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Les co-infections VIH-VHC/VHB
à l’heure de la Conférence de consensus
HIV-HCV/HBV co-infection after the Consensus Conference
$ S. Pol*
es recommandations des conclusions de la première
Conférence européenne de Consensus sur le traitement
de la co-infection VIH-VHB et VIH-VHC viennent
d’être publiées dans leur forme courte (J Hepatol 2005;42:
615-24). Le jury, présidé par A. Alberti et N. Clumeck, devait
répondre aux questions suivantes :
# Quelles sont les raisons pour traiter l’hépatite virale chez
les patients co-infectés à l’ère des traitements antirétroviraux ?
# Comment l’hépatite virale sera-t-elle diagnostiquée, et comment la sévérité de la maladie sera-t-elle évaluée chez les
patients co-infectés ?
# Quelles sont les options thérapeutiques habituelles ?
# Quels sont les patients à traiter et quand ?
# Comment les patients co-infectés seront-ils traités (algorithme thérapeutique) ?
# Comment les traitements antihépatite seront-ils surveillés ?
# Comment les maladies hépatiques terminales seront-elles
prises en charge ?
# Quelles sont les aires les plus importantes pour les
recherches futures ?
# la nécessité absolue (source de réflexion pour nos tutelles)
d’infrastructures de soins multidisciplinaires pour augmenter
la disponibilité et la réalisation du traitement, particulièrement
dans les groupes les plus vulnérables.
Le jury a répondu à l’ensemble des questions avec beaucoup
de précision et de mesure à partir des présentations des experts.
Il ne s’agit pas de détailler l’ensemble de ces recommandations, très proches de celles du dernier rapport Delfraissy (chapitre 12 sur les co-infections, 2004).
Le diagnostic de l’infection virale C sera réalisé chez tous les
patients infectés par le VIH au moyen d’un test sérologique de
troisième génération, justifiant, en cas de positivité, l’évaluation de la présence de l’ARN du virus de l’hépatite C.
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Parmi les généralités, on retiendra :
# la nécessité d’éviter une immunodéficience sévère (définie
par un chiffre de CD4 inférieur à 200/mm3) chez les patients
co-infectés et donc, pour certains d’entre eux, d’anticiper l’instauration des traitements antirétroviraux ;
# l’absence d’influence retenue des virus hépatiques sur l’histoire naturelle du VIH ;
* Service d’hépatologie, hôpital Necker, 75015 Paris.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 4 - juillet-août 2005
Le jury a insisté sur la nécessité d’un support psychologique, social
et médical pour contrôler la surconsommation d’alcool, qui accélère la fibrose, et mettre en place des programmes de substitution
opiacée, étape importante dans la réalisation de ces traitements.
Les patients infectés par le VIH et le VHB mais aussi par le VHC,
qui peut être transmis sexuellement, utiliseront des préservatifs. Les
patients infectés par le VIH doivent être évalués pour l’infection
par le virus de l’hépatite A et celui de l’hépatite B. En l’absence
d’immunité anti-VHA, la vaccination anti-VHA sera proposée sans
tenir compte du taux de CD4. Au contraire, pour la vaccination
anti-VHB, la réponse étant dépendante du chiffre de CD4, l’immunogénicité induite par le vaccin sera contrôlée quatre semaines
après la fin de la primovaccination. En cas de réponse insuffisante
(anti-HBs inférieur à 10), une revaccination sera discutée.
Concernant le traitement antirétroviral, la recommandation
principale concerne l’usage de la névirapine, qui pourra être
utilisée avec précaution chez le patient co-infecté (risque d’hépatotoxicité plus fréquent chez la femme commençant un traitement avec un chiffre de CD4 élevé).
L’instauration d’un traitement antirétroviral suivra les recommandations générales des patients mono-infectés par le VIH.
Cependant, chez ceux ayant un taux de CD4 limite, justifiant
la prescription d’un traitement antirétroviral, celui-ci sera pro-
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posé avant l’instauration du traitement anti-VHC, du fait de la
diminution des CD4 associée au traitement par interféron.
En cas de traitement antirétroviral concomitant au traitement
par ribavirine et interféron de l’hépatite chronique C, on évitera
l’utilisation de la didanosine, de la stavudine (particulièrement
en association à la didanosine), du fait des risques d’acidose lactique et de décompensation hépatique, et de la zidovudine, du
fait du risque accru d’anémie et de neutropénie.
Le traitement de l’hépatite aiguë C reposera sur l’utilisation
de l’interféron pégylé pour six mois s’il n’y a pas de disparition spontanée de l’ARN viral C trois mois après le début de
la maladie. Mais il est légitime de se poser la question d’un
traitement combiné à ce stade.
Pour le traitement de l’hépatite chronique C, tout patient
infecté par le VIH peut être candidat à un traitement dont l’indication sera pesée en prenant en compte les bénéfices du traitement et ses risques, sachant que les meilleurs prédicteurs de
réponse sont des génotypes 2 et 3, une charge virale faible
(< 800 000 UI/ml), l’absence de cirrhose, un âge inférieur à
40 ans et une hypertransaminasémie supérieure à 3 x N.
Le jury recommande le traitement des patients infectés par un
génotype 2 ou 3 ou un génotype 1 à faible charge virale sans
pratiquer de biopsie hépatique. Dans cette situation, la réponse
virologique prolongée est de 40 à 60 %. Chez les patients qui
auraient été évalués par la biopsie, une fibrose minime F0-F1
peut faire différer le traitement.
Au contraire, chez les patients infectés par un génotype 1
(auquel on assimilera le génotype 4) avec une forte charge
virale, l’indication thérapeutique sera dépendante du stade histologique de la maladie hépatique, qui sera évaluée par une
biopsie en attendant la validation des tests non invasifs de
fibrose, qu’ils soient biochimiques ou élastographiques. Le traitement repose sur l’utilisation de l’interféron pégylé aux doses
usuelles chez le mono-infecté, associé à des doses de 800 mg
de ribavirine pour les patients infectés par des génotypes 2 et
3 et de 1 000 à 1 200 mg pour ceux infectés par un génotype 1
et 4, pour une durée de 48 semaines dans tous les cas.
L’évaluation de la réponse sera identique à celle proposée chez
les mono-infectés avec la cinétique virale précoce à S12 et
l’évaluation de la réponse virologique prolongée six mois après
la fin du traitement (S72).
En ce qui concerne la co-infection VIH-VHB, tous les patients
infectés par le VIH auront une évaluation de l’antigène HBs et
des anticorps anti-HBc. En cas de positivité de l’antigène HBs,
la sérologie Delta et la sévérité de la maladie hépatique et du
profil virologique seront évaluées. Comme pour le virus de
l’hépatite C, les mesures de l’ADN viral doivent être standardisées par des techniques rendant les résultats en UI/ml sur une
échelle logarithmique, et un seul test diagnostique sera utilisé
pour un patient donné pour éviter les variations entre les différentes techniques. La technique optimale est une PCR en
temps réel.
Le but du traitement de l’infection virale B est d’obtenir une
virosuppression efficace et persistante. Les indications du traitement antihépatite B seront largement dépendantes de celles
pour le VIH. Dans les situations d’infection par le virus de
l’hépatite B nécessitant un traitement antirétroviral associé,
les molécules actives à la fois sur le VHB et le VIH (emtricitabine ou lamivudine et ténofovir) sont préférables. Chez les
patients ne relevant pas d’un traitement antirétroviral, les
molécules évitant l’induction de résistances VIH (interféron
pégylé et adéfovir) seront préférées. Le traitement anti-VHB
sera indiqué dans les situations d’activité (A ≥ 2) et de fibrose
significative (F ≥ 2). Il est recommandé, sur le plan virologique, de commencer les traitements chez les patients infectés par un virus sauvage (HBe positif) dès 20 000 UI/ml (soit
100 000 copies/ml) et, chez les sujets infectés par un mutant
pré-C, dès 2 000 UI/ml (10 000 copies/ml). Enfin, chez les
patients relevant d’un traitement antirétroviral sans traitement
anti-VHB (ADN du VHB < 2 000 UI/ml), la recommandation est d’instaurer le traitement antirétroviral de façon optionnelle avec ou sans drogue à activité double sur le VIH et le
VHB.
Chez les patients ayant une cirrhose, le niveau de
multiplication virale justifiant l’instauration d’un traitement est considéré comme plus bas (> 200 UI/ml). L’ADN
du virus de l’hépatite B sera évalué tous les trois mois pour
confirmer l’efficacité du traitement et détecter précocement des résistances virales. Enfin, l’arrêt d’un traitement
anti-VIH incluant des molécules efficaces contre le
VHB devra se faire avec précaution, du fait du risque de
réactivation.
L’ensemble des spécialistes s’accorde à reconnaître l’importance du travail réalisé, permettant de façon très consensuelle
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la prise en charge optimisée des patients co-infectés.
La Conférence de Consensus peut être consultée sur le site de la
http://www.infectiologie.com/public/spilf.htm
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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 4 - juillet-août 2005
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