(...) à observer la plus stricte économie compatible avec la qua-
lité, la sécurité et l’efficacité des soins” ; l’autre (162-4) sti-
pule que lorsque les médecins prescrivent “une spécialité phar-
maceutique en dehors des indications thérapeutiques ouvrant
droit au remboursement ou à la prise en charge par l’Assu-
rance maladie, ils sont tenus de le signaler sur l’ordonnance,
support de la prescription”.
De ces deux articles naissent deux paradoxes : une prescription
respectant l’AMM est quelquefois plus onéreuse qu’une ne la
respectant pas (exemple du Novatrex
®
,plus coûteux que le
Méthotrexate Bellon
®
) ; le fait de devoir mentionner “NR” sur
l’ordonnance légalise clairement le droit à la prescription hors
AMM. Malheureusement, la réglementation ainsi faite est hypo-
crite : le médecin mentionnant “NR” expose son patient au
risque de ne pouvoir s’acheter lui-même le produit trop oné-
reux. À l’inverse, le Code de la Sécurité sociale prévoit des sanc-
tions financières pour le médecin qui omet de mentionner “NR”.
Ainsi, une prescription hors AMM dûment réfléchie et consa-
crée par la littérature est un acte médical justifié, mais peut
devenir une faute du médecin eu égard aux caisses d’Assu-
rances maladie s’il omet de noter “NR”.
S’il est aisé d’accepter la volonté des caisses d’Assurances
maladie de limiter les éventuels abus de prescription non jus-
tifiée (par exemple, de bisphosphonates à la simple lecture
d’un compte-rendu de radiologie faisant état d’une “ostéopo-
rose” – en fait, une simple hypertransparence de la trame
osseuse), il n’est pas possible d’accepter l’idée de priver un
patient d’une thérapeutique réputée efficace sur des données
scientifiques (cas des patients ayant des maladies rares pour
lesquelles, dans la plupart des cas, les médicaments efficaces
n’ont pas d’AMM ; ou cas plus fréquents des patients souf-
frant d’un rhumatisme psoriasique et nécessitant le recours à
la Salazopyrine®ou au Méthotrexate).
LES SITUATIONS DE PRESCRIPTION HORS
AMM ET LEURS IMPLICATIONS
La prescription hors AMM par ignorance
Le rhumatologue peut être dans une situation de prescription
hors AMM à son insu. C’est alors une erreur qu’il est difficile
de défendre. Le fait qu’un médecin puisse prescrire un médi-
cament sans être sûr qu’il est (ou n’est pas) indiqué (selon
l’AMM) dans une situation clinique donnée ne pourra cho-
quer que les non-médecins ou les médecins non prescripteurs.
Tout médecin peut être pris au piège de l’AMM du fait de la
complexité croissante et anormale de notre système. Par
exemple, proposer du méloxicam à un patient ayant une scia-
tique est hors AMM, lui proposer un autre oxicam ne l’est pas.
Cet exemple paraît caricatural et sans importance. Néanmoins,
dans l’étau du contexte médico-légal actuel, la prescription
hors AMM est un facteur de risque aggravé (2). Dans cet
exemple, si un effet indésirable grave survenait sous méloxi-
cam, peut-être serait-il plus facilement opposé au prescripteur
que s’il était survenu dans le strict respect de l’AMM.
Le prescripteur du XXIesiècle se doit de connaître les AMM
des médicaments qu’il utilise : il y est ou y sera probablement
aidé par l’informatisation du cabinet médical. Certains pen-
seront qu’il pourrait l’être aussi par une simplification objec-
tive et scientifique de la liste des médicaments disponibles
motivée par le souci d’une optimisation permanente de la prise
en charge thérapeutique des patients.
Par ailleurs, le changement régulier des AMM peut être source
de prescription hors AMM par ignorance ; citons l’exemple
des modifications récentes des indications de la calcitonine,
du Plaquénil®, etc.
La prescription hors AMM en connaissance de
cause
Pour se convaincre de la nécessité de prescrire hors AMM,
plusieurs réflexions sont nécessaires.
Le rhumatologue doit se demander si toutes les thérapeu-
tiques ayant l’AMM, dans l’indication à laquelle il est
confronté, ont été utilisées de façon correcte et ont échoué.
Il est en effet illogique de prescrire hors AMM si l’on peut
prescrire dans le respect de l’AMM d’un autre médicament, à
efficacité identique.
Il doit aussi apprécier le rapport “bénéfice-risque” attendu,
et surtout s’assurer que les données de la littérature scienti-
fique consacrent l’usage du médicament en question dans cette
indication. La force des données scientifiques est toujours à
mettre en adéquation avec la fréquence de la pathologie. Par
exemple, l’efficacité démontrée de la salazopyrine dans le rhu-
matisme psoriasique à forme périphérique (4) permet cette
prescription hors AMM ; l’efficacité supputée des immuno-
globulines intraveineuses dans le stiffman-syndrome (5) auto-
rise à les proposer au patient si son état le requiert.
La prescription hors AMM ne peut être réalisée qu’après une
analyse rigoureuse de la part du rhumatologue. Elle doit
obligatoirement être précédée d’une information claire et
exhaustive du patient. Il faut lui expliquer la nécessité de cette
thérapeutique, le fait qu’elle est hors AMM, ses avantages et
ses risques. En théorie, il faut aussi l’informer du non-rem-
boursement, et de l’obligation du médecin de mentionner “NR”
sur l’ordonnance (1). Certains pourront penser qu’ils ne se
résoudront pas à écrire “NR”, synonyme de perte de chance de
guérison par non-remboursement. C’est en fait le cas pour l’im-
mense majorité des situations cliniques que nous rencontrons.
QUELQUES EXEMPLES APPLIQUÉS
À LA RHUMATOLOGIE
Les antidépresseurs et la douleur
L’imipramine (Tofranil®), premier antidépresseur commer-
cialisé en 1959, a été proposé dans le traitement de la douleur
peu de temps après que l’on ait admis son grand intérêt dans
le traitement de la dépression.
La Lettre du Rhumatologue - n° 285 - octobre 2002
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