e texte, qui régit la répression de l’usage et du trafic des stupéfiants, unanimement
reconnu comme inapplicable et ne correspondant plus aux consommations du XXI
e
siècle, n’a pu, malgré diverses annonces, être modifié par le gouvernement (ni par
le précédent d’ailleurs).
B e rn a rd Kouchner voudrait faire de cette loi modernisée une “manière de parler à la jeu-
nesse, de considérer les jeunes comme des adultes et de mettre fin à l’hypocrisie…”. Fort
bien, mais de quelle hypocrisie s’agit-il ?
L’actualité est ponctuée, au fil des mois, de nouvelles concernant l’augmentation des taxes
sur le tabac, de propositions d’assouplissement de règles et législations “sécrétées” par la
p r ession des lobbys alcooliers, d’annonce de sanctions frappant des prostituées et, de façon
insidieuse, d’injonctions à se livrer à la pratique, lucrative pour l’État, des jeux de hasard .
Toutes ces mesures concernent des pratiques unanimement condamnées, réglementées au
nom de principes moraux. Et pourtant… L’État ou diff é r ents groupes professionnels tire n t
une légitimité de la lutte contre leur développement. Si le rôle de la police ou des douanes
est de contrôler les trafics, celui-ci doit-il vraiment s’étendre à la prévention de l’usage de
substances psychotropes, se substituant ainsi aux parents ou aux éducateurs ?
En polarisant les sanctions sur les individus (prostituées, consommateurs…), on confond le
phénomène et ses victimes, qui, stigmatisées, deviennent les coupables et les responsables qu’il faut d’autant
plus sanctionner qu’ils récidivent… faute d’accès aux dispositifs sociaux et sanitaires ! L’explication simpliste
flatte la quête individualiste postmoderne et nous prive de réponses collectives qui reposent, elles, sur des soli-
darités actives !
Cette tendance répond à une rationalité économique : on allège les impôts obligatoires en leur substituant
des taxes “volontaires”comme celles sur les drogues ou les jeux... L’état soutient les buralistes et laisse se mul-
tiplier les points de vente des jeux (42 000 pour toucher 30,5 millions de personnes) dans le même temps où
f e r ment… les bureaux de poste ! Quitte d’ailleurs à confier la poste aux buralistes, tout en interdisant l’accès
des mineurs à la vente du tabac dans ces mêmes bure a u x …
Quand à ceux qui sont devenus “addicts”, il est tentant de leur faire pre n d r e en charge leurs soins (patchs
non remboursés) ou de les ignorer purement et simplement : l’off r e de jeux crée une nouvelle catégorie de
joueurs pathologiques pour lesquels il faudra bien, comme au Québec, envisager des programmes théra-
peutiques.
Quant aux substances psychotropes, ce sont les traditions culturelles qui sont convoquées en justification pour
maintenir des distinctions entre drogues licites et illicites… et une pénalisation inapplicable de l’usage de can-
nabis.
Le marché des drogues est dopé par la prohibition. Certains quartiers vivent sous la perfusion de ces re v e n u s .
Des générations, qui n’ont pas accès au travail salarié, en tirent leurs principales re s s o u rces. Et des sommes
considérables sont englouties dans la répression.
A contrario, c’est la mise à disposition de traitements de substitution et de matériel d’injection qui a fait régre s -
ser l’épidémie d’héroïnomanie, tandis que l’on doit la diminution pro g r essive des consommations d’alcool, et
maintenant du tabac, aux actions d’information et d’éducation pour la santé. Pour ces deux drogues légales-
là, le débat est possible et les enjeux en sont identifiés par les citoyens. Du coup, les médias le relaient larg e -
ment. Pourquoi donc ne pas en faire bénéficier le cannabis, ce qui re n f o r cerait l’impact de la campagne de pré-
vention et d’information ?
Peut-on rêver à des États qui, plus vertueux qu’ils ne le sont, ne se réfugieraient plus derr i è re la pro h i b i t i o n
pour contourner leurs responsabilités, et ne boucleraient plus leurs fins de mois par des “taxes indolores” ?
Les pouvoirs publics, après avoir tourné” et re t o u r né les tenants et les aboutissants de “l’aff a i r e” des déséq u i-
l i b r es alimentaires des enfants, responsables d’une véritable épidémie d’obésité ont trouvé – une fois de
plus ! – la solution dans la création d’une nouvelle taxe de…1,5 % sur les dépenses publicitaires des industriels
qui font de la promotion pour des denrées à destination des enfants. Il n’y a pas de quoi nous re n d r e optimistes
sur les capacités d’innovation de nos décideurs ! Ils ont, une fois de plus, re c o u r u à leurs bonnes vieilles méthodes
de taxation !
Et si on inversait les termes : prévention “contre” et publicité “pour”… un geste citoyen ?
Les tours de la Défense,
Anne de Colbert Christophoro v.
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Le Courrier des addictions (6), n° 3, juillet-août-septembre 2004
C
Est-il impossible de revoir
la loi de 1970 ?
Didier Touzeau*
* Rédacteur en chef du Courrier des addictions.