Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 9 - novembre 2010
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dossier thématique
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
Traitement antidiabétique
et insuffisance cardiaque
Antidiabetic drugs and heart failure
R. Roussel*
© La Lettre
du Cardiologue-Risque
Cardiovasculaire
438 - octobre 2010
* Service d’endocrinologie
diabétologie nutrition,
groupe hospitalier Bichat-
Claude-Bernard, Paris.
L
es liens entre insusance cardiaque et diabète
de type 2 sont étroits et réciproques. Le risque
d’insusance cardiaque chez les patients diabé-
tiques nest pas complètement expliqué par les facteurs
de risque connus d’insusance cardiaque.
Le diabète, par l’hyperglycémie chronique et sans doute
aussi par d’autres facteurs qui lui sont intimement liés
– comme les anomalies lipidiques caractéristiques du
diabète de type 2 –, induit des transformations struc-
turales et fonctionnelles, notamment énergétiques,
qui peuvent favoriser le développement d’une insuf-
sance cardiaque. Plusieurs études ont rapporté que
les traitements antidiabétiques eux-mêmes pouvaient
avoir un impact sur les événements liés à l’insusance
cardiaque : on pense, en particulier mais pas exclu-
sivement, aux glitazones contre-indiquées chez les
patients à tous les stades de la classication de la NYHA.
D’autres molécules, en particulier l’insuline, ont éga-
lement été associées à un surrisque. Ainsi, au cours de
la Framingham Heart Study, l’excès de risque d’insu-
sance cardiaque chez les diabétiques a été conné aux
patients traités par insuline.
La suspicion concernant l’insuline est cependant loin
d’être systématiquement évoquée : elle a même été
associée (après administration aiguë) à une amélioration
de la tolérance à l’eort (1).
Épidémiologie
La prévalence de l’insusance cardiaque dans la popu-
lation générale est de l’ordre de 1 à 4 % pour les tranches
d’âge les plus élevées. Elle est d’environ 12 % chez les
diabétiques, une proportion atteignant 22 % chez les
sujets âgés de plus de 65 ans (2, 3). Malheureusement,
ces patients sont souvent exclus des grands essais cli-
niques.ciproquement, la prévalence du diabète dans
la population générale est de l’ordre de 4 à 10 %, et
elle atteint, selon les études, 10 à 38 % des insusants
cardiaques symptomatiques (4). Les patients diabé-
tiques sont d’autant plus à risque de développer une
insusance cardiaque qu’ils cumulent les facteurs de
risque cardiovasculaire. Un indice de masse corporelle
élevé (+ 2,5 kg/ m²) augmente le risque d’insusance
cardiaque de 12 % (5). Les autres facteurs de risque indé-
pendants sont l’âge, les antécédents de complications
micro-angiopathiques (rétinopathie et néphropathie
en particulier, qui s’accompagnent de protéinurie, voire
d’insusance rénale), macro-angiopathiques (antécé-
dents coronariens) et des caractéristiques du diabète
lui-même : une longue durée d’évolution du diabète
et la nécessité d’un recours à linsuline, 2 aspects très
liés, sont également des facteurs de risque dinsu-
sance cardiaque chez le diabétique. L’hypertension est
également un de ces facteurs de risque indépendants.
Elle est très fréquente chez le diabétique de type 2. Le
développement d’une insusance cardiaque est un
»
L’insuffisance cardiaque est fréquente chez les diabétiques, et,
réciproquement, le diabète constitue un facteur pronostique
péjoratif chez les insuffisants cardiaques.
»
Les glitazones multiplient par un facteur de 1,5 à 2 le risque
d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, mais, selon les données
disponibles, pas la mortalité cardiovasculaire.
»
Cet effet secondaire est lié à une rétention hydrosodée sensible
aux diurétiques de type amiloride ; il n’y a pas d’argument en faveur
d’une toxicité myocardique directe.
»
La metformine est le seul antidiabétique associé à une réduction du
risque d’insuffisance cardiaque, et, en cas d’antécédent d’insuffisance
cardiaque, elle est associée à un meilleur pronostic vital.
»
Ces observations sont essentiellement épidémiologiques, et
nécessitent une confirmation dans des essais randomisés contrôlés.
Mots-clés : Insusance cardiaque – Diabète Traitement antidiabé-
tique – Eet secondaire – Metformine.
Keywords: Heart failure – Diabetes – Anti-diabetic drug – Side-eect
Metformin.
Points forts
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Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
tournant très péjoratif dans l’évolution de la maladie :
dans létude DIABHYCAR (The non-insulin-dependent
DIABetes, HYpertension, microalbuminuria or proteinuria,
CARdiovascular events, and ramipril), qui portait sur des
diabétiques de type 2 micro- ou macro-albuminuriques,
le développement d’une insusance cardiaque était
associé à une mortalité multipliée par 12 au cours du
suivi (36 % versus 3 % chez les diabétiques ne dévelop-
pant pas d’insusance cardiaque) [6]. Dans une étude
américaine épidémiologique portant sur des patients
diabétiques âgés, la survie à 5 ans après le diagnostic
d’insusance cardiaque était inférieure à 15 % alors
quelle s’élevait à 80 % chez les sujets ne présentant pas
d’insusance cardiaque et appariés par l’âge.
Pourquoi les diabétiques développent-ils fré quemment
une insusance cardiaque ?
Plusieurs mécanismes ont été proposés :
De façon générale, les facteurs de risque dinsu-
sance cardiaque sont fréquemment observés chez les
diabétiques, comme l’hypertension, les pathologies
ischémiques, l’obésité, etc.
L’hyperglycémie chronique, mais également les
autres anomalies métaboliques associées à l’hyperglycé-
mie (hypertriglycéridémie en particulier postprandiale,
élévation des acides gras libres, baisse de la leptine,
etc.) ont probablement un eet direct sur le myocarde.
Le diabète est associé à des anomalies des systèmes
hormonaux vaso-actifs (activation de la noradrénaline
et de l’endothéline-1), mais aussi à une activation de
cytokines pro-inammatoires, dont l’IL-6 ou le TNFα.
Linsusance cardiaque présente également ces anoma-
lies, avec cependant une élévation des concentrations
circulantes de ces marqueurs à des niveaux bien supé-
rieurs, corrélées au pronostic (7). Or, l’insuline possède
des propriés anti-inammatoires (peut-être émoussées
dans les situations d’insulinorésistance) ; cette observa-
tion concorde avec un bénéce démontré de l’insuline
dans certaines situations de dysfonction cardiaque (1, 8).
Certains traitements antidiabétiques exercent une
toxicité sur le myocarde. Cependant, dans une étude
britannique rétrospective publiée en 2005 (ne portant
que sur les sulfamides, la metformine et l’insuline, et
excluant donc les glitazones), le risque dinsusance
cardiaque était élevé chez les diabétiques commen-
çant un traitement (sans diérence entre les diérentes
classes) seulement la première année, ce qui suggère
que la durée du diabète et la sévérité de la maladie
métabolique étaient les vrais facteurs en cause, plus
que l’aspect thérapeutique lui-même (9).
Enn, rarement, le diabète et la myocardiopathie sont
deux conséquences d’une même maladie systémique,
comme l’hémochromatose.
Impact de la prise en charge thérapeutique
du diabète sur les insuffisances cardiaques
Quel eet du contrôle glycémique ?
Sur le plan épidémiologique, les patients diabétiques
déséquilibrés ont un risque plus important de dévelop-
per une insusance cardiaque : + 10 à 15 % par point
d’HbA1c supplémentaire. Cette relation épidémiolo-
gique n’a pas pour l’instant trouvé de prolongement
à l’occasion des grands essais d’intensification du
traitement antidiabétique : au cours de l’étude UKPDS
(UK Prospective Diabetes Study), le risque d’insusance
cardiaque n’a pas été réduit chez les diabétiques sou-
mis à un contrôle intensif (7 % d’HbA1c moyenne) par
rapport aux sujets sous traitement conventionnel (7,9 %
d’HbA1c moyenne) [10]. Il sagissait, il est vrai, de diabé-
tiques plutôt jeunes, un peu plus de 50 ans à l’inclusion,
dont le diagnostic de diabète était récent. Dans les
essais publiés ces 2 dernières années (ACCORD, VADT
et ADVANCE), le taux d’insusance cardiaque n’était
pas non plus aecté par le contrôle glycémique chez
des sujets plus âgés (62 ans dans ACCORD et VADT et
66 ans dans ADVANCE) dont le diabète évoluait depuis
environ 8 à 10 ans.
Autres interventions thérapeutiques
chez les diabétiques
Bien que cet aspect sorte du cadre de cette mise au
point, il est clair que l’ecacité de l’intensication du
contrôle tensionnel chez les diabétiques est acquise :
les sujets soumis au contrôle intensif dans UKPDS pré-
sentaient un risque diminué de 56 % de développer
une insusance cardiaque. De plus, dans lescalade
thérapeutique, la généralisation du recours précoce aux
bloqueurs du système rénine-angiotensine, inhibiteurs
de l’enzyme de conversion et surtout sartans, en parti-
culier chez les patients présentant une néphropathie
diabétique plus ou moins évoluée, a probablement
contribué, récemment, à limiter l’incidence de l’insuf-
sance cardiaque chez les diabétiques.
Traitements pharmacologiques
antidiabétiques
Insuline
Linsulinothérapie a été associée à un risque accru de
décès chez les insuffisants cardiaques de plusieurs
études observationnelles. Au sein de l’essai SAVE
(Survival And Ventricular Enlargement), les sujets traités
par insuline après un infarctus du myocarde compliqué
d’une fraction d’éjection abaissée avaient un moins
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Traitement antidiabétique et insusance cardiaque
bon pronostic (risque ajusté de décès + 38 %) que les
patients recevant d’autres antidiabétiques (11). Ce
résultat a été retrouvé dans d’autres études, métho-
dologiquement médiocres (sous-groupes, absence
d’ajustement). En revanche, aucune augmentation
du risque de décès associée au recours à l’insuline n’a
été retrouvée dans la très vaste analyse des données
de patients de Medicare (12). On peut donc conclure
que l’insuline nest pas associée à un bénéce chez les
insusants cardiaques mais qu’elle n’aggrave pas non
plus le risque de mortalité. On sait aussi quelle est sou-
vent un choix par élimination et/ou échec des autres
options, et que l’absence de traitement nest pas une
alternative raisonnable.
Sulfamides
Le recours aux sulfamides est très fréquent chez les
diabétiques présentant une insusance cardiaque :
chez 1 833 diabétiques canadiens sourant aussi din-
susance cardiaque, 42 % étaient traités par sulfamide
en monothérapie et 47 % par une association sulfamide/
metformine (13). Les sulfamides hypoglycémiants se
lient à un récepteur situé sur la membrane des cellules
bêta du pancréas, SUR, couplé à un canal potassique,
Kir6.2, et induisent une insulinosécrétion : ils favorisent
donc l’hyperinsulinisme d’origine endogène, ecace
pour réduire la glycémie dans un contexte d’insulino-
résistance. Ils présentent l’inconvénient d’induire des
hypoglycémies, l’insulinosécrétion survenant quelle
que soit la glycémie après liaison du sulfamide à son
récepteur. La grande fréquence de leur utilisation
reète probablement la réticence vis-à-vis du recours
à dautres hypoglycémiants chez ces patients fragiles
et présentant potentiellement des contre-indications
à dautres classes, glitazones et biguanides. Chez les
diabétiques récemment diagnostiqués d’UKPDS, les
sujets du bras de traitement initial par sulfamide, après
échec des mesures hygiénodiététiques, ne présentaient
pas une incidence supérieure des nouveaux cas d’in-
susance cardiaque. Dans une analyse rétrospective
américaine, les sulfamides étaient au contraire associés
à une incidence inférieure d’insusance cardiaque, en
comparaison à l’insuline (− 36 %) [14]. La similitude entre
les canaux potassiques des cellules bêta pancréatiques
(les sulfamides hypoglycémiants les activent, induisant
une dépolarisation) et les canaux potassiques myocar-
diques a fait craindre, en particulier avec les sulfamides
les plus anciens (chlorpropamide, glibenclamide), un
risque accru de troubles du rythme et de mort subite.
Cependant, aucune association avec la mortalité n’a
été observée dans diérentes études rétrospectives
de cohortes (12). Enn, une autre étude rétrospective
de grande taille conduite en Grande-Bretagne a conclu
que les patients en monothérapie, comparativement
à la metformine, avaient un risque de mortalité signi-
cativement augmenté sous sulfamides de première
ou seconde génération (de + 24 à + 61 %), et un risque
d’insusance cardiaque congestive augmend’environ
25 % sous sulfamide de seconde génération (15). En
France, la quasi-totalité des patients sous sulfamides
reçoit une molécule dite de seconde génération. Sans
distinction de génération, chez des patients canadiens
sous antidiabétique en monothérapie, les sulfamides à
fortes doses étaient associés à un risque d’insusance
cardiaque supérieur à celui des patients sous faibles
doses de sulfamides, et à celui des patients sous met-
formine. On peut évoquer un biais de confusion dans ce
type d’étude rétrospective, la forte dose peut être le
reet de l’ancienneté et de la sévéridu diabète, mais
aucun eet nétait associé à la metformine à forte dose,
comparativement à la faible dose de metformine (16).
Globalement, les arguments sont faibles pour ar-
mer un eet délétère des sulfamides vis-à-vis du risque
d’insusance cardiaque, mais la comparaison avec la
metformine semble favorable à cette dernière.
Glitazones
Les glitazones, ou thiazolidinediones, sont des ligands
de PPAR-γ (Peroxisome Proliferator-Activated Receptor
gamma), un facteur de transcription exprimé dans le
tissu adipeux, mais aussi au niveau de l’endothélium,
des cellules bêta du pancréas et des macrophages. En
ce qui concerne l’eet métabolique recherché, leur cible
moléculaire est située essentiellement au niveau des
adipocytes dont ils stimulent la croissance en modi-
ant le phénotype dans un sens métaboliquement plus
favorable : les adipocytes, dont les dépôts augmentent
en situation sous-cutanée et régressent modérément
dans leur localisation abdominale, sont en moyenne de
plus petite taille et ont un prol sécrétoire d’adipocyto-
kines, telle l’adiponectine, plus favorable. Ils sont plus
sensibles à l’action de l’insuline, et, par l’intermédiaire
des adipocytokines, d’autres tissus périphériques amé-
liorent leur sensibilité à l’insuline : le muscle et le foie.
Ces traitements sont donc associés par nature à une
prise de poids, un élément a priori défavorable chez les
insusants cardiaques. Cette prise de poids est liée à
la croissance adipeuse, mais aussi à la rétention hydro-
sodée. La prise de poids moyenne la première année
est de l’ordre de 4 kg, répartis de façon équivalente
entre l’augmentation de la masse grasse et la rétention
hydrosodée. Elle se poursuit au cours des années de
traitement ultérieur à un rythme moins soutenu. Ces
observations sont similaires pour les 2 représentants de
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 9 - novembre 2010
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dossier thématique
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
la classe, la pioglitazone et la rosiglitazone. La traduc-
tion clinique de cette rétention hydrosodée comprend
également des œdèmes périphériques fréquents (de
l’ordre de 20 %) et une élévation des peptides natriu-
rétiques (17). Les mécanismes à l’origine des œdèmes
ne sont pas parfaitement clairs : une interaction des
glitazones avec les transporteurs de sodium au niveau
des tubules et des canaux collecteurs est probable,
peut-être également une augmentation du transport
hydroélectrique au niveau de la muqueuse intestinale.
Sur cette base, et d’après des essais de courte durée, la
rétention hydrosodée associée aux glitazones pourrait
être limitée de façon importante par une coprescription
de diurétiques de type amiloride.
Les grands essais cliniques qui ont évall’une ou l’autre
des glitazones par rapport à un placebo, de même que
plusieurs études observationnelles de grande taille ont
indiqué que le risque de décompensation congestive
à l’insusance cardiaque (ayant conduit à une hospi-
talisation avec le diagnostic d’insusance cardiaque
congestive) était presque doublé de façon similaire
par l’une ou l’autre glitazone. Ce risque est-il simple-
ment lié à une décompensation d’une insusance
cardiaque connue ou latente via la rétention hydroso-
dée, ou les glitazones ont-elles un eet délétère sur la
structure et la fonction myocardique ? Les arguments
expérimentaux, mais surtout les résultats de 2 essais
sur 52 semaines, comparant l’un la rosiglitazone à un
sulfamide, le glibenclamide, l’autre la rosiglitazone à
un placebo chez des patients avec une insusance
cardiaque de stade NYHA I ou II, ont indiqué de façon
concordante que les glitazones nétaient pas associées
à une altération de la fraction d’éjection du ventricule
gauche ou à d’autres marqueurs fonctionnels (18, 19).
Dans ces études, le traitement de l’insusance car-
diaque, en particulier le recours aux diurétiques, était
plus intense dans les groupes sous glitazone. Un petit
essai comparant le glimépiride, un sulfamide, à la rosi-
glitazone pendant 16 semaines chez 12 patients sous
meformine a même suggéré une amélioration de la
fonction diastolique sous glitazone (20). Une récente
analyse a porté sur plus de 20 000 patients traités par
pioglitazone ou rosiglitazone dans 7 essais randomisés.
Elle montrait que, comparativement aux témoins, les
sujets sous glitazone avaient un risque augmenté de
72 % de décompensation d’insusance cardiaque, une
augmentation cependant qui nétait pas associée à une
élévation du risque de mortalité cardiovasculaire (− 7 %,
non signicatif). Lors d’une analyse rétrospective d’un
registre américain portant sur plus de 16 000 patients
diabétiques, avec insusance cardiaque, les glitazones,
comparées à d’autres traitements non insulinosensibi-
lisateurs (ni glitazone ni metformine) étaient associées
à un prol cardiovasculaire en demi-teinte : si le risque
de décès dans l’année était diminué de 13 % signicati-
vement, le risque de réadmission hospitalière était, lui,
augmenté (12). D’autres études, également observa-
tionnelles, chez des vétérans américains ne relevaient ni
ce bénéce sur la mortalité ni cette association avec de
nouvelles hospitalisations pour insusance cardiaque.
Qu’en est-il lorsque l’insusance cardiaque est déjà
connue ? Dans la plupart des essais randomisés, elle
constituait un critère dexclusion. Une étude, déjà
mentionnée ci-dessus, a comparé la rosiglitazone à
un placebo pendant 1 an chez 224 patients au stade I
ou II de la NYHA. Hormis les œdèmes, aucun événement
clinique n’était aecté par la rosiglitazone sur cette
période relativement brève. Dans l’étude PROactive,
où la pioglitazone était comparée à un placebo chez
plus de 5 000 diabétiques à haut risque cardiovasculaire,
le nombre de patients traités pour une insusance
cardiaque à l’inclusion nétait pas précisé (les sujets des
classes II à IV de la NYHA étaient exclus). Cependant,
près de la moitié des patients avaient un antécédent
d’infarctus du myocarde. Lincidence des hospitalisations
pour insusance cardiaque a été de 6 % sous pioglita-
zone, contre 4 % sous placebo (p = 0,007). La mortalité
par insusance cardiaque était en revanche similaire.
Des analyses exploratoires ultérieures ont rapporté que
le risque de mortalité ou de présenter un événement
cardiovasculaire majeur après une première poussée
d’insusance cardiaque était inférieur sous pioglita-
zone. Ces poussées seraient donc plus fréquentes mais
moins graves sous pioglitazone, un argument indirect
pour soutenir un simple eet de rétention (21).
Les arguments sont-ils dénitifs pour contre-indiquer
les glitazones chez les insusants cardiaques ? Cette
thérapeutique est associée à un eet antidiabétique
modéré avec une baisse de l’ordre de 1 à 1,5 % de
l’HbA1c à 6 mois. Les autres bénéces sont relative-
ment peu consistants : on sait que la rosiglitazone
a été suspendue en Europe en raison d’un possible
risque d’augmentation de l’incidence des infarctus
du myocarde – bien que non dénitivement avéré –,
alors que la pioglitazone a été associée en revanche à
un possible bénéce au regard de la coronaropathie,
mais là aussi non avéré puisqu’il ne s’agissait que d’un
critère de jugement secondaire (22). La balance nest
donc pas favorable à l’utilisation de ces traitements
chez les insusants cardiaques. Toutefois, il est à noter
qu’aucune augmentation de la mortalité totale ou car-
diovasculaire n’a éobservée sur l’ensemble des études
ou des méta-analyses. En ce qui concerne la rétention
hydrosodée, les études observationnelles ont montré
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Traitement antidiabétique et insusance cardiaque
que les prescripteurs, maintenant très bien avertis de
ce risque, le géraient en intensiant les traitements
cardioprotecteurs, en particulier en recourant facile-
ment aux diurétiques. Les recommandations sont de
ne pas utiliser cette classe dès que le patient est en
stade I de la NYHA.
Metformine
La metformine est un traitement antidiabétique e-
cace (baisse de l’HbA1c de 1 à 2 %) de la classe des
biguanides, dont elle est le seul représentant. La phen-
formine a été utilisée jusque dans les années 1970 et
son retrait a été précipité par son implication dans
plusieurs centaines de cas d’acidose lactique, une
situation dramatique, puisque la mortalité de cette
pathologie est de l’ordre de 50 %. La metformine a
hérité de l’aura sulfureuse de la phenformine, bien
qu’elle en diffère sur de nombreux points : elle ne
connaît pas de métabolisme hépatique et est excrétée
intacte par le rein. Augmente-t-elle le risque d’aci-
dose lactique ? Cela a été admis comme une évidence
jusqu’à très récemment. Les mentalités commencent
à évoluer en raison de plusieurs observations. Elle a
été, en raison du passé de la phenformine, interdite
sur le marché américain jusqu’en 1996. Elle a alors été
réintroduite avec une pharmacovigilance très active.
Cela a fourni l’occasion d’observer si l’incidence des
acidoses lactiques chez les diabétiques augmentait
après lintroduction de la metformine : ni cette étude
américaine de pharmacovigilance ni 2 autres cohortes
rétrospectives américaine et canadienne nont mis en
évidence un surrisque associé à la metformine. Un
facteur de confusion vient notamment du fait que le
diabète, de par sa nature et également des comor-
bidités qui lui sont fréquemment associées, est un
facteur de risque d’acidose lactique. Par exemple, dans
l’étude américaine, 2,6 % des patients diabétiques
non traités par metformine ont présenté une acidose
lactique, un taux nettement supérieur à celui d’une
population non diabétique. En revanche, la proportion
pour les patients diabétiques traités par metformine
nétait que de 2,3 %, et donc non signicativement
diérente. Aucune étude ne nous fournit de données
spéciquement chez les patients présentant un dia-
bète et une insusance cardiaque, une condition
qui sut à augmenter considérablement le risque
d’acidose lactique. Cependant, nous avons récem-
ment présenté les résultats d’un registre mettant en
évidence une réduction de la mortalité de 24 % chez
les sujets diabétiques du registre REACH (REduction of
Atherothrombosis for Continued Health) en prévention
secondaire associée à la metformine : cette réduction
était encore plus marquée chez les sujets ayant, en
plus d’un antécédent athérothrombotique, un anté-
cédent d’insusance cardiaque, ce qui suggère que
si l’on ne peut exclure que le risque d’acidose lactique
sous metformine existe dans cette population, il est
très probablement largement contrebalancé par des
bénéces associés à la metformine sur la mortalité
à dautres titres (gure 1) [23]. Cette observation est
concordante avec le travail de F.A. Masoudi et al. chez
des patients diabétiques âgés et hospitalisés pour
insusance cardiaque, dont le pronostic vital à 1 an
était meilleur lorsque les sujets recevaient à la sortie
de l’hôpital de la metformine, comparativement aux
sujets non traités par un insulino-sensibilisateur (12,
13, 14, 24). Il est intéressant de relever que, dans ce
dernier travail et dans une méta-analyse plus récente,
non seulement la mortalité à 1 an mais également la
réadmission hospitalière, toutes causes confondues ou
pour décompensation d’insusance cardiaque, étaient
moins fréquentes pour les patients sous metformine
(gure 2). À l’évidence, les limites de ces études aux
sultats provocants et faisant potentiellement de
l’insusance cardiaque non plus une contre-indication
mais une indication de la metformine, doivent être
soutenues par des essais randomisés contrôlés spéci-
Figure 1. Risque de mortalité associée à la metformine dans le registre REACH pour les patients
diabétiques en prévention secondaire (le taux de mortalité des patients sous metformine est
comparé à celui des patients non traités par la metformine, avec ajustement sur de multiples
facteurs de risque cardiovasculaire et un score de propension lié à la prescription de metformine,
an de limiter le biais d’indication). La metformine est globalement associée à une réduction
(ajustée) de la mortalité de 24 %, un eet similaire quil y ait ou non un antécédent d’insusance
cardiaque.
Antécédent
d’insuffisance cardiaque
non
oui
n/N n/N
Yes No HR ajusté p
221/6,002 488/9,120 0,80 p = 0,034
116/1,220 419/2,790 0,69 p = 0,006
0,5 1,0 1,5 2,0
En faveur de
la metformine
P d’interaction : p = 0,39
Metformine
n/N : nombre de décès sur 2 ans/nombre total de patients dans le groupe.
1 / 6 100%
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