Le Courrier des addictions (9) – n° 2 – avril-mai-juin 2007
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Groupe d’étude sur le sevrage tabagique :
15e réunion annuelle
Paris, 11-12 janvier 2007
G. Lagrue *
Le GEST (Groupe d’étude sur le sevrage tabagique) vient de réunir plus
de deux cents tabacologues pour sa 15e réunion annuelle sous la prési-
dence de P. Delormas et G. Lagrue. Le GEST est né en 1993, de la ren-
contre informelle de quelques médecins impliqués dans l’aide à l’arrêt
du tabac, par conviction personnelle et sans moyens officiels : ils étaient
très peu nombreux et ne s’appelaient pas encore “tabacologues”. Le
GEST a peu à peu pris sa place dans le paysage tabacologique français,
à côté de la Société française de tabacologie, mais avec des objectifs
différents. Le GEST offre, en pratique, une véritable formation médicale
Continue dans cette spécialité. Ses journées sont également différentes
des “symposiums”, organisés par les laboratoires. Ses programmes sont
établis, indépendamment de tout marketing ou pressions, par un comité
d’amis et collègues. L’organisation matérielle du GEST est prise en char-
ge par deux firmes mécènes, Novartis Santé Familiale et Pierre Fabre,
qui n’interviennent pas dans le choix des sujets.
* Centre de tabacologie, hôpital Albert-Chenevier, Créteil.
Les journées du GEST comportent toujours
plusieurs thèmes généraux :
– les données neurobiologiques de base, car
connaître les mécanismes est indispensa-
ble à tout progrès clinique et thérapeutique ;
– les aspects psychologiques, car addiction is
a brain disease ;
– la dépendance tabagique n’échappe pas à
cette règle et les comorbidités psychiatriques
sont présentes dans près d’un cas sur deux
chez les fumeurs les plus dépendants ;
– les problèmes de santé publique, car le ta-
bagisme, par sa fréquence et ses complica-
tions, implique des décisions à l’échelon gé-
néral et politique (au sens large du terme) ;
– les actualités cliniques, bien entendu indis-
pensables, en partie sous la forme de “flashs
d’actualité”. Ces exposés sont complétés par
des “ateliers pratiques”, où les participants
peuvent débattre et échanger leurs expériences.
Stimuli évocateurs
Sur le thème de la neurobiologie, Pierre So-
koloff a abordé le problème du conditionne-
ment, c’est-à-dire ce processus essentiel qui
induit la reprise d’une envie impérieuse de fu-
mer dans de nombreuses circonstances, quand
elles ont été associées antérieurement au fait
de fumer une cigarette. Le terme anglais cue
reactivity est difficile à traduire. Sokoloff pro-
pose “stimuli évocateurs”. Les stratégies de
dépendance expérimentale ont bien démontré
la réalité de ce phénomène, avec toutes les
substances psychostimulantes, amphétami-
nes, cocaïne, nicotine, par exemple en asso-
ciant l’injection de la substance à un stimulus
lumineux. Ce phénomène est lié à l’action de
la nicotine qui induit la libération de dopami-
ne avec, en cas d’administration prolongée,
une désensibilisation des récepteurs nicoti-
niques. Le mode de sécrétion de la nicotine,
initialement de type tonique (avec une faible
fréquence de potentiel d’action) devient alors
de type phasique avec des bouffées ayant une
fréquence de potentiel d’action très rapide (de
15 à 100 Hz), associé à l’attente hédonique et
donc aux réflexes conditionnés.
Ces réflexes conditionnés jouent un rôle es-
sentiel dans la reprise des cigarettes, une fois
le syndrome de manque disparu. Ils peuvent
être atténués par des antagonistes des récep-
teurs dopaminergiques D3, permettant d’ob-
tenir un déconditionnement de l’animal. Ces
faits suggèrent qu’après la période de sevrage,
il serait nécessaire de proposer un traitement
capable de supprimer la réponse aux stimuli
incitateurs, et ainsi de réduire la fréquence des
rechutes.
Épidémiologie
Sur ce thème de santé publique, Antoine Fla-
haut a fait le point sur les études épidémiolo-
giques concernant le dépistage du cancer du
poumon par le scanner hélicoïdal. Celui-ci est
capable de détecter des lésions de petite taille,
et devrait donc permettre de traiter des lésions
précoces et d’améliorer le pronostic.
De grands essais ont été menés aux États-Unis
(près de 5 000 sujets à haut risque, essentielle-
ment gros fumeurs) et en France (Dépiscan).
Les résultats montrent combien il faut se gar-
der de tout enthousiasme excessif et de toute
utilisation prématurée, sans une étude rigou-
reuse préalable. Pour interpréter les résultats,
les biais sont nombreux : la détection précoce
prolonge évidemment la survie ; le dépistage
sélectionne les tumeurs les moins évolutives ;
le taux de cancer détecté est faible (< 3 %), car
90 % des nodules détectés sont bénins.
Les risques d’un dépistage précoce sont donc
multiples : irradiation cumulative ; procédu-
res invasives nécessaires pour confirmer le
diagnostic, toutes comportant des risques,
telles les biopsies pulmonaires transcutanées
et éventuellement des thoracotomies, “blan-
ches” dans la majorité des cas ; examens
également inutiles pour d’autres anomalies
cardiaques, rénales, hépatiques… Enfin, l’ab-
sence d’anomalies risque d’induire le sujet à
continuer de fumer…
Les essais doivent donc être poursuivis, afin
de bien déterminer l’efficience c’est-à-dire le
rapport avantages-risques de la généralisation
de cette technique, indépendamment du coût
représenté, si tous les gros fumeurs français
(entre 2,5 et 3 millions) demandaient à béné-
ficier de ce dépistage !
La maladie gingivo-parodontale
Un thème clinique moins connu a été abordé :
celui de l’influence du tabagisme sur la ma-
ladie gingivo-parodontale (Monique Brion,
Créteil). C’est une réelle maladie infectieuse,
liée à une réponse des tissus gingivaux aux
agents bactériens présents dans la plaque
dentaire. Le tabagisme en est, avec le dia-
bète, la principale cause, en association avec
une mauvaise hygiène bucco-dentaire. Les
conséquences sont graves, à la fois locales et
générales, l’atteinte gingivale aboutit à une
destruction des tissus de soutien de la dent