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Les hépatites fulminantes
Fulminant hepatitis
● S. Dharancy, F.R. Pruvot*
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■ Les patients avec hépatite fulminante (HF) présentent une
défaillance hépatique sévère qui, à un stade avancé, peut évoluer vers une défaillance multiviscérale. Ces patients doivent
être pris en charge de façon précoce dans une unité de soins
intensifs en collaboration avec une équipe de transplantation
hépatique.
■ La prévention de l’œdème cérébral et le maintien d’un
état hémodynamique stable sont deux points critiques de la
prise en charge des patients.
■ Devant des signes d’hypertension intracrânienne (HTIC),
une osmothérapie et une hyperventilation assistée peuvent être
proposées, car elles permettent de diminuer temporairement
la pression intracrânienne. Il n’existe pas d’arguments clairs
en faveur de leur instauration préventive.
■ La correction de la coagulopathie par transfusions de
concentrés plaquettaires et/ou de PFC congelé n’est recommandée qu’en situation d’hémorragie active ou préalablement
à une procédure invasive.
■ De nombreuses anomalies métaboliques sont à prévenir
et à traiter, parmi lesquelles, au premier plan, figure l’hypoglycémie.
■ La N-acétyl-cystéine (NAC) est un antidote efficace et son
administration systématique est conseillée dans tous les cas
où un surdosage en paracétamol est documenté, suspecté ou
possible.
■ La détermination du caractère réversible ou irréversible
de l’HF à l’aide des indicateurs pronostiques et la détermination de la fenêtre de transplantabilité conditionnent le recours
à la transplantation hépatique.
Abréviations utilisées
HTIC : hypertension intracrânienne
EH : encéphalopathie hépatique
HF : hépatite fulminante.
DÉFINITIONS ET DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
Une insuffisance hépatique aiguë grave se définit par une défaillance
hépatique avec insuffisance hépatocellulaire entraînant une chute
du taux de prothrombine (TP) ou du facteur V inférieure à 50 %.
L’hépatite fulminante (HF) est une insuffisance hépatique grave
avec manifestation d’encéphalopathie hépatique (EH). L’HF correspond à un syndrome clinique de défaillance hépatique d’apparition brutale associant une coagulopathie, un ictère et une EH,
stricto sensu, en l’absence de maladie hépatique préexistante. Les
différentes dénominations et tentatives de classification se rapportant à ce cadre nosologique ne facilitent pas l’analyse de la littérature et sont source de confusion. Les classifications reposent sur
la durée de l’intervalle au sein duquel se développent l’ictère et
l’encéphalopathie hépatique (figure 1). Aux États-Unis, le terme
Intervalle ictère-encéphalopathie (semaine)
0
S1
170
S4
Hépatite fulminante
S8
S12
S24-S26
Hépatite subfulminante
Trey C et al., 1970
Hépatite fulminante
Hépatite subfulminante
Bernuau J et al., 1986
Défaillance
hépatique aiguë
Défaillance
hépatique
hyperaiguë
* Service des maladies de l’appareil digestif et de la nutrition, hôpital ClaudeHuriez. Équipe de transplantation hépatique, chirurgie adulte Ouest, hôpital
Claude-Huriez, CHRU, Lille.
S2
Défaillance
hépatique
subaiguë
,
O Grady JG et al., 1993
Figure 1. Classification des insuffisances hépatiques aiguës avec encéphalopathie hépatique.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005
d’HF est retenu devant une séquence ictère-encéphalopathie développée au cours de 8 semaines ; le terme d’hépatite subfulminante
est ensuite proposé pour un intervalle allant de la 8e à la 24e semaine.
En France, un intervalle de 2 semaines définit l’HF et, au-delà de
cette période, le terme utilisé est celui d’hépatite subfulminante (1).
Enfin, l’équipe du King’s College Hospital a proposé les termes
de défaillance hépatique hyperaiguë, aiguë et subaiguë pour des
séquences évoluant respectivement sur 7 jours, 8 à 28 jours et 5 à
12 semaines (2). L’intérêt de cette dernière classification reposerait sur un pronostic apparaissant d’autant plus favorable que l’intervalle serait court.
Cette atteinte, qui est rare, est une urgence vitale en hépatologie
en raison de son pronostic spontané gravissime entraînant un risque
de décès, en fonction de l’étiologie, dans 50 à 80 % des cas en l’absence de transplantation hépatique. La principale difficulté liée à
cette affection est de déterminer son caractère réversible ou irréversible amenant une décision de transplantation hépatique.
La prévalence exacte de l’HF est inconnue et, dans la grande majorité des cas, le facteur étiologique identifié est soit médicamenteux,
soit viral. Dans 20 à 40 % des cas, aucune étiologie n’est retrouvée.
Approximativement 2 000 cas d’HF sont rapportés annuellement
aux États-Unis (incidence de 6/M d’habitants), de cause virale dans
35 à 50 % des cas. En France, un indicateur minimal indirect est
fourni par le nombre de patients inscrits sur liste d’attente de
transplantation hépatique en “super urgence”. Ce nombre, relativement stable depuis 5 ans, était de 67 patients en 2003 (données
rapport EFG 2003), soit une prévalence sous-estimée proche de
1/M d’habitants. Dans les pays scandinaves, la prévalence d’inscription sur liste d’attente pour cette atteinte est de 0,7 à 1,5/M
d’habitants (3).
Les objectifs de cet article sont de présenter de façon succincte
les principales manifestations cliniques de l’HF ainsi que les principales mesures thérapeutiques formalisées sous la forme de
recommandations thérapeutiques en mai 2005 par l’American
Association for the Study of Liver Diseases (4).
MANIFESTATIONS DE L’HÉPATITE FULMINANTE
Les patients avec HF présentent habituellement une défaillance
multiviscérale, même si le pronostic dépend essentiellement de
l’atteinte neurologique (figure 2).
L’atteinte neurologique
L’encéphalopathie hépatique (EH) est un syndrome neuropsychiatrique développé chez les patients avec insuffisance hépatique ou
shunt portosystémique après élimination d’une autre cause d’atteinte cérébrale. Sa présence est nécessaire au diagnostic d’HF.
Devant la disparité des tableaux cliniques sous-jacents et du potentiel évolutif, une nomenclature différenciant trois types d’EH a
été proposée en 2002 : le type A (pour aigu) est associé à une défaillance hépatique aiguë, le type B (pour bypass) à un shunt portosystémique sans maladie hépatique intrinsèque, et le type C à la
cirrhose (5). L’EH de type A est caractérisée par un pronostic plus
sombre, répondant moins au traitement par le lactulose et évoluant
plus volontiers vers l’œdème cérébral puis le coma. Ainsi, l’œdème
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005
Figure 2. L’hépatite fulminante : une atteinte multiviscérale.
Tableau I. Classification de l’encéphalopathie hépathique.
Stade
Principales manifestations cliniques
I
Troubles légers du comportement : euphorie, anxiété
Peu de modifications de la conscience
II
Désorientation, comportement inadapté
Astérixis possible
Somnolence intermittente
III
Confusion
Discours incohérent
Patient endormi mais stimulable
IV
État comateux, absence de réponse à la douleur,
mouvements de décortication ou décérébration
cérébral n’est pas constant au cours de l’HF, sa présence est rare
au cours des stades I et II, mais il complique l’évolution de la
majorité des patients en stade IV (tableau I).
L’interprétation des signes neurologiques reste difficile à un stade
précoce. À ce stade, des anomalies discrètes peuvent être confondues, discordantes ou exacerbées par des manifestations liées au
stress, aux conditions d’hospitalisation, au contexte émotionnel
et clinique (intoxication médicamenteuse volontaire, alcoolisation
aiguë). Ce risque potentiel de sur- ou sous-estimation de l’état
neurologique justifie la répétition d’une évaluation clinique comparative, dont la rythmicité devra tenir compte de l’enrichissement
et de la progression de la symptomatologie. La mesure de l’activité cérébrale par électroencéphalogramme permet de détecter de
façon précoce des anomalies infracliniques et, éventuellement,
d’anticiper leur évolution. Une tomodensitométrie cérébrale peut
être utile pour éliminer une autre cause d’atteinte comme une hémorragie intracrânienne.
À un stade constitué d’EH, le risque principal est représenté par
le développement d’un œdème cérébral et des manifestations
d’hypertension intracrânienne (HTIC). Ces manifestations, qui traduisent la gravité du tableau et la possibilité de souffrance puis
d’engagement cérébral, sont des troubles du rythme cardiaque et
de la pression artérielle, des manifestations neurovégétatives, une
hypertonie musculaire, des anomalies pupillaires. L’œdème papil171
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laire et les manifestations digestives sont rares. L’engagement
cérébral constitue une cause importante de mortalité des patients
avec HF.
La prise en charge thérapeutique aura pour objectif de lutter contre
l’apparition et la progression de l’œdème cérébral tout en préservant une perfusion cérébrale satisfaisante. Compte tenu de la rareté
de l’atteinte, peu d’études contrôlées sont disponibles.
Prise en charge thérapeutique de l’EH
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compte tenu des incertitudes résiduelles concernant des risques
potentiels, cette technique n’est recommandée qu’en seconde ligne
ou en recours après échec de l’osmothérapie. La corticothérapie
n’a pas démontré d’intérêt significatif dans le contrôle de l’œdème
cérébral ou de la survie des patients avec HF.
Au total, devant des signes d’HTIC, une osmothérapie et une hyperventilation assistée peuvent être proposées, car elles permettent
de diminuer temporairement la pression intracrânienne. Il n’existe
pas d’arguments clairs en faveur de leur instauration préventive.
– Conditionnement du patient
Le patient sera isolé dans une chambre calme. Toutes les stimulations auditives et visuelles seront idéalement évitées. La tête sera
surélevée de 30° et toutes les causes de gêne au retour veineux seront
prévenues. La sédation doit être évitée aux stades initiaux de l’EH.
Le patient dont le stade d’EH progresse (III ou IV) sera intubé afin
de protéger ses voies aériennes. La mesure invasive de la pression
intracrânienne reste sujette à controverse. Même si cette mesure
fournit des informations intéressantes pour la surveillance neurologique, la procédure de mise en place comporte des risques
hémorragiques qui peuvent éventuellement être prévenus par l’administration de facteurs de coagulation (facteur VII recombinant),
mais aucune étude contrôlée ne prouve que cette mesure apporte
un bénéfice en termes de survie. En l’absence de surveillance directe
de la pression intracrânienne, une évaluation neurologique régulière doit permettre d’identifier des signes avant-coureurs d’un
engagement cérébral.
La coagulopathie
Une étude rétrospective multicentrique publiée sous forme d’abstract a comparé l’évolution de 70 patients avec HF traités par lactulose à 43 patients non traités présentant des caractéristiques
comparables. Cette étude ne mettait pas en évidence de différence
entre les deux groupes en termes de sévérité de l’EH, de recours
à la TH et de mortalité. La médiane de survie observée des patients
traités avec lactulose, plus longue (15 jours versus 7 jours), suggérait une possibilité d’attente d’un greffon plus importante (6). Ainsi,
le traitement par lactulose peut éventuellement être utile aux stades
initiaux I et II de l’EH. Son utilisation, qui s’accompagne habituellement d’une distension gazeuse intestinale, peut néanmoins
gêner la réalisation de la transplantation hépatique.
Le foie étant le principal organe produisant les facteurs de la coagulation, tous les patients avec une HF présentent d’importantes
anomalies de l’hémostase liées à la diminution de la synthèse des
facteurs I, II, V, VII, IX et X. Dans ce contexte, d’autres anomalies
sont fréquemment associées : consommation de ces facteurs,
activation de la fibrinolyse, thrombopénie sévère et thrombopathie.
La valeur pronostique du facteur V (proaccélérine) au cours de
l’HF vient de sa demi-vie, qui est l’une des plus courtes (de 15 à
36 heures) et donne une relative indication sur la réserve fonctionnelle hépatique. En l’absence d’hémorragie active, il n’apparaît pas nécessaire de corriger ces anomalies par transfusion de
concentrés plaquettaires ou de plasma frais congelé (PFC). Par
ailleurs, le PFC modifie artificiellement le bilan d’hémostase, ne
permettant plus d’interpréter les facteurs de coagulation comme
indicateurs pronostiques, et comporte un risque d’inflation volumique par surcharge hydrosodée, facteur d’aggravation et précipitant vers l’HTIC. La correction externe de ces anomalies par
transfusions de concentrés plaquettaires et/ou de PFC congelé n’est
recommandée qu’en situation d’hémorragie active ou préalablement
à une procédure invasive. L’administration de facteur VII recombinant humain pourrait également se révéler utile dans la prise en
charge des patients en HF. Dans une étude publiée en 2003, son
utilisation associée au PFC chez 7 patients, comparativement à la
perfusion de PFC seul, réduisait le risque d’anasarque, corrigeait
transitoirement les anomalies de l’hémostase, permettait la réalisation de gestes invasifs (mesure invasive de la pression intracrânienne) et améliorait sensiblement la survie globale post-transplantation (9). Ce travail mérite d’être confirmé à plus grande
échelle.
– L’osmothérapie, l’hyperventilation et la corticothérapie
L’atteinte hémodynamique
L’intérêt pour l’osmothérapie dans la prévention de l’œdème cérébral repose en partie sur une étude contrôlée publiée en 1982 et
incluant 44 patients (7). Dans ce travail, l’administration de mannitol (1 g/kg) contrôlait les épisodes d’HTIC liée à l’œdème cérébral et améliorait significativement la survie (47 % versus 6 %,
p = 0,008). Son utilisation, habituellement en bolus de 0,5 à 1 g/kg,
présente un risque de rétention hydrosodée en cas d’insuffisance
rénale. L’association à une technique d’épuration rénale est alors
conseillée.
L’hyperventilation provoque une diminution de la PaCO2 qui
induit une diminution du flux sanguin cérébral par un mécanisme
de vasoconstriction vasculaire. Dans une étude randomisée, l’hyperventilation préventive permettait de retarder l’engagement cérébral
sans éviter l’œdème cérébral ni améliorer la survie (8). Néanmoins,
La situation hémodynamique du patient avec HF est par certains
aspects comparable à celle du patient cirrhotique en syndrome
hépatorénal ou à celle du patient en choc septique avec effondrement
des résistances vasculaires systémiques et hypercinésie circulatoire (débit cardiaque élevé, tachycardie). L’étude hémodynamique
hépatique par cathétérisme sus-hépatique (mesure de la pression
sus-hépatique bloquée et libre) met en évidence un gradient portosystémique élevé, témoin d’une hypertension portale liée à la
congestion sinusoïdale (10). La plupart des patients à l’admission
nécessitent un remplissage vasculaire en raison d’une hypovolémie
réelle ou relative liée à l’apparition d’un troisième secteur, d’une
vasodilatation généralisée et/ou d’une déshydratation (troubles
digestifs, apports hydriques insuffisants). Le soluté d’expansion
volumique souvent privilégié est l’albumine. L’utilisation de drogues
– Le lactulose
172
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005
vasoactives (épinéphrine, norépinéphrine ou dopamine) peut devenir nécessaire en complément de l’expansion volumique afin de
maintenir une pression artérielle de perfusion moyenne constamment supérieure à 60 mmHg.
L’atteinte rénale et les troubles métaboliques
Une insuffisance rénale aiguë est une constatation fréquente. Elle
est présente d’emblée, dès l’admission, ou elle apparaît au cours
de l’évolution de l’HF. Il s’agit d’une insuffisance rénale fonctionnelle liée à la diminution de la perfusion rénale ou d’une nécrose
tubulaire aiguë volontiers d’origine toxique (intoxication par le
paracétamol). D’une façon générale, les substances à potentiel
néphrotoxique seront, dans la mesure du possible, contre-indiquées.
Lorsqu’une épuration devient nécessaire, les techniques d’épuration continue (hémofiltration continue) seront préférées aux techniques intermittentes (hémodialyse intermittente), source d’instabilité et de déséquilibre hémodynamique. De nombreuses anomalies
métaboliques sont à prévenir et à traiter, parmi lesquelles l’hypoglycémie figure au premier plan. Une perfusion continue de sérum
glucosé, permettant des apports contrôlés en magnésium, phosphore et potassium, est nécessaire.
L’atteinte respiratoire
Une hypoxie est fréquemment constatée chez le patient avec HF.
Sa cause est souvent multifactorielle (effet shunt, pneumopathie,
hémorragie, SDRA). Une oxygénothérapie nasale et une protection
des voies aériennes par aspiration gastrique sont recommandées
dès l’apparition des troubles de conscience. L’évolution vers un coma
rend nécessaire une intubation pour une ventilation assistée.
PRISE EN CHARGE DU PATIENT AVEC HF
La gestion du facteur temps et la surveillance
L’intégration de la composante temporelle dans la prise en charge
du patient avec HF est un élément clé. Une prise en charge précoce
dans une unité de soins intensifs spécialisée en collaboration avec
l’équipe de transplantation est un objectif prioritaire, idéalement
dès le stade d’insuffisance hépatique grave, car elle conditionne
la possibilité d’un traitement spécifique, qui sera d’autant plus
efficace que son instauration sera précoce. En effet, l’histoire naturelle de l’HF peut ne pas suivre un mode linéaire, et l’aggravation
rapide de l’état du patient sur quelques heures peut réduire significativement les fenêtres décisionnelles et de transplantabilité. Par
ailleurs, à un stade constitué, les transferts et transports sont source
de stimulations neurosensorielles délétères chez un patient avec
une EH. Le bilan biologique à l’admission devra permettre de détecter des anomalies métaboliques et de rechercher une étiologie pouvant potentiellement relever d’un traitement spécifique (tableau II).
Une surveillance clinique et biologique rapprochée est ensuite
nécessaire.
Tableau II. Bilan biologique d’admission pour une hépatite fulminante.
Taux de prothrombine, facteur V
Groupe sanguin
Numération formule sanguine avec numération plaquettaire
Tests fonctionnels hépatiques (ASAT, ALAT, PAL, gGT, bilirubine)
Protidémie, albuminémie
Ionogramme sanguin, glycémie, calcémie, posphorémie
Fonction rénale (urée, créatinine)
Amylase lipase
Gaz du sang et lactates artériels
Sérologies VIH, VHA, VHB, VHC
Test de grossesse
Paracétamolémie et recherche de toxiques
Marqueurs auto-immuns : dosage immunoglobulines
anticorps anti-tissus
Céruloplasminémie
contribuer à aggraver l’insuffisance hépatique. Un principe de précaution et le caractère non invasif initial de la prise en charge sont
des éléments clés. Les procédures invasives seront effectuées dans
une stratégie le plus souvent curative et non de façon préventive.
L’antibiothérapie prophylactique systématique est sujette à controverse. Les arguments en faveur de son utilisation sont liés à l’existence d’un risque infectieux élevé et de son activité potentielle dans
le contrôle des médiateurs inflammatoires participant à la physiopathologie de l’atteinte neurologique. Néanmoins, aucun bénéfice
de survie n’a été pour l’instant démontré. La plupart des équipes
initient néanmoins une antibiothérapie chez un malade intubé ventilé.
Un traitement par N-acétyl-cystéine (NAC) systématique ?
L’hépatite au paracétamol est une cause importante d’HF en Europe
et aux États-Unis, et son rôle potentiel comme cofacteur d’aggravation au cours des hépatites virales aiguës est souvent débattu.
Une paracétamolémie basse ou négative n’élimine pas l’étiologie
médicamenteuse chez un patient pris en charge quelquefois plusieurs jours après la prise médicamenteuse. La NAC est un antidote
efficace, et son administration systématique est conseillée dans tous
les cas où un surdosage en paracétamol est documenté, suspecté
ou possible. La tolérance de la NAC peut être médiocre, avec réaction anaphylactoïde et manifestations d’intolérance digestive, dont
des vomissements faisant courir le risque d’inhalation chez un patient
avec EH. Dans plusieurs études, la NAC permettrait d’améliorer
les constantes hémodynamiques, la perfusion et la fonction hépatique. Sur ce rationnel, un essai multicentrique randomisé est en
cours d’organisation pour déterminer l’intérêt d’étendre l’administration systématique de NAC dans les autres formes d’HF non
liées à un surdosage en paracétamol.
Une prise en charge conservatrice
LES INDICATEURS PRONOSTIQUES, LA SUPPLÉANCE
HÉPATIQUE ET LA TRANSPLANTATION HÉPATIQUE
Le principe d’un traitement conservateur visant à éviter les cofacteurs
d’aggravation doit être appliqué. Les traitements médicamenteux
non vitaux sont arrêtés, car l’altération de leur métabolisme peut
La transplantation hépatique en urgence est le traitement de référence de l’HF dont l’évolution ne permet pas d’assurer une régé-
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005
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nération hépatocytaire compatible avec une survie. La fenêtre de
transplantabilité correspond à la période séparant la présence de
critères de transplantation de la mort cérébrale ou de la mise en
évidence d’une contre-indication à la TH. En France, les critères
de transplantation communément admis sont :
– l’apparition d’une confusion ou d’un coma associé à une diminution du facteur V < 30 % chez un patient de plus de 30 ans ;
– l’apparition d’une confusion ou d’un coma associé à une diminution du facteur V < 20 % chez un patient de moins de 30 ans.
Lorsque ces conditions sont remplies, la probabilité de décès spontané est supérieure à 90 % (11). Le système d’attribution existant
en France permet de donner prioritairement un greffon au patient
en HF ou nécessitant une retransplantation précoce (inscription en
“super urgence”). La majorité des patients (65 %) inscrits en “super
urgence” accèdent à la greffe dans les trois premiers jours suivant
leur inscription. Environ 20 % des patients sont désinscrits en raison d’une amélioration. L’équipe du King’s College Hospital a
proposé des critères d’inscription sur liste différents, tenant compte
de l’étiologie de l’HF (tableau III) (12). Les courbes de survie
actuarielle post-transplantation observées au sein des registres
français (données rapport EFG), européen (données ELTR) et
américain (données UNOS) mettent en évidence des survies à un
an de 65 à 78 % (figure 3).
Tableau III. Facteurs pronostiques du King’s College Hospital.
1) Critères modifiés du King’s College Hospital pour inscription
sur liste HF paracétamol
Concentration artérielle lactate > 3,5 mmol/l après remplissage
vasculaire précoce
Ou soit un pH < 7,3 soit concentration artérielle lactate > 3 mmol/l
après remplissage
Ou créatinine > 300 µmol/l, INR > 6,5 et encéphalopathie
hépatique ≥ stade 3
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100
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67
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63
57
60
54
40
59
55
53
50
8
9
10
Années
96
108
20
0
1
2
3
4
5
6
7
Hépatite fulminante ou subfulminante : 3 920
Hépatite suraiguë : 264
Autres : 247
Données EFG
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
p < 0,0001
0
0
12
24
36
48
60
72
Temps (mois)
84
120
Cirrhose alcoolique
Pathologie biliaire
Tumeur hépatique
Autre cause
Défaillance hépatique aiguë ou suraiguë
Cirrhose posthépatique (B, C ou D)
Données UNOS
1,0
0,9
Proportion de survivants
O’Grady J, Gastroenterology 1989
A
Total Log Rank test p= 0,014
0
Bernal W, Lancet 2003
2) Autres étiologies
– Taux de prothrombine > 100 s
Ou
– L’association de trois des paramètres suivants
• Âge < 10 ans ou > 40 ans
• Séquence ictère-encéphalopathie hépatique > 7 jours
• Taux de prothrombine > 50 s
• Bilirubine > 300 µmol/l
• Hépatites non A-B, halothane, idiosyncrasie
M
Données ELTR
Survie actuarielle après greffe (%)
O
Taux de survie (%)
D
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
CONCLUSION
L’HF est une affection rare et gravissime caractérisée par une
atteinte multiviscérale de traitement difficile. Une prise en charge
précoce des patients en collaboration avec une équipe de transplantation hépatique est nécessaire. En 2005, comme en 1936, c’est
l’évolution neurologique qui conditionne encore souvent le pronostic : “C’est moins l’ictère que les signes nerveux, somnolence,
174
0,1
0
1
PBC
PSC
HEP C
2
3
4
5
Années
ALD
HEP B
Auto-immune
6
7
Cancers
Métabolique
Fulminante
8
9
Autres
Figure 3. Résultats de la transplantation hépatique pour hépatite fulminante.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005
indifférence, torpeur surtout, et les tendances hémorragiques qui
caractérisent l’ictère grave” (extrait de Quelques vérités premières sur les maladies du foie par Noël Fiessinger, 1936). ■
Mots-clés : Transplantation hépatique - Urgence - Médicaments Virus - Paracétamol.
Keywords: Liver transplantation - Emergency - Virus - Paracetamol.
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in fulminant hepatic failure. Gastroenterology 1989;2:439-45.
A U T O - É V A L U A T I O N
1. En cas d’ischémie intestinale
A. La triade diagnostique de l’angor intestinal est présente dans seulement 5 % des cas.
B. La mortalité est plus faible en cas d’infarcissement veineux qu’artériel.
C. L’examen de référence reste l’artériographie cœliomésentérique.
D. L’ischémie artérielle non occlusive est la forme la plus grave.
E. La revascularisation artérielle est possible,même en cas de lésions
apparemment irréversibles de l’intestin grêle.
2. Dans la pancréatite aiguë
A. La sphinctérotomie endoscopique est systématique en cas d’origine biliaire.
B. Dans les traitements médicaux spécifiques,seule la somatostatine
a démontré son efficacité.
C. L’antibioprophylaxie n’a pas clairement démontré son bénéfice en
cas de pancréatite grave.
D. La chirurgie reste indiquée en cas de nécrose extensive vue au
scanner.
E. La ponction sous scanner des collections est contre-indiquée, car
elle augmente le risque d’infection.
3. Devant une ingestion de caustique d’origine suicidaire
A. L’endoscopie est indiquée, sauf en cas de forme grave, du fait du
risque de perforation.
B. Le taux de guérison spontanée sans séquelles ne dépasse pas 50 %.
C. La chirurgie est indiquée chez environ 10 % des patients.
D. L’ingestion suicidaire est plus grave que l’ingestion accidentelle.
E. La progression des lésions est plus longue en cas d’eau de Javel
que de bases fortes.
4. Devant une colite aiguë grave compliquant une maladie
inflammatoire chronique de l’intestin
A. La radiographie d’abdomen sans préparation n’a plus d’indication.
B. La coloscopie est contre-indiquée du fait du risque de perforation.
C. La corticothérapie intraveineuse à 1 mg/kg est le traitement de
première ligne.
D. Une colectasie impose habituellement la chirurgie.
E. En cas de rectocolite hémorragique, une anastomose iléo-anale
d’emblée est préférable à un traitement chirurgical en plusieurs temps.
5. En cas d’hépatite fulminante d’origine médicamenteuse
A. L’hospitalisation en réanimation est systématique quel que soit
l’état neurologique du patient.
B. En l’absence d’hémorragie, la correction de la coagulopathie par
transfusions n’est pas recommandée.
C. La N-acétyl-cystéine, du fait de ses risques allergiques, n’est prescrite qu’en cas de certitude sur la responsabilité du paracétamol dans
l’hépatite fulminante.
D. L’indication de transplantation hépatique chez un patient de moins
de 30 ans inclut un facteur V inférieur à 30 % et l’apparition d’un coma
ou d’une confusion.
E. La survie à un an après transplantation hépatique pour hépatite
fulminante est d’environ 90 %.
Réponses : 1 : B, C, D - 2 : C - 3 : C, D, E - 4 : C, D - 5 : A, B.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005
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