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Groupe d’étude sur le sevrage tabagique :
15e réunion annuelle
Paris, 11-12 janvier 2007
capable de supprimer la réponse aux stimuli
incitateurs, et ainsi de réduire la fréquence des
rechutes.
Épidémiologie
G. Lagrue *
Le GEST (Groupe d’étude sur le sevrage tabagique) vient de réunir plus
de deux cents tabacologues pour sa 15e réunion annuelle sous la présidence de P. Delormas et G. Lagrue. Le GEST est né en 1993, de la rencontre informelle de quelques médecins impliqués dans l’aide à l’arrêt
du tabac, par conviction personnelle et sans moyens officiels : ils étaient
très peu nombreux et ne s’appelaient pas encore “tabacologues”. Le
GEST a peu à peu pris sa place dans le paysage tabacologique français,
à côté de la Société française de tabacologie, mais avec des objectifs
différents. Le GEST offre, en pratique, une véritable formation médicale
Continue dans cette spécialité. Ses journées sont également différentes
des “symposiums”, organisés par les laboratoires. Ses programmes sont
établis, indépendamment de tout marketing ou pressions, par un comité
d’amis et collègues. L’organisation matérielle du GEST est prise en charge par deux firmes mécènes, Novartis Santé Familiale et Pierre Fabre,
qui n’interviennent pas dans le choix des sujets.
Les journées du GEST comportent toujours
plusieurs thèmes généraux :
– les données neurobiologiques de base, car
connaître les mécanismes est indispensable à tout progrès clinique et thérapeutique ;
– les aspects psychologiques, car addiction is
a brain disease ;
– la dépendance tabagique n’échappe pas à
cette règle et les comorbidités psychiatriques
sont présentes dans près d’un cas sur deux
chez les fumeurs les plus dépendants ;
– les problèmes de santé publique, car le tabagisme, par sa fréquence et ses complications, implique des décisions à l’échelon général et politique (au sens large du terme) ;
– les actualités cliniques, bien entendu indispensables, en partie sous la forme de “flashs
d’actualité”. Ces exposés sont complétés par
des “ateliers pratiques”, où les participants
peuvent débattre et échanger leurs expériences.
Stimuli évocateurs
Sur le thème de la neurobiologie, Pierre Sokoloff a abordé le problème du conditionnement, c’est-à-dire ce processus essentiel qui
induit la reprise d’une envie impérieuse de fu* Centre de tabacologie, hôpital Albert-Chenevier, Créteil.
mer dans de nombreuses circonstances, quand
elles ont été associées antérieurement au fait
de fumer une cigarette. Le terme anglais cue
reactivity est difficile à traduire. Sokoloff propose “stimuli évocateurs”. Les stratégies de
dépendance expérimentale ont bien démontré
la réalité de ce phénomène, avec toutes les
substances psychostimulantes, amphétamines, cocaïne, nicotine, par exemple en associant l’injection de la substance à un stimulus
lumineux. Ce phénomène est lié à l’action de
la nicotine qui induit la libération de dopamine avec, en cas d’administration prolongée,
une désensibilisation des récepteurs nicotiniques. Le mode de sécrétion de la nicotine,
initialement de type tonique (avec une faible
fréquence de potentiel d’action) devient alors
de type phasique avec des bouffées ayant une
fréquence de potentiel d’action très rapide (de
15 à 100 Hz), associé à l’attente hédonique et
donc aux réflexes conditionnés.
Ces réflexes conditionnés jouent un rôle essentiel dans la reprise des cigarettes, une fois
le syndrome de manque disparu. Ils peuvent
être atténués par des antagonistes des récepteurs dopaminergiques D3, permettant d’obtenir un déconditionnement de l’animal. Ces
faits suggèrent qu’après la période de sevrage,
il serait nécessaire de proposer un traitement
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Sur ce thème de santé publique, Antoine Flahaut a fait le point sur les études épidémiologiques concernant le dépistage du cancer du
poumon par le scanner hélicoïdal. Celui-ci est
capable de détecter des lésions de petite taille,
et devrait donc permettre de traiter des lésions
précoces et d’améliorer le pronostic.
De grands essais ont été menés aux États-Unis
(près de 5 000 sujets à haut risque, essentiellement gros fumeurs) et en France (Dépiscan).
Les résultats montrent combien il faut se garder de tout enthousiasme excessif et de toute
utilisation prématurée, sans une étude rigoureuse préalable. Pour interpréter les résultats,
les biais sont nombreux : la détection précoce
prolonge évidemment la survie ; le dépistage
sélectionne les tumeurs les moins évolutives ;
le taux de cancer détecté est faible (< 3 %), car
90 % des nodules détectés sont bénins.
Les risques d’un dépistage précoce sont donc
multiples : irradiation cumulative ; procédures invasives nécessaires pour confirmer le
diagnostic, toutes comportant des risques,
telles les biopsies pulmonaires transcutanées
et éventuellement des thoracotomies, “blanches” dans la majorité des cas ; examens
également inutiles pour d’autres anomalies
cardiaques, rénales, hépatiques… Enfin, l’absence d’anomalies risque d’induire le sujet à
continuer de fumer…
Les essais doivent donc être poursuivis, afin
de bien déterminer l’efficience c’est-à-dire le
rapport avantages-risques de la généralisation
de cette technique, indépendamment du coût
représenté, si tous les gros fumeurs français
(entre 2,5 et 3 millions) demandaient à bénéficier de ce dépistage !
La maladie gingivo-parodontale
Un thème clinique moins connu a été abordé :
celui de l’influence du tabagisme sur la maladie gingivo-parodontale (Monique Brion,
Créteil). C’est une réelle maladie infectieuse,
liée à une réponse des tissus gingivaux aux
agents bactériens présents dans la plaque
dentaire. Le tabagisme en est, avec le diabète, la principale cause, en association avec
une mauvaise hygiène bucco-dentaire. Les
conséquences sont graves, à la fois locales et
générales, l’atteinte gingivale aboutit à une
destruction des tissus de soutien de la dent
Le Courrier des addictions (9) ­– n° 2 – avril-mai-juin 2007
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(c’est la principale cause de la chute précoce
des dents). Ce foyer infectieux est un facteur
associé dans la survenue des cardiopathies ischémiques et dans toutes les complications à
distance d’une infection focale chronique.
Un des mécanismes de ces lésions gingivales
est la vasoconstriction induite par la nicotine.
Cela a pu être montré par des enregistrements
de la microcirculation gingivale par laser-doppler, avec des modifications parallèles à celles
observées au niveau de l’ongle (Alain Maurel,
Créteil). Cette vasoconstriction est intense. La
présence du tabagisme est une contre-indication absolue à toute intervention chirurgicale de
reconstruction sur les gencives, toujours vouée
à l’échec dans cette situation, en raison des difficultés de cicatrisation. Aussi les chirurgiensdentistes et odontologistes pourraient jouer un
rôle important dans le dépistage et l’incitation
à l’arrêt de nombreux fumeurs. C’est ce que
montre la collaboration étroite établie à Créteil
entre le service d’odontologie et le centre de
tabacologie.
De nombreux autres sujets ont été abordés :
– l’action de la nicotine sur les fonctions
cognitives est liée à sa fixation sur les sousunités b2 des récepteurs nicotiniques : la démonstration expérimentale a été décrite par
Sylvie Granon de l’équipe de Jean-Pierre
Changeux (Institut Pasteur) ;
– le rôle de l’alexithymie dans la dépendance
tabagique. L’alexithymie est une dimension
psychologique traduisant un trouble émotionnel. Elle est présente chez certains sujets
au cours des addictions : un abord psychologique particulier est alors nécessaire (Céline
Jouanne, Créteil) ;
– la dissonance cognitive et la théorie de l’engagement constituent deux facteurs essentiels
et souvent méconnus dans la motivation à
changer un comportement. Un article sur ce
thème sera publié dans un prochain numéro
du Courrier des addictions (Jean-Paul Huisman) ;
– la génétique et la pharmacogénétique de la
dépendance tabagique constituent un vaste et
L’addictologie vue par les psychiatres
Congrès de l’Encéphale, Paris,
25-27 janvier 2007
A. Dervaux*
Rendez-vous maintenant incontournable des psychiatres francophones,
le congrès de l’Encéphale s’est tenu pour la cinquième fois au Palais des
Congrès, à Paris, du 25 au 27 janvier derniers. Les 3 500 participants
ont eu l’occasion d’actualiser leurs connaissances sur les conduites addictives (entre autres choses), en particulier lorsqu’elles étaient associées
avec des pathologies psychiatriques. Plus de 30 posters, sur 400 environ, étaient consacrés à l’addictologie.
 Au cours d’une “rencontre avec un expert”, Le Dr Marie Tournier, de l’équipe
du Pr Hélène Verdoux (Bordeaux), a fait
le point sur “le cannabis et les risques
psychopathologiques”. Elle a notamment
rappelé les études épidémiologiques longitudinales suédoises, néerlandaises, néozélandaises et allemandes qui ont retrouvé
des corrélations entre consommation de
cannabis et augmentation du risque de troubles psychotiques ultérieurs. Elle a parti*Service d’addictologie, centre hospitalier Sainte-Anne, 1,
rue Cabanis, 75014.
culièrement insisté sur le fait que certaines
de ces études retrouvaient un effet-dose : le
risque de développer des troubles psychotiques augmentait avec l’importance de la
consommation. Enfin, elle a détaillé une
étude, menée sur des étudiants bordelais,
qui ont noté leur ressenti au moment même
de la consommation de cannabis. Celle-ci
était marquée par la survenue plus fréquente de symptômes psychotiques transitoires.
Le risque ne concernait que certains sujets
vulnérables, la majorité des consommateurs
de cannabis ne développant pas de troubles
psychotiques.
Le Courrier des addictions (9) ­– n° 2 – avril-mai-juin 2007
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nouveau champ de connaissances, dont les
applications seront très importantes pour pouvoir reconnaître différents types de fumeurs et
prévoir l’efficacité de telle ou telle médication
(Ivan Berlin).
Ont également fait l’objet d’exposés :
– le tabagisme des malades porteurs du VIH,
avec des conséquences pratiques très importantes (Xavier Duval) ;
– le rôle du tabagisme dans les apnées du
sommeil (Gérard Peiffer) ;
– la contraception et le tabagisme (Gilles
Grangé) ;
– le tabac non fumé chez les sportifs de haut
niveau (Gérard Mathern) ;
– le tabac non fumé, un agent dopant ? (Gilbert Lagrue).
n
Certains de ces exposés ont été publiés dans Le
Concours Médical (2007;129:n°7/8). Le résumé des
présentations peut être obtenu auprès de Mme Anne
Callens, Novartis Santé Familiale. Le texte complet
fera l’objet d’un fascicule publié en juin 2007.
 Le Pr Jean Costentin a insisté sur un
mode de consommation de cannabis particulier, le bhang, sorte de pipe à eau, qui
semble se répandre depuis quelque temps
chez les jeunes. L’absorption de tétrahydrocannabinol (THC) est, de ce fait, plus importante qu’avec les joints. D’où des complications psychiatriques plus fréquentes
avec ce mode de consommation.
 Plus de 30 posters, sur 400 environ, étaient
consacrés à l’addictologie. Parmi eux, Dorard
et al. (Institut Mutualiste Montsouris à Paris)
ont étudié la régulation émotionnelle et les comorbidités psychiatriques chez 64 sujets dépendants au cannabis, âgés en moyenne de 19 ans.
Les sujets fumaient 5 joints par jour environ.
Dans leur étude, 63 % des sujets avaient présenté des troubles psychiatriques, principalement
des troubles de l’humeur. Quatorze pour cent
étaient aussi dépendants à l’alcool. Les scores
de recherche de sensations et d’alexithymie
étaient liés à la fréquence de la consommation.
 El Omari et al. (Rabat et Paris) ont évalué la fréquence de l’abus ou dépendance
au cannabis dans une population de 93 patients hospitalisés à l’hôpital psychiatrique
Arrazi de Salé au Maroc, dont un peu plus
de la moitié l’étaient pour des troubles psychotiques. Dans cet hôpital, la fréquence de
l’abus ou dépendance au cannabis était de
46 % sur la vie entière et 30 % au moment
de l’étude.
 Dans une étude génétique, Ballon et al.
(Fort-de-France et Paris) ont retrouvé une
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