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Hémopathies malignes
chez les sujets
immunodéprimés
dossier thématique
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 3 - Mai-juin 2013
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lymphomagenèse dans la mesure où des taux élevés
d’IL-6 et d’IL-10 ont été constatés au cours de certaines
proliférations lymphoïdes associées à l’EBV ou au HHV-8
dans le cadre de l’infection par le VIH (10).
Diagnostic et évaluation
Le diagnostic de lymphome repose sur l’analyse histo-
logique d’un tissu pathologique. Compte tenu du
grand polymorphisme anatomopathologique des
lymphomes associés au VIH, il faut s’efforcer d’obtenir
une analyse précise à partir d’un prélèvement suffi-
sant et de bonne qualité. Pour cela, l’analyse sera faite
préférentiellement à partir d’une exérèse chirurgicale
plutôt que d’une biopsie à l’aiguille fine. La conser-
vation d’un prélèvement frais et d’un autre congelé
est la règle, afin de pouvoir réaliser une analyse cyto-
génétique, notamment en hybridation in situ (FISH),
et des études de biologie moléculaire (réarrangement
de l’oncogène c-myc). En cas de lymphome de Burkitt
avéré sur un myélogramme, cet examen (assorti de
la cytogénétique et de la biologie moléculaire) peut
suffire à établir le diagnostic (18).
Trois urgences vitales, qui nécessitent souvent le
recours immédiat à un service de réanimation spé-
cialisé et un traitement sans délai, sont à rechercher
dans la prise charge initiale d’un patient suspect de
lymphome associé au VIH. Il s’agit du syndrome d’acti-
vation lymphohistiocytaire − devant des cytopénies
fébriles −, du syndrome de lyse tumorale spontané −
devant une insuffisance rénale avec hyperuricémie −, et
d’une atteinte neurologique spécifique du lymphome
− devant une atteinte des paires crâniennes.
L’examen clinique note le statut OMS et les aires gan-
glionnaires atteintes, et recherche une atteinte du foie
et de la rate. Une atteinte extranodale doit être recher-
chée attentivement, en raison de la grande hétéro-
généité de présentation clinique possible. L’examen
neurologique est systématique, avec notamment la
recherche du “signe de la houppe du menton”, qui
signe une infiltration du nerf dentaire inférieur, fré-
quente dans le lymphome de Burkitt. Les examens
hématologiques recherchent une phase leucémique
de lymphome (par frottis sanguin et immunophénoty-
page), et il est important de rechercher en biochimie
un syndrome de lyse spontanée en plus de la mesure
du taux de lactate déshydrogénase (LDH) et de l’éva-
luation des fonctions rénale et hépatique. Le bilan
d’extension doit être réalisé aussi vite que possible,
sans retarder le début du traitement. L’imagerie par
scanner thoraco-abdominal et pelvien est indispen-
sable, et une TEP est recommandée (17, 19). La biopsie
ostéomédullaire doit être pratiquée systématiquement
pour rechercher un envahissement médullaire. En cas
de lymphome B à grandes cellules ou de lymphome
de Burkitt, la ponction lombaire recherche un enva-
hissement méningé.
Une série d’examens est nécessaire pour déterminer
le statut des co-infections et obtenir les données pré-
thérapeutiques nécessaires au choix du traitement
chimiothérapeutique : taux de LT CD4 et charge virale
du VIH, sérologies des hépatites B et C, PCR cyto-
mégalovirus (CMV) plasmatique, PCR HHV-8 et EBV
plasmatiques, évaluation des fonctions cardiaque,
hépatique et respiratoire. En cas d’immunodépression
sévère (taux de LT CD4 < 100/mm3), le bilan d’extension
du lymphome doit être complété par une recherche
attentive d’infections opportunistes.
Lymphome non hodgkinien
Le lymphome B diffus à grandes cellules est le prin-
cipal type de lymphome associé au VIH (tableau)
[8, 10, 20]. La présentation clinique peut être très
variée, avec des formes extranodales viscérales fré-
quentes (tube digestif, système nerveux, foie, etc.)
[20]. L’immunohistochimie montre que les LNH sont
polymorphes, souvent riches en cellules immuno-
blastiques et plasmocytaires. L’intérêt de l’utilisation
conjointe du rituximab et de la polychimiothérapie est
probable, mais elle impose une vigilance particulière
concernant le risque infectieux chez les patients les
plus immunodéprimés (LT CD4 < 100/mm3) [21, 22].
En cas de facteurs de mauvais pronostic, une inten-
sification thérapeutique avec autogreffe de cellules
souches peut être envisagée.
Le lymphome primitif cérébral est une forme parti-
culière, rencontrée uniquement en cas d’immuno-
dépression profonde, et reste le diagnostic différentiel
Tableau. Les différents types de lymphoproliférations survenant au cours de l’infection par le VIH
(8, 10, 20).
Types histologiques Sous-types Fréquence (%)
LNH
•Lymphome B diffus à grandes cellules
•Lymphome de Burkitt
•Lymphome primitif cérébral
40
20
5
Lymphoproliférations
associées à l’HHV-8
•Maladie de Castleman
•Lymphome plasmablastique
•Lymphome des séreuses
10
Lymphome de Hodgkin
•Cellularité mixte
•Scléronodulaire
•Déplétion lymphocytaire
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