OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU Cancer du poumon - Coordonnateur : J.F Morère Chimiothérapie adjuvante du cancer bronchique non à petites cellules J.F. Morère État des lieux Malgré de nombreuses études randomisées réalisées depuis 30 ans, la chimiothérapie adjuvante du cancer bronchique restait un concept controversé. En effet, seule l’étude NIRANEN avait démontré un impact de la chimiothérapie sur la survie des patients opérés. Une méta-analyse des études réalisées entre 1965 et 1991 a été publiée en 1995. Elle démontrait que l’on pouvait espérer un avantage de survie de 5 % à 5 ans pour les patients opérés d’un stade précoce du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), grâce à une chimiothérapie fondée sur le cisplatine. Les résultats de cette méta-analyse ont conduit plusieurs groupes coopérateurs nationaux et internationaux à réaliser de nouvelles études de chimiothérapie adjuvante. Ces dernières années, 7 études incluant plus de 150 patients ont été complétées et publiées. L’étude Adjuvant Lung Project Italy (ALPI) a permis de randomiser 1 209 patients opérés d’un cancer de stade I à IIIA entre une chimiothérapie associant mitomycine, vindésine et cisplatine toutes les 3 semaines et une surveillance. Aucune différence significative de survie ni de survie sans récidive (SSR) n’a été observée avec un recul médian de 64 mois. La toxicité essentielle consistait en une neutropénie de grade 3 ou 4 chez 28 % des patients. L’étude Big Lung Trial (BLT) comparait une chimiothérapie à base de cisplatine choisie par les différents centres participant à l’essai à une surveillance simple après chirurgie pour une tumeur de stade I à IIIA. Trois cent quatre-vingts patients ont été inclus. Aucune différence de survie ni de survie sans progression (SSP) n’a été observée. Là encore une toxicité de grade 3 ou plus, le plus souvent hématologique, était observée chez 30 % des patients. L’étude International Adjuvant Lung Cancer Collaborative Group Trial (IALT) est la plus grande réalisée jusqu’à aujourd’hui, incluant 1 867 patients sur les 3 300 prévus. Ces patients, opérés de tumeurs de stade I à IIIA, devaient, après randomisation, recevoir une chimiothérapie à base de cisplatine associé soit à de l’étoposide (56,5 % des cas), soit à de la vinorelbine (26,8 %) ou bien ne bénéficier que d’une simple observation. Toutefois, les centres avaient la liberté de réaliser une radiothérapie complémentaire lorsqu’elle était jugée nécessaire. 258 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 Avec un recul de 56 mois, pour la première fois un gain statistiquement significatif de 4 % de survie à 5 ans a été observé avec la chimiothérapie adjuvante. L’étude canadienne JBR10 a randomisé 482 patients opérés d’une tumeur de stade IB et II entre chimiothérapie adjuvante par un doublet cisplatine-vinorelbine et surveillance. Un gain de survie à 5 ans de 15 % en faveur de la chimiothérapie adjuvante a été observé, au prix d’une neutropénie fébrile chez 7 % des patients. Dans une analyse en sous-groupes, aucun bénéfice n’était noté pour les patients de stade IB. Dans l’étude du Cancer and leukemia Group B (CALGB), 344 patients atteints de stade IB étaient, après randomisation, soit mis en surveillance simple, soit traités par une chimiothérapie adjuvante combinant paclitaxel et carboplatine. La toxicité a essentiellement été de grade 3 ou 4 chez 36 % des patients ; avec un recul médian de 34 mois, un gain significatif de SSR et de survie globale (SG) a été observé. L’étude Adjuvant Navelbine International Trialist Association (ANITA) a porté sur 840 patients opérés de tumeur de stade IB à IIIA. Quatre cures de chimiothérapie adjuvante par un doublet cisplatine-vinorelbine étaient comparées à la surveillance simple. Cette étude a démontré un gain de survie à 5 ans de 9 %. Une analyse en sous-groupes ne montrait pas de gain pour les patients opérés de tumeur de stade IB. L’étude Japan Lung Cancer Research Group (JLCRG) est la deuxième étude en termes d’effectif. Elle a randomisé 999 patients opérés de tumeur de stade I entre une chimiothérapie combinant tégafur et uracile et une simple mise en surveillance. L’analyse de cette étude a démontré un gain significatif de survie à 5 ans, fondé sur les effets observés dans les tumeurs classées T2N0 avec un gain quantifié à 11 %. Cinq de ces 7 grandes études ont rapporté des résultats positifs. Cela conduit donc à considérer la chimiothérapie adjuvante comme un nouveau standard de traitement, recommandé par l’European Society of Medical Oncology. Les recommandations de cette société savante sont les suivantes : la chimiothérapie adjuvante avec combinaison à base de platine est recommandée après intervention chirurgicale dans les tumeurs de stades II et IIIA avec un niveau de preuve I et un niveau de recommandation A et peut être aussi envisagée pour les tumeurs de stade IB (tumeurs supérieures à 4 cm). Faits nouveaux Notons deux points particuliers : tout d’abord l’efficacité à long terme de cette thérapeutique, ensuite la sélection éventuelle des patients à traiter. OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU L’efficacité d’une chimiothérapie adjuvante a été remise en cause par l’actualisation des données de l’étude IALT après 8 ans de suivi. La différence significative sur la SG mise en évidence avec un suivi de 5 ans n’a pas été confirmée (HR = 0,91 ; IC : 0,81-1,02 ; p = 0,10). L’amélioration des critères secondaires de cette étude, tels que la SSP (p = 0,02), le taux de rechute locale (p = 0,002) et le taux de rechute à distance (p = 0,02) demeure significative. ERCC1 (excision repair cross complementary group 1) est une enzyme du système NER (nucleotide excision repair) dont la fonction est de reconnaître puis d’exciser des adduits formés par des sels de platine sur l’ADN et de synthétiser de nouveaux fragments d’ADN de remplacement. L’expression d’ERCC1 a été évaluée par immunohistochimie sur 761 prélèvements chirurgicaux de CBNPC recueillis dans l’essai IALT. La surexpression d’ERCC1 (ERCC1+) est associée à une survie prolongée en situation adjuvante dans le groupe témoin, et l’absence d’expression d’ERCC1 (ERCC1–) est associée à une survie prolongée dans le groupe traité par une chimiothérapie à base de sels de platine. ERCC1– est donc un biomarqueur prédictif d’efficacité des sels de platine dans les CBNPC. Les résultats d’essais prospectifs évaluant la prise en compte du statut ERCC1 dans la décision d’utiliser une thérapie à base de sels de platine en situation adjuvante sont attendus pour valider l’utilisation de ce biomarqueur pharmacogénomique en pratique courante. L’étude LACE (Lung Adjuvant Cisplatin Evaluation) confirme l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante à base de cisplatine pour les tumeurs de stade 2 (HR = 0,83 ; IC : 0,73-0,94) et de stade 3 (HR = 0,83 ; IC : 0,72-0,94). Tous stades confondus, cette étude met en évidence un bénéfice de survie à 5 ans de 5,4 % et démontre une meilleure efficacité de la chimiothérapie chez les patients en bon état général. UN PEU PLUS… …PRÈS DE VOUS La Lettre du Sénologue La Lettre du Cancérologue Correspondances en Onco-Urologie Correspondances en Onco-Hématologie N O U S FA I S O N S D E V O S S P É C I A L I T É S N OT R E S P É C I A L I T É www.edimark.fr - Les Lettres, Les Correspondances, Les Courriers, Les Images, Les Pages de la Pratique Médicale La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 | 259