Aldostérone et cœur M Aldosterone and the heart

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Mise au point
M ise au point
Aldostérone et cœur1
Aldosterone and the heart
IP R.C. Gaillard*
 RéSuMé
Le cœur est non seulement un organe cible pour les actions
hormonales mais aussi un organe endocrine qui synthétise et sécrète des hormones. Ainsi le cœur est-il à la fois
un organe cible de l’aldostérone et de l’angiotensine II,
dont il est aussi une source. Il produit de l’angiotensine II
soit par la voie classique du système rénine-angiotensinealdostérone, dépendante de l’enzyme de conversion de
l’angiotensine (ECA), soit par une voie alterne indépendante de cette dernière, la voie de la chymase (une sérine
protéinase présente dans les mastocytes). Outre ses effets
classiques qui assurent l’homéostasie hydro-électrolytique,
l’aldostérone induit de nombreux effets délétères (fibrose
myocardique, dysfonction endothéliale, augmentation du
PAI-1, etc.) responsables d’une augmentation de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires. Associé au traitement conventionnel, le blocage spécifique du récepteur
minéralocorticoïde par de faibles doses de spironolactone
ou d’éplérénone réduit de manière très significative cette
morbi-mortalité chez des patients atteints d’une insuffisance cardiaque modérée à sévère et/ou d’une dysfonction
ventriculaire gauche après infarctus du myocarde.
Mots-clés : Système rénine-angiotensine-aldostérone –
Chymase mastocytaire – Fibrose myocardique – Arythmie –
Récepteur minéralocorticoïde – Spironolactone – Éplérénone.
Keywords: Renin-angiotensin-aldosterone system – Mast
cells chymase – Myocardial fibrosis – Arrhythmia – Mineralocorticoid receptor – Spironolactone – Eplerenone.
L
e cœur est non seulement un organe cible pour les
actions directes et indirectes de multiples hormones
et facteurs hormonaux, mais il constitue également
un organe endocrine, au sens classique du terme, puisqu’il
synthétise et sécrète dans la circulation des substances qui
vont agir à distance.
Après la découverte du facteur natriurétique auriculaire (ANF)
dans les années 1980, il a été montré que le cœur fonctionnait
1
© Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 6, novembre-décembre 2006.
* Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme, CHU Vaudois, 1011 Lausanne, Suisse.
La Lettre du Cardiologue - n° 405 - mai 2007
comme un véritable organe endocrine. En effet, De Bold et al. (1)
ont démontré en 1981 que l’injection à des animaux de laboratoire
d’extraits cardiaques d’origine auriculaire, mais non d’origine
ventriculaire, induisait une natriurèse et une réduction du volume
intravasculaire. Cette activité fut attribuée à l’ANF, qui, après son
isolement et sa caractérisation, est devenu le peptide natriurétique auriculaire (ANP). Celui-ci est synthétisé par le cœur, d’où
il est sécrété dans la circulation pour agir au niveau rénal, où il
se comporte comme un puissant agent natriurétique, ainsi qu’au
niveau vasculaire, où il induit une vasodilatation. L’ANP agit également sur la contractilité du myocarde. Depuis la découverte de
l’ANP, d’autres peptides ou facteurs humoraux cardiaques ont été
identifiés. Parmi eux, citons l’adrénomédulline, dont la synthèse
est stimulée par une surcharge de pression et de volume (2), et
l’urocortine, un nouveau membre des peptides de la famille du
CRH (3). Ces deux peptides sont de puissants vasodilatateurs.
En outre, l’adrénomédulline diminue le remodelage vasculaire
par un effet antiprolifératif au niveau de la paroi vasculaire, et
pourrait ainsi exercer une protection contre le développement
de l’athérosclérose et/ou de la resténose (4, 5). Le cœur est également capable, comme nous le mentionnerons dans cette brève
revue, de produire lui-même tous les composants du système
rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA). Il produit encore de
nombreux autres facteurs humoraux tels que le monoxyde d’azote
(NO), l’endothéline, les éicosanoïdes et les substances du système
kallicréine-kinine. Toutes ces substances sont des modulateurs
de la performance cardiaque, que ce soit dans des circonstances
physiologiques ou physiopathologiques (6).
Le cœur constitue aussi un organe cible pour des hormones
et certains facteurs humoraux, comme les catécholamines, les
substances du SRAA, les estrogènes, la testostérone, l’insuline,
ainsi que pour l’hormone de croissance et les sécrétines peptidiques de l’hormone de croissance (6-9). Ainsi, dans l’insuffisance
cardiaque, le cœur est incapable d’assurer correctement sa fonction de pompe, et la baisse du débit cardiaque qui en résulte
entraîne une augmentation des concentrations plasmatiques de
plusieurs substances actives au niveau cardiovasculaire, telles les
catécholamines, l’angiotensine II, l’aldostérone, la vasopressine
et l’endothéline. L’action de toutes ces substances a pour but de
maintenir la pression de perfusion périphérique. À long terme,
toutefois, les actions de ces hormones se révèlent dommageables,
car elles sont responsables d’effets délétères sur la structure et
la fonction cardiaques, et contribuent ainsi paradoxalement à
l’aggravation de la dysfonction cardiaque. L’activation de ces
systèmes neurohormonaux sert de marqueur de l’insuffisance
cardiaque et constitue ainsi une cible thérapeutique. Parmi ces
19
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hormones, il a été récemment démontré que les composants du
SRAA ont effectivement des effets spécifiques et néfastes sur le
cœur et les vaisseaux, et que le blocage de leur action pourrait
ainsi être bénéfique.
LE SySTèME RéNINE-ANgIOTENSINE-ALDOSTéRONE
Le SRAA préserve l’homéostasie circulatoire lors d’une perte
de sel et d’eau résultant par exemple d’une transpiration intense
et prolongée, de vomissements ou d’une diarrhée. La rénine,
l’angiotensine II et l’aldostérone sont des éléments clés de ce
système. La rénine, synthétisée par l’appareil juxtaglomérulaire
du rein, produira le clivage de quatre acides de l’angiotensinogène circulant (le précurseur hépatique de tous les peptides de
l’angiotensine) pour former l’angiotensine I, un décapeptide
biologiquement inactif. L’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) qui est liée à la membrane des cellules endothéliales
effectue ensuite le clivage de deux acides aminés de l’angiotensine I pour engendrer l’angiotensine II.
La chymase mastocytaire
L’ECA est donc une enzyme indispensable à la génération de
l’angiotensine II. Dans le cœur, il existe cependant une voie
alterne ne passant pas par l’ECA, mais impliquant l’α-chymase,
une enzyme similaire à la chymotrypsine qui est exprimée dans
les granules sécrétoires des mastocytes cardiaques. La présence
d’une telle voie a été démontrée in vitro, puisque, dans des
homogénats de tissu cardiaque humain, 75 % de l’angiotensine II
formée sont dépendants de la chymase, alors que seuls 25 % le
sont de la voie classique de l’ECA (10, 11). Diverses études ont
confirmé que l’angiotensine II, dans les divers tissus d’origine
cardiovasculaire, est dépendante de la voie de la chymase plutôt
que de la voie classique de l’ECA, puisque la production d’angiotensine II dans ces tissus est bloquée à près de 90 % par des
inhibiteurs de la chymase (12-14).
La chymase est stockée dans les granules des mastocytes sous
forme inactive, en raison d’un pH à 5,5 dans ces granules. Le
pH optimal pour l’activité enzymatique est compris entre 7
et 9, situation rencontrée lors de la sécrétion de la chymase
après activation des mastocytes présents dans un tissu lésé ou
inflammatoire (15). L’activité chymasique ne s’exerce qu’au niveau
tissulaire local, car de puissants inhibiteurs de la chymase sont
présents dans la circulation sanguine et bloquent immédiatement
son activité enzymatique (15).
Il existe deux types de chymase, la forme α, qui prédomine
notamment chez l’homme, le singe et le mouton, et la forme β,
que l’on trouve chez le rat et la souris (16). La chymase cardiaque
humaine présente une très grande spécificité pour l’angiotensine I, ce qui la distingue d’autres enzymes impliquées dans la
production de l’angiotensine II, telles l’ECA, la kallicréine, la
cathepsine et les autres chymases (10). En outre, la chymase
cardiaque humaine, au contraire de l’ECA, ne dégrade pas l’angiotensine II ni les autres peptides comme la bradykinine, la
substance P et la gonadolibérine (10).
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La chymase mastocytaire contribue non seulement à la transformation de l’angiotensine I en angiotensine II, mais elle participe
aussi à la sécrétion et à l’activation de la cytokine IL-1β, une
cytokine pro-inflammatoire, et du TGF-β1, une cytokine qui est
impliquée notamment dans l’hypertrophie et la fibrose cardiaque
(17, 18). La chymase active le TGF-β qui se trouve sous forme
inactive ou latente dans les mastocytes (18). Les mastocytes
sont donc, par ce mécanisme, impliqués dans des processus
pathologiques caractérisés par des événements inflammatoires
et fibrogéniques tels que la fibrose pulmonaire (19), l’infarctus
du myocarde et la fibrose myocardique post-transplantation
(20, 21). Toutes ces observations suggèrent qu’une inhibition
de ces effets par des inhibiteurs de la chymase pourrait être
utilisée à but thérapeutique pour prévenir les maladies cardiovasculaires et la fibrose.
En plus des effets susmentionnés, l’α-chymase est aussi capable
de former les endothélines de 31 acides aminés, de dégrader
l’endothéline 1, de modifier le métabolisme lipidique et d’endommager la matrice extracellulaire (22).
L’angiotensine II exerce de nombreuses actions pour maintenir
l’homéostasie circulatoire, induisant la constriction des artérioles au niveau des circulations rénale et systémique, ainsi que
la réabsorption du sodium au niveau des segments proximaux
du néphron. L’angiotensine II stimule également la sécrétion
d’aldostérone responsable d’une réabsorption du sodium (en
échange du potassium) au niveau des segments distaux du néphron,
ainsi que dans le côlon, les glandes salivaires et sudoripares.
Lorsque le volume intravasculaire est réduit, l’angiotensine II
est le stimulus principal de la production d’aldostérone, qui peut
cependant aussi être stimulée par le potassium, l’ACTH, les
catécholamines, l’endothéline et la sérotonine d’origine mastocytaire. Parmi ces stimuli de l’aldostérone, le potassium a un
rôle physiologique important, puisqu’il permet de maintenir son
homéostasie grâce à la capacité de l’aldostérone, dont il stimule
la sécrétion, à augmenter l’excrétion potassique dans les urines,
les selles, la sueur et la salive (23). L’aldostérone permet ainsi
de prévenir l’hyperkaliémie en cas d’apport potassique élevé
dans l’alimentation ou après un exercice physique intense qui
entraîne une sortie de potassium des muscles.
L’aldostérone produit deux types d’action : des modifications
immédiates de conductances ioniques, ainsi que l’induction
différée de gènes cibles qui survient après liaison sur son récepteur intracellulaire, le récepteur des minéralocorticoïdes (MR).
Son action principale consiste à augmenter la synthèse et l’activité des canaux sodiques amiloride-sensibles et la Na/K-ATPase
membranaire des cellules du tubule contourné distal et du tube
collecteur rénal pour aboutir à la réabsorption du sodium.
Comme nous le verrons ci-après, l’aldostérone, parallèlement
à cette action essentielle de réabsorption sodique, exerce d’autres
actions, notamment sur le système cardiovasculaire.
Le récepteur MR de l’aldostérone est un facteur de transcription, membre de la superfamille des récepteurs nucléaires, qui
comprend les récepteurs aux hormones stéroïdes/thyroïdes et à
l’acide rétinoïque. Ces récepteurs sont classiquement localisés
dans des cellules épithéliales (côlon, reins, glandes salivaires
La Lettre du Cardiologue - n° 405 - mai 2007
et sudoripares). Des études récentes ont toutefois démontré
que les MR pouvaient également être présents dans des tissus
non épithéliaux tels que les organes circumventriculaires du
cerveau, le cœur et les vaisseaux sanguins. Les domaines de
fixation sur l’ADN et de liaison au ligand du MR et du récepteur des glucocorticoïdes (GR) ont une grande homologie
de séquences. Pour cette raison, le MR peut également lier
le cortisol avec la même affinité que pour l’aldostérone. Le
cortisol peut être un véritable concurrent pour l’aldostérone,
car sa concentration plasmatique est 100 à 1 000 fois supérieure à celle de l’aldostérone. Aussi, pour “protéger” le MR des
glucocorticoïdes, les cellules disposent-elles d’une enzyme, la
11-β-hydroxystéroïde deshydrogénase (11-β-HSD) de type 2,
qui transforme le cortisol (actif ) en cortisone, inactive car
incapable de se lier au MR. Cela suppose donc que, dans les
types cellulaires spécifiquement répondeurs à l’aldostérone,
il y ait une colocalisation de la 11-β-HSD 2 et du MR. Une
telle colocalisation a été vérifiée dans le rein, et elle est aussi
présente dans le cœur humain (24).
SyNThèSE DE L’ALDOSTéRONE
La synthèse de l’aldostérone a lieu dans le cortex surrénalien, où
la P-450 aldostérone-synthase, sous contrôle de l’angiotensine II
et du potassium, et plus faiblement de l’ACTH et du sodium,
catalyse cette synthèse à partir de la désoxycorticostérone.
Des sites de production extrasurrénaliens ont cependant été
identifiés. Il s’agit du cœur, de l’aorte, de l’artère pulmonaire
et du cerveau. Un SRAA complet a été mis en évidence au
niveau du cœur (25), qui possède ainsi l’ensemble de l’équipement enzymatique nécessaire à la production d’aldostérone
(26). Le cœur est également un organe cible pour les effets
de l’aldostérone, puisque le messager du MR est abondant
dans les cardiomyocytes et la paroi endothéliale des artères
principales (24). La concentration tissulaire cardiaque d’aldostérone, qui est déjà 15 fois supérieure à celle du plasma, peut
encore augmenter de deux à trois fois dans le modèle murin de
situation postinfarctus par ligature coronaire (27). Toutefois,
la contribution cardiaque aux taux plasmatiques d’aldostérone
paraît non significative comparativement à celle du cortex
surrénalien (28). Si elle ne contribue pas aux taux circulants
de cette hormone, elle joue certainement un rôle paracrine
et autocrine important au niveau cardiaque. Il est intéressant
de noter que le sel a une fonction régulatrice différente sur
l’aldostérone plasmatique et sur l’aldostérone cardiaque. En
effet, un régime hypersodé chez le rat normotendu induit
une diminution de l’aldostérone plasmatique, alors qu’une
augmentation de l’aldostérone cardiaque et une hypertrophie
du cœur sont relevées (29). Cette observation suggère donc
qu’un régime hypersodé augmente la synthèse d’aldostérone du
cœur et contribue ainsi à l’hypertrophie cardiaque de manière
indépendante du SRAA circulant. Des travaux récents ont
clairement démontré que l’aldostérone exerçait des effets
directs sur le cardiomyocyte, par l’induction, en présence d’une
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concentration extracellulaire de sodium, d’une hypertrophie
cardiaque (30). De plus, au niveau du cœur, l’aldostérone exerce
un rétrocontrôle positif sur sa propre production, puisqu’elle
augmente paradoxalement l’expression de l’ARN messager de
l’enzyme de conversion. Ce mécanisme pourrait être responsable de l’augmentation et de la progression de l’activité du
SRAA cardiaque en cas d’insuffisance cardiaque.
Le cœur est donc non seulement un organe cible pour les minéralocorticoïdes et les glucocorticoïdes, mais il semble également
constituer un organe endocrine capable de synthétiser de novo
des corticostéroïdes. Il y a cependant controverse quant à l’origine précise de l’aldo-stérone cardiaque (31-33), des arguments
scientifiques solides amenant à considérer que l’aldostérone
intracardiaque provient essentiellement de la circulation générale (28).
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EffETS DE L’ALDOSTéRONE
Les effets minéralocorticoïdes classiques incluent la rétention
du sodium et de l’eau ainsi que l’excrétion du potassium et du
magnésium. Ils contrôlent l’homéostasie du sel et de l’eau.
Depuis quelques années, de nouveaux effets ont été mis en
évidence, en particulier au niveau du cœur et des vaisseaux. Ces
derniers sont plutôt considérés comme des effets indésirables.
Ils sont responsables de l’induction d’une fibrose cardiaque
importante, d’une fibrose/rigidité vasculaire, d’une diminution
de la capture myocardique de norépinéphrine, d’une augmentation de la production de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène de type 1 (PAI-1), de l’induction d’une dysfonction
endothéliale, et d’une diminution du HDL-cholestérol. Autant
d’effets dont les conséquences délétères sont résumées dans
le tableau.
Tableau. Conséquences délétères de l’augmentation de l’aldostérone.
Rétention sodée
Perte potassique
Perte de magnésium
Insuffisance cardiaque
Arythmies ventriculaires
Toxicité digitalique
Fibrose myocardique
Production de collagène du myocarde
Hypertrophie ventriculaire
Dysfonction ventriculaire
Diminution de la réserve coronarienne
Ischémie
Dysfonction des barorécepteurs
Hypertension artérielle
Diminution capture myocardique NE
Arythmies
Dysfonction endothéliale
ATS
Diminution du HDL-cholestérol
ATS
Augmentation PAI-1 (coagulation)
Ischémie
Abréviations
NE : Norépinéphrine ; ATS : Athérosclérose ; PAI : Inhibiteur de l’activité plasminogénique
21
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EffETS DéLéTèRES DE L’ALDOSTéRONE
Chez l’homme sain, un phénomène d’échappement à l’effet de
l’aldostérone empêche qu’une administration continue d’aldostérone ne produise une réabsorption sodique au-delà d’environ cinq
jours. Les mécanismes impliqués dans cet échappement semblent
multiples. Celui-ci résulterait de changements hémodynamiques
au niveau rénal, d’une up-regulation de la sécrétion de l’ANP et
d’une diminution des cotransporteurs Na+/Cl- thiazide-sensibles au
niveau des tubules rénaux distaux. En cas d’insuffisance cardiaque
congestive, ce phénomène d’échappement est inopérant. En conséquence, même de petites quantités d’aldostérone vont provoquer
une rétention sodée et une expansion du volume. En outre, la
production cardiaque d’aldostérone est augmentée au cours de
l’insuffisance cardiaque humaine, proportionnellement au niveau
de dysfonction ventriculaire (34). La production de l’enzyme de
conversion ainsi que celle du peptide natriurétique de type B sont
également activées dans les ventricules d’un cœur défaillant. Il
est donc probable que l’augmentation de la tension de paroi ou la
distension d’un ventricule dilaté observées lors d’une dysfonction
systolique soient des stimuli pour la production d’aldostérone,
d’enzyme de conversion et de peptide natriurétique de type B au
niveau des ventricules.
fIbROSE MyOCARDIquE DuE à L’ALDOSTéRONE
L’augmentation de l’aldostérone cardiaque est responsable d’une
fibrose myocardique et vasculaire. En effet, l’aldostérone stimule
la synthèse du collagène par les fibroblastes cardiaques, induisant
une fibrose cardiaque, avec des conséquences défavorables sur
la fonction de pompe ainsi que sur le rythme cardiaque (effet
arythmogène). Ce sont les travaux de Weber qui ont, les premiers,
montré que l’aldostérone associée au NaCl induisait une fibrose
cardiaque majeure chez le rat (35). Cette fibrose résulte d’un
effet direct de l’aldostérone ; elle est indépendante des facteurs
hémodynamiques comme l’hypertension. L’effet spécifique de
l’aldostérone est confirmé par les observations suivantes :
✓ le blocage de l’aldostérone par la spironolactone prévient la
fibrose, même à des doses qui n’influencent ni l’hypertension,
ni l’hypertrophie ventriculaire gauche ;
✓ la fibrose cardiaque induite par une infusion systémique d’aldostérone et de NaCl n’est pas prévenue par l’administration
intracérébroventriculaire de spironolactone, bien que ce traitement prévienne l’apparition de l’hypertension artérielle.
Une étude récente (36) menée chez des patients normotendus
présentant un hyperaldostéronisme familial de type 1 démontre
clairement que c’est l’excès d’aldostérone en lui-même qui est
responsable des anomalies de structure et de fonction du ventricule gauche. En effet, ces patients atteints d’un hyperaldostéronisme présentent, en l’absence d’hypertension, un remodelage
cardiaque avec épaississement du septum et de la paroi ventriculaire gauche, ainsi qu’une diminution de la fonction diastolique. La
fibrose cardiaque et le remodelage coronarien résultent donc bien
d’un effet direct de l’aldostérone sur le tissu cardiaque. Cet effet
22
trophique de l’aldostérone qui aboutit au remodelage vasculaire
est dépendant du sodium, ce qui suggère que l’aldostérone induit
une entrée de sodium dans les fibroblastes (35). Un travail récent
(37) a en outre démontré que, lors d’un infarctus, l’aldostérone
stimule l’activité des protéinases impliquées dans la production du
collagène et donc dans la fibrose cardiaque. En plus de l’aldostérone et du sel, l’angiotensine II paraît également participer à cette
fibrose par l’intermédiaire des récepteurs AT1 (25). La synthèse
d’aldostérone cardiaque est augmentée dans la zone non infarcie
du cœur de rat un mois après la ligature coronaire, parallèlement
à la synthèse locale d’angiotensine II (27). Ainsi, l’aldostérone et
l’angiotensine II sont impliquées dans la régulation des processus
inflammatoires et de réparation qui surviennent après lésion
tissulaire (38, 39). À cet effet, elles stimulent la production des
cytokines et le chimiotactisme ; elles activent les macrophages aux
sites de réparation (40) et stimulent la croissance des fibroblastes
ainsi que la synthèse du collagène de type I et III qui gouvernent
la formation du tissu cicatriciel (37, 41). Le rôle physiologique de
la production locale d’aldostérone pourrait donc être son action
de réparation tissulaire après infarctus du myocarde (27).
EffET ARyThMOgèNE DE L’ALDOSTéRONE
Le rôle proarythmique de l’aldostérone (42) pourrait dépendre
partiellement de la fibrose myocardique, qui perturbe la fonction
électrique du cœur, de l’hypokaliémie et de l’hypomagnésémie
dues à la perte de potassium et de magnésium au niveau des
tubules rénaux, ainsi que de l’effet de l’aldostérone sur la capture
myocardique des catécholamines (43, 44). Tous ces effets de
l’aldostérone prédisposent aux arythmies ventriculaires, à la
toxicité digitalique et donc à l’arrêt cardiaque (45).
ALDOSTéRONE ET DySfONCTION ENDOThéLIALE
L’aldostérone augmente la résistance périphérique et coronarienne en réponse à l’angiotensine II, à la sérotonine et à
la norépinéphrine. Elle induit la sécrétion d’endothéline, un
puissant stimulus de facteurs de croissance (46) qui favorise
le développement de l’athérosclérose. L’aldostérone inhibe en
outre la synthèse de NO des cellules vasculaires (47).
Finalement, l’aldostérone diminue le HDL-cholestérol, prédisposant ainsi à l’athérosclérose (48), et contribue, avec l’angiotensine II, à l’augmentation du potentiel de coagulation par
stimulation de la production du PAI-1 et de l’agrégation plaquettaire aux sites de saignement (49).
ANgIOTENSINE ET ALDOSTéRONE :
fACTEuRS DE RISquE CARDIOvASCuLAIRE
L’ensemble de ces effets délétères fait de l’aldostérone un facteur
de risque cardiovasculaire, indépendant de l’angiotensine II. De
nombreux travaux ont montré une relation entre la concentration
>>>
La Lettre du Cardiologue - n° 405 - mai 2007
Mise au point
M ise au point
24
>>>
plasmatique d’aldostérone et la mortalité chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque, ainsi qu’avec la masse ventriculaire gauche,
qui est un bon indice de morbimortalité. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) diminuent efficacement la morbidité et la
mortalité des patients présentant une insuffisance cardiaque et une
dysfonction ventriculaire gauche. Comme l’angiotensine II est un
stimulus important de la production d’aldostérone, il était raisonnable
et logique de penser que l’emploi d’un IEC aurait pour conséquence
de supprimer les effets indésirables à la fois de l’angiotensine II et de
l’aldostérone. Les résultats obtenus avec les IEC n’ont cependant pas
tout à fait répondu à l’attente, ce qui pourrait être dû à l’échappement
du blocage de la production d’aldostérone sous IEC. En effet, des
observations cliniques ont mis en évidence un tel échappement,
qui se traduit par une remontée des concentrations plasmatiques
d’aldostérone après trois mois de traitement par IEC (43). Plusieurs
mécanismes ont été évoqués pour expliquer cet échappement. Il
pourrait s’agir d’un blocage incomplet du SRAA, d’une synthèse
d’angiotensine II empruntant d’autres voies que celle de l’ECA, d’une
stimulation de la sécrétion d’aldostérone en réponse à des influences
éventuellement combinées : hypokaliémie, hypomagnésémie chronique, intervention de facteurs paracrines et neurocrines, et/ou
diminution du catabolisme hépatique de l’aldostérone (50).
L’angiotensine II, qu’elle provienne de la voie classique de l’ECA
ou de la voie alterne de la chymase, exerce diverses actions sur
le cœur. Par la stimulation de ses récepteurs AT1, elle agit au
niveau de la coagulation (profibrogènes) et pro-inflammatoires.
L’inflammation joue un rôle majeur dans la physiopathologie des
affections cardiaques. L’angiotensine II stimule en effet l’expression
du facteur nucléaire κB (NF-κB), un facteur de transcription qui
règle l’expression génique des cytokines pro-inflammatoires, telle
l’interleukine 6 (51). Au niveau cardiaque, l’angiotensine II joue
aussi un rôle important dans la prolifération vasculaire (52). Les
résultats d’études cliniques confirment l’hypothèse selon laquelle
l’angiotensine II, produite indépendamment de la voie de l’ECA,
stimulerait la prolifération vasculaire et favoriserait ainsi la resténose après une angioplastie coronarienne percutanée. En effet,
la resténose est prévenue par l’administration d’un antagoniste
du récepteur de l’angiotensine II, alors qu’elle ne l’est pas en cas
d’administration d’un inhibiteur de l’ECA (53). Cela confirme la
présence au niveau cardiaque ainsi que l’importance de la voie
alterne chymasique de la production de l’angiotensine II.
De nombreux modèles animaux de pathologie cardiaque (cardiomyopathie, surcharge de pression, infarctus du myocarde) s’associent à une élévation de la chymase cardiaque, aussi bien en ce
qui concerne l’ARNm que son activité enzymatique. Il en est de
même dans des homogénats de cœurs humains pathologiques
(cardiomyopathie idiopathique, infarctus du myocarde [54, 55]).
Toutes ces observations étayent l’hypothèse du rôle de l’angiotensine II, issue de la voie de la chymase, dans la pathogénie de
ces états pathologiques.
La chymase contribue aux affections cardiaques non seulement
par la transformation de l’angiotensine I en angiotensine II,
mais aussi par l’activation du TGF-β et par le remodelage de la
matrice extracellulaire. Ainsi, la chymase contribue à la fibrose
et à l’hypertrophie cardiaque.
EffETS CARDIOvASCuLAIRES béNéfIquES
RéSuLTANT DE L’INhIbITION DE LA ChyMASE
MASTOCyTAIRE
L’activité de la chymase cardiaque étant élevée dans de
nombreuses pathologies cardiaques, il était logique de penser
que son inhibition pourrait avoir un effet thérapeutique bénéfique. C’est pourquoi plusieurs inhibiteurs sélectifs de cette
enzyme ont été développés ou sont en cours de développement (15). Ils n’ont pas encore été utilisés chez l’homme,
mais des résultats prometteurs ont été obtenus chez l’animal,
dans des modèles expérimentaux d’infarctus du myocarde,
de cardiomyopathie et d’insuffisance cardiaque induite par
tachycardie (15). Il est donc fort probable que ces inhibiteurs soient appelés à occuper une place significative dans
le traitement de maladies cardiaques où la dégranulation
des mastocytes, provoquée par la lésion ischémique, paraît
jouer un rôle important. Des inhibiteurs de la chymase ont
significativement réduit la prolifération vasculaire dans des
veines greffées chez le chien (56, 57), ainsi que la prolifération
vasculaire et l’hyperplasie intimale survenant après une lésion
par ballonnet de dilatation (58). Ces molécules pourraient
donc être utiles dans la prévention de la resténose après
dilatation percutanée de vaisseaux coronariens.
L’activité chymase est aussi augmentée dans la paroi des
anévrysmes de l’aorte abdominale (59), et son inhibition, dans
le modèle d’anévrysme du hamster, s’accompagne notamment
d’un effet favorable sur le diamètre aortique, ce qui suggère que
l’inhibition de la chymase pourrait prévenir la progression de
l’anévrysme aortique abdominal (60).
L’inhibition de la chymase pourrait également avoir un effet
thérapeutique dans certaines cardiomyopathies (15) [figure],
dans l’infarctus du myocarde (55), dans la prévention du remodelage cardiaque lors d’une insuffisance cardiaque (61), ainsi
que dans l’athérosclérose (62).
Au niveau cardiaque, l’angiotensine II possède un effet
inotrope positif. Ainsi, la présence dans le cœur d’une voie
génératrice d’angiotensine II indépendante de l’ECA pourrait
avoir un rôle bénéfique important en cas de traitement de
l’insuffisance cardiaque par des IEC. Cette voie alterne n’étant
pas touchée par les IEC, l’angiotensine II qui en est issue
pourrait ainsi participer à la préservation de la fonction d’un
cœur insuffisant en maintenant son support inotrope positif.
En effet, en cas d’insuffisance cardiaque, les IEC améliorent
la fonction cardiaque par diminution des effets de l’angiotensine II au niveau des vaisseaux, réduisant ainsi les pré- et
post-charges cardiaques sans modifier l’effet inotrope positif
de l’angiotensine II cardiaque, puisque celle-ci provient de la
voie de la chymase, ce qui la rend indépendante de l’action
des IEC (10).
En conclusion, toutes les observations suggèrent que l’inhibition
de l’activité de la chymase par des inhibiteurs non peptidiques,
et donc actifs par voie orale, pourrait, dans un avenir proche,
faire partie de l’arsenal thérapeutique des pathologies cardiovasculaires.
La Lettre du Cardiologue - n° 405 - mai 2007
Mastocyte
Angiotensine I
Chymase
active
Activation
Inhibition
Mastocyte
Chymase
inactive
Inhibiteur
de chymase
Angiotensine II
TGF-β
Affections
cardiovasculaires
TGF-β latent-binding protein
Fibrose
tissulaire
Figure. Mécanisme d’action des inhibiteurs de la chymase
mastocytaire pour la prévention des maladies cardiovasculaires
et de la fibrose myocardique. Libérée par les mastocytes activés,
la chymase induit la production d’angiotensine II et de TGF-β,
responsables de maladies cardiovasculaires et de fibrose. L’inhibition
de la chymase est susceptible de prévenir ces deux conséquences en
réduisant la production d’angiotensine II et de TGF-β. (D’après Takai
et al. [15]).
EffETS CARDIOvASCuLAIRES béNéfIquES
RéSuLTANT Du bLOCAgE DES ACTIONS
DE L’ALDOSTéRONE
L’échappement de l’aldostérone observé sous IEC et les résultats
des travaux qui ont démontré les effets cardiaques délétères de
l’aldostérone ont motivé la réalisation de l’étude multicentrique
RALES (Randomized Aldactone® Evaluation Study), dont le but
consistait à évaluer, chez des patients présentant une insuffisance cardiaque sévère, l’effet sur la morbidité et la mortalité
cardiovasculaires d’une adjonction de spironolactone au traitement standard (63), afin de bloquer l’effet de l’aldostérone au
niveau des récepteurs. Les résultats obtenus par l’adjonction
de la spironolactone ont été tellement favorables que l’étude a
été arrêtée au bout de 24 mois, soit plus d’un an avant le terme
prévu, l’objectif primaire de diminution de la mortalité ayant été
atteint. En effet, l’association de 26 mg/j de spironolactone au
traitement standard de l’insuffisance cardiaque (IEC, diurétiques
et digoxine) a permis de diminuer le risque de décès toutes
causes confondues de 31 %, celui de décès d’origine cardiaque
de 31 %, et les hospitalisations d’origine cardiaque de 30 %. De
plus, la spironolactone a exercé un effet bénéfique sur la fonction
cardiaque, puisque des patients sont passés de la classe IV de la
NYHA à la classe III au terme de l’étude. Le blocage de l’action
de l’aldostérone par une faible dose de spironolactone, associée
au traitement conventionnel de l’insuffisance cardiaque, produit
donc un bénéfice assez spectaculaire. La faible dose de spironolactone utilisée n’ayant pas d’effets hémodynamiques, il est donc
fort probable que le bénéfice observé résulte d’une inhibition
des effets directs de l’aldostérone au niveau cardiaque.
Ainsi, une réduction de la fibrose a certainement joué un rôle dans
la diminution de la morbidité et de la mortalité de ces patients,
La Lettre du Cardiologue - n° 405 - mai 2007
ainsi que le démontre le travail de Zannad et al. (64). Utilisant
le dosage plasmatique d’un fragment du collagène III comme
mesure de la fibrose cardiaque, ces auteurs ont, d’une part, observé
une relation entre le taux de fibrose cardiaque et la mortalité, et
démontré, d’autre part, que la spironolactone réduisait la fibrose
cardiaque, l’effet le plus net étant relevé chez les patients présentant la fibrose la plus élevée au début de l’étude.
La spironolactone est également capable de réduire les arythmies
ventriculaires observées en cas d’insuffisance cardiaque congestive ou ischémique. En effet, Ramires et al. (44) ont décrit, chez
35 patients insuffisants cardiaques traités par spironolactone
(25-50 mg/j), une diminution de 74 % des extrasystoles ventriculaires, de 80 % des épisodes de tachycardie ventriculaire non
soutenue, et de 100 % des épisodes de tachycardie ventriculaire
à l’effort. Le blocage du MR s’oppose au rôle proarythmique
de l’aldostérone, soit en diminuant la fibrose cardiaque, soit
en équilibrant la balance électrolytique (hypokaliémie et hypomagnésémie), et/ou en permettant la capture des catécholamines
par les cardiomyocytes.
L’utilisation clinique de l’éplérénone, un nouvel antagoniste
plus sélectif du MR, diminue également de manière significative, dans l’étude EPHESUS, la morbidité et la mortalité de
patients en insuffisance cardiaque et en dysfonction ventriculaire
gauche après un infarctus du myocarde (65). Dans cette étude,
l’éplérénone administrée en complément du traitement conventionnel diminue la mortalité, toutes causes confondues, de 15 %
à 16 mois (65). Rapidement introduite (entre trois et 14 jours)
après l’infarctus du myocarde, elle réduit la mortalité à 30 jours
de 31 % ; la mortalité cardiovasculaire, en particulier, diminue de
13 % chez des patients ayant une fraction d’éjection inférieure
ou égale à 40 % et des signes d’insuffisance cardiaque (66).
Mise au point
M ise au point
ALDOSTéRONE ET DySfONCTION ENDOThéLIALE
L’aldostérone est impliquée dans la dysfonction endothéliale,
notamment par inhibition de la synthèse de NO (47). Cet effet
de l’aldostérone est mis en évidence par l’amélioration de la
dysfonction endothéliale par le blocage par la spironolactone du
MR qui augmente la bioactivité du NO, qui rétablit la réponse
artérielle à l’acétylcholine et qui inhibe la conversion vasculaire
de l’angiotensine I en angiotensine II chez les patients en insuffisance cardiaque (67). Il est donc fort probable que ces effets
bénéfiques de la spironolactone aient contribué à la réduction
de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires, telles que
rapportées dans l’étude RALES (63).
SéCuRITé ET EffETS INDéSIRAbLES
DE LA SpIRONOLACTONE
Un des risques potentiels du blocage du MR est d’induire une
hyperkaliémie. Toutefois, ce risque est significativement réduit
si la dose de spironolactone associée aux IEC ne dépasse pas
25 mg/j. Dans l’étude RALES, la survenue d’une hyperkaliémie
25
Mise au point
M ise au point
cliniquement significative a été rare, puisqu’elle n’a été observée
que chez 1 % des patients sous placebo, et chez 2 % des patients
traités par spironolactone. Il faut cependant souligner qu’une
créatininémie > 250 mg/l et qu’une kaliémie > 5 mmol/l constituaient des critères d’exclusion à l’entrée dans l’étude. Il est
évident que les mesures de la créatinine plasmatique et de la
kaliémie doivent faire partie de la surveillance d’un traitement
associant IEC et spironolactone, et ce d’autant plus que le risque
d’hyperkaliémie en pratique courante n’est pas négligeable (68).
Comme la spironolactone se lie non seulement aux MR mais
également aux récepteurs des androgènes, une gynécomastie
et une impuissance peuvent survenir sous ce traitement. Dans
l’étude RALES, une gynécomastie et/ou des douleurs au niveau
des seins ont été rapportées chez 10 % des hommes sous spironolactone, contre 1 % dans le groupe placebo. Au vu des importants effets bénéfiques de ce traitement sur la morbidité et la
mortalité cardiovasculaires, le risque de gynécomastie ne devrait
cependant pas détourner de l’emploi de la spironolactone chez les
hommes souffrant d’une insuffisance cardiaque sévère. L’arrivée
sur le marché de l’éplérénone, nouvel antagoniste plus sélectif du
MR, devrait significativement diminuer la fréquence de cet effet
indésirable. L’éplérénone bloque sélectivement le MR et n’a pas
d’effet sur les récepteurs des glucocorticoïdes, des androgènes et
de la progestérone (69). Ainsi, dans l’étude EPHESUS (65), qui a
démontré que l’éplérénone adjointe au traitement conventionnel
diminuait la morbidité et la mortalité de patients en insuffisance
cardiaque et en dysfonction ventriculaire gauche après un infarctus
du myocarde, l’incidence de la gynécomastie et de l’impuissance
chez les hommes du groupe éplérénone n’était pas supérieure à
celle observée dans le groupe placebo. Ces résultats, très différents
de ceux de l’étude RALES, sont liés à la plus grande sélectivité de
l’éplérénone pour le MR, comparativement à la spironolactone,
qui se lie aussi aux récepteurs des androgènes.
CONCLuSION
Le cœur est non seulement un organe cible pour les hormones,
mais il constitue également un véritable organe endocrine,
produisant des facteurs hormonaux qui exercent des rôles autocrines, paracrines et endocrines. Il est non seulement soumis à
l’influence du SRAA systémique, mais il possède également son
propre SRAA. Ce dernier produit de l’angiotensine II par l’intermédiaire de la voie classique, ECA-dépendante, et par la voie
alterne de la chymase mastocytaire, ECA indépendante. Parmi les
constituants du SRAA, l’aldostérone systémique et intracardiaque
ainsi que l’angiotensine II exercent des effets importants sur la
structure et la fonction cardiaques. En plus de ses effets sur la
rétention hydrosodée et l’excrétion potassique, l’aldostérone est
à l’origine d’une fibrose cardiaque et vasculaire, d’une diminution
de la capture de la norépinéphrine au niveau du myocarde, et
d’une dysfonction endothéliale. Tous ces effets délétères au niveau
du cœur et des vaisseaux sont certainement impliqués dans la
morbidité et la mortalité cardiovasculaires, notamment en cas
d’insuffisance cardiaque. Des études récentes ont clairement
26
démontré que, associé au traitement conventionnel, le blocage
des MR par la spironolactone ou l’éplérénone réduit de manière
significative la morbidité et la mortalité cardiovasculaires des
patients en insuffisance cardiaque sévère et/ou avec dysfonction
ventriculaire après infarctus du myocarde. Ainsi, 50 ans après sa
découverte, l’aldostérone continue à étonner (70).
■
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