La problématique du changement climatique est aujourd’hui au cœur de tous les débats.
Il est quasiment impossible d’y échapper : tous les jours, sur tous les canaux de presse,
dans toutes les conférences, on nous annonce un monde en dégradation et les pires
conséquences pour les générations futures. Cette réelle inquiétude est d’autant plus vive
qu’elle s’associe à un sentiment de culpabilité d’une société qui vit de plus en plus vite,
qui consomme de plus en plus, qui a aboli toutes les frontières du jardin planétaire, et qui
pense devoir payer demain au prix fort les comportements d’aujourd’hui et leur impact
sur la planète.
Face à un tel discours, la rationalité est indispensable. Nombreux sont encore les
discours partiels, tissés de raccourcis ou se livrant à des extrapolations de figures mille
fois reprises, comme ces courbes des températures moyennes de la Terre pour le
prochain siècle. Pourtant, on sait que les systèmes et les mécanismes impliqués sont
extrêmement complexes et imbriqués, que les impacts vont être très différents selon la
partie de la planète considérée, et que c’est sans doute autant dans les dérèglements des
rythmes que dans l’évolution des moyennes qu’il faut attendre les plus graves
conséquences. Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat (GIEC) représente une contribution majeure pour partager les plus récentes
connaissances et imaginer les différents scénarios pour notre futur à tous. L’origine de
ces changements, les projections d’évolution selon les différents scénarios utilisés par le
GIEC et les limites, notamment à long terme, de ces exercices sont rappelées en
ouverture de cet ouvrage.
Parce que la littérature existante traite essentiellement de santé publique humaine, il
nous est apparu indispensable de faire le point sur ce que l’on pouvait attendre de ces
changements climatiques pour les maladies animales et leur contrôle. Outre la valeur
scientifique des contributions rassemblées ici, il faut sans doute insister sur la démarche
retenue dans cet ouvrage. Celle-ci est délibérément progressive et autant que possible
pédagogique. Il a ainsi été demandé aux auteurs d’insister sur les fonctionnements
épidémiologiques qui pouvaient permettre de comprendre les risques de changements
dans la distribution et/ou l’incidence des maladies. La succession des différents articles
n’a pas été pensée pour couvrir de manière exhaustive l’ensemble des maladies qui
potentiellement évolueront sous la contrainte climatique, mais plutôt pour partager des
pistes de réflexion et acquérir des références afin de mieux décrypter les risques.
C’est donc une approche mécanistique et écologique qui a été retenue ici. Les effets sur
la biodiversité, sur les systèmes biologiques et les fonctionnements de transmission, sur
les distributions de pathogènes et de vecteurs sont discutés de manière générique en
première partie. Les outils utilisables pour suivre les tendances, comprendre et
éventuellement prévoir l’évolution des maladies sont ensuite présentés. Puis un certain
nombre de cas d’étude, rassemblant les maladies les plus importantes ou les plus
Introduction
Changement climatique : impact sur l’épidémiologie
et les stratégies de contrôle des maladies animales
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz.,
2008, 27 (2), 305-306
« L’idée que les climats
chauds sont nuisibles à la santé
est très vieille.
Hippocrate (460-377 av J.-C.)
a décrit le climat, la saisonnalité
et des événements
météorologiques comme des
déterminants des maladies
(humaines). Son Traité des airs,
des eaux et des lieux est
essentiellement celui d’un
écologiste essayant d’interpréter
les maladies en fonction des
caractéristiques du climat.
Les Européens ont repris cette
notion au XVIIesiècle avec la
description des « fièvres » qu’ils
ont rencontrées sous les
tropiques, estimant que les
syndromes étaient attribuables
au climat chaud. »
P. Reiter
Annales de l’Institut Pasteur,
2006