Mise au point
Mise au point
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La Lettre du Cardiologue - n° 405 - mai 2007
hormones, il a été récemment démontré que les composants du
SRAA ont eff ectivement des eff ets spécifi ques et néfastes sur le
cœur et les vaisseaux, et que le blocage de leur action pourrait
ainsi être bénéfi que.
LE SYSTÈME RÉNINEANGIOTENSINEALDOSTÉRONE
Le SRAA préserve l’homéostasie circulatoire lors d’une perte
de sel et d’eau résultant par exemple d’une transpiration intense
et prolongée, de vomissements ou d’une diarrhée. La rénine,
l’angiotensine II et l’aldostérone sont des éléments clés de ce
système. La rénine, synthétisée par l’appareil juxtaglomérulaire
du rein, produira le clivage de quatre acides de l’angiotensino-
gène circulant (le précurseur hépatique de tous les peptides de
l’angiotensine) pour former l’angiotensine I, un décapeptide
biologiquement inactif. L’enzyme de conversion de l’angioten-
sine (ECA) qui est liée à la membrane des cellules endothéliales
eff ectue ensuite le clivage de deux acides aminés de l’angioten-
sine I pour engendrer l’angiotensine II.
La chymase mastocytaire
L’ECA est donc une enzyme indispensable à la génération de
l’angiotensine II. Dans le cœur, il existe cependant une voie
alterne ne passant pas par l’ECA, mais impliquant l’α-chymase,
une enzyme similaire à la chymotrypsine qui est exprimée dans
les granules sécrétoires des mastocytes cardiaques. La présence
d’une telle voie a été démontrée in vitro, puisque, dans des
homogénats de tissu cardiaque humain, 75 % de l’angiotensine II
formée sont dépendants de la chymase, alors que seuls 25 % le
sont de la voie classique de l’ECA (10, 11). Diverses études ont
confi rmé que l’angiotensine II, dans les divers tissus d’origine
cardiovasculaire, est dépendante de la voie de la chymase plutôt
que de la voie classique de l’ECA, puisque la production d’an-
giotensine II dans ces tissus est bloquée à près de 90 % par des
inhibiteurs de la chymase (12-14).
La chymase est stockée dans les granules des mastocytes sous
forme inactive, en raison d’un pH à 5,5 dans ces granules. Le
pH optimal pour l’activité enzymatique est compris entre 7
et 9, situation rencontrée lors de la sécrétion de la chymase
après activation des mastocytes présents dans un tissu lésé ou
infl ammatoire (15). L’activité chymasique ne s’exerce qu’au niveau
tissulaire local, car de puissants inhibiteurs de la chymase sont
présents dans la circulation sanguine et bloquent immédiatement
son activité enzymatique (15).
Il existe deux types de chymase, la forme α, qui prédomine
notamment chez l’homme, le singe et le mouton, et la forme β,
que l’on trouve chez le rat et la souris (16). La chymase cardiaque
humaine présente une très grande spécifi cité pour l’angioten-
sine I, ce qui la distingue d’autres enzymes impliquées dans la
production de l’angiotensine II, telles l’ECA, la kallicréine, la
cathepsine et les autres chymases (10). En outre, la chymase
cardiaque humaine, au contraire de l’ECA, ne dégrade pas l’an-
giotensine II ni les autres peptides comme la bradykinine, la
substance P et la gonadolibérine (10).
La chymase mastocytaire contribue non seulement à la transfor-
mation de l’angiotensine I en angiotensine II, mais elle participe
aussi à la sécrétion et à l’activation de la cytokine IL-1β, une
cytokine pro-infl ammatoire, et du TGF-β1, une cytokine qui est
impliquée notamment dans l’hypertrophie et la fi brose cardiaque
(17, 18). La chymase active le TGF-β qui se trouve sous forme
inactive ou latente dans les mastocytes (18). Les mastocytes
sont donc, par ce mécanisme, impliqués dans des processus
pathologiques caractérisés par des événements infl ammatoires
et fi brogéniques tels que la fi brose pulmonaire (19), l’infarctus
du myocarde et la fi brose myocardique post-transplantation
(20, 21). Toutes ces observations suggèrent qu’une inhibition
de ces eff ets par des inhibiteurs de la chymase pourrait être
utilisée à but thérapeutique pour prévenir les maladies cardio-
vasculaires et la fi brose.
En plus des eff ets susmentionnés, l’α-chymase est aussi capable
de former les endothélines de 31 acides aminés, de dégrader
l’endothéline 1, de modifi er le métabolisme lipidique et d’en-
dommager la matrice extracellulaire (22).
L’angiotensine II exerce de nombreuses actions pour maintenir
l’homéostasie circulatoire, induisant la constriction des arté-
rioles au niveau des circulations rénale et systémique, ainsi que
la réabsorption du sodium au niveau des segments proximaux
du néphron. L’angiotensine II stimule également la sécrétion
d’aldostérone responsable d’une réabsorption du sodium (en
échange du potassium) au niveau des segments distaux du néphron,
ainsi que dans le côlon, les glandes salivaires et sudoripares.
Lorsque le volume intravasculaire est réduit, l’angiotensine II
est le stimulus principal de la production d’aldostérone, qui peut
cependant aussi être stimulée par le potassium, l’ACTH, les
catécholamines, l’endothéline et la sérotonine d’origine masto-
cytaire. Parmi ces stimuli de l’aldostérone, le potassium a un
rôle physiologique important, puisqu’il permet de maintenir son
homéostasie grâce à la capacité de l’aldostérone, dont il stimule
la sécrétion, à augmenter l’excrétion potassique dans les urines,
les selles, la sueur et la salive (23). L’aldostérone permet ainsi
de prévenir l’hyperkaliémie en cas d’apport potassique élevé
dans l’alimentation ou après un exercice physique intense qui
entraîne une sortie de potassium des muscles.
L’aldostérone produit deux types d’action : des modifi cations
immédiates de conductances ioniques, ainsi que l’induction
diff érée de gènes cibles qui survient après liaison sur son récep-
teur intracellulaire, le récepteur des minéralocorticoïdes (MR).
Son action principale consiste à augmenter la synthèse et l’acti-
vité des canaux sodiques amiloride-sensibles et la Na/K-ATPase
membranaire des cellules du tubule contourné distal et du tube
collecteur rénal pour aboutir à la réabsorption du sodium.
Comme nous le verrons ci-après, l’aldostérone, parallèlement
à cette action essentielle de réabsorption sodique, exerce d’autres
actions, notamment sur le système cardiovasculaire.
Le récepteur MR de l’aldostérone est un facteur de transcrip-
tion, membre de la superfamille des récepteurs nucléaires, qui
comprend les récepteurs aux hormones stéroïdes/thyroïdes et à
l’acide rétinoïque. Ces récepteurs sont classiquement localisés
dans des cellules épithéliales (côlon, reins, glandes salivaires