La Lettre du Cardiologue - n° 392 - février 2006
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MISE AU POINT
Prévention de l’insuffisance cardiaque sous glitazones
La prévention de l’insuffisance cardiaque sous glitazones repose
sur le respect des précautions d’emploi précisées dans l’AMM
(tableau V). La réserve cardiaque peut être réduite chez les dia-
bétiques avec antécédent de cardiopathie (ischémique, valvulaire,
diabétique ou hypertensive). La prévention de l’insuffisance car-
diaque repose également sur le respect des contre-indications :
insuffisance cardiaque ou antécédents d’insuffisance cardiaque
(classes I à IV), association avec l’insuline et insuffisance rénale
sévère (tableau II). L’AMM européenne est plus restrictive que
l’AMM américaine : les classes I à IV de l’insuffisance cardiaque
contre-indiquent la glitazone en Europe, alors que seules les
classes III et IV la contre-indiquent aux États-Unis. Les facteurs
favorisant l’apparition d’une insuffisance cardiaque sous glita-
zones doivent être connus : sujet âgé, insuffisance rénale légère
à modérée, prise régulière d’AINS (tableau IV).
breuses études de morbimortalité sont actuellement en cours :
–AVANTAGE : cohorte de 3 500 patients français, suivi clinique
de un an ;
–étude 211 : glitazone versus placebo chez 200 diabétiques de
type 2 sous antidiabétiques oraux, en insuffisance cardiaque
NYHA I-II, FE > 40 % : suivi clinique et échographique à 1, 6
et 12 mois ;
–DREAM : glitazone + ramipril versus ramipril versus glitazone
versus placebo chez 4 000 patients intolérants au glucose ; décès,
événements cardiovasculaires et/ou diabète de type 2 à 3 ans ;
–ADOPT : glitazone versus metformine versus sulfamide,
3600 diabétiques de type 2 ; HbA1C à 4 ans ;
–RECORD : glitazone + metformine ou sulfamide versus met-
formine + sulfamide, 4 000 diabétiques de type 2 ; décès ou hos-
pitalisation pour événement cardiovasculaire à 6 ans ;
–BARI-2 : revascularisation versus traitement médical (glita-
zone versus sulfamides), 2 500 patients coronariens diabétiques :
événement cardiovasculaire à 5 ans ;
–PPAR:glitazone versus placebo, 200 diabétiques ou prédia-
bétiques postangioplastie ; événement cardiovasculaire à un an ;
–PROactive : pioglitazone versus placebo, 5 238 diabétiques type
2 avec macroangiopathie ; événement cardiovasculaire à 3 ans.
Nous ne disposons aujourd’hui que des résultats de l’étude
PROactive (11). À l’inclusion, un antécédent d’infarctus était
présent chez 47 % des patients, un antécédent d’accident vascu-
laire cérébral chez 19 % et une revascularisation myocardique
chez 31 %. À la fin du suivi, le critère principal de jugement (taux
cumulé de mortalité, infarctus, syndrome coronaire aigu, AVC,
revascularisation myocardique ou des membres inférieurs, ampu-
tation au-dessus de la cheville) n’était pas significativement infé-
rieur sous glitazone (HR 0,90, IC95 :0,8-1,02 ; p = 0,095). Le cri-
tère secondaire (décès, infarctus, accident vasculaire cérébral)
était moins fréquent sous pioglitazone (HR 0,84, IC95 :0,72-0,98 ;
p=0,027). La survenue d’une insuffisance cardiaque était plus
fréquente sous glitazone (tableau VI). Les auteurs concluent que
comparativement au placebo, la pioglitazone améliore le pro-
nostic cardiovasculaire des diabétiques de type 2 à haut risque,
et diminue la nécessité de recourir à l’insuline en sus du traite-
ment antidiabétique oral. ■
Tableau VI. Résultats de l’étude PROactive (11).
Pioglitazone Placebo p
N = 2 560 N = 2 633
Critère primaire 514 (20 %) 572 (21,7 %) NS
Critère secondaire 301 (11,7 %) 358 (13,6 %) 0,02
– décès 129 142
–infarctus 90 116
–AVC 82 100
Insuffisance cardiaque 281 (11 %) 198 (8 %) < 0,0001
–avec hospitalisation 149 (6 %) 108 (4 %) 0,007
–sans hospitalisation 132 (5 %) 90 (3 %) 0,003
–responsable du décès 25 (1 %) 22 (1 %) NS
Tableau V. Précautions d’emploi lors d’un traitement par glitazones
(AMM).
●
Rechercher les signes et les symptômes d’insuffisance cardiaque,
en particulier chez les patients avec réserve cardiaque réduite
●
Arrêt de la glitazone en cas de dégradation clinique de l’état
cardiaque
●
Dosage ALAT avant traitement, puis tous les 2 mois pendant un
an, puis régulièrement
●
Surveillance attentive du poids
●
Contrôle NFS avant traitement et sous traitement
Surveillance cardiovasculaire d’un traitement
par glitazone
Un traitement par glitazone nécessite la recherche de signes d’in-
suffisance cardiaque. Les signes fonctionnels sont peu spéci-
fiques chez le diabétique de type 2, souvent dyspnéique en rai-
son de la surcharge pondérale, avec une présence fréquente
d’œdèmes des membres inférieurs. L’ECG est rarement discri-
minant (HVG fréquente en raison de l’association diabète +
HTA). L’échocardiographie sera faite en cas de doute diagnos-
tique (apparition d’un galop ou de crépitants sous glitazones).
Indépendamment du traitement par glitazone, la présence du dia-
bète justifie la recherche d’une atteinte coronaire par interroga-
toire, examen cardiovasculaire et ECG annuel (10). La recherche
d’une ischémie myocardique par exploration non invasive est
justifiée en cas de signes d’appel clinique ou ECG, ou chez les
diabétiques de type 2 à risque (âge > 60 ans et deux autres fac-
teurs de risque, microalbuminurie et deux autres facteurs de
risque, protéinurie, artérite des membres inférieurs).
ÉTUDES DE MORBIMORTALITÉ
CARDIOVASCULAIRE SOUS GLITAZONES
Le bénéfice potentiel des glitazones sur la morbimortalité car-
diovasculaire repose sur les effets antihyperglycémiants de ces
molécules, sur l’action antiathéromateuse directe sur la paroi vas-
culaire suggérée chez l’animal et sur l’amélioration des mar-
queurs non traditionnels du risque cardiovasculaire. De nom-
Bibliographie
1. Hallsten K, Virtanen KA, Lonnqvist et al. Rosiglitazone but not metformin
enhances insulin – and exercise – stimulated skeletal muscle glucose uptake in
patients with type 2 diabetes. Diabetes 2002;51:3479-85.