Métastases pulmonaires : où sont les limites ? TUMEURS MÉTASTATIQUES :

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TUMEURS MÉTASTATIQUES : situations particulières
Métastases pulmonaires : où sont les limites ?
É. Fadel*
* Service de chirurgie thoracique, vasculaire et de transplantation cardiopulmonaire, hôpital Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson.
D
ans le cancer du rein, tous types
histologiques confondus, le poumon
est le site de développement métastatique le plus fréquent, représentant 50 à
80 % des métastases (1). Ces métastases
pulmonaires se développent dans le lit artériel pulmonaire (migration par voie veineuse
d’un bourgeon tumoral issu de la veine
rénale venant se bloquer et se développer
dans l’artère pulmonaire), dans le parenchyme pulmonaire (migration hématogène
de cellules tumorales) ou dans les ganglions médiastinaux ou intrapulmonaires.
Naturellement, ces différentes présentations
peuvent s’associer, et un curage ganglionnaire doit systématiquement être effectué
lors de la chirurgie thoracique. Les limites
de la chirurgie thoracique sont de 2 ordres.
théorique est une contre-indication absolue
à la chirurgie. De même, une échographie
cardiaque préopératoire doit être effectuée
au moindre doute (dyspnée, chimiothérapie
cardiotoxique, coronaropathie, etc.) afin de
repérer une éventuelle dysfonction cardiaque
contre-indiquant une chirurgie thoracique
(hypertension artérielle pulmonaire, fraction d’éjection du ventricule gauche < 45 %,
valvulopathie sévère, etc.). Naturellement,
ce bilan fonctionnel doit aussi tenir compte
de la quantité de parenchyme pulmonaire à
réséquer, de la taille et de la situation intrapulmonaire de la ou des lésions ainsi que de
l’état du parenchyme pulmonaire (fibrose,
emphysème, antécédents de chirurgie).
Limites anatomiques
Limites fonctionnelles
Comme pour toute chirurgie d’exérèse
pulmonaire, un bilan fonctionnel respiratoire
doit être effectué avant l’opération, comprenant une spirométrie, une analyse des gaz
du sang et une scintigraphie pulmonaire de
perfusion. Ce bilan permettra de prédire le
VEMS postopératoire en fonction de la quantité de parenchyme pulmonaire à réséquer.
Un VEMS prévu inférieur à 35 % de la valeur
Dans le cas de lésions intraparenchymateuses,
il n’y a pas de limite anatomique à la résection, puisque la chirurgie de la résection
atypique (wedge resection) peut être étendue
à la pneumonectomie. Il est évident que dans
le cas d’une maladie métastatique, l’épargne
parenchymateuse est un impératif du fait du
risque de récidive dans le même poumon
ou dans le poumon controlatéral. Tout doit
être fait pour éviter la pneumonectomie, qui
est associée, plus particulièrement à droite,
à un taux de mortalité de 5 à 15 % selon les
séries (2). Pour cette raison, la lobectomie
avec résection-anastomose bronchique,
artérielle ou les 2 doit être préférée à la
pneumonectomie, car elle obtient le même
contrôle local avec un taux de morbimortalité
nettement moindre (3).
Concernant les métastases développées
dans le lit artériel pulmonaire, dans la plupart
des cas, il n’est pas nécessaire de réséquer le
parenchyme pulmonaire, car le thrombus
tumoral se sépare aisément de la paroi artérielle. Soit ce thrombus tumoral est en continuité avec la tumeur rénale qui se prolonge à
travers la veine cave inférieure : il faudra alors
réséquer le cancer du rein et le thrombus par
la même procédure chirurgicale en effectuant une sternolaparotomie et en mettant
en place une circulation extracorporelle
(CEC) permettant d’ouvrir toutes les cavités
cardiaques droites (4). Soit la métastase
intra-artérielle pulmonaire se développe
séparément de la tumeur rénale : une sternotomie médiane permettra de mettre en
place une CEC et de désobstruer les artères
pulmonaires. Dans ces formes, les limites de
la chirurgie sont essentiellement fonctionnelles, dues au très mauvais état général du
patient.
■
É. Fadel n’a pas déclaré ses éventuels liens d’intérêts.
>> ILLUSTRATION CLINIQUE
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Références
1. Méjean A, Lebret T. Prise en charge of metastatic renal carcinoma. Prog Urol 2008;18(Suppl. 7):
3. Fadel E, Yildizeli B, Chapelier AR et al. Sleeve lobectomy for bronchogenic cancers: factors
S298-308.
affecting survival. Ann Thorac Surg 2002;74(3):851-8.
2. Darling GE, Abdurahman A, Yi QL et al. Risk of a right pneumonectomy: role of bronchopleural
4. Fabre D, Houballah R, Fadel E et al. Surgical management of malignant tumours invading
fistula. Ann Thorac Surg 2005;79(2):433-7.
the inferior vena cava. Eur J Cardiothorac Surg 2014;45(3):537-42.
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
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 Thrombus dans l’artère pulmonaire asymptomatique.
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