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CANCER DU REIN :
les grands débats,
les grandes questions
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
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TUMEURS LOCALIESTUMEURS LOCALISÉES
Tumeurs bilatérales
J.M. Ferrière*, J.C. Bernhard*, S. Richard**
* Service d’unité urologie, d’andrologie et de transplantation rénale, CHU de Bordeaux.
** Centre expert national cancers rares “PREDIR”, INCa/AP-HP hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
Limites de la chirurgie itérative
Après une NP, la survenue d’une nouvelle
tumeur sur le rein opéré reste une éven-
tualité peu fréquente : 3,7 % des cas, avec
un délai moyen de 6 ans (1). La prise en
charge pose des problèmes incontesta-
blement difficiles, mais la faisabilité d’une
nouvelle chirurgie conservatrice mérite
toujours d’être envisagée. À la lumière
des très rares séries rapportées, la chirurgie
partielle itérative se caractérise par les élé-
ments suivants.
Des diffi cultés techniques importantes,
avec davantage de complications que lors
d’une première opération (2), aussi bien
au cours de l’opération (plaies vasculaires)
qu’après (réinterventions et complications
générales), dont le risque dépend de la taille
tumorale et, peut-être, du score morpho-
métrique (3).
Des résultats excellents sur le plan carcino-
logique, avec une survie spécifi que de plus
de 80 % à 5 ans si une résection tumorale
complète a pu être obtenue (4).
Une fonction rénale relativement préser-
vée, avec une chute du débit de fi ltration
glomérulaire (DFG) de 20 %, susceptible de
s’améliorer par la suite mais au prix de 12 %
de reins perdus dans certaines séries.
Lindication d’une nouvelle NP est retenue au
terme d’une confrontation uroradiologique
(à l’occasion d’une réunion de concertation
pluridisciplinaire) lorsque se trouvent réunies
les conditions suivantes :
l’absence de lésion à distance décelable ;
une tumeur plutôt exophytique et de loca-
lisation antérieure ;
d’autant plus si elle atteint ou dépasse une
taille de 4 cm, qui représente la limite raison-
nable pour un traitement par radiofréquence
ou cryothérapie ;
la faisabilité d’une résection tumorale com-
plète avec préservation du minimum rénal
nécessaire (le tiers ou la moitié d’un rein) et
des vaisseaux qui l’irriguent ;
tout cela d’autant plus lorsqu’il sagit d’un
rein unique, qu’il faut préserver à tout prix.
Lanalyse des images a donc une importance
cruciale pour préciser ces diff érents points :
reconstructions sur la console du radio-
logue ou au moyen de logiciels 3D (OsiriX,
VR-Render).
De nombreuses questions restent en suspens
concernant la place de la robotique (5), celle
des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) en
néo-adjuvant et celle des traitements com-
binés (chirurgie + traitement ablatif).
En conclusion, il faut retenir 4 points essen-
tiels :
des difficultés techniques prévisibles,
avec un risque de perte du rein ;
un excellent contrôle local ;
la complémentarité des traitements
ablatifs ;
l’importance de l’expertise chirurgicale
pour ces situations difficiles, qui doivent
rester du domaine des centres de référence.
Quand adresser le patient
àl’oncogénéticien ?
Les cancers du rein sont liés à une prédispo-
sition génétique dans 2 à 3 % des cas et la
reconnaissance de ces formes héréditaires est
essentielle. Un diagnostic précoce permet en
eff et de mettre en place une surveillance et
une prise en charge spécifi ques et, lorsque
l’anomalie moléculaire (mutation germinale)
est identifi ée, de proposer un dépistage pré-
symptomatique à la famille du patient. Les
tumeurs rénales surviennent souvent 20 à
30 ans plus tôt que les formes sporadiques et
sont fréquemment bilatérales et multifocales.
Une dizaine d’affections, de transmission
autosomique dominante, sont actuellement
connues, dont les principales sont les sui-
vantes (6, 7).
La maladie de von Hippel-Lindau (gène
suppresseur de tumeur VHL) prédispose
au développement de carcinomes rénaux
à cellules claires, d’hémangioblastomes
du système nerveux central et de la rétine,
de phéochromocytomes, de kystes et de
tumeurs endocrines du pancréas (8).
Le cancer rénal papillaire héréditaire
(proto-oncogène MET) prédispose au déve-
loppement de carcinomes papillaires de
type 1.
La léiomyomatose cutanéo-utérine
héréditaire avec cancer rénal (gène suppres-
seur de tumeur FH) prédispose au dévelop-
pement de carcinomes papillaires de type 2,
de léiomyomes cutanés et utérins.
Le syndrome de Birt-Hogg-Dubé (gène
suppresseur de tumeur FLCN) prédispose à
des tumeurs rénales de type histologique
varié (carcinomes chromophobes et tumeurs
hybrides oncocytomes-chromophobes
surtout), à des fibrofolliculomes cutanés,
à des kystes pulmonaires et à des pneumo-
thorax spontanés (9).
Les autres causes de prédisposition au
cancer du rein comprennent notamment :
le cancer rénal à cellules claires familial à gène
inconnu ; les translocations constitutionnelles
du chromosome 3 ; la sclérose tubéreuse de
Bourneville ; le syndrome des paragangliomes
héréditaires ; le syndrome de Cowden ; les
mutations germinales du gène BAP1.
L’urologue est en première ligne dans le
traitement des tumeurs rénales qui privi-
légie la préservation du parenchyme (10).
Mais l’association fréquente avec d’autres
manifestations cliniques nécessite une
ILLUSTRATION CLINIQUE
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Rein gauche : tumeur de 10 cm.
Rein droit : 3 tumeurs.
Tumeurs bilatérales
prise en charge pluridisciplinaire, assurée
au mieux par le Réseau national cancers
rares “PREDIR” de l’INCa (25 centres régio-
naux, www. predir. org).
En pratique, une consultation d’oncogéné-
tique devrait être proposée à tout patient
présentant (7) :
un carcinome à cellules claires précoce
(avant l’âge de 50 ans), multiple ou bilatéral ;
un carcinome papillaire (type 1 et type 2),
carcinome chromophobe ou tumeur hybride,
quel que soit l’âge de découverte ;
une tumeur rénale associée à des anté-
cédents familiaux et/ou des manifestations
cliniques évocatrices de l’une des prédisposi-
tions héréditaires actuellement connues.
Loncogénéticien prescrira au patient, après
recueil de son consentement, l’analyse d’un ou
de plusieurs gènes en fonction du type histo-
logique de la tumeur rénale et de l’histoire
clinique et familiale. Lorsqu’une mutation
causale est identifi ée, elle doit être confi rmée
sur un second prélèvement avant qu’un test
génétique puisse être proposé aux apparentés
à risque, qui permettra de surveiller les por-
teurs du gène muté et de rassurer défi nitive-
ment les personnes indemnes.
S.Richard déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
J.M.Ferrière et J.C.Bernhard n’ont pas déclaré
leurs éventuels liens d’intérêts.
1. Bernhard JC, Pantuck AJ, Wallerand H et al. Predictive factors
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Ficarra V, Novara G, Secco S et al. Preoperative aspects and
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sparing surgery. Eur Urol 2009;56(5):786-93.
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partial nephrectomy (RAPN): feasibility and early outcomes.
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6. Linehan WM, Srinivasan R, Schmidt LS. The genetic basis of
kidney cancer: a metabolic disease. Nat Rev Urol 2010;7(5):277-85.
7. Patard JJ, Baumert H, Bensalah K et al. CCAFU recommenda-
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Richard S, Gardie B, Couvé S et al. Von Hippel-Lindau: how
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9. Menko FH, van Steensel MA, Giraud S et al. Birt-Hogg-
Dubé syndrome: diagnosis and management. Lancet Oncol
2009;10(12):1199-206.
10.
Joly D, Méjean A, Corréas JM et al. Progress in nephron
sparing therapy for renal cell carcinoma and von Hippel-Lindau
disease. J Urol 2011;185(6):2025-60.
Références
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