Éditorial
ancien et une insusance coronaire. Rappelons que,
dans la grande étude STENO 2 (2) qui démontra la réduc-
tion de 50 % de la morbi-mortalité cardio- vasculaire
grâce au traitement intensif de l’ensemble des facteurs
de risque, l’HbA1c du groupe “traitement intensif” était
à 7,7 %, loin de l’objectif visé de 6,5 %. Sur toutes les
études interventionnelles randomisées réalisées chez
les diabétiques de type 2, ce sont les patients du groupe
contrôle de l’étude ACCORD (3) qui ont obtenu la mor-
talité cardio-vasculaire la plus faible, avec une HbA1c de
7,5 %. Lorsque le patient diabétique n’a pas de risque
d’hypoglycémie, en particulier lorsqu’il n’est pas sous
insuline, il faut viser le meilleur équilibre glycémique
possible, commencer par la metformine, passer à une
bithérapie lorsque l’HbA1c atteint ou dépasse 6,5, à
une trithérapie lorsqu’elle atteint ou dépasse 7. Mais
lorsque le patient est à haut risque cardio-vasculaire
ou coronarien, et lorsqu’on utilise des drogues à risque
d’hypoglycémie comme les sulfamides et l’insuline, une
HbA1c à 7,5, voire à 8, paraît acceptable.
Les médecins prescripteurs ont maintenant à leur dispo-
sition non plus trois classes thérapeutiques (metformine,
sulfamides, insuline) mais huit (metformine, sulfamides,
inhibiteurs des alphaglucosidases, glinides, glitazones,
gliptines, analogues du GLP1, insuline, et bientôt gli-
ozines). Comment choisir ? Les AMM positionnent les
nouvelles molécules précocement en bithérapie avec la
metformine. Elles ne font que suivre le programme de
développement déni par l’industrie pharmaceutique
elle-même. Les recommandations devraient prendre en
compte non seulement la puissance d’action, la tolé-
rance, les eets secondaires (poids et hypoglycémies),
l’additivité, mais aussi la réponse à trois questions clés
pour le traitement du diabète de type 2 :
✓quelle durabilité d’action ?
✓
quelles conséquences sur la morbi-mortalité cardio-
vasculaire ?
✓quel coût ?
Par dénition, on ne peut répondre pour les nouvelles
molécules qu’à la troisième question, celle du coût, tou-
jours beaucoup plus élevé. Les questions 1 et 2 supposent
des études prolongées sur plusieurs années. Logiquement,
les nouvelles molécules n’ont donc de place qu’en cas
d’échec des anciennes molécules bon marché. En l’oc-
currence, prudence et économie vont de pair, comme
l’a montré l’histoire récente décevante des glitazones et
l’épisode du rimonabant
®
qui a été retiré rapidement de
la vente. Avec les glitazones, les diabétologues ont appris
qu’il existe des patients répondeurs – parfois de façon
spectaculaire – et des patients non répondeurs. Une des
nouvelles voies de recherche sera donc de dénir le phé-
notype, voire le génotype des répondeurs. En attendant,
force est de se contenter d’une démarche empirique. Un
nouveau traitement hypoglycémiant qui n’entraîne pas
une baisse d’HbA1c supérieure ou égale à 0,5 point dans
les 3 mois suivants doit être arrêté.
Reste que la classe thérapeutique qui a fait les preuves
de son ecacité pour la réduction du risque cardio-
vasculaire des diabétiques est celle des statines, avec
pour objectif un LDL-cholestérol inférieur à 1,30 g/l
chez tous les diabétiques de type 2, inférieur à 1 g/l
en cas de haut risque cardio-vasculaire, et autour de
0,70 g/l en prévention secondaire. À côté des statines,
les antihypertenseurs, en particulier les IEC, ont démon-
tré leur ecacité, tandis que l’indication du traitement
antiplaquettaire, reconnu en prévention secondaire,
reste discutée en prévention primaire. Quoi qu’il en
soit, l’incidence des accidents cardio-vasculaires, en
particulier de l’infarctus du myocarde, a considérable-
ment diminué chez les patients diabétiques, même si la
prévalence reste importante compte tenu de l’épidémie
de diabète. Cette amélioration importante, due au trai-
tement médical, soulève la question de la pertinence
du dépistage systématique de l’ischémie myocardique
silencieuse, dont le bénéce reste toujours à démontrer.
En conclusion, la prise en charge du diabète de type 2
représente environ 10 % des dépenses de la Sécurité
sociale, soit 12,5 milliards d’euros, avec une augmenta-
tion en euros constants de 80 % entre 2001 et 2007 (4).
Voilà des chires qui devraient nous faire rééchir sur
l’application du “juste soin au juste coût”, qui est pour
le médecin d’abord un devoir éthique, avant d’être une
responsabilité économique.
■
Pr André Grimaldi,
Service de diabétologie-métabolisme,
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
1. Holman RR, Paul SK, Bethel MA, Matthews DR, Neil AW.
10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 dia-
betes. N Engl J Med 2008;359:1577-89.
2. Gaede P, Lund-Andersen H, Parving HH, Pedersen O. Effect
of a multifactorial intervention on mortality in type 2 diabetes.
N Engl J Med 2008;358:580-91.
3. The Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study
Group. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes.
N Engl J Med 2008;358:2545-59.
4. Ricci P, Chantry M, Detournay B et al., pour le comité scien-
tifique d’Entred. Coûts des soins remboursés par l’Assurance
maladie aux personnes traitées pour diabète : études Entred
2001 et 2007. Bulletin épidémiologique hebdomadaire théma-
tique – Institut de Veille Sanitaire 2009;42-43:464-9.
R é f é r e n c e s