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Un gastroentérologue, un chirurgien digestif et un cancérologue
nous livrent leur attitude vis-à-vis de l’annonce du cancer du côlon.
Du fait de la médiatisation dont a bénéficié ce cancer, il est plutôt bien perçu
par les patients puisqu’ils ont conscience des possibilités thérapeutiques.
S’il s’avère une fois de plus que la vérité est d’autant plus facile à annoncer que le pronostic est bon,
ces différents spécialistes s’accordent à ne jamais mentir au malade. Dans les cas difficiles,
la règle est de donner une vérité qui soit supportable et de toujours laisser une porte ouverte.
CANCER DU CÔLON :
QUEL VÉCU EN PRATIQUE ?
Un entretien avec les Drs Christophe
Cellier (gastroentérologie, Hôpital
Laennec), Christophe Louvet (oncologie, Hôpital Saint-Antoine) et Christophe Penna (chirurgie, Hôpital
Ambroise-Paré).
Dans la plupart des cas, les consultations auprès du gastroentérologue sont
motivées par des symptômes digestifs
évocateurs tels que des troubles du
transit ou du sang dans les selles. La
coloscopie permettra de porter le diagnostic de tumeur.
L’annonce du diagnostic est adaptée à
chaque cas en fonction du contexte
psychologique et des possibilités thérapeutiques.
D’une façon générale, il s’agit de préparer le patient en lui annonçant la
présence d’une anomalie, d’un polype
ou d’une lésion colique qu’il faudra
probablement opérer, l’attitude dépendant des résultats des prélèvements histologiques. Le schéma thérapeutique
sera fonction des données des examens complémentaires entrant dans le
cadre du bilan d’extension.
L’annonce du cancer doit être
adaptée à chaque cas
Le bilan terminé, l’annonce du cancer
dépend encore une fois du patient que
l’on a en face de soi. La plupart du
temps, nous parlons de tumeur et non
de cancer afin de ne pas l’effrayer.
Dans la plupart des cas, les patients ne
sont pas dupes et font le lien entre
tumeur et cancer. Lorsqu’ils posent la
question, nous leur répondons sans
ambiguïté.
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Comparativement à d’autres types de
cancer, le cancer du côlon est mieux
perçu du grand public. Cela est lié à
la médiatisation dont il a bénéficié et
aux possibilités thérapeutiques dont il
relève.
Du fait de cette information, les
patients sont moins démunis et abordent plus facilement l’aspect du pronostic.
La grande crainte est, bien entendu,
représentée par l’anus artificiel en cas
de cancer colorectal.
Comme pour les autres types de cancer, le vécu psychologique n’est pas
proportionnel à la gravité et à la lourdeur du protocole thérapeutique. Mis à
part le cancer du rectum, amenant à la
pose d’un anus artificiel, qui reste mal
vécue dans tous les cas, les patients
sont plutôt confiants puisqu’on leur
annonce qu’on a toutes les chances de
les guérir en intervenant chirurgicalement.
Après exérèse chirurgicale, la surveillance répond aux données de la
conférence de consensus et s’exerce
chez des patients capables de supporter une réintervention : examen clinique tous les deux ou trois mois les
deux premières années, puis tous les
six mois pendant trois ans, échographie abdominale tous les trois à six
mois pendant les trois premières
années, puis annuelle pendant trois
ans, coloscopie entre trois et six mois
si celle-ci n’avait pas été complète
avant l’intervention, à trois ans, puis
tous les cinq ans en cas de normalité,
radiographie pulmonaire tous les ans
pendant cinq ans.
Pour le chirurgien, deux situations peuvent se présenter. Dans environ 20 %
des cas, le patient connaît le diagnostic ainsi que les moyens thérapeutiques
proposés. Ces patients ont déjà réfléchi aux types de traitement auxquels ils
veulent bien se soumettre et accepteront ou non une radiothérapie avant
l’intervention ou la pose d’un anus artificiel. Si cette situation facilite
d’emblée la discussion, en revanche,
elle rend plus difficile le choix thérapeutique.
Cependant, dans la majorité des cas,
les patients venant consulter le chirurgien savent qu’ils ont un polype avec
des cellules anormales, le mot cancer
n’ayant encore jamais été prononcé.
Une annonce par paliers
Comme il est très difficile d’annoncer
au patient un traitement chirurgical
parfois mutilant, une radiothérapie
et/ou une chimiothérapie avant l’intervention, une cessation d’activité pendant un ou deux mois, nous abordons
en premier lieu le type de traitement
chirurgical.
La deuxième phase, qui correspond en
général à la sortie du patient, est fonction des résultats des examens anatomopathologiques. C’est à ce stade que
nous lui annoncerons la présence de
cellules anormales et l’intérêt d’un traitement adjuvant.
En général, l’acte chirurgical est proposé dans l’optique d’une guérison.
Dans ces circonstances, il est plutôt
facile de répondre aux questions des
patients (type de traitement, durée des
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 4 - août 1998
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traitements, risque de récidives...). La
chimiothérapie est en général annoncée dans un deuxième temps, après
l’acte chirurgical, afin de ne pas ajouter un stress supplémentaire. Elle est
alors présentée comme un traitement
adjuvant permettant de limiter les récidives. Dans ce cas, le chirurgien
explique qu’un recours auprès d’un
spécialiste des traitements adjuvants
(en l’occurrence, le cancérologue, qui
n’est que rarement appelé par ce nom
afin de ne pas ajouter une angoisse
supplémentaire) est nécessaire, ce dernier étant le plus apte à expliquer les
modalités thérapeutiques.
Dans tous les cas, le pronostic n’est
qu’exceptionnellement abordé, car ce
sont les modalités thérapeutiques qui
font l’objet de questions. D’une manière
générale, plus le pronostic est bon,
plus il est facile d’annoncer la vérité au
patient ; plus il est mauvais, plus l’on
reste volontairement flou.
Pour le patient, la gravité
est proportionnelle aux
moyens thérapeutiques mis
en œuvre
La gravité du cancer a bien entendu
des conséquences sur le vécu psychologique du patient.
Pendant la période de traitement initial, ce sont les modalités des différentes étapes thérapeutiques qui suscitent le plus d’angoisse. Si le traitement
chirurgical ne se solde pas par la pose
d’un anus artificiel, n’altère pas la
fonction intestinale et si la chimiothérapie éventuelle n’a pour objectif que de
diminuer le risque de récidives, le vécu
psychologique est bon.
Toutefois, la perception de la gravité
est plutôt proportionnelle aux moyens
thérapeutiques mis en œuvre.
Paradoxalement, un cancer au stade
terminal, ne relevant plus de la chirurgie, pourra paraître moins grave et
sera mieux vécu.
Lorsque les patients sont adressés au
cancérologue, ils savent le plus souvent qu’il existe une tumeur maligne.
Le cancérologue, qui ne peut se réfugier derrière l’attente du résultat d’un
examen complémentaire, aura un travail d’annonce et de présentation des
modalités de traitements à mettre en
œuvre.
Il est du devoir du cancérologue de ne
pas laisser croire au patient que ce
traitement médical complémentaire le
met totalement à l’abri des récidives et
d’annoncer qu’une surveillance régulière
devra être effectuée au moins pendant
les trois à quatre premières années.
Au vu des réactions observées lors de
l’annonce d’une chimiothérapie, il
s’avère que celle-ci fait de moins en
moins peur. Il est vrai que les chimiothérapies proposées sont moins
toxiques qu’auparavant et qu’elles
n’entraînent pas les principaux effets
indésirables redoutés, tels que l’alopécie ou des troubles digestifs importants. Le cancérologue doit présenter
la chimiothérapie comme un traitement
préventif des récidives associant efficacité et bonne tolérance. En effet, il est
étonnant de constater qu’une absence
de toxicité peut être parfois associée,
aux yeux des patients, à une absence
d’efficacité.
Traitement palliatif : un
contexte plus difficile
Dans ce cas, le chirurgien, qui se sent
une obligation de résultat (ce qui n’est
pas le cas dans les pays anglosaxons), est assez démuni puisqu’en
général, il ne se limitera qu’à un geste
palliatif.
Les patients ont alors la notion que le
geste chirurgical devra être complété
par un traitement de chimiothérapie.
L’attitude du cancérologue doit être
adaptée à la psychologie du patient,
d’où une grande variabilité dans la
manière d’annoncer le diagnostic.
L’accent est mis sur les effets bénéfiques potentiels des chimiothérapies
en termes de contrôle de la maladie et
des éventuels symptômes.
On peut retarder la réponse aux questions difficiles en s’abritant sous des
données techniques et en essayant plusieurs alternatives thérapeutiques.
Cependant, lorsqu’aucun traitement
n’est efficace, plusieurs situations sont
possibles : certains patients vont anticiper, alors que d’autres vont occulter la
situation et compenser en niant totalement leur pathologie.
Pour ceux qui se rendent compte de la
situation, il est important de fixer un
objectif (un mariage, un anniversaire...). En effet, lorsque ces patients
n’ont pas d’objectif, la situation
devient difficile ; aussi, dès que les
mécanismes de défense psychologiques deviennent insuffisants, l’aide
de psychologues est proposée.
Quoi qu’il en soit, il faut s’attacher à
ne pas mentir au malade tout en lui
présentant la vérité de manière à ce
qu’il puisse la supporter ; en d’autres
termes, omettre mais ne pas mentir.
Propos recueillis par
le Dr Chantal Despierre.
Adresses utiles
Fédération des Stomisés
de France (FSF),
76-78, rue Balard, 75015 Paris.
Tél. : 01 45 57 40 02.
Fax : 01 45 57 29 26.
La FSF informe et offre une aide
psychologique aux futurs
et nouveaux stomisés.
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affiliées réparties sur toute la France,
contacter la FSF.
avec le soutien de :
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