Dossier thématique
Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 4 - décembre 2001
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malades âgés de plus de 75 ans, les avan-
tages de la cœlioscopie semblaient encore
plus marqués. Dans toutes ces études com-
paratives, il n’y avait pas de différence
entre la laparotomie et la cœlioscopie
concernant la morbidité opératoire et le
coût global du traitement. L’ensemble des
avantages de la cœlioscopie, mis en évi-
dence par ces études, est à interpréter avec
prudence pour trois raisons. Tout d’abord,
il s’agit d’études rétrospectives incluant un
nombre de malades assez faible, inférieur
à 100 (22-26). De plus, la durée d’hospi-
talisation prend en compte des facteurs cul-
turels et socio-économiques dont le poids
n’est pas connu, mais qui peut biaiser l’in-
terprétation des résultats. Enfin, comme on
l’a vu précédemment, la durée de la reprise
de l’alimentation et la durée d’hospitali-
sation peuvent être considérablement
diminuées après laparotomie (7,8) et deve-
nir comparables à celles qui sont rappor-
tées après cœlioscopie.
En revanche, l’avantage cosmétique que
confère la cœlioscopie par rapport à la
laparotomie paraît évident et ne nécessite
pas d’étude contrôlée pour être démontré.
Enfin, la diminution à long terme des com-
plications pariétales et des épisodes d’oc-
clusion intestinale après la réalisation de
la résection sigmoïdienne par voie cœlio-
scopique n’a pas été clairement évaluée.
Inconvénients potentiels
de la cœlioscopie
Sur le plan technique, la résection sigmoï-
dienne pour diverticulite doit inclure la
charnière recto-sigmoïdienne afin de pré-
venir le risque de récidive. Cependant, la
charnière est un repère difficile à localiser
en cœlioscopie et les repères morpholo-
giques classiques (modifications des ban-
delettes coliques, disparition des franges
épiplooïques, changement de direction des
vaisseaux dans le méso, projection en
regard du promontoire) peuvent être insuf-
fisants (15). Cette difficulté d’appréciation
pourrait être résolue par la réalisation
d’une anastomose mécanique ; la longueur
de la pince introduite par voie transanale
permettant de standardiser le niveau de la
section rectale. Au moindre doute, un repé-
rage peropératoire de la charnière par rec-
toscopie doit être réalisé afin d’éviter une
section trop haute en tissu inflammatoire.
L’autre problème que pose la cœlioscopie
est de savoir si une conversion en laparo-
tomie, qui est en grande partie liée à l’ex-
périence de l’opérateur, peut augmenter la
morbidité postopératoire immédiate. Une
attitude raisonnable, permettant de limiter
les complications peropératoires, est pro-
bablement de convertir rapidement en
laparotomie si la cœlioscopie est difficile,
plutôt que prolonger inutilement cette der-
nière et réaliser une conversion tardive.
Dans notre expérience, aucune conversion
n’est survenue au cours des 25 derniers
cas, et les patients chez qui une conversion
en laparotomie a été nécessaire n’ont pas
eu des suites opératoires plus compliquées
(27). Cela a été confirmé par plusieurs
autres études qui ont montré qu’une
conversion rapide en laparotomie n’aug-
mentait pas la morbidité opératoire (28,
29).
Enfin, la chirurgie colorectale par voie
cœlioscopique pose le problème de la for-
mation chirurgicale. En effet, l’utilisation
d’une nouvelle technique ne peut se justi-
fier que si ses résultats, même dans la
période initiale d’“apprentissage” sont au
moins équivalents de ceux qui sont obser-
vés par laparotomie. Il est en effet aujour-
d’hui difficile d’accepter que, sous couvert
de “learning curve”, le malade “paye” l’in-
expérience de l’opérateur et subisse une
intervention avec une morbidité, voire une
mortalité, supérieure à celle qui est rap-
portée par laparotomie (11). Il semble
licite de débuter son expérience en chirur-
gie colorectale cœlioscopique après plu-
sieurs années de pratique quotidienne de
la cholécystectomie et de la cure de hernie
hiatale. L’idéal est d’y ajouter une forma-
tion spécifique en chirurgie colorectale
cœlioscopique, associant cours théoriques
et pratiques sur gros animaux.
C
ONCLUSION
La cœlioscopie est une alternative à la lapa-
rotomie pour la résection sigmoïdienne en
cas de diverticulite non compliquée, dans la
mesure où elle permet la réalisation d’une
résection équivalente. Réalisée par des opé-
rateurs entraînés, la cœlioscopie donne des
résultats au moins aussi bons que la lapa-
rotomie en ce qui concerne la morbidité et
la mortalité opératoires, la douleur post-
opératoire et la durée d’hospitalisation. Elle
confère par rapport à la laparotomie un
avantage esthétique indéniable, qui, en l’ab-
sence d’autre différence entre les deux tech-
niques, devient prépondérant. En raison de
l’absence d’étude contrôlée, les avantages
de la cœlioscopie ne sont pas clairement
démontrés ni admis par tous. Cependant, on
peut même se demander si, comme dans la
cholécystectomie, il n’est pas aujourd’hui
trop tard pour proposer une étude contrô-
lée, car, à l’évidence, si les résultats sont
équivalents sans être supérieurs à ceux de
la laparotomie, le choix se fera avec le temps
pour la cœlioscopie. ■
Mots clés. Diverticulite sigmoïdienne –
Cœlioscopie – Laparotomie.
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