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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 1 - janvier-février 2005
Génomique et protéomique : état actuel de la recherche
H. Avet-Loiseau
Parmi les études du génome, du transcriptome et du protéome,
l’analyse des profils d’expression génique est probablement
l’étape la plus avancée. À partir des cellules tumorales dont on
extrait l’ARN, les profils d’expression génique sont comparés à
des ARN de référence. L’une des pathologies dont l’analyse du
transcriptome est le plus avancée est le lymphome B diffus à
grandes cellules, avec au moins quatre sous-groupes molécu-
laires identifiés à ce jour ; sur le plan pronostique, trois groupes
de patients avec des taux de survie à cinq ans différents ont été
définis. Les études génomiques devraient permettre dans l’ave-
nir l’identification de nouvelles entités nosologiques, la déter-
mination du pronostic, l’identification de nouvelles cibles théra-
peutiques et peut-être aussi la prédiction de la réponse à un
traitement donné. L’analyse du protéome est moins avancée : les
conditions analytiques restent à définir ; d’autre part, elle néces-
site des technologies lourdes, coûteuses, et doit faire appel à des
compétences biotechnologiques très développées. Il n’y avait
jusqu’ici pas de grandes études françaises publiées ; deux études
viennent d’être initiées, l’une sur le cancer du sein et l’autre sur
le myélome.
L’articulation entre les données biologiques et les données
cliniques : une priorité pour le transfert en cancérologie
D. Maraninchi
Les altérations observées dans le cancer touchent l’intégrité
du génome de façon constitutionnelle ou acquise, influencées
par le “hasard” et l’environnement. Les nouvelles technolo-
gies ont permis de grands progrès des connaissances à propos
du génome tumoral, avec plus de 8 000 gènes tumoraux iden-
tifiés à ce jour. Un des grands objectifs de l’Institut national
du cancer est de favoriser et de dynamiser la politique de
transfert en cancérologie. L’analyse génomique devrait per-
mettre, au cours des prochaines années, de nouvelles classifi-
cations biocliniques permettant une approche individuelle de
chaque patient, avec l’élaboration d’une véritable carte d’iden-
tité tumorale et un traitement personnalisé à la carte. Pour réa-
liser ces analyses, la mise en place de biothèques est néces-
saire, mais implique de lourdes contraintes et fait appel à des
technologies de plus en plus sophistiquées. Le plan d’action
“Tumorothèques 2004-2006” proposé par l’Institut national
du cancer s’articule autour de cinq thèmes de réflexion-action
nationale et internationale :
1. La définition des besoins et des bonnes pratiques de conser-
vation à visée sanitaire ; faut-il congeler toutes les tumeurs, soit
plus de 450 000 tumeurs chaque année ? Comment s’assurer de
l’équité des moyens mis en place ? Quelles sont les contraintes
à prévoir ?
2. Le soutien d’un programme de recherche fondé sur l’analyse
rétrospective de milliers de tumeurs afin d’obtenir des signatures
moléculaires pronostiques.
3. La mise en place d’une base prospective de collection de tumeurs
(cohorte de patients, données cliniques, données biologiques et
tissulaires-tumeur, tissus sains, sérum, lymphocytes, etc.).
4. Dans ces contextes, il est important de prévoir une charte de
participation des patients relative à l’éthique des prélèvements
tumoraux à visée de recherche.
5. Il faudra aussi envisager la création d’un système d’informa-
tion national des tumorothèques.
LE PATIENT AU CŒUR DU DISPOSITIF DE SANTÉ
Qualité de vie des patients en cancérologie
E.C. Antoine
La qualité de vie est un paramètre difficile à définir et à évaluer
du fait de l’interpénétration de concepts très différents. Chez les
patients atteints de cancer, la souffrance est une constante pluri-
dimensionnelle qui repose sur une réalité clinique et psycholo-
gique, ainsi que sur l’environnement affectif et social du patient,
paramètres qui varient au fil du temps et de l’évolution de la mala-
die. Un grand nombre d’échelles de qualité de vie sont propo-
sées, mono- ou multidimensionnelles, parfois adaptées à certains
symptômes, parfois, au contraire, très complexes, avec pour
objectif une évaluation scientifique la plus objective possible.
L’optimisation de la qualité de vie des patients nécessite la mise
en jeu de ressources pluridisciplinaires (soutien social, action
thérapeutique spécifique, soutien émotionnel, stratégie théra-
peutique de support). Depuis 20 ans environ, les soins de support
en cancérologie ont connu de grands progrès avec la mise à dis-
position de traitements efficaces contre la douleur, contre les
nausées et contre l’anémie. L’anémie est une complication fré-
quente ; une enquête européenne avait évalué son incidence
auprès de 15 370 patients et l’avait retrouvée chez 66 % des
patients atteints de tumeur solide et 72 % des patients atteints
d’hémopathie maligne ; la fatigue corrélée à l’anémie est un
symptôme prioritaire chez ces patients, plus important que les
nausées, les vomissements, les douleurs, les diarrhées et qui
affecte chaque aspect de leur vie quotidienne. Parmi les traite-
ments de support, la classe des érythropoïétines représente une
innovation thérapeutique importante. En corrigeant l’anémie chi-
mio-induite, elle permet de réduire environ de moitié le nombre
de transfusions sanguines et de stabiliser le taux d’hémoglobi-
némie entre 11 et 12 g/l, et améliore la qualité de vie des patients.
La qualité de vie des patients atteints de cancer est un paramètre
essentiel à prendre en compte, au même titre que la “quantité” de
vie. Les approches plus ciblées et moins toxiques, les soins de
support spécifiques tels que le soutien social et émotionnel sont
autant de paramètres qui concourent à une meilleure qualité de
vie de ces patients.
Des soins palliatifs vers les soins de support
D. Bordessoule
Les soins palliatifs se définissent comme “un soin qui n’a pas
pour objet de guérir le malade, mais de soulager ses symptômes.”
Jusqu’à il y a peu de temps, on opposait soins curatifs et soins
palliatifs, qui se succédaient dans le temps. Aujourd’hui, il existe
bien souvent chevauchement entre soins curatifs et soins pallia-
tifs. Progresser sur la formation des médecins, la complémenta-
rité de la prise en charge des patients, les questions éthiques,
l’évaluation des pratiques, le recours à des moyens humains sup-