L’ Le rôle des récepteurs des tyrosine kinases dans l’angiogenèse tumorale M

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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no2 - mars-avril 2003
L’
ère de l’oncologie moléculaire, qui a commencé avec
des agents ciblant le récepteur HER2 et la protéine de
fusion Bcr-Abl, progresse, avec une multitude de nou-
velles thérapies ciblées actuellement en développement précli-
nique et clinique. Il en résulte un changement fondamental dans
l’approche des traitements anticancéreux, obligeant les cliniciens
à comprendre les nouvelles technologies et à envisager leurs
potentialités en usage clinique.
L’une des cibles de ces nouvelles thérapeutiques est l’angioge-
nèse tumorale, formation de néovaisseaux sanguins par une
tumeur en croissance. C’est un processus complexe et pas encore
totalement compris, avec de nombreuses étapes et de nombreuses
voies, régulant l’équilibre entre état pro-angiogénique et anti-
angiogénique. L’intérêt d’une thérapie inhibant l’angiogenèse
réside en partie dans le fait qu’il s’agit de la seule approche nou-
velle ciblant des composants tumoraux autres que les cellules can-
céreuses. La thérapie anti-angiogénique qui vise spécifiquement
des cellules endothéliales normales, stables génétiquement, pour
inhiber la vascularisation des tumeurs en croissance a plusieurs
avantages (tableau I) (1).
Les thérapies anti-angiogéniques laissent espérer des améliora-
tions pour les patients, grâce à une efficacité et à une tolérance
supérieures à celles des autres thérapies cytotoxiques. Cette
monographie résume brièvement l’angiogenèse et se focalise
sur les récepteurs et les facteurs de croissance par lesquels les
cellules endothéliales de l’environnement tumoral sont stimu-
lées pour former des néovaisseaux.
L’ANGIOGENÈSE TUMORALE
L’homéostasie angiogénique
De nombreux facteurs naturels avec une activité anti-angiogé-
nique ont été décrits (tableau II) (2), mais seuls quelques-uns ont
été étudiés comme agents thérapeutiques potentiels. Le principal
inhibiteur physiologique de l’angiogenèse est la thrombospon-
Le rôle des récepteurs des tyrosine kinases
dans l’angiogenèse tumorale
J. Fayette*, G. Sledge**, J.P. Armand***
* Hôpital Saint-Louis, service d’oncologie médicale, 1, avenue Claude-Vellefaux,
75010 Paris.
** Indiana University Hospital, Indianapolis, Indiana, États-Unis.
*** Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif Cedex.
Tableau I. Avantages des cellules endothéliales comme cibles théra-
peutiques anticancéreuses(1).
Il se développe moins souvent de résistances qu’avec les drogues
ciblant directement les cellules tumorales. À la différence des cellules
tumorales, les cellules endothéliales sont stables génétiquement,
diploïdes et homogènes. Les mutations spontanées sont rares. Des trai-
tements prolongés sont donc possibles.
Les cellules endothéliales des tumeurs se divisent de 50 à 100 fois
plus vite que les cellules endothéliales normales, et les cellules endo-
théliales activées expriment des marqueurs non exprimés ou à un
niveau beaucoup plus faible par les cellules endothéliales quiescentes.
Comme l’angiogenèse chez l’adulte est normalement limitée,
il doit y avoir peu d’effets secondaires avec les agents anti-
angiogéniques.
•À la différence des cellules tumorales, les cellules endothéliales sont
facilement accessibles depuis la circulation sanguine.
De nombreuses cellules tumorales sont dépendantes d’un seul micro-
vaisseau. La destruction d’un petit nombre de microvaisseaux ampli-
fie donc l’effet antitumoral.
Tableau II. Inhibiteurs naturels de l’angiogenèse (2).
Thrombospondine.
Angiostatine (fragment du plasminogène).
Endostatine (fragment du collagène XVIII).
AaAt (fragment de l’antithrombine III).
Vasostatine (fragment de la calréticuline).
Prolactine (fragment N-terminal de 16 kDa).
Troponine 1.
Angiopoïétine 2.
Interféron alpha.
Interféron gamma.
Interleukine 12.
Fibronectine.
Inhibiteurs tissulaires des métalloprotéinases (TIMP).
Inhibiteur 1 de l’activateur du plasminogène (PAI-1).
Facteur plaquettaire 4 (PF 4).
Facteur dérivé des cellules épithéliales pigmentaires (PEX).
Acide rétinoïque.
2-méthoxyestradiol.
Dopamine.
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dine, constitutivement produite par les cellules normales. Le pre-
mier inhibiteur naturel de l’angiogenèse utilisé en clinique a été
l’interféron alpha. De nombreux principes généraux de la théra-
pie anti-angiogénique ont été déduits de son utilisation (2).
D’autres inhibiteurs naturels ont été étudiés, parmi lesquels
l’angiostatine et l’endostatine. L’angiostatine est le produit d’un
clivage protéolytique du plasminogène, et l’endostatine est déri-
vée du collagène XVIII par protéolyse. Récemment, il a été mon-
tré que la dopamine inhibe l’angiogenèse induite par le facteur
de croissance vasculaire endothélial (VEGF), ce qui illustre les
liens entre le système nerveux et l’angiogenèse.
Parmi les facteurs endogènes, ceux qui activent l’angiogenèse
sont plus nombreux que ceux qui l’inhibent (tableau III) (2).
Les facteurs pro-angiogéniques les plus étudiés sont le facteur
de croissance basique des fibroblastes (bFGF), le VEGF, le fac-
teur de croissance dérivé des plaquettes (PDGF), le facteur de
croissance endothélial dérivé des plaquettes et l’angiopoïé-
tine 1 (Ang-1). Les autres facteurs de croissance pro-angiogé-
niques incluent le facteur de croissance épithélial (EGF) et le
facteur de croissance transformant (TGF), qui activent indi-
rectement l’angiogenèse par la stimulation de la production de
VEGF. Plusieurs protéinases tissulaires, médiateurs de l’inflam-
mation et molécules d’adhésion stimulent aussi indirectement
l’angiogenèse ou sont nécessaires pour la stabilisation des néo-
vaisseaux sanguins.
Switch angiogénique
et prolifération des cellules endothéliales
L’angiogenèse commence par une modification du phénotype
tumoral. L’équilibre entre facteur pro- et antiangiogénique qui
penchait en faveur d’une inhibition de l’angiogenèse va bascu-
ler, principalement grâce au VEGF, vers la formation de néo-
vaisseaux (3). L’hypoxie est le déterminant principal de ce
changement de phénotype. Elle induit, dans les cellules tumo-
rales, l’expression du facteur de transcription HIF-1(facteur
1induit par l’hypoxie), ainsi que la transcription des gènes
codant pour le VEGF et son récepteur. L’hypoxie attire les
macrophages dans la tumeur. Ces macrophages contribuent à
la production de protéinases extracellulaires qui facilitent la
migration des cellules endothéliales dans la tumeur. Il est fon-
damental de souligner que la mutation de la protéine p53 –
mutation qui est présente dans environ 50 % des cancers
humains – diminue le besoin cellulaire en oxygène et limite de
ce fait le recours à l’angiogenèse des tumeurs. Des souris ont
été xénogreffées avec des cellules de cancers colorectaux
humains. Les traitements anti-angiogéniques ont été moins effi-
caces chez les souris déficientes pour p53 que chez les souris
sauvages. Ainsi, bien que les thérapies anti-angiogéniques
ciblent des cellules endothéliales stables génétiquement, les
altérations génétiques des cellules tumorales peuvent diminuer
leurs réponses à ces traitements en diminuant leur dépendance
aux vaisseaux sanguins.
Les autres déterminants de la néovascularisation tumorale sont
un faible pH intratumoral, l’hypoglycémie, les mécanismes de
stress provoqués par la prolifération des cellules tumorales, les
réponses inflammatoires avec l’expression de la cyclo-oxygé-
nase 2 (COX-2), la synthèse de prostaglandines et l’activation des
mastocytes.
Les mutations de certains proto-oncogènes, gènes suppresseurs
de tumeurs et gènes régulateurs favorisent aussi l’angiogenèse.
Le gène VHL, normalement produit, supprime l’expression
génique induite par l’hypoxie. L’inactivation de VHL, comme
dans le syndrome des cancers héréditaires de von Hippel-Lindau
(VHL), active et stabilise HIF-1, induisant la formation de
tumeurs hautement vascularisées. La transfection du gène VHL
sauvage dans diverses lignées tumorales supprime la sécrétion
de VEGF. Le virus SV40, fréquemment détecté dans les méso-
théliomes, induit la production de VEGF via son antigène tumo-
ral large (Tag). Dans des lignées de cancers coliques, le VEGF
n’est pas sécrété si la protéine p53 est mutée.
Perméabilité vasculaire augmentée
Les changements induits par la tumeur dans le voisinage des
microvaisseaux augmentent leur perméabilité, leur dilatation et
leur sinuosité, puis le développement de bourgeons de néovais-
seaux. Ce processus est médié, au moins en partie, par le VEGF
(originellement connu comme un facteur de perméabilité vascu-
laire). L’augmentation de la perméabilité vasculaire permet la dif-
fusion de nutriments dans la tumeur, avant même le début de la
néovascularisation. La perméabilité peut être favorisée par une
diminution des péricytes autour des microvaisseaux existants,
diminution due à l’angiopoïétine 2.
Recrutement des facteurs de croissance
Les facteurs de croissance et les protéases sécrétés dans le
microenvironnement tumoral ainsi que les cellules endothéliales
forment une boucle paracrine permettant l’expansion de la masse
tumorale. Les cellules endothéliales stimulées sécrètent des
chémo-attractants et des facteurs de croissance pour les cellules
cancéreuses (le facteur de croissance des fibroblastes [FGF], le
PDGF, l’IGF) (1). Le VEGF sécrété par la tumeur stimule la libé-
Tableau III. Stimulateurs naturels de la prolifération et de la migra-
tion des cellules endothéliales (2).
Facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF).
Facteur de croissance basique des fibroblastes (bFGF).
Facteur de croissance acide des fibroblastes (aFGF).
Facteur de croissance dérivé des plaquettes (PDGF).
Facteur de croissance épithélial dérivé des plaquettes.
Facteur de croissance des hépatocytes/facteur diffus.
Facteur de croissance épithélial.
Facteur de croissance insuline-like (IGF).
Facteur de croissance transformant (TGF).
Facteur de croissance transformant (TGF).
Facteur de nécrose tumorale (TNF).
Facteur de croissance placentaire.
Angiopoïétine 1 (Ang-1).
Angiogénine.
Pléiotrophine.
Interleukine 8.
Facteur stimulant les colonies de granulocytes (G-CSF).
Proliférine.
Leptine.
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ration et l’activation de protéases par les cellules endothéliales.
Ces protéases, à leur tour, activent d’autres facteurs angiogé-
niques liés à l’héparine, stockés dans la matrice extracellulaire,
en particulier le bFGF, le VEGF, et l’EGF lié à l’héparine, qui
peuvent être mitogéniques pour la tumeur et les cellules endo-
théliales (2) (figure 1).
Activation des protéases tissulaires
Les protéases libérées par les cellules endothéliales stimulées par
le VEGF sont activées dans la matrice extracellulaire. Le plas-
minogène, en particulier, est activé par l’activateur urinaire du
plasminogène (uPA), et dégrade la membrane basale, permettant
la migration des cellules endothéliales pour former des tubes (1).
La contribution des protéases à l’angiogenèse inclut aussi les
métalloprotéinases de la matrice (MMP), avec leurs activités
gélatinase, élastase et collagénase. La fuite de plasma et de fibrine
forme un maillage qui permet la migration des cellules endothé-
liales. Le bourgeon endothélial en développement s’étend par pro-
lifération des cellules endothéliales à sa base, et probablement en
attirant spécifiquement des cellules souches endothéliales circu-
lantes sur le foyer d’angiogenèse (1,2). Les cordons endothéliaux
en croissance forment ensuite la lumière, et les extrémités de dif-
férents bourgeons se rejoignent pour former un nouveau réseau
vasculaire (2) (figure 2).
Stabilisation des vaisseaux
Les étapes finales de la néovascularisation sont la formation
d’une nouvelle membrane basale puis la stabilisation par le recru-
tement de cellules murales : les péricytes dans les microvaisseaux,
les cellules musculaires lisses dans les vaisseaux plus larges. Les
cellules ne recrutant pas les cellules murales appropriées requiè-
rent du VEGF pour leur survie, alors que celles qui recrutent les
bonnes cellules peuvent survivre en l’absence de VEGF. Le déve-
loppement des péricytes et leur migration vers la microvascula-
risation sont stimulés par le PDGF, qui, en présence de VEGF,
est un puissant attracteur pour les cellules musculaires lisses. Les
angiopoïétines, spécifiques des cellules endothéliales, agissent
avec le VEGF pour permettre l’angiogenèse et le remodelage vas-
culaire (figure 3).
Interactions entre la matrice extracellulaire
et les cellules endothéliales
Certaines interactions cellule-cellule et cellule-matrice requises
pour la néovascularisation se font par le biais d’intégrines ou
d’autres molécules d’adhésion (molécules d’adhésion intracel-
lulaires, cadhérines, sélectines). Par exemple, l’intégrine v3à
la surface des cellules endothéliales activées permet leur propa-
gation et la formation de tubes. Le lien entre l’intégrine v3et
ses ligands sur la matrice des cellules endothéliales (la vitronec-
tine, le facteur von Willebrand, la fibronectine, le fibrinogène)
favorise la survie des cellules endothéliales vasculaires pendant
l’angiogenèse. Diverses intégrines sont impliquées dans l’angio-
genèse, et elles peuvent être activées par différentes voies de
l’angiogenèse. Par exemple, l’intégrine v3est activée lors de
l’angiogenèse induite par le FGF-2, alors que l’intégrine v5est
activée lors de l’angiogenèse induite par le VEGF (1).
Figure 1. Stimulation de la prolifération des cellules endothéliales par
les facteurs de croissance sécrétés par les cellules tumorales.
FGF = facteur de croissance des fibroblastes ; MMP : métalloprotéinases ; PDGF : facteur de crois-
sance dérivé des tumeurs ; VEGF : facteur de croissance vasculaire endothélial.
Cascade
des réactions
impliquées dans
la transmission
du signal
"Prolifération
"Invasion
"Migration
"Dégradation de la
membrane basale
"Perméabilité
"Formation des
tubes capillaires
Figure 2. Migration des cellules endothéliales et formation des tubes
capillaires.
Ang-1 : angiopoïétine 1 ; FGF : facteur de croissance des fibroblastes ; PDGF : facteur de croissance
dérivé des plaquettes ; VEGF : facteur de croissance vasculaire endothélial.
Figure 3. Recrutement des péricytes et stabilisation des vaisseaux.
Ang-1 : angiopoïétine 1 ; FGF : facteur de croissance des fibroblastes ; PDGF = facteur de croissance
dérivé des plaquettes ; VEGF = facteur de croissance vasculaire endothélial.
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Infiltration tumorale et métastases
L’angiogenèse est essentielle pour la croissance tumorale méta-
statique (2). La néovascularisation permet à la tumeur de vaincre
le maillage initial pour métastaser et échapper à la tumeur pri-
maire. L’entrée dans la circulation sanguine peut être facilitée par
la proximité entre la tumeur et le néovaisseau, dont la paroi fenes-
trée est perméable, et par la production par les cellules endothé-
liales de protéases qui dégradent les membranes basales et favo-
risent ainsi la migration des cellules tumorales et leur entrée dans
les vaisseaux. Le VEGF et le bFGF produits par les cellules
tumorales stimulent la production de protéases par les cellules
endothéliales et leur activation (2).
Une fois établi dans un capillaire éloigné, l’équilibre local entre
facteurs pro-angiogéniques et anti-angiogéniques détermine si la
tumeur peut se développer sous forme de masse ou non. Les
métastases déficientes pour l’activité angiogénique peuvent res-
ter microscopiques et dormantes pendant des années après l’abla-
tion du cancer primitif, comme c’est le cas pour les cancers du
sein, où les métastases peuvent apparaître de 5 à 10 ans après la
résection de la tumeur initiale (2).
L’ANGIOGENÈSE DANS LES CANCERS HUMAINS
Les preuves de la nécessité de l’angiogenèse pour la poursuite
de la croissance tumorale abondent, du moins en ce qui concerne
les tumeurs expérimentales. L’observation directe de tumeurs
visibles dans des tubes à essai, des cornées de lapin ou des
embryons de poulet montre que, une fois vascularisée, la tumeur
peut augmenter de taille plusieurs centaines de fois en quelques
jours (2). Des études concernant les effets d’un blocage de
l’angiogenèse sur la croissance tumorale in vivo ont été menées
sur plusieurs tumeurs expérimentales avec divers inhibiteurs spé-
cifiques de l’angiogenèse. La majorité des études montre que le
blocage de l’angiogenèse dans ces tumeurs arrête leur croissance ;
il peut même conduire à la disparition des tumeurs (2). Ces études
constituent les bases scientifiques pour considérer l’inhibition de
l’angiogenèse comme une approche rationnelle du traitement des
cancers humains.
Densité des microvaisseaux
et production de facteurs de croissance
Dans les cancers humains, la recherche concernant l’angiogenèse
s’est d’abord focalisée sur l’étude de la néovascularisation en
termes diagnostiques et pronostiques, puis, récemment, elle s’est
réorientée vers leur traitement. Les recherches déjà menées ont
apporté des preuves convaincantes qu’un phénotype angiogé-
nique est corrélé à la progression tumorale et à la diminution de
la survie. Comme pour les tumeurs expérimentales, l’angioge-
nèse est donc nécessaire à la croissance des cancers humains.
Une corrélation forte a été montrée entre la densité des micro-
vaisseaux dans la tumeur, un indicateur de l’activité angiogé-
nique, et l’évolution clinique de la majorité des cancers, comme
les cancers du sein, gynécologiques, colorectaux, du tractus
gastro-intestinal supérieur, pulmonaires non à petites cellules
(CBNPC), urogénitaux, de la tête et du cou, cérébraux, et les
mélanomes (1).
La production de VEGF soluble par les cellules tumorales est
aussi liée à l’évolution clinique dans de nombreuses études. Il
existe une très nette relation entre une forte expression intratu-
morale de VEGF et un stade tumoral avancé ou une faible survie,
indépendamment des facteurs pronostiques conventionnels (4).
Il a également été montré que des taux circulants élevés de VEGF
reflètent l’activité angiogénique des tumeurs et ont, dans la plu-
part des études, une corrélation négative à la fois avec le statut
tumoral et le pronostic des patients (4). La mesure des taux cir-
culants de VEGF pourrait donc identifier les malades dont les
tumeurs ont une activité angiogénique élevée et devenir utile
dans l’identification des patients qui bénéficieraient le plus des
thérapies anti-angiogéniques.
LES RÉCEPTEURS DE TYROSINE KINASES
DANS L’ANGIOGENÈSE
L’activation des cellules endothéliales ainsi que la stimulation
de leur migration et de leur prolifération au cours de l’angioge-
nèse se font via des facteurs de croissance qui se lient à des récep-
teurs membranaires. L’inhibition de l’activité de ces récepteurs
est devenue un objectif dans le développement de médicaments
anticancéreux. La stimulation par les facteurs de croissance se
fait par des récepteurs à la surface des cellules ; ces récepteurs
sont appelés “récepteurs de tyrosine kinases” (RTK), en raison
de leur capacité à phosphoryler les résidus tyrosine qui les com-
posent (autophosphorylation) ou d’autres molécules de signali-
sation intracellulaire. Cette capacité permet à ces récepteurs
d’initier directement la cascade des réactions impliquées dans
la transmission du signal. Les RTK directement impliqués dans
l’angiogenèse incluent les récepteurs pour le VEGF, le FGF, le
PDGF, l’Ang-1, l’Ang-2, le facteur de croissance des hépato-
cytes (HGF) et les éphrines (Eph). La compréhension de la bio-
logie de ces facteurs de croissance et de leurs récepteurs sur les
cellules endothéliales ainsi que celle de leur implication dans
l’angiogenèse en fonction du microenvironnement ou des dif-
férentes conditions physiologiques favorisent le développement
des meilleures thérapies ciblées possibles contre les cellules
endothéliales.
Le VEGF et les récepteurs du VEGF
Les activités biologiques du VEGF
Le VEGF est le plus puissant stimulateur direct de l’angiogenèse.
Il est quasiment unique parmi les facteurs de croissance en rai-
son de sa spécificité pour l’endothélium vasculaire. Le tableauIV
indique les nombreuses activités biologiques associées au
VEGF(5). L’induction de la perméabilité vasculaire par le VEGF
est 50 000 fois plus importante que celle induite par l’histamine.
Le VEGF est essentiel pour le développement du système car-
diovasculaire d’embryons de souris, et indispensable pour la
croissance et la survie des souris en période néonatale. Il régule
la différenciation des angioblastes à partir des hémangioblastes,
précurseurs des cellules endothéliales et des cellules hémato-
poïétiques. In vitro, le VEGF induit la prolifération et la migra-
tion des cellules endothéliales, et inhibe leur apoptose.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no2 - mars-avril 2003
Les variants du VEGF
Le gène du VEGF sur le chromosome 6p code pour 5 variants :
le VEGF121, le VEGF145, le VEGF165, le VEGF189 et le VEGF206.
Ces variants forment tous des homo-dimères par liaisons cova-
lentes et se lient aux mêmes récepteurs de surface, mais ils diffè-
rent dans leur profil de sécrétion ou leur liaison à l’héparine. Le
VEGF165, une glycoprotéine basique de 45 kDa, est la forme la
plus commune ; elle est produite par diverses cellules normales
ou transformées. Le VEGF121 et le VEGF189 sont détectés dans la
plupart des cellules exprimant le gène du VEGF, alors que le
VEGF206 et le VEGF145 sont rarement détectés. Les formes plus
longues, le VEGF189 et le VEGF206, sont plus basiques et lient
l’héparine avec une plus forte affinité que les formes plus courtes ;
elles sont presque exclusivement retrouvées dans la matrice extra-
cellulaire. Elles peuvent être relarguées de cette matrice extracel-
lulaire par l’héparine, l’héparinase ou la plasmine, rendant compte
partiellement de l’importance de l’activation du plasminogène
dans l’angiogenèse. Grâce à ces isoformes variables, le VEGF peut
stimuler les cellules endothéliales après sa libération soit par les
cellules adjacentes, soit par la matrice extracellulaire. Les diffé-
rentes isoformes du VEGF peuvent avoir des activités différentes
en fonction des sites anatomiques, ce qui rend compte du rôle du
microenvironnement sur leur fonction. En effet, des cellules de
gliome humain U87 MG implantées chez la souris en intracrânien
ou en intracérébral ne répondent pas de la même façon aux diffé-
rentes isoformes du VEGF. Le VEGF165 et le VEGF189 stimulent
la croissance tumorale dans les deux sites alors que le VEGF121 ne
stimule que la progression des tumeurs intracrâniennes (6).
Les récepteurs du VEGF : structure et fonctions
La famille des récepteurs du VEGF (VEGFR) comprend quatre
récepteurs de structure comparable (figure 4) (7). Les effets bio-
logiques du VEGF sur les cellules endothéliales se font par
le VEGFR1 (ou tyrosine-kinase fms-like) et le VEGFR2 (ou “récep-
teur contenant un domaine kinase inséré” [KDR]). L’homologue
murin du VEGFR2 est Flk (kinase fœtale hépatique), avec une
homologie en acides aminés de 85 %. La région extracellulaire du
VEGFR1 et du VEGFR2 qui lie le VEGF est caractérisée par un
motif structural de sept domaines immunoglobulines reliés à la
région interne par une chaîne linéaire unique à travers la membrane.
La région interne contient un domaine juxtamembranaire, un
domaine tyrosine kinase divisé en deux sous-domaines séparés
par un insert de 69 acides aminés, et une queue carboxyterminale.
VEGFR1 et VEGFR2 sont principalement exprimés sur les cel-
lules endothéliales vasculaires et partagent une homologie de
séquence de 44 %. VEGFR3, un troisième récepteur de structure
comparable (ou Flt4), ne lie pas le VEGF, et il est surtout confiné
aux cellules endothéliales lymphatiques chez l’adulte. Un qua-
trième récepteur du VEGF, VEGF165R, lie spécifiquement le
VEGF165 mais pas le VEGF121. Le VEGF165R est identique à la
neuropiline (NP-1), un récepteur n’appartenant pas à la famille
des récepteurs à tyrosine kinase et qui lie les médiateurs de la
migration des cellules nerveuses (sémaphorine/collapsines). Le
VEGF165R augmente la liaison du VEGF165 au VEGFR2 et module
son activité biologique. Cela peut expliquer, au moins partielle-
ment, les potentialités mitogéniques plus fortes du VEGF165 com-
paré au VEGF121. Le VEGF165R est exprimé non seulement sur
les cellules endothéliales mais aussi sur plusieurs autres types cel-
lulaires, parmi lesquels les cellules tumorales (mélanome, can-
cer du sein, cancer de la prostate).
Le VEGFR2 est exprimé pendant le développement fœtal, puis
il est normalement régulé négativement sur les cellules endothé-
liales adultes, alors que le VEGFR1 est exprimé à la fois par les
Figure 4. Récepteurs tyrosine kinases dans l’angiogenèse. Tous les
membres de cette superfamille sont caractérisés par un domaine extra-
cellulaire liant le ligand, une région transmembranaire unique, et un
domaine tyrosine kinase intracellulaire continu ou séparé en deux.
Membrane
cellulaire
Tableau IV. Effets biologiques du VEGF.
Mitogène spécifique des cellules endothéliales artérielles,
veineuses et lymphatiques.
Permet une réponse angiogénique dans plusieurs modèles in vivo.
Induit une diffusion des cellules endothéliales.
Synergise avec le bFGF pour stimuler la migration des cellules
endothéliales.
Réponse angiogénique synergique avec l’angiopoïétine.
Permet la survie des cellules endothéliales.
Induit l’expression par les cellules endothéliales d’activateurs
du plasminogène du type urokinase.
Induit l’expression par les cellules endothéliales d’inhibiteurs
des activateurs du plasminogène.
Augmente l’expression par les cellules endothéliales
de métalloprotéinases de la matrice.
Augmente la perméabilité vasculaire.
Augmente l’afflux de calcium dans les microvaisseaux.
Induit l’expression de molécules d’adhésion par les cellules
endothéliales.
Permet le chimiotactisme des monocytes.
Induit la formation de colonies par des sous-populations
de progéniteurs des granulocytes/macrophages.
Inhibe la maturation des cellules présentatrices d’antigène
(cellules dendritiques).
Régule la différenciation des angioblastes à partir
des hémangioblastes.
Régulateur possible de la construction osseuse.
Vasodilatateur des artères coronaires.
Essentiel pour le développement embryonnaire.
Indispensable à la survie en période néonatale précoce.
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