>> AT T R I B U T I O N *

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VO CABULAIR E
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AT T R I B U T I O N *
Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris
Vocabu laire
e mot latin attributio, d’où vient par
emprunt écrit le mot français, au
XIVe siècle, s’employait surtout en
droit, et renvoyait au verbe attribuere, du
radical tribus, désignant un groupe humain
d’origine commune – nous dirions communauté plutôt que tribu –, groupe qui, avec
d’autres, constituait le peuple romain.
On voit que cette division sociale servit de
support à un vocabulaire de la répartition,
avec attribuer, contribuer, rétribuer.
ll s’agit donc, pour notre vocable, de ce qui est
donné ou alloué (tributus) dans un partage,
c’est-à-dire à une personne ou à un groupe.
Au registre juridique, à partir du XVIe siècle et
sur le modèle latin, s’ajouta l’idée de confier
des biens ou des fonctions à quelqu’un. Ces
attributions étant propres à leur destinataire,
l’attribution se rapprocha de l’attribut (attribution) avec le sens de “qualité propre”.
Ainsi, le mot dit plus que répartition ou
“dis-tribution”, dans lequel l’élément “dis-”
marque la dispersion de ce qui est ainsi
réparti. Avec l’expression d’une destination
personnelle, l’attribution crée un lien particulier entre ce qui est réservé à un destinataire et ce dernier. Ce lien est personnel
et suggère une adaptation individuelle :
l’adaptation échappe à l’anonymat collectif
de la distribution et même de la rétribution.
Elle fait porter le choix, dans un ensemble
de possibles, sur cet individu et nul autre.
Ainsi l’attribution suppose une possibilité
d’adaptation, un accord profond et particulier – élément précieux, voire indispensable dans le domaine de la vie.
Enfin, si l’attribution est un acte résultant
d’un tel choix et créant un transfert, les
attributions (au pluriel) des voix données
dessinent un champ de possibilités précisément défini. On dit d’un fonctionnaire,
d’un responsable que telle décision entre ou
n’entre pas dans ses attributions. L’attribution
peut créer des compétences, des pouvoirs,
des fonctions et parfois des prérogatives.
Cette idée d’avantage, de bénéfice au sens
le plus large du terme, est si fort que le droit
a créé un mot pour le bénéficiaire de l’attribution – l’attributaire –, alors qu’il n’y en a
pas pour l’auteur de ce transfert.
Mais attribuer possède une valeur moins
positive, qui est d’assigner à un événement
– souvent pénible – un responsable.
“Les hommes ont inventé le destin, écrivait
Romain Rolland, afin de lui attribuer les
désordres de l’univers”. Attribution un peu
facile, on en conviendra, que celle qui
consiste à rejeter la responsabilité des
maux sur d’autres que leurs auteurs. On en
retiendra que toute attribution présente un
risque, lié à sa spécificité.
* © Le Courrier de la Transplantation 2005;V(1):5.
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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 4 - octobre-novembre-décembre 2011
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