V ocabulaire Attribution Le mot latin attributio, d’où vient par emprunt écrit le mot français, au XIVe siècle, s’employait surtout en droit, et renvoyait au verbe attribuere, du radical tribus, désignant un groupe humain d’origine commune – nous dirions communauté plutôt que tribu – , groupe qui, avec d’autres, constituait le peuple romain. On voit que cette division sociale servit de support à un vocabulaire de la répartition, avec attribuer, contribuer, rétribuer. Il s’agit donc, pour notre vocable, de ce qui est donné ou alloué (tributus) dans un partage, c’est-à-dire à une personne ou à un groupe. Au registre juridique, à partir du XVIe siècle et sur le modèle latin, s’ajouta l’idée de confier des biens ou des fonctions à quelqu’un. Ces attributions étant propres à leur destinataire, l’attribution se rapprocha de l’attribut (attribution) avec le sens de “qualité propre”. marque la dispersion de ce qui est ainsi réparti. Avec l’expression d’une destination personnelle, l’attribution crée un lien particulier entre ce qui est réservé à un destinataire et ce dernier. Ce lien est personnel et suggère une adaptation individuelle : l’adaptation échappe à l’anonymat collectif de la distribution et même de la rétribution. Elle fait porter le choix, dans un ensemble de possibles, sur cet individu et nul autre. Ainsi l’attribution suppose une possibilité d’adaptation, un accord profond et particulier – élément précieux, voire indispensable dans le domaine de la vie. Enfin, si l’attribution est un acte résultant d’un tel choix et créant un transfert, les attributions (au pluriel) des voix données dessinent un champ de possibilités précisément défini. On dit d’un fonctionnaire, d’un responsable que telle décision entre ou n’entre pas dans ses attributions. L’attribution peut créer des compétences, des pouvoirs, des fonctions et parfois des prérogatives. Cette idée d’avantage, de bénéfice au sens le plus large du terme, est si fort que le droit a créé un mot pour le bénéficiaire de l’attribution – l’attributaire –, alors qu’il n’y en a pas pour l’auteur de ce transfert. Mais attribuer possède une valeur moins positive, qui est d’assigner à un événement – souvent pénible – un responsable. “Les hommes ont inventé le destin, écrivait Romain Rolland, afin de lui attribuer les désordres de l’univers”. Attribution un peu facile, on en conviendra, que celle qui consiste à rejeter la responsabilité des maux sur d’autres que leurs auteurs. On en retiendra que toute attribution présente un risque, lié à sa spécificité. Ainsi, le mot dit plus que répartition ou “dis-tribution”, dans lequel l’élément “dis-” Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris Les articles publiés dans Le Courrier de la Transplantation le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. © juin 2001 - DaTeBe SAS Imprimé en France - ÉDIPS, 21800 Quétigny - Dépôt légal à parution 5 Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005