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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 6, novembre-décembre 2006
Dossier
thématique
segments proximaux du néphron.
L’angiotensine II stimule égale-
ment la sécrétion d’aldostérone
responsable d’une réabsorption du
sodium (en échange du potassium)
au niveau des segments distaux du
néphron, ainsi que dans le côlon,
les glandes salivaires et sudoripares.
Lorsque le volume intravasculaire
est réduit, l’angiotensine II est le
stimulus principal de la production
d’aldostérone, qui peut cependant
aussi être stimulée par le potassium,
l’ACTH, les catécholamines, l’en-
dothéline et la sérotonine d’origine
mastocytaire. Parmi ces stimuli de
l’aldostérone, le potassium a un rôle
physiologique important, puisqu’il
permet de maintenir son homéo-
stasie grâce à la capacité de l’aldo-
stérone, dont il stimule la sécrétion,
à augmenter l’excrétion potassique
dans les urines, les selles, la sueur et
la salive (23). L’aldostérone permet
ainsi de prévenir l’hyperkaliémie en
cas d’apport potassique élevé dans
l’alimentation ou après un exercice
physique intense qui entraîne une
sortie de potassium des muscles.
L’aldostérone produit deux types
d’action : des modifications immé-
diates de conductances ioniques,
ainsi que l’induction différée de
gènes cibles qui survient après
liaison sur son récepteur intracellu-
laire, le récepteur des minéralocorti-
coïdes (MR). Son action principale
consiste à augmenter la synthèse
et l’activité des canaux sodiques
amiloride-sensibles et la Na/K-
ATPase membranaire des cellules
du tubule contourné distal et du
tube collecteur rénal pour aboutir à
la réabsorption du sodium. Comme
nous le verrons ci-après, l’aldosté-
rone, parallèlement à cette action
essentielle de réabsorption sodique,
exerce d’autres actions, notamment
sur le système cardiovasculaire.
Le récepteur MR de l’aldostérone est
un facteur de transcription, membre
de la superfamille des récepteurs
nucléaires, qui comprend les récep-
teurs aux hormones stéroïdes/
thyroïdes et à l’acide rétinoïque. Ces
récepteurs sont classiquement loca-
lisés dans des cellules épithéliales
(côlon, reins, glandes salivaires et
sudoripares). Des études récentes
ont toutefois démontré que les MR
pouvaient également être présents
dans des tissus non épithéliaux tels
que les organes circumventriculaires
du cerveau, le cœur et les vaisseaux
sanguins. Les domaines de fixation
sur l’ADN et de liaison au ligand
du MR et du récepteur des gluco-
corticoïdes (GR) ont une grande
homologie de séquences. Pour cette
raison, le MR peut également lier le
cortisol avec la même affinité que
pour l’aldostérone. Le cortisol peut
être un véritable concurrent pour
l’aldostérone, car sa concentration
plasmatique est 100 à 1 000 fois
supérieure à celle de l’aldostérone.
Aussi, pour “protéger” le MR des
glucocorticoïdes, les cellules dispo-
sent-elles d’une enzyme, la 11-β-
hydroxystéroïde deshydrogénase
(11-β-HSD) de type 2, qui trans-
forme le cortisol (actif) en corti-
sone, inactive car incapable de se
lier au MR. Cela suppose donc que,
dans les types cellulaires spécifi-
quement répondeurs à l’aldosté-
rone, il y ait une colocalisation de
la 11-β-HSD 2 et du MR. Une telle
colocalisation a été vérifiée dans le
rein, et elle est aussi présente dans
le cœur humain (24).
Synthèse de l’aldostérone
La synthèse de l’aldostérone a lieu
dans le cortex surrénalien, où la
P-450 aldostérone-synthase, sous
contrôle de l’angiotensine II et du
potassium, et plus faiblement de
l’ACTH et du sodium, catalyse
cette synthèse à partir de la désoxy-
corticostérone. Des sites de produc-
tion extrasurrénaliens ont cependant
été identifiés. Il s’agit du cœur, de
l’aorte, de l’artère pulmonaire et
du cerveau. Un SRAA complet a
été mis en évidence au niveau du
cœur (25), qui possède ainsi l’en-
semble de l’équipement enzyma-
tique nécessaire à la production
d’aldostérone (26). Le cœur est
également un organe cible pour
les effets de l’aldostérone, puisque
le messager du MR est abondant
dans les cardiomyocytes et la paroi
endothéliale des artères principales
(24). La concentration tissulaire
cardiaque d’aldostérone, qui est
déjà 15 fois supérieure à celle du
plasma, peut encore augmenter de
deux à trois fois dans le modèle
murin de situation postinfarctus par
ligature coronaire (27). Toutefois,
la contribution cardiaque aux taux
plasmatiques d’aldostérone paraît
non significative comparativement
à celle du cortex surrénalien (28).
Si elle ne contribue pas aux taux
circulants de cette hormone, elle
joue certainement un rôle paracrine
et autocrine important au niveau
cardiaque. Il est intéressant de noter
que le sel a une fonction régulatrice
différente sur l’aldostérone plasma-
tique et sur l’aldostérone cardiaque.
En effet, un régime hypersodé chez
le rat normotendu induit une dimi-
nution de l’aldostérone plasma-
tique, alors qu’une augmentation
de l’aldostérone cardiaque et une
hypertrophie du cœur sont relevées
(29). Cette observation suggère
donc qu’un régime hypersodé
augmente la synthèse d’aldostérone
du cœur et contribue ainsi à l’hy-
pertrophie cardiaque de manière
indépendante du SRAA circulant.
Des travaux récents ont clairement
démontré que l’aldostérone exerçait
des effets directs sur le cardiomyo-
cyte, par l’induction, en présence
d’une concentration extracellulaire
de sodium, d’une hypertrophie
cardiaque (30). De plus, au niveau
du cœur, l’aldostérone exerce un
rétrocontrôle positif sur sa propre
production, puisqu’elle augmente
paradoxalement l’expression de
l’ARN messager de l’enzyme de
conversion. Ce mécanisme pourrait
être responsable de l’augmentation
et de la progression de l’activité du
SRAA cardiaque en cas d’insuffi-
sance cardiaque.
Le cœur est donc non seulement un
organe cible pour les minéralocorti-