Fiche N°1 Comment évaluer un patient héroïnomane ?

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Fiche
thérapeutique
N°1
Sous la responsabilité de leurs auteurs
Comment évaluer un patient héroïnomane ?
D. Touzeau (Bagneux)
Les buts
La possibilité donnée au médecin de prescrire des traitements de substitution modifie son rôle auprès de
l’usager de drogues. Le médecin est confronté à des patients demandeurs de soins pour leur toxicomanie
ou qui le deviendront à l’occasion de cette rencontre. Il lui faut alors définir les objectifs de son action,
évaluer ses résultats et distinguer ce qui revient d’une part à la conduite toxicomaniaque et d’autre part à
ses conséquences (complications individuelles et risques pour les autres).
La pharmacodépendance
En évaluer le degré : doses, voie d’administration ; fréquence des prises ; durée des troubles ; coût des intoxications ; importance du mouvement vers la drogue ; nombre et durée des périodes d’abstinence ; degré d’implication dans le milieu des drogues ; facilité d’approvisionnement ; altération du comportement social ; degré
de dépendance psychique ; usages associés (médicaments, cocaïne, alcool).
Le contexte
psychologique
Connaître la motivation du patient : est-il vraiment las du mode de vie imposé par la recherche de drogues ?
A-t-il fait le tour des bénéfices de sa consommation ou, au contraire, est-il dépassé par celle-ci ? Souhaite-t-il
une insertion sociale, familiale ou est-il simplement en rupture d’approvisionnement ?
Rechercher la survenue d’antécédents psychiatriques : épisodes dépressifs, troubles psychotiques, hospitalisations sous la contrainte (hospitalisation à la demande d’un tiers, hospitalisation d’office), histoire
psychiatrique familiale, vécu de l’enfance et de l’adolescence (violences physiques et sexuelles, séparation
précoce des parents...).
Aspects médicaux
La réalisation d’un bilan de santé du patient peut être l’un des objectifs de la consultation, notamment pour
faciliter l’accès aux soins et prévenir la prise de nouveaux risques (au regard des contaminations VIH,
hépatites B et C). Cela concerne plus particulièrement les femmes enceintes, les malades du sida, les
patients hospitalisés pour divers motifs...
Aspects sociaux
Le bilan cherchera à déterminer si une prise en charge peut servir de base de départ à la mise en route
d’un projet individuel d’insertion sociale, si elle est à même de prévenir une plus grande désinsertion
(perte d’un emploi stable) ou de régler des problèmes familiaux, judiciaires, si elle peut éviter une rechute
à des sortants de prison...
Les outils
L’évaluation peut être facilitée par l’utilisation d’échelles de gravité de la toxicomanie (ASI) ou de scores
cliniques inspirés de l’appréciation du degré de dépendance au tabac, qui permettent de ne pas oublier tel
ou tel axe, comme le score TMSP (toxicomanie, suivi médical, socio-personnel et suivi psychiatrique) (W.
Loewenstein, L. Gourarier).
Diverses classifications peuvent aider le praticien à se repérer parmi différents symptômes, parmi elles, la classification internationale des maladies mentales (CIM 10). Le concept de toxicomanie est caractérisé historiquement par la place prépondérante laissée au sujet par rapport à celle du produit. On aboutit dans le DSM III à la
notion d’abus de substances toxiques et de dépendance ainsi qu’à la notion de perte de contrôle de l’utilisation
malgré des conséquences dommageables. Le DSM IV élargit le choix des critères aux symptômes comportementaux, psychiques ou physiques sans définir de priorité, la notion d’abus recouvrant les conséquences
néfastes de l’usage du toxique. Les cliniciens français ont, à travers le concept d’addiction (au produit, mais
aussi au jeu...), poursuivi un travail de compréhension psychopathologique posant le problème des interactions
entre les comportements pathologiques et la personnalité. Une évaluation clinique peut ainsi être envisagée sur
un plan qualitatif.
Discussion
L’application d’un traitement aux modalités variées (plusieurs intervenants), à des patients ayant des profils d’usage de drogues différents, rend difficile son évaluation individuelle. Des critères simples comme la
poursuite du traitement de substitution sur le long terme, la diminution des complications médicales ou
psychiatriques (tentatives de suicide), l’amélioration de l’insertion sociale permettent néanmoins de suivre
l’évolution du sujet. Les examens d’urines objectivent l’abstinence.
Cette évaluation doit être formulée dans son contexte :
• relation duelle ou pratique en équipe ou en réseau offrant des services variés ;
• importance de l’offre de drogues, accessibilité du lieu de soins ;
• politique locale ou nationale plus ou mois orientée vers l’accès aux soins et la réduction des risques.
Le Courrier des addictions (1) n° 1, décembre 1998/janvier 1999
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