Avant-pro pos À nos lecteurs Nous sommes extrêmement heu- de toute l’équipe éditoriale et du Dr Sylvie Vercken, il a su réunir des reux de vous proposer, à l’instar de auteurs de plusieurs spécialités soutenues par nos publications : La notre publication dédiée au tabac, Lettre de l’Hépato-gastroentérologue, La Lettre du Cardiologue, Images en 2009, un nouveau numéro pluridisciplinaire de Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (MHDN), entièrement consacré au diabète de type 2. Le Professeur André Grimaldi, que nous remercions ici très sincèrement, nous a fait l’honneur de bien vouloir en élaborer le sommaire et en ophtalmologie, Images en dermatologie… Nous sommes convaincus que, comme nous, vous serez extrêmement intéressés par ces écrits conçus et rassemblés pour vous. Excellente lecture à tous. coordonner le contenu éditorial. Sous l’égide de la publication MHDN, ■ Claudie Damour-Terrasson, directrice de la publication Pr Pierre Gourdy, rédacteur en chef Éditorial Les objectifs de traitement du diabète de type 2 L’ épidémie de diabète de type 2 suit celle de l’obésité. Trente-deux pour cent des Français adultes sont en surpoids, et 14,5 % sont obèses, soit une augmentation de 11 % par rapport à 2006 (résultats ObEpi 2009), tandis que la prévalence du diabète augmente de 5 % par an. La France compte 2 500 000 patients diabétiques de type 2. La prévention repose bien sûr sur un vaste programme d’éducation à la santé, s’adressant à l’ensemble de la population, et particulièrement aux jeunes. Au stade de l’obésité maladie comme du diabète, il ne s’agit plus d’éducation pour la santé, mais d’éducation thérapeutique. L’éducation thérapeutique a pour but d’aider le patient à atteindre un compromis optimal individuel entre l’observance thérapeutique et le maintien d’une qualité de vie jugée acceptable, grâce à l’acquisition de compétences de soins et à une aide aux changements de comportement. L’éducation thérapeutique est donc d’abord thérapeutique, et ne peut se résumer à un apprentissage technique dispensé par des paramédicaux, à un accompagnement psychosocial par un psychologue ou à des informations et des conseils “on live” grâce à la télémédecine. Elle suppose un changement de la relation avec le patient, qui 48 devient un authentique partenaire de soins. L’evidencebased medicine n’offre donc pas une recette universelle, mais un outil entre les mains des praticiens, les aidant à individualiser les objectifs pour chaque patient. Les données récentes de l’evidence-based medicine en matière d’équilibre glycémique au cours du diabète de type 2 ont évolué dans deux sens apparemment opposés. D’une part, l’étude post-l’UKPDS (1) pour le diabète de type 2, confirmant les données post-DCCT dans le diabète de type 1, a montré qu’il existe une mémoire de l’hyperglycémie. Les diabétiques bien équilibrés pendant les premières années de leur diabète gardent un bénéfice rémanent 10 ans après. En vérité, il s’agit plutôt d’une pénalité rémanente, comme si l’hyperglycémie avait entraîné un vieillissement accéléré irréversible de la paroi artérielle. Les années perdues ne se rattrapent pas. Le slogan “plus tôt, plus vite, plus fort !” des diabétologues s’en trouve conforté. Mais l’evidence-based medicine est venue rappeler ce que l’on avait oublié : l’hypoglycémie sévère peut être mortelle chez le diabétique coronarien, alors qu’il n’y a pas de bénéfice démontré à vouloir ramener l’HbA1c au-dessous de 7,5 % chez des patients ayant un diabète Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 3 - mars 2010 Éditorial ancien et une insuffisance coronaire. Rappelons que, dans la grande étude STENO 2 (2) qui démontra la réduction de 50 % de la morbi-mortalité cardio-­vasculaire grâce au traitement intensif de l’ensemble des facteurs de risque, l’HbA1c du groupe “traitement intensif” était à 7,7 %, loin de l’objectif visé de 6,5 %. Sur toutes les études interventionnelles randomisées réalisées chez les diabétiques de type 2, ce sont les patients du groupe contrôle de l’étude ACCORD (3) qui ont obtenu la mortalité cardio-vasculaire la plus faible, avec une HbA1c de 7,5 %. Lorsque le patient diabétique n’a pas de risque d’hypoglycémie, en particulier lorsqu’il n’est pas sous insuline, il faut viser le meilleur équilibre glycémique possible, commencer par la metformine, passer à une bithérapie lorsque l’HbA1c atteint ou dépasse 6,5, à une trithérapie lorsqu’elle atteint ou dépasse 7. Mais lorsque le patient est à haut risque cardio-vasculaire ou coronarien, et lorsqu’on utilise des drogues à risque d’hypoglycémie comme les sulfamides et l’insuline, une HbA1c à 7,5, voire à 8, paraît acceptable. Les médecins prescripteurs ont maintenant à leur disposition non plus trois classes thérapeutiques (metformine, sulfamides, insuline) mais huit (metformine, sulfamides, inhibiteurs des alphaglucosidases, glinides, glitazones, gliptines, analogues du GLP1, insuline, et bientôt gliflozines). Comment choisir ? Les AMM positionnent les nouvelles molécules précocement en bithérapie avec la metformine. Elles ne font que suivre le programme de développement défini par l’industrie pharmaceutique elle-même. Les recommandations devraient prendre en compte non seulement la puissance d’action, la tolérance, les effets secondaires (poids et hypoglycémies), l’additivité, mais aussi la réponse à trois questions clés pour le traitement du diabète de type 2 : ✓✓ quelle durabilité d’action ? ✓✓ quelles conséquences sur la morbi-mortalité cardio-­ vasculaire ? ✓✓ quel coût ? Par définition, on ne peut répondre pour les nouvelles molécules qu’à la troisième question, celle du coût, toujours beaucoup plus élevé. Les questions 1 et 2 supposent des études prolongées sur plusieurs années. Logiquement, les nouvelles molécules n’ont donc de place qu’en cas d’échec des anciennes molécules bon marché. En l’occurrence, prudence et économie vont de pair, comme l’a montré l’histoire récente décevante des glitazones et l’épisode du rimonabant® qui a été retiré rapidement de la vente. Avec les glitazones, les diabétologues ont appris qu’il existe des patients répondeurs – parfois de façon spectaculaire – et des patients non répondeurs. Une des nouvelles voies de recherche sera donc de définir le phénotype, voire le génotype des répondeurs. En attendant, force est de se contenter d’une démarche empirique. Un nouveau traitement hypoglycémiant qui n’entraîne pas une baisse d’HbA1c supérieure ou égale à 0,5 point dans les 3 mois suivants doit être arrêté. Reste que la classe thérapeutique qui a fait les preuves de son efficacité pour la réduction du risque cardiovasculaire des diabétiques est celle des statines, avec pour objectif un LDL-cholestérol inférieur à 1,30 g/l chez tous les diabétiques de type 2, inférieur à 1 g/l en cas de haut risque cardio-vasculaire, et autour de 0,70 g/l en prévention secondaire. À côté des statines, les antihypertenseurs, en particulier les IEC, ont démontré leur efficacité, tandis que l’indication du traitement antiplaquettaire, reconnu en prévention secondaire, reste discutée en prévention primaire. Quoi qu’il en soit, l’incidence des accidents cardio-vasculaires, en particulier de l’infarctus du myocarde, a considérablement diminué chez les patients diabétiques, même si la prévalence reste importante compte tenu de l’épidémie de diabète. Cette amélioration importante, due au traitement médical, soulève la question de la pertinence du dépistage systématique de l’ischémie myocardique silencieuse, dont le bénéfice reste toujours à démontrer. En conclusion, la prise en charge du diabète de type 2 représente environ 10 % des dépenses de la Sécurité sociale, soit 12,5 milliards d’euros, avec une augmentation en euros constants de 80 % entre 2001 et 2007 (4). Voilà des chiffres qui devraient nous faire réfléchir sur l’application du “juste soin au juste coût”, qui est pour le médecin d’abord un devoir éthique, avant d’être une responsabilité économique. ■ Pr André Grimaldi, Service de diabétologie-métabolisme, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris Références 1. Holman RR, Paul SK, Bethel MA, Matthews DR, Neil AW. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;359:1577-89. 2. Gaede P, Lund-Andersen H, Parving HH, Pedersen O. Effect of a multifactorial intervention on mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:580-91. 3. The Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study Group. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:2545-59. 4. Ricci P, Chantry M, Detournay B et al., pour le comité scientifique d’Entred. Coûts des soins remboursés par l’Assurance maladie aux personnes traitées pour diabète : études Entred 2001 et 2007. Bulletin épidémiologique hebdomadaire thématique – Institut de Veille Sanitaire 2009;42-43:464-9.