q éthi u e et addi c t i on Psychiatrie/addiction : intérêt des doubles diagnostics ? L’éthique entre savoir et faire Philippe Dupain* Dans le cadre des addictions, aussi bien la littérature que notre pratique clinique au sein de l’Écimud Saint-Antoine, nous confrontent à ce que l’on nomme désormais les doubles diagnostics. Pour les auteurs anglo-saxons, le double diagnostic est l’existence d’un trouble mental associé à un trouble du contrôle (Axe I, DSM IV). Plusieurs études soulignent l’importance de cette comorbidité où les troubles se renforcent mutuellement ou bien ont des évolutions parallèles. Les sujets qui présentent un double diagnostic ont des troubles plus sévères, ils ont des difficultés plus importantes sur le plan affectif, social et économique. Cette comorbidité prédit un mauvais résultat thérapeutique, plus de réhospitalisations, une mauvaise observance, l’augmentation des neuroleptiques, l’aggravation des troubles mentaux et une mauvaise réinsertion. Chez les schizophrènes, l’addiction accroît le passage à l’acte (violence, suicide). Dans notre expérience à l’Écimud, cette comorbidité reste élevée (86 %), les troubles anxieux représentent 25 %, les * Écimud, CHU Saint-Antoine, Paris. Brèv Brèv s è v r e B s èv es r B s e e La naltrexone évite bien les rechutes alcooliques troubles dépressifs : 15,3 % et les troubles psychotiques : 15,3 %. À côté, il existe une forte prévalence des troubles de la personnalité (31,4 %). Il reste encore à effectuer des études de prévalence avec des outils structurés (Mini DSM IV, SCID, SCID-PD) afin de proposer des soins au plus près du patient. À partir de ce constat, doit-on privilégier des structures de prise en charge adaptées (sur le modèle des Addiction Treatment Unit) ou considérer l’addiction comme l’épiphénomène d’un trouble psychologique sous-jacent ? Méthode d’automédication chez un sujet vulnérable ou choix identitaire à travers un produit. Ici, se pose un conflit éthique, le patient est-il le meilleur juge du soin qui lui est proposé ? Si la conception paternaliste repose sur la bienfaisance. Le soignant fait des choix pour le bien du malade, cette conception est un moyen permettant d’obtenir le bien pour le plus grand nombre. La substitution se Dans cet essai clinique randomisé, contrôlé, 55 patients alcoolodépendants traités en ambulatoire prenaient de la naltrexone (50 mg par jour) et 56 un placebo. L’étude devait durer douze semaines, pendant lesquelles tous les patients bénéficiaient d’une séance d’accompagnement psychosocial et éducatif hebdomadaire de groupe. L’état de chacun était également évalué chaque semaine. Quarante de ces patients n’ont pas été jusqu’au bout des douze semaines : 17 dans le base sur ce principe dans la prévention du VIH et du VHC, l’accès aux soins ou la diminution de la délinquance. À côté, la conception de l’autonomie est fondée sur le principe de liberté où le soignant informe le malade qui fait des choix pour lui-même. L’autonomie est le but à atteindre si l’on veut être juste pour l’autre. Le caractère de l’addiction semble en contradiction avec cette conception de l’autonomie, c’est une maladie chronique primaire où l’exposition à la drogue est seulement un facteur étiologique de son développement. L’addiction se manifeste par des conduites comme la perte de contrôle de l’usage, le craving et l’usage compulsif malgré des conséquences physiques, mentales et sociales négatives. Le déni des troubles étant un facteur aggravant. Si l’éthique clinique est une action de soin accomplie dans le souci de soi, le souci d’autrui et de chacun ; le soin pour le sujet dépendant repose sur la notion de contrat “social” où sa maladie doit être reconnue comme une résistance au changement. Cela met en cause à la fois le secret professionnel dans le travail de réseau avec les associations, les contre-attitudes des soignants où la toxicomanie reste une maladie “sociale”, mais aussi la gratuité des soins (substitution, consultations, sevrages) qui peut entraver tout travail psychique. Pour Freud, la cocaïne représentait un “brise souci”, aujourd’hui on tend à penser que l’addiction se rapproche plus des troubles obsessionnels-compulsifs et des troubles de l’humeur que de la solution à un malaise social uniquement. Une éthique du soin ne peut faire l’économie d’un diagnostic psychopathologique propre au cas, la médecine relève plus d’une obligation de moyens que de résultats. groupe sous naltrexone et 23 dans celui sous placebo. Parmi les sujets sous naltrexone, un petit nombre seulement ont rechuté, et parmi tous ceux qui ont été jusqu’à la fin de l’essai clinique, le médicament, par ailleurs bien toléré, avait vraiment réduit la consommation d’alcool. Ces résultats tendent à prouver que la naltrexone est efficace dans la prévention des rechutes, dans le cadre d’une prise en charge psychosociale limitée dans le temps. Il faudrait en contrôler l’efficacité à plus long terme. – Morris PLP et al. (Southport,Australie) Addiction 2001 ; 96 : 1565-73. F.A.R. 27 e Brèv