Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n
o
1 - janvier-février-mars 2005
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Vocabulaire
Attribution
Le mot latin attributio, d’où vient par
emprunt écrit le mot français, au
XIV
e
siècle, s’employait surtout en droit, et
renvoyait au verbe attribuere, du radical tri-
bus, désignant un groupe humain d’origine
commune – nous dirions communauté plu-
tôt que tribu – , groupe qui, avec d’autres,
constituait le peuple romain.
On voit que cette division sociale servit de
support à un vocabulaire de la répartition,
avec attribuer, contribuer, rétribuer.
Il s’agit donc, pour notre vocable, de ce qui
est donné ou alloué (tributus) dans un par-
tage, c’est-à-dire à une personne ou à un
groupe. Au registre juridique, à partir du
XVI
e
siècle et sur le modèle latin, s’ajouta
l’idée de confier des biens ou des fonctions
à quelqu’un. Ces attributions étant propres
à leur destinataire, l’attribution se rappro-
cha de l’attribut (attribution) avec le sens
de “qualité propre”.
Ainsi, le mot dit plus que répartition ou
“dis-tribution”, dans lequel l’élément “dis-”
marque la dispersion de ce qui est ainsi réparti. Avec l’expression d’une destina-
tion personnelle, l’attribution crée un lien particulier entre ce qui est réservé à un
destinataire et ce dernier. Ce lien est personnel et suggère une adaptation indivi-
duelle : l’adaptation échappe à l’anonymat collectif de la distribution et même de
la rétribution. Elle fait porter le choix, dans un ensemble de possibles, sur cet indi-
vidu et nul autre. Ainsi l’attribution suppose une possibilité d’adaptation, un
accord profond et particulier – élément précieux, voire indispensable dans le
domaine de la vie.
Enfin, si l’attribution est un acte résultant d’un tel choix et créant un transfert, les
attributions (au pluriel) des voix données dessinent un champ de possibilités pré-
cisément défini. On dit d’un fonctionnaire, d’un responsable que telle décision
entre ou n’entre pas dans ses attributions. L’attribution peut créer des compé-
tences, des pouvoirs, des fonctions et parfois des prérogatives. Cette idée d’avan-
tage, de bénéfice au sens le plus large du terme, est si fort que le droit a créé un
mot pour le bénéficiaire de l’attribution – l’attributaire –, alors qu’il n’y en a pas
pour l’auteur de ce transfert.
Mais attribuer possède une valeur moins positive, qui est d’assigner à un événe-
ment – souvent pénible – un responsable. “Les hommes ont inventé le destin, écri-
vait Romain Rolland, afin de lui attribuer les désordres de l’univers”. Attribution
un peu facile, on en conviendra, que celle qui consiste à rejeter la responsabilité
des maux sur d’autres que leurs auteurs. On en retiendra que toute attribution
présente un risque, lié à sa spécificité.
Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris
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