclenché par les APC provenant du
donneur ou du receveur, les donneurs
et les receveurs étaient de même
souche (exemple : mâle TLR2-/- don-
nant à une femelle TLR2-/-).
Les résultats publiés dans cet article
montrent que le rejet des allogreffes de
peau HY-mismatch est dépendant de la
voie MyD88, puisque 8 des 9 souris
receveuses MyD 88 -/- sont incapables
de rejeter le greffon cutané mâle
MyD88 -/. Ce déficit en MyD88 semble
surtout crucial lors de la phase d’initia-
tion de la réponse allo-immune, comme
le suggère le déficit observé en CPA
matures dans les ganglions drainant le
greffon deux semaines après la trans-
plantation chez les souris MyD88-/-.
Les auteurs ont ensuite étudié le nombre
des lymphocytes T CD8+ anti-HY chez
les receveuses MyD88 -/- deux
semaines après transplantation. Cette
population est significativement dimi-
nuée par rapport aux contrôles WT, tra-
duisant un défaut d’activation du systè-
me immunitaire adaptatif chez ces ani-
maux.
Les auteurs suggèrent que ce déficit
d’activation du système immunitaire
adaptatif pourrait être en rapport avec
une expression diminuée en cytokines
Th1. En effet, il existe chez ces animaux
MyD88 -/- une expression réduite (par
rapport aux témoins WT), pour les
gènes de l’IFNγet de l’IL-2, dans les
ganglions drainant les greffons deux
semaines après la transplantation.
Les auteurs soulignent que leur travail
est le premier à démontrer le rôle des
récepteurs Toll dans le rejet d’allogref-
fe. Il illustre l’interconnection entre
immunité innée et immunité adaptative.
Même si de nombreuses questions res-
tent à éclaircir (quels sont les TLR acti-
vés, et par quels ligands ?), ce travail
suggère une nouvelle voie thérapeu-
tique du rejet d’allogreffe, jusque-là
inexplorée (même si le blocage de cette
voie, impliquée dans la défense vis-à-
vis des pathogènes, n’est sûrement pas
sans risques).
Une dernière interrogation vient du
modèle d’allogreffe testé. Dans ce
modèle, on sait que la réponse allo-
immune conduisant au rejet aigu est
quasi exclusivement Th1, mais ce n’est
pas le cas dans les modèles MHC-histo-
incompatibles, où la voie Th2 peut aussi
intervenir. Or les auteurs ont bien mon-
tré que le blocage de la voie MyD88 ne
semble pas affecter la réponse Th2. Il
semble donc important de vérifier l’effi-
cacité de ce blocage dans d’autres
modèles.
O. Thaunat, Paris
Goldstein DR et al. Critical role of the Toll-like
receptor signal adaptator protein MyD88 in acute
allograft rejection. J Clin Invest 2003;111:1571-8.
Rôle des polymorphismes
génétiques du donneur
dans le devenir
après transplantation
Jusqu’à présent, les chercheurs se sont
surtout penchés sur le rôle des polymor-
phismes génétiques du receveur. Ainsi,
des polymorphismes de gènes codant
pour des enzymes impliquées dans le
métabolisme des traitements immuno-
suppresseurs, pour des cytokines,
des récepteurs de cytokines ou des
facteurs de croissance ont été corrélés
avec le devenir après transplantation.
Cependant, des résultats souvent contra-
dictoires ont été rapportés. Ces diffé-
rences peuvent être expliquées par
l’autre pièce du puzzle, c’est-à-dire le
donneur d’organe. Il est possible d’ima-
giner que des polymorphismes du don-
neur puissent influencer le devenir après
transplantation. La réponse du tissu à
des agressions d’origine immunolo-
gique ou non peut varier d’une façon
extrêmement importante selon les
caractéristiques de ces tissus.
Les investigateurs de cette étude ont
étudié chez 244 donneurs d’organes les
polymorphismes des gènes de l’inter-
leukine (IL) 2 ; IL-6, IL-10, du tumor
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necrosis factor (TNF)α,du TGFβ,de
l’interféron (IFN)γet de chémokines
(CCR2, CCR5).
Les polymorphismes des gènes du
TGFβ(T/C du codon 10) et de CCR5
(G/A 59029) ont été associés de façon
faible avec la survenue d’un rejet. En
revanche, la présence d’un allèle T dans
le gène de l’IFNγ(+874) a été associée
de façon significative avec celle d’une
néphropathie chronique d’allogreffe
prouvée par biopsie.
Cette étude démontre encore une fois
l’importance de certaines molécules de
la réponse immunitaire ou de facteurs
de croissance dans les phénomènes sur-
venant après transplantation d’organe.
Surtout, de façon magistrale, elle
montre que les polymorphismes géné-
tiques du donneur sont importants. Le
donneur d’organe aurait ainsi un rôle
dans son propre devenir. Les cytokines
ne sont pas, en effet, allospécifiques, et
les polymorphismes du donneur pour-
raient être importants. Certains pour-
raient, par exemple, augmenter les
concentrations locales en IFNγ. Une
autre possibilité serait que les cellules
mononucléées passagères du donneur
expriment différemment des récepteurs
de protéines. Ainsi, cette étude ouvre
une nouvelle dimension dans la com-
préhension des phénomènes de rejet
aigu ou chronique, et rappelle que c’est
l’interaction de deux individus qui
explique le devenir après transplanta-
tion.
E. Thervet, Paris
Hoffmann S et al. Donor genomics influence graft
events: the effect of donor polymorphisms on acute
rejection and chronic allograft nephropathy. Kid-
ney Int 2004;66:1686-93.
Le processus de prolifération
homéostatique
qui suit une déplétion
lymphocytaire T
s’oppose à l’effet tolérogène
du blocage du deuxième signal
D
ans un très intéressant article (1), lar-
gement discuté à l’ATC cette année,
l’équipe du Dr Turka a présenté des résul-
tats suggérant qu’une déplétion T partiel-
le du receveur pourrait avoir un effet anta-
goniste sur l’induction de tolérance obte-
nue après blocage du second signal.
Le modèle de greffe utilisé par les
auteurs était celui de la transplantation
cardiaque hétérotopique allogénique
chez la souris (BALB/c -C57BL/6).
Les auteurs ont montré que l’induction de
tolérance, obtenue chez les animaux
témoins (grâce à l’utilisation combinée
d’une injection de splénocytes du donneur
et de CTLA4 Ig), n’était plus obtenue
chez des animaux ayant subi au préalable
une déplétion lymphocytaire T partielle
(par anticorps anti-CD4 + anti-CD8).
Ils ont démontré, par une série d’expé-
riences in vivo, que ce résultat dépendait
du processus de prolifération homéosta-
tique. Ce dernier désigne la prolifération
T non spécifique des cellules périphé-
riques après une déplétion lymphocy-
taire partielle. La prolifération homéo-
statique participe donc à la reconstitu-
tion lymphocytaire après déplétion pour
une part importante, dépendante de la
capacité du patient à générer de nou-
veaux clones lymphocytaires via le thy-
mus (en pratique, plus le sujet est âgé et
plus sa fonction thymique est défaillan-
te, plus le processus de prolifération
homéostatique joue un rôle important).
Étant donné la grande fréquence des
clones alloréactifs estimée à environ
10 % du pool lymphocytaire (tout du
moins ceux capables de reconnaître
directement l’allogreffe), une déplétion
T partielle laisse forcément quelques
lymphocytes alloréactifs en périphérie.
Or, les lymphocytes subissant ce pro-
cessus de prolifération homéostatique
acquièrent un phénotype mémoire qui
leur permet ensuite :
%d’infiltrer le greffon directement sans
nécessiter un priming dans les organes
lymphoïdes secondaires (rejet aigu
accéléré) ;
%de proliférer indépendamment du
signal par le CD28 (inefficacité des pro-
tocoles de blocage du deuxième signal).
Notons que l’hypothèse d’un défaut
d’expansion des cellules T régulatrices
lors d’une prolifération homéostatique a
été écartée par les auteurs, qui ont
démontré la présence d’un pourcentage
normal de CD4+ CD25+ dans le sang et
la rate des animaux après prolifération
homéostatique. O. Thaunat, Paris
1. Zihao W et al. Homeostatic proliferation is a
barrier to transplantation tolerance. Nat Med
2004;10,1:87-92.
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