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Un abord difficile, un traitement
possible et efficace
Une communication altérée : les effets psy-
chopharmacologiques de l’alcool éthylique
compliquent la communication quotidienne
mais aussi les prises en charge : beaucoup ont
besoin de boire pour rencontrer leur soignant…
À distance, les échanges sont modifiés du fait
de la culpabilité induite. Enfin, n’oublions pas
les lésions neurologiques (notamment mné-
siques) qui peuvent être associées.
Un carrefour multiforme : au carrefour
“biopsychosocial”, les tableaux cliniques peu-
vent beaucoup varier. On peut rencontrer des
malades alcooliques dans les services de
presque toutes les spécialités. L’intoxication
peut apparaître discrète ou caricaturale.
Pourtant, même discrète, elle peut paralyser le
soin. Elle peut être une comorbidité qui ne
pourra être corrigée que si la pathologie pri-
maire est neutralisée. Enfin, une rechute peut
compromettre rapidement une évolution posi-
tive. Et pourtant, elle fait partie aussi des aléas
de la maladie…
Un dépistage approximatif : de la grille
de Le Go aux CDT, on attend encore l’al-
coolémie de l’intoxication et, a fortiori,
celle de la dépendance. En réalité, rien ne
remplace l’auto-dépistage du patient et
l’écoute qui lui permet d’en faire état.
Une maladie chronique dont le pronostic
peut être très favorable : on est régulière-
ment surpris par des récupérations impor-
tantes chez des patients très dégradés. C’est
pourquoi beaucoup de soignants sont choqués
quand ils voient leur patient “retourner” à
l’alcool. Ils doivent avoir présent à l’esprit
qu’au-delà du sevrage, des stratégies complé-
mentaires seront nécessaires au fur et à mesu-
re de l’évolution des besoins du patient. C’est
le long travail de l’“après”.
La perspective normale d’un traitement
adapté est celle d’une abstinence prolon-
gée. Le patient restera toujours dépendant,
mais il retrouvera une santé satisfaisante et
pourra devenir un allié pour le thérapeute.
Et, en définitive, l’exercice alcoologique
peut être réellement très gratifiant.
Les limites rencontrées
Le déni de toute une société : les effets de
notre drogue nationale touchent chacun d’une
manière telle que la prise de distance est diffi-
cilement sereine. Le déni, refus ou impossibi-
lité d’affronter la réalité est, à son propos,
omniprésent. Il concerne tous les protago-
nistes du soin en alcoologie : les patients,
certes, mais aussi leur entourage ; les soi-
gnants qui peuvent être concernés ; les organi-
sateurs du soin qui ne concèdent pas d’ALD,
sauf si les patients ont des complications qui y
donnent droit. Et la plupart des mutuelles
complémentaires retirent leur épingle du jeu
pour les soins relatifs à l’alcool. Quant aux
planificateurs, ils investissent peu dans le sys-
tème de soin spécifique, ce qui n’empêche pas
les dépenses, mais elles sont alors dues – c’est
bien connu – aux complications…
Pour finir, l’enseignement et la recherche uni-
versitaires sont, dans ce domaine, marginaux.
L’industrie pharmaceutique, qui pourrait être
intéressée par ces millions d’assurés sociaux à
la recherche de “la potion magique”, est, à une
ou deux exceptions près, étonnamment dis-
crète. Quant à l’État, il suit ses administrés : le
seul domaine où il s’engage de manière conti-
nue est celui de la sécurité publique.
Des patients qui semblent fuir le soin :
voilà un malade qui ne veut pas se soigner…
Déni, ambivalence, étayés par le statut parti-
culier de l’alcool en France : sa consommation
est un critère d’insertion sociale. Ces patients,
avec une culpabilité paralysante, sont en
même temps sourds : se soigner, c’est “se tra-
hir”, se mettre en danger. Par ailleurs, où cet
anxieux trouvera-t-il un anxiolytique compa-
rable ? Comme pour tout toxicomane, l’ap-
préhension de l’arrêt de l’alcool pour un
alcoolique vaut celle de l’arrêt de l’oxygène
pour un insuffisant respiratoire... Aussi, pen-
dant longtemps, le patient tente-t-il de se soi-
gner seul et refuse de demander de l’aide.
Vient enfin le temps du sevrage. En une
semaine d’hospitalisation, dans un cadre tota-
lement sécurisé, il se sent guéri : Après
sevrage, le soignant et le patient se ressem-
blent et sont ravis de se quitter”. Et pourtant
C’est une maladie qui se soigne, quand on va
bien” disait le Dr. Haas.
Un entourage co-dépendant : l’entourage
présente la même obsession de l’alcool de
l’autre. La culpabilité – encore elle – est parta-
gée. Aussi, pendant longtemps, beaucoup de
conjoints tentent de soigner “leur” malade.
Plus tard, quand leur conjoint est en traitement,
peu d’hommes ou de femmes parviennent à
s’y associer en participant à des entretiens de
couple ou à des réunions. “C’est son affaire !”,
disent-ils ou elles.
Les soignants sont rarement investis. Du
fait de l’effectif important de patients répétant
les situations d’urgence, les professionnels
sont fréquemment saturés : quand à la fré-
quence s’ajoute la complexité, cela peut expli-
quer des démissions de fait. Effet d’optique
déprimant, particulièrement en milieu hospi-
talier : on ne voit que des gens en rechute et
dit-on, “toujours les mêmes”. Les soignants
“de l’ambulatoire” ont plus de chance : ils
voient les patients en bonne santé grâce aux
efforts de leurs collègues.
Pour finir, les soignants se sentent mal-
aimés : le soin en alcoologie dans les diffé-
rentes spécialités médicales n’est pas
reconnu, et l’alcoologie n’ouvre pas les
portes de la promotion. Comment parvenir
Ressources et contraintes en alcoologie :
du colloque singulier à la santé
communautaire
G. Demigneux*, I. Sokolow**
L’abord de la maladie alcoolique est difficile, et pourtant son traite-
ment peut être très efficace. À condition de s’en donner les moyens,
de mobiliser les ressources professionnelles, celles du patient, celles
de son entourage, celles de la communauté. Même s’il existe encore
peu de traitements spécifiques et si l’alcoologie demeure une vraie
parente pauvre de la médecine : connaît-on une autre maladie
orpheline qui… concerne toute une société ? Point et contre-point.
* SHU CH-Sainte-Anne, 75674 Paris et
Réseau alcoologie, Paris-sud.
** Unité d’alcoologie, CH 92210 Saint-Cloud,
et Réseau alcoologie, Paris-sud.
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Le Courrier des addictions (7), n° 1, janvier-février-mars 2005
dans ces conditions à remotiver le patient et
son entourage, condition indispensable de sa
prise en charge ?
Peu d’outils. L’alcoologie dispose de si peu
de traitements spécifiques qu’on pourrait
qualifier la maladie dont elle s’occupe d’or-
pheline. Or connaît-on une autre maladie
orpheline qui concerne toute une société ? Et
pourtant, peu de laboratoires pharmaceu-
tiques investissent... Nous devons cependant
à l’un d’entre eux l’essentiel de la promotion
du soin auprès des médecins. En même
temps, le principe de “traitements de mainte-
nance”, prescrits, validés par le seul usage, ne
va pas de soi en ce qui concerne la maladie
alcoolique. Et pourtant, il est bel et bien
besoin d’inventer du soin pour l’“après”.
Quel accès aux soins ?
L’ accès au soin est crucial : il permet à la moti-
vation de se construire. Les professionnels de
proximité sont rarement mobilisés, mais l’ac-
cès aux soins est assuré par une logistique spé-
cifique, hospitalière et ambulatoire.
Les services hospitaliers. Les structures
hospitalières spécialisées sont peu nom-
breuses et, de ce fait, peu disponibles : les
délais d’admission peuvent être très longs, les
conditions d’entrée sélectives. La plupart sont
obligées d’imposer des conditions de prise en
charge, de logement (garantie d’un héberge-
ment personnel à la sortie), d’absence d’autre
toxicomanie, ou de motivation (courrier
rédigé par le postulant). De plus en plus,
s’ajoutent des critères géographiques attri-
bués aux ARH.
Point positif : les modalités de soins sont variées,
ce qui pourrait être intéressant, mais… si l’on
avait un vrai choix ! Les soins peuvent être assu-
rés par des services de tous types et de toutes
spécialités, d’autant plus si elles travaillent avec
d’autres structures complémentaires.
Les services ambulatoires. Les structures
spécialisées assurent des soins décentralisés et
généralement gratuits. Leur répartition est à
peu près celle des sénateurs, c’est-à-dire
qu’elle est fonction du territoire et non des
flux : combien de structures de soins existent-
elles à Paris ? Dotées de moyens limités, elles
font de leur mieux pour limiter les délais d’at-
tente, élargir leur éventail des propositions et
parfois faciliter la communication avec le
reste du système de soins, voire les associa-
tions de patients.
Le soin devrait répondre aux multiples aspects
de la maladie par la diversité et la continuité
de son adaptation, car les besoins du patient
changent constamment. Et les intercon-
nexions sont toujours une chance pour le
patient. Ainsi, les réseaux formels permettent
aux rares soignants qui y sont investis, ren-
contre, mobilisation, et formation.
Une alliance avec le patient :
une modestie partagée
D’un côté, le patient doit faire le deuil de sa
toute puissance : il est battu. L’alcool l’a défi-
nitivement vaincu. Il faut qu’il trouve autre
chose. De l’autre, le soignant sait que ce n’est
pas lui qui doit arrêter de boire et qu’il doit en
passer par le patient. C’est de cette prise de
conscience, simple, du positionnement de l’un
et de l’autre des protagonistes par rapport à la
maladie, de ses ressources propres, que naîtra
la rencontre. Ou plus exactement : l’alliance
thérapeutique. C’est là une première source
d’économie des énergies !
Travailler avec le déni… et au-delà. Autre
source d’économie : souvent, point n’est
besoin d’aborder les sujets qui fâchent de
front. Dans le cas idéal, le patient vient avec
une demande formulée, mais pas toujours. Il
peut s’exprimer aussi non verbalement. À
nous de le comprendre.
Empathie et reformulation : le patient nous
donne souvent suffisamment de “matériel”
pour avancer. À nous de lui accorder une
attention intéressée, chaleureuse, sans juge-
ment, de porter sur lui un regard positif, qui lui
permettent de travailler ses représentations
jusqu’à parvenir à trouver lui-même des évi-
dences opératoires. Cela demande de prendre
le temps, une denrée rare qu’il faudra, n’im-
porte comment, consommer. Autant la lui
mettre à sa disposition d’emblée.
La confiance du patient : la demande du
patient légitime notre intervention. Elle la
guide et lui fournit son carburant. Dans les
conditions difficiles où le patient est amené à
formuler sa demande, souvent très (trop) tard,
nous ferons tout pour valoriser ce lien. Dans
tous les cas, prudence et absence d’intrusion
lui permettent de conforter sa confiance
en nous et de construire sa motivation.
Réassurance, déculpabilisation, lui permet-
tront de s’entrevoir comme acteur de son soin.
Accompagnement positif : par étapes, le
patient peut accepter de faire confiance. Il
sort de son désespoir, se situe mieux dans
ses propres enjeux, croit à une possibilité
de soin, et la recherche. Ce travail est, bien
sûr, individuel, mais il est potentialisé par
tous les partenaires, et notamment par ceux
qui ont traversé la même épreuve. Et c’est
bien par l’évidence de notre regard positif
sur les perspectives qu’il entrevoit, qu’il est
rendu possible.
Une alliance avec les soignants
Un accès aux soins généraux maintenu :
dans un moment où le patient a souvent socia-
lement beaucoup perdu, l’existence d’une
couverture maladie quasiment universelle est
extrêmement précieuse. L’hospitalisation est
utile, en amont d’une perspective d’action sur
la dépendance. La mise à distance du produit
permet, le plus souvent, de restaurer une com-
munication. De même, les comorbidités peu-
vent être évaluées et éventuellement traitées.
En fait, au-delà de l’alcool et du sevrage qui
n’aura peut-être été abordé que de manière
allusive, c’est l’accès à la santé qui est posé.
Dans le même temps, on l’aidera à mettre à
jour sa situation sociale.
L’investissement des structures spéciali-
sées : quand il en sera temps, l’hospitalisation
en centre spécialisé permettra au patient de
bénéficier de l’ensemble des services et
expertises, y compris de celle des autres
“curistes”, dans un cadre sécurisant où il pour-
ra mûrir et apprendre à exister autrement.
Chaque centre a ses spécificités, l’idéal étant
celui dont les soins sont ajustés au plus près
des besoins de ce patient. Mais il n’existe pas
Les associations
Les anciens malades se sont regroupés en
associations depuis des dizaines d’années,
voire plus d’un siècle. Certaines ont une
organisation nationale et existent quasiment
sur tout le territoire (Alcooliques Anonymes,
Croix d’or, Vie Libre, Croix Bleue). D’autres
ont une insertion locale ou professionnelle.
Sans que les soignants le sachent tous, ils
assurent, de par leur position, une grande
partie de l’accès au soin et de l’accompa-
gnement des patients. Ils leur rendent tous
types de services, notamment à l’interface du
social ou du médical.
Ils assurent des permanences dans les hôpi-
taux. Les AA gèrent une ligne téléphonique
gratuite disponible 24 heures sur 24. Ils
animent des groupes de parole en langues
étrangères ou pour des populations spéci-
fiques.
Les mêmes ont développé un corpus théo-
rique qui a permis l’élaboration d’outils pro-
fessionnels. Il existe ainsi des centre de cure
(type “Minnesota”) animés par des anciens
malades et structurés dans la perspective de
leur programme.
Les associations accueillent aussi l’entourage.
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de cure miracle. Aussi, rien n’est perdu
lorsque l’on doit négocier pour lui de nou-
velles indications thérapeutiques : il peut faire,
avec profit, plusieurs cures, sans que cela soit
qualifié “d’échec”. Et, en réalité, la qualité des
résultats, au final, dépendra beaucoup de celle
du relais passé “entre deux”…
Accompagner les professionnels : en même
temps que le patient prend confiance, le pro-
fessionnel qui participe à une telle prise en
charge s’investit. Ses réticences s’estompent,
d’autant plus s’il se sent, lui aussi, accompagné
par l’alcoologue. Celui-ci propose des straté-
gies, met en lumière des ressources, favorise
les contacts. Une telle confiance, précieuse,
s’installe progressivement, que le référent en
alcoologie s’efforcera d’entretenir.
Travailler avec les rechutes. Et viendra
peut-être le temps de la rechute, un vrai stress
pour tous, soignants et patients. Autant se dire
: non, ce n’est pas un retour à la case départ,
oui, tout reste possible, tant que la relation du
soignant avec le patient reste de qualité. Si le
patient peut parler rapidement de sa re-alcoo-
lisation, celle-ci ne sera peut-être, dans son
parcours, qu’un simple accroc. S’il tarde à en
parler, c’est alors la culpabilité… et, en défi-
nitive, l’alcool reprendra le pouvoir. L’arrêt en
sera d’autant plus douloureux. La rechute est
toujours l’occasion de lui chercher ensemble
des explications, de faire de nouveau le point,
de proposer un nouveau sevrage. Ainsi, peut-
elle devenir une étape constructive et, pour
certains, elle sera même une nécessité.
Du colloque singulier
à l’approche communautaire
Le soin mobilisera de multiples soutiens et
compétences, si possible en proximité.
La disponibilité de l’entourage. Nous
l’avons vu, l’entourage participe au “nœud
pathologique”. Sa prise en compte permet
d’envisager des stratégies adaptées et de
dénouer des situations apparemment blo-
quées. Il aura besoin d’un soutien particulier
pour accompagner l’évolution du patient. Il le
trouvera dans une prise en charge individuel-
le, mais aussi en groupe. L’association la plus
expérimentée est une émanation des
Alcooliques Anonymes : les Al-Anon.
L’invention avec d’autres soignants : le
contact sera pris avec d’autres soignants, qui
ne sont pas forcément des prescripteurs,
comme le médecin du travail (avec l’accord
du patient) en vue de sécuriser ou d’adapter le
poste de travail. Ou encore avec le médecin
conseil de la Sécurité sociale pour faciliter une
déclinaison des prises en charge adaptées.
On peut aussi trouver et proposer des straté-
gies de soins très différenciées : perfusions ou
piqûres chauffantes” faites par une infir-
mière ; entretiens avec les infirmiers et l’as-
sistante sociale ; massages faits par le kinési-
thérapeute ; relaxation conduite par ce dernier
ou par la psycho-motricienne, en cabinet ou
au centre socio-culturel local…
On peut négocier la collaboration d’autres ser-
vices, selon les cas, même si ce n’est pas for-
cément de gaieté de cœur : avec la PMI, mais
aussi avec la Commission du permis de
conduire… L’important est de savoir trouver
des aides diversifiées, proches et personnali-
sées, avec, toujours, la conviction que le temps
joue en faveur du patient.
Les groupes de parole : ils sont, pour les
patients et leur entourage, une ressource majeu-
re, car ils leur offrent la possibilité de rencontrer
d’autres personnes qui vivent les mêmes pro-
blèmes, dans un cadre structuré, contrôlé et
sans alcool (voir article suivant p. 40). Chacun
pourra entendre des histoires vécues, à la fois si
proches des leurs car façonnées en standard par
l’alcool, et si différentes dans leur singularité.
En même temps, chacun y trouvera une
confrontation avec ses stades d’évolution, diffé-
rents de celui des autres, et des possibilités
d’identification. “Il est passé par là, moi
aussi…”, “il a réussi, grâce à. Et moi ?…”
L’ e xpression est libre, sans jugement, les émo-
tions peuvent s’exprimer, dans un cadre qui
leur appartient. Le patient s’y sent reconnu.
Les informations qui s’y échangent sont
vécues et crédibles. Elles ont une légitimité à
ses yeux que ne pourrait pas avoir le discours
du scientifique. C’est dans les groupes que
s’est construit une grande partie de la praxis
alcoologique, et ce sont les patients qui ont
formé les scientifiques en leur transmettant
leur expérience. Ils peuvent être gérés par des
associations d’anciens malades, mais peuvent
aussi se réunir autour d’une consultation
spécialisée. Des relations solides s’y construi-
sent. Elles permettent des soutiens de proxi-
mité, avec un dévouement toujours impres-
sionnant.
L’entraide entre patients. Autour du
groupe se construit un autre groupe
d’échange, quasi permanent. Il réunit de
manière informelle les patients qui se rencon-
trent dans les réunions et continuent de se sou-
tenir dans les aléas de la vie quotidienne… et
de la maladie. L’entraide entre patients est
aussi possible à partir du “gisement” qu’est la
salle d’attente. Madame X s’interroge sur les
effets de tel traitement ou l’intérêt de tel centre
de cure ? “Demandons à Madame Y qui en a
l’expérience”. Elle n’imagine pas qu’une abs-
tinence prolongée soit possible ? “Monsieur
Z, qu’en pensez-vous ?”. Aussi, un accueil
bien géré permet des attentes longues en salle
d’attente !
Les anciens buveurs sont des alliés : les
anciens buveurs constituent des alliés de
poids. Mais chacun à sa place : ils sont des
patients dont il faut reconnaître la qualité du
travail en bénévolat et les en remercier, mais
ils ne peuvent remplacer les soignants. Ceux-
ci peuvent et ont tout intérêt à s’appuyer sur
eux, mais non à se décharger sur eux de la part
qui leur revient. En particulier, ils devront tou-
jours veiller à protéger le secret médical (voir
l’entretien avec Jean-Paul Descombey dans
ce numéro).
L’alcoologie dépasse le soin
La clé d’entrée dans le traitement est toujours
le sevrage. Hors urgence ou contrainte légale,
cela suppose l’accord du patient. Au-delà de
cette courte période… C’est le vide. Le rem-
plir sans alcool passe par une élaboration dont
le malade est l’acteur principal. Cette évolu-
tion exige le maintien de l’abstinence, mais
aussi des stratégies différenciées d’accompa-
gnement et de soins. Du fait de la variété des
problématiques et des ressources mobili-
sables, le soignant et le patient devront faire
œuvre commune de créativité.
L’entourage est partie prenante. La com-
posante médicale du soin pourra impliquer
plusieurs spécialités. Toutefois, nécessaire,
elle n’est pas suffisante et il faut rechercher de
nombreuses autres compétences (sociales,
psychologiques, juridiques). C’est, en effet,
toute une équipe qui accepte d’être au service
du patient qu’il s’agit d’inventer à chaque fois.
Dans son dénuement, l’alcoologie a donc une
chance énorme : elle peut remettre en selle des
gens (trop souvent) disponibles, souvent
encore insérés, et disposant d’une santé
renouvelée. Ils sont devenus des “experts” du
vécu alcoolique et savent comment ils ont
recouvré un équilibre, le leur. Et, comme ils
ont besoin d’être utiles pour se “renarcissiser”,
ils sont ravis d’aider à leur tour les malades en
cours de soin. Avec eux, le monde non médi-
cal accueille et accompagne des patients :
voilà comment l’alcoologie dépasse le soin.
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