N o u v e l l e s ... Vers une nouvelle perception de la prolactine en physiopathologie humaine .

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Nouvelles approches
Vers une nouvelle perception de la prolactine
en physiopathologie humaine .
V. Goffin*, Ph. Touraine**, N. Binart*, P.A. Kelly*
✎ La prolactine est aujourd’hui considérée comme une
cytokine à part entière. Son récepteur appartient à la
superfamille des récepteurs de cytokines hématopoïétiques
(comprenant l’érythropoïétine, plusieurs interleukines, la
leptine, etc.). Chez l’homme, trois hormones (prolactine,
hormone de croissance, lactogène placentaire) peuvent se
lier et activer le récepteur de la prolactine. Notre compréhension du rôle respectif de chacun de ces ligands dans les
fonctions relayées par le “récepteur de la prolactine” est
encore assez limitée.
✎ La prolactine exerce des activités biologiques nombreuses et variées ; ses cibles principales sont la glande
mammaire et le système reproducteur. Cependant, les
modèles de souris knockout (pour la prolactine ou son
récepteur) ou transgéniques (pour la prolactine) récemment
développés ont permis d’identifier (ou de renforcer l’existence) de nouvelles cibles de la prolactine (prostate, os,
tissu adipeux).
✎ La source principale de prolactine est l’hypophyse, mais
de nombreux autres tissus périphériques la sécrètent également (glande mammaire, prostate, placenta, lymphocytes, etc.). Les facteurs régulant l’expression extra-hypophysaire de prolactine sont inconnus, mais apparemment
différents de ceux impliqués dans l’hypophyse ; plus particulièrement, les agonistes de la dopamine, principal régulateur négatif de la synthèse hypophysaire de prolactine,
sont sans effet sur la synthèse extra-hypophysaire de l’hor-
mone. Cette prolactine extra-hypophysaire semble agir
selon un mode d’action autocrine-paracrine, voie totalement ignorée dans l’approche physiopathologique (thérapeutique) actuelle de l’hormone.
✎ La prolactine stimule la prolifération tumorale de plusieurs de ses tissus cibles, dont la glande mammaire (cancer du sein) et la prostate. Il est suspecté que cet effet
implique un mécanisme autocrine-paracrine de la prolactine produite localement, sur lequel les classiques analogues
dopaminergiques sont sans effet.
✎ Des antagonistes de la prolactine ont été développés
par mutagenèse dirigée de l’hormone ; il s’agit de mutants
de prolactine qui sont capables de lier le récepteur, mais
ne peuvent plus l’activer ; ils peuvent donc inhiber les effets
de la prolactine naturelle par un mécanisme de compétition
pour la liaison au récepteur. L’inhibition de l’effet prolifératif que la prolactine exerce sur des cellules tumorales
mammaires humaines a pu être démontrée in vitro lors de
l’addition d’antagonistes de la prolactine.
✎ En résumé, la multiplicité des tissus cibles de la prolactine in vivo, l’importance mieux définie du mécanisme
d’action autocrine-paracrine de la prolactine d’origine
extra-hypophysaire et, enfin, la disponibilité d’antagonistes de l’hormone figurent parmi les éléments de
réflexion essentiels suggérant de revisiter la perception
physiopathologique actuelle de la prolactine.
a prolactine est une hormone paradoxale.
Lattribue
Alors que la recherche fondamentale lui
un spectre d’actions biologiques
* INSERM unité 344, endocrinologie moléculaire, faculté de médecine Necker.
** Département d’endocrinologie et médecine de la reproduction,
hôpital Necker-Enfants malades, 156, rue de Vaugirard, 75730 Paris Cedex 15.
extrêmement vaste, cette multiplicité fonctionnelle ne trouve que peu d’écho dans le
contexte physiopathologique. En effet, si
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l’on exclut l’hyperprolactinémie, qui est à
ce jour la seule pathologie corrélée de
manière directe à la prolactine et reconnue
comme telle, cette hormone est généralement ignorée dans l’approche thérapeutique
de pathologies liées au contexte endocrinien. Les raisons en sont diverses. D’une
part, si l’efficacité des analogues dopaminergiques (inhibiteurs de la synthèse hypophysaire de PRL) est démontrée dans les cas
d’hyper-prolactinémie, il n’en a pas été de
même pour d’autres pathologies dans lesquelles l’implication de la prolactine fut
pressentie, puis rapidement remise en question au vu du manque de résultats obtenus
par ce type de traitement ; l’exemple
typique est le cancer du sein. D’autre part,
dans les pathologies typiquement liées au
contexte hormonal, force est de reconnaître
le rôle prépondérant joué par les hormones
stéroïdes et gonadotropes qui, au contraire
de la prolactine, constituent les cibles thérapeutiques privilégiées. Par ailleurs, aucune
maladie génétique liée à une mutation de la
prolactine ou son récepteur n’ayant pu être
décelée à ce jour, ce qui fait désormais figure d’exception, il n’existe actuellement
aucun modèle pathologique humain permettant d’associer clairement un (ensemble de)
phénotype(s) reflétant un défaut fonctionnel
lié à cette hormone.
Découverte il y a plus de 70 ans, la prolactine
a fait l’objet d’innombrables études suivant
des approches d’endocrinologie classique.
Cependant, l’ensemble des travaux réalisés au
cours de ces quelques dernières années a permis
d’accroître considérablement nos connaissances quant à son fonctionnement, ce qui nous
amène aujourd’hui à regarder cette hormone
sous un angle quelque peu différent. C’est le
message essentiel que nous développerons
dans cette rubrique. Dans un premier temps, nous
décrirons les acteurs en présence, à savoir
principalement la prolactine et son récepteur ;
puis, dans un second temps, nous survolerons
quelques unes des avancées principales de
la décennie écoulée. Ces diverses notions
nous amèneront à rediscuter dans la dernière
partie de cette revue des applications cliniques
potentielles dans lesquelles la prolactine
pourrait éventuellement jouer un rôle nouveau.
Figure 1. Structure de la prolactine humaine et de son récepteur.
A. La hPRL (199 acides aminés) adopte la structure tridimensionnelle caractéristique des cytokines
hématopoïétiques, constituée de 4 hélices α anti-parallèles (notées h1 à h4). Les deux sites de liaison de la
hPRL à son récepteur (voir figure 3) sont localisés sur l’hormone (sites 1 et 2), et les chaînes latérales des
acides aminés impliqués dans l’interaction du site 1 avec le récepteur sont représentées en violet.
B. Représentation schématique des différentes isoformes du PRLR humain. On distingue la forme longue,
majoritaire, une forme intermédiaire, récemment identifiée et de fonction encore inconnue, et la protéine de
liaison soluble ; ces trois isoformes ont été clonées à partir de cellules tumorales mammaires humaines (T47D). Symboles : C-C : ponts disulfures ; motifs colorés (jaune et vert) : régions hautement conservées
parmi les récepteurs de cytokines (pour détails, voir 4).
La prolactine
La prolactine (PRL) est l’hormone de la lactation par excellence, fonction d’ailleurs à
l’origine de son appellation : “pro-lactine”.
Comme nous le verrons plus loin, cependant, son activité biologique est loin de se
limiter à la stimulation de la glande mammaire. C’est une hormone polypeptidique,
synthétisée majoritairement par l’hypophyse
chez tous les vertébrés. Chez l’homme, le
gène de la PRL (unique) est localisé sur le
chromosome 6 et code pour une protéine
mature de 199 acides aminés (pour une
masse moléculaire de 23 000 daltons) ; sa
structure tridimensionnelle, constituée de
4 hélices α anti-parallèles, est similaire à
celle de l’hormone de croissance ou encore
de l’érythropoïétine (1, 2) (figure 1, A).
Bien que l’on trouve de nombreux variants
de PRL résultant, par exemple, de l’addition
de groupements sucrés (glycosylation) ou
phosphatés (phosphorylation), ou encore de
l’agrégation de plusieurs molécules entre
elles (multimères) ou avec d’autres molécules (comme des immuno-globulines), la
PRL monomérique ne contenant pas de
modification post-traductionnelle est biologiquement active.
La source principale de PRL est l’hypophyse antérieure, et, au sein de celle-ci, les cellules lactotropes. L’expression du gène de la
PRL est sous le contrôle de multiples stimuli, relayés principalement par des facteurs
hypothalamiques. D’une manière schématique, on peut considérer que le facteur
régulateur principal est la dopamine (sécrétée par certains neurones hypothalamiques
au niveau de l’éminence médiane de l’hypophyse). Ce stimulus dopaminergique est
inhibiteur, c’est-à-dire qu’il freine la synthèse de PRL par les cellules lactotropes.
Celle-ci est également régulée par de très
nombreux autres facteurs, comme la TRH
ou encore les estrogènes. Lors de l’allaite-
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ment du nouveau-né, un stimulus activateur
provoqué par la succion (l’ocytocine) augmente en quelques minutes, et de manière
très transitoire, la sécrétion de PRL. La
régulation du gène de la PRL est cependant
beaucoup plus complexe que ne pourrait le
laisser penser l’évocation de ces quelques
exemples ; sa description a fait l’objet d’un
revue récente (3). Une fois déversée dans le
système porte hypophysaire, la PRL sérique
est véhiculée vers l’ensemble de ses tissus
cibles ; sa concentration circulante normale
oscille autour de 10 ng/ml chez la femme
(homme ?), mais peut atteindre plusieurs
centaines de ng/ml en fin de gestation.
Nous terminerons ce paragraphe en mentionnant que la PRL fait partie d’une famille
hormonale comprenant l’hormone de croissance (GH), une autre hormone hypophysaire,
et l’hormone lactogène placentaire (PL),
produit uniquement par le placenta. Ces
trois hormones sont issues d’un gène ancestral commun et possèdent à ce titre de très
nombreuses similitudes structurales (gène et
protéine) et fonctionnelles (moléculaires et
biologiques) (1). Chez l’homme, les trois
hormones sont capables de se lier au récepteur dit “de la PRL”, ce qui complique
considérablement notre compréhension
puisque la contribution individuelle des
deux (en contexte normal) ou trois (en gestation) ligands aux effets relayés par le
récepteur de la PRL est très mal évaluée.
Le récepteur de la prolactine
Le récepteur de la PRL (PRLR) a été cloné
par notre équipe en 1988, à partir d’une
banque d’ADNc de foie de rat. C’est un
récepteur de type I, c’est-à-dire qu’il comporte un domaine extracellulaire interagissant avec l’hormone, un seul domaine transmembranaire, et un domaine cytoplasmique
impliqué dans la transmission du signal hormonal dans la cellule. Bien que le gène du
PRLR soit unique, il existe plusieurs isoformes protéiques du récepteur, qui ne se
différencient que par la longueur de leur
domaine cytoplasmique (oscillant de
≈ 600 aa à ≈ 300 aa) ; ainsi, selon les
espèces, on distinguera les formes dites
longues, intermédiaires et courtes (figure
1,B). Ces différentes isoformes possèdent
certaines spécificités fonctionnelles puisque
la région impliquée dans la transmission du
signal – la partie cytoplasmique – est divergente. Bien que l’on considère généralement que les formes longues soient capables
d’exercer l’ensemble des fonctions attribuées au PRLR, l’activité des isoformes
intermédiaire et courte reste encore assez
mal comprise, tout spécialement in vivo.
Ces différentes isoformes du PRLR intègrent diverses modifications post-traductionnelles telles que la glycosylation
(domaine extracellulaire) ou, lorsque le
récepteur est activé, la phosphorylation sur
tyrosine (domaine intracellulaire). Enfin,
notons qu’il existe également une forme
soluble du récepteur (ou protéine de liaison), correspondant au seul domaine extracellulaire du récepteur membranaire ; selon
les espèces, elle sera générée par épissage
alternatif du transcrit primaire ou par protéolyse limitée du récepteur membranaire,
voire par les deux mécanismes. Chez l’homme, la forme longue (598 aa, 90 kDa) représente l’isoforme majoritaire. Plus récemment, des transcrits codant pour une forme
soluble et pour une isoforme membranaire
de longueur intermédiaire ont été clonés à
partir de cellules tumorales mammaires (4).
Sur la base de quelques similitudes de
séquence protéique, le PRLR fut, en compagnie des récepteurs de l’érythropoïétine, de
l’hormone de croissance (GH), de la chaîne
α du récepteur de l’interleukine (IL)-6 et de
la chaîne β du récepteur de l’IL-2, un des
membres pionniers d’une famille de récepteurs découverte en 1989 : la “superfamille
des récepteurs de cytokines hématopoïétiques”. À l’heure actuelle, on dénombre
une trentaine de récepteurs de cytokines
répartis en deux classes, parmi lesquels on
peut citer, outre ceux mentionnés ci-dessus,
les récepteurs de la leptine, de la majorité
des interleukines (IL-1 à IL-15, sauf IL-1 et
IL-8), et des interférons (5). Ce regroupement du PRLR avec ces récepteurs de cytokines n’est pas anodin puisque, d’une part,
il permet de considérer l’hormone PRL
comme une “cytokine” à part entière – et
l’on connaît l’importance de ces protéines
en physiopathologie – et, d’autre part, la
compréhension du fonctionnement moléculaire du couple PRL/PRLR a largement
bénéficié des observations rapportées pour
d’autres cytokines et leurs récepteurs,
notamment en ce qui concerne la transmission du signal dans l’espace intracellulaire.
Le PRLR est, comme l’ensemble de la
superfamille, dépourvu de toute activité
enzymatique intrinsèque : la transmission
du signal fait appel à diverses kinases associées. Jusqu’au début des années 90, les
mécanismes intracellulaires conduisant à
l’expression de “l’activité PRL” étaient très
mal compris, l’activation des voies de signalisation classiques (protéine kinase C, phospholipase, AMP cyclique, etc.) ne semblant
pas être suffisantes pour refléter l’ensemble
des activités relayées par le PRLR. Les progrès considérables effectués dans le décodage des étapes de la transmission du signal
par les récepteurs d’autres cytokines,
comme, par exemple, les interférons ou
l’érythropoïétine, ont permis d’identifier la
tyrosine kinase JAK2 comme un élément
essentiel de la signalisation intracellulaire
par le PRLR (4). À l’heure actuelle, on
considère que l’activation de JAK2 est
requise pour l’expression de la majorité,
sinon de toutes les activités biologiques
transmises par ce récepteur. Bien que les
substrats de l’enzyme JAK2 soient sans
doute très nombreux, les mieux connus
sont, outre la kinase elle-même (qui s’active
par auto-phosphorylation), le PRLR et les
protéines de la famille des Stats (figure 2).
Les tyrosines du récepteur, phosphorylées
par JAK2 lors de l’activation par le ligand,
jouent un rôle fondamental dans les cascades de transmission du signal intracellulaire car ces acides aminés modifiés sont
reconnus par des motifs structuraux appelés
domaines SH2 (pour Src Homology domain
2) portés par de nombreuses protéines de
signalisation ; ces phosphotyrosines peuvent
donc être considérées comme des “interrupteurs” permettant à deux protéines d’interagir. À ce titre, elles constituent des points
d’ancrage pour des protéines de la famille
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des Stats, qui possèdent de tels domaines
SH2. Les Stats sont à la fois des protéines
cytoplasmiques de la transmission du signal
et des facteurs de transcription, fonctions à
l’origine de leur dénomination : Signal
Transducer and Activator of Transcription.
Parmi les sept membres de la famille des
Stats, le PRLR active Stat1, Stat3 et, de
manière prépondérante, Stat5 (appelé initialement MGF pour Mammary Gland Factor). Interagissant avec le complexe PRLR/
JAK2, les Stats sont phosphorylées à leur
tour par la kinase, puis se dissocient du
récepteur et migrent sous forme dimérique
dans le noyau, où elles activent directement
la transcription de gènes cibles de la PRL
(figure 2). Par exemple, dans la cellule épithéliale mammaire, Stat5 transactive les
gènes codant pour les protéines du lait
(caséines, lactoglobuline, etc.). La voie
impliquant la phosphorylation sur tyrosine
successivement des kinases de la famille
JAK, des récepteurs et des Stats, est commune aux récepteurs de cytokines et porte le
nom de “voie JAK/Stat”. Bien que cette cascade soit sans doute primordiale dans la
signalisation du PRLR, d’autres voies,
impliquant d’autres kinases, sont également
activées par ce récepteur. À titre d’exemple,
nous pouvons citer certains membres de la
famille des tyrosines kinases Src ou encore
la cascade des MAP kinases (4). Enfin,
puisque l’un des objectifs de cette revue est
de replacer la PRL dans le contexte complexe des facteurs de prolifération tumorale
mammaire, il est important de noter que les
voies de signalisation du PRLR et des
récepteurs stéroïdes, notamment le récepteurs aux estrogènes, présentent certaines
connexions (cross-talk). Cet effet implique,
entre autres, des interactions entre ces
récepteurs nucléaires et Stat5 (6).
Vers une nouvelle perception
de l’hormone prolactine ?
Au cours de la décennie écoulée, de nombreuses observations importantes ont été
réalisées, ce qui nous amène aujourd’hui à
Figure 2. Principales voies de transmission du signal intracellulaire activées par le PRLR.
Le PRLR active de multiples cascades de signalisation intracellulaires, impliquant notamment les protéines
de la voie JAK/Stat, des MAP kinases et des Src. De nombreuses autres voies non représentées ici sont également activées et ont été décrites par ailleurs ( 4).
quelque peu revoir la manière dont la PRL
doit être considérée en physiopathologie.
Nous nous limiterons ici à la description des
observations les plus significatives, en nous
appuyant essentiellement sur celles qui permettront de rediscuter la place que l’on peut
accorder à la PRL dans certaines pathologies liées aux paramètres endocriniens.
D’une part, nous survolerons l’ensemble
des données récemment obtenues grâce à
divers modèles animaux (souris transgéniques, knockout) qui ont permis de “réajuster” la liste des tissus cibles de la PRL,
bien plus diversifiés que la seule glande
mammaire, mais peut-être pas aussi nombreux que pourrait le laisser croire la littérature (4). D’autre part, nous discuterons plus
en détail de l’importance présumée de la
PRL d’origine extra-hypophysaire et, en
corollaire, de son mécanisme d’action autocrine-paracrine dans certains tissus et/ou
contextes particuliers. Ces notions nous
amèneront enfin à discuter de l’utilité thérapeutique éventuelle d’antagonistes de la
PRL, dont le développement et la caractérisation ont découlé d’une étude structurefonction détaillée de l’hormone, entamée
par notre groupe depuis une dizaine d’années (1).
Multiplicité des tissus cibles
de la PRL
Au début des années 70, Charles Nicoll
décrivait 85 actions différentes pour la PRL,
les mieux connues étant son activité biologique sur le développement mammaire et
l’induction de la sécrétion lactée, ainsi que
son action lutéotrope sur l’ovaire. Dans une
revue récente, nous avons recensé dans la
littérature quelque 300 fonctions différentes
attribuées à cette hormone, toutes espèces
confondues, ce qui dépasse de loin l’ensemble des actions de toutes les autres hormones hypophysaires réunies (4). Ces fonctions biologiques de la PRL regroupent les
actions sur la reproduction, les échanges
hydro-électrolytiques, les actions endocriniennes et métaboliques, les effets sur la
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croissance et le développement, le contrôle
du comportement (essentiellement maternel), et, enfin, l’immunomodulation. La réalité physiologique de certaines de ces fonctions doit cependant être regardée avec
prudence, notamment lorsqu’elles ont été
observées dans des contextes éloignés de la
physiologie (cellules transfectées par
exemple), mais sans doute plus encore lorsqu’elles ont été déduites de modèles animaux classiques dont on connaît aujourd’hui les limites, voire les biais. C’est le
cas, par exemple, des modèles animaux traités par des analogues dopaminergiques ou
hypophysectomisés, qui s’avèrent incomplets dans l’inhibition de la source endogène de prolactine puisque sans effet sur la
synthèse extra-hypophysaire de l’hormone
(voir paragraphe suivant), ou encore de souris naines Snell-dwarf (dw/dw) présentant
une déficience hypophysaire dépassant la
seule PRL (la GH et la TSH sont également
absentes).
Au cours des cinq dernières années, des
modèles animaux mieux contrôlés ont été
développés et analysés : il s’agit de souris
knockout dont les gènes codants pour la
PRL (7) ou son récepteur (8) ont été invalidés, ou encore de souris transgéniques dans
le génome desquelles le gène de la PRL a
été inséré, conduisant à la surexpression de
l’hormone (9). En résumé, l’analyse phénotypique de ces modèles animaux a permis i)
de confirmer les actions historiquement
décrites de la PRL sur la lactation et la
reproduction, ii) de mettre en lumière de
nouvelles actions/tissus cibles de la PRL et,
enfin, iii) de replacer certaines actions précédemment attribuées à la PRL au rang de
fonctions sans doute modulées, mais certainement pas contrôlées par l’hormone.
La fonction lactotrope historiquement
reconnue pour la PRL a été confirmée non
seulement par les modèles d’invalidation
des gènes de la PRL et du PRLR, mais également par celui de Stat5a, une des molécules essentielles dans la transmission du
signal intracellulaire par le PRLR. Les
femelles PRL–/– ou PRLR–/– étant stériles, la
lactation ne peut évidemment pas s’observer
chez ces animaux. Plus surprenant, les
jeunes femelles hétérozygotes PRLR+/– ne
peuvent allaiter correctement, indiquant que
le seuil d’expression du PRLR nécessaire au
développement fonctionnel de la glande
mammaire et à une lactation correcte ne
peut être obtenu avec un seul allèle PRLR.
En revanche, dès la deuxième gestation, la
lactation devient possible chez ces mêmes
femelles PRLR+/– (8), ce qui suggère que la
glande mammaire acquiert un nombre de
canaux et d’alvéoles compatible avec une
lactation efficace après plusieurs cycles
œstraux d’imprégnation hormonale et une
nouvelle gestation. Outre ces troubles de
lactation, assez attendus, les femelles
PRLR–/– sont stériles et présentent un déficit
d’implantation des embryons fécondés, traduisant le rôle essentiel de la PRL dans les
fonctions de reproduction chez la souris. La
gestation de ces souris peut être partiellement restaurée par l’administration de progestérone exogène, la synthèse de progestérone (endogène) étant, chez la souris (mais
pas chez l’homme), sous contrôle d’un stimulus prolactinique (et donc très basse chez
les animaux PRLR –/ –). Ces observations
suggèrent que certaines déficiences des
fonctions reproductives humaines pourraient, outre les hormones gonadotropes,
impliquer également la PRL, même si tout
reste à démontrer dans ce domaine.
À côté de ces fonctions typiques confirmées
sans ambiguïté, les modèles knockout ont
établi de nouvelles cibles de la PRL, comme
le remodelage osseux. Ainsi, un retard de
développement dans la mise en place du
squelette des animaux PRLR –/ – a-t-il été
observé. Chez l’adulte, on observe aussi une
densité minérale osseuse et un taux d’apposition minérale plus faibles ainsi qu’une
hypercalcémie, par rapport aux souris sauvages, ce qui a pour conséquence une vitesse réduite du remodelage osseux (10). Plus
récemment, une altération du métabolisme
adipeux a également été observée chez les
souris PRLR –/ – âgées (< 8 mois), avec un
dimorphisme sexuel marqué puisque ce sont
les femelles qui sont affectées. Leur masse
adipeuse abdominale est significativement
réduite, de même que le taux circulant de
leptine, suggérant un rôle de la prolactine
sur le métabolisme et la croissance du tissu
adipeux. À l’inverse des phénotypes observés chez les animaux knockout, qui mettent
en lumière les déficiences résultant de l’absence d’activation du PRLR, les souris
transgéniques pour la PRL reflètent les
conséquence d’une surexpression de l’hormone et, en corollaire, de la suractivation de
son récepteur. Ainsi, ces souris transgéniques développent des hyperplasies mammaires plus rapidement que les souris
contrôles (9), ce qui rejoint les observations
faites in vitro quant au rôle prolifératif de la
prolactine sur les cellules épithéliales mammaires (tumorales), cibles par excellence de
la PRL. En revanche, l’hyperplasie prostatique observée chez ces souris démontre
l’action prépondérante de la PRL sur ce
tissu, jusque-là timidement suggérée (11).
Bien que encore préliminaires et réalisées
chez la souris, ces observations ouvrent la
porte à de nouvelles orientations de
recherches qui pourraient permettre de
mettre en évidence le rôle éventuel de la
PRL dans un contexte physiopathologique
élargi (12).
Enfin, si le spectre fonctionnel de la PRL
demeure vaste, certaines des actions qui lui
sont classiquement attribuées n’ont pas été
totalement confirmées à la lumière de ces
modèles murins. L’exemple typique concerne l’une des fonctions actuellement les plus
controversées de la PRL, à savoir son activité sur le système immunitaire. Au cours de
ces 30 dernières années, une multitude
d’études réalisées tant in vitro que sur des
modèles animaux aujourd’hui remis en
question (traitement par analogues dopaminergiques, hypophysectomie, etc.), ont
conclu à une fonction immunomodulatrice
de la PRL. Cependant, aucune altération des
réponses immunitaires n’a été décelée chez
les animaux knockout pour le PRLR ou la
PRL, suggérant que l’hormone n’exerce pas
d’action spécifiquement indispensable au
développement ou au fonctionnement d’une
sous-population particulière du système
immunitaire. Il a été proposé que l’action
stimulatrice de la PRL sur la plupart des
populations cellulaires immunitaires soit
relativement modeste en condition non
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pathologique, et s’exercerait plutôt dans un
contexte de stress physiologique (13).
En conclusion, l’enseignement principal
que nous pouvons tirer de l’analyse des
modèles animaux récents (knockout, transgéniques), technologiquement mieux maîtrisés que les modèles classiques, est que les
tissus cibles de la PRL sont nombreux,
variés, et sans doute mieux définis aujourd’hui qu’hier. Ceci devrait susciter un nouvel intérêt quant aux cibles potentielles de la
PRL en physiopathologie humaine.
Importance de la PRL d’origine
extra-hypophysaire
Si la source principale de PRL est l’hypophyse, l’existence d’une sécrétion périphérique de PRL est connue depuis plus de
vingt ans. Au cours de ces dix dernières
années, la liste des tissus/types cellulaires
identifiés comme des sources extra-hypophysaires de PRL n’a cessé de s’allonger, et
inclut à ce jour la glande mammaire, la
prostate, le cerveau, la decidua ou encore
les cellules lymphocytaires pour ne citer
que les principales (14). La PRL n’est donc
plus considérée exclusivement comme un
facteur agissant par voie endocrinienne classique, mais apparaît également comme un
facteur local, agissant par un mécanisme de
type autocrine/paracrine. Si de plus en plus
d’études attribuent à la PRL sécrétée localement un rôle physiologique important, il est
cependant très difficile de la quantifier,
d’évaluer l’éventuelle fluctuation de son
expression, ainsi que d’estimer la contribution des sources extra-hypophysaires de
PRL au taux d’hormone circulante. De plus,
il ressort d’études récentes réalisées sur cultures cellulaires qu’un même niveau d’activité biologique requiert des concentrations
d’hormones polypeptidiques (PRL, hormone de croissance) beaucoup plus faibles
lorsque celles-ci sont produites par les cellules elles-mêmes (endogène) que lorsqu’elles sont ajoutées de manière exogène.
Dans le contexte de certaines tumeurs,
notamment mammaire et prostatique, l’hypothèse aujourd’hui clairement formulée est
que la PRL responsable de l’effet proliféra-
tif de l’hormone serait d’origine locale plutôt qu’hypophysaire. Cette notion revêt un
caractère particulièrement important dans
notre perception du rôle physiopathologique
de la PRL. En effet, l’expression du gène de
la PRL dans les sites extra-hypophysaires
ne semble pas répondre aux mêmes agents
régulateurs que dans l’hypophyse et, en particulier la dopamine, principal facteur inhibiteur de la synthèse hypophysaire de PRL,
n’aurait apparemment aucun effet sur l’expression extra-hypophysaire de l’hormone.
Or, c’est essentiellement à la lumière de
l’absence d’effet bénéfique de traitements
dopaminergiques que l’implication de la
PRL dans certaines pathologies comme le
cancer du sein a été progressivement écartée, et ce malgré la pléiade d’arguments
expérimentaux plaidant le contraire (15). Si
l’hypothèse de la boucle autocrine-paracrine
reflète effectivement la situation rencontrée
in vivo, l’on comprend mieux que l’approche dopaminergique, omettant l’inhibition de PRL extra-hypophysaire, n’était pas
adéquate. C’est l’une des bases scientifiques
justifiant le besoin de trouver d’autres molécules anti-prolactiniques, comme par
exemple les antagonistes de l’hormone.
Étude structure-fonction
de la PRL et développement
d’antagonistes
En 1989, nous avons entamé une étude des
relations structure-fontion de la prolactine
humaine (hPRL), avec pour but initial de
définir le mécanisme d’activation du PRLR
par l’hormone. Une des caractéristiques des
récepteurs de cytokines est qu’ils sont formés de deux ou plusieurs chaînes protéiques
transmembranaires, identiques ou non, qui,
lors de l’interaction avec le ligand, s’oligomérisent pour constituer un complexe fonctionnel (5). C’est uniquement sous cette
forme (sauf dans des cas pathologiques
d’activation constitutive) que les récepteurs
vont déclencher divers événements intracellulaires. Le PRLR s’avère être le modèle de
récepteur de cytokines le plus simple puisqu’il est activé par homodimérisation,
induite par la fixation du ligand. Nous avons
identifié sur la hPRL deux régions impliquées dans la liaison au récepteur, appelées
sites de liaison 1 et 2 (figure 1). La fixation
de la hPRL sur son récepteur s’effectue de
manière séquentielle (figure 3,A) : dans un
premier temps, le site 1 interagit avec une
molécule de récepteur, ce qui conduit à la
formation d’un complexe inactif de stoechiométrie 1:1 (1 hormone, 1 récepteur).
Dans un second temps, ce complexe inactif
interagit avec une autre molécule de PRLR,
ce qui conduit à la formation d’un complexe
trimérique actif, comprenant une molécule
d’hormone et deux molécules de récepteur
(le PRLR est dit “homodimérisé”). Cette
deuxième étape implique deux interactions
protéine-protéine : l’une entre le site de liaison 2 de l’hormone et le second récepteur,
l’autre entre les deux récepteurs. Sans que
l’on en comprenne encore très bien les raisons moléculaires et dynamiques, la première interaction hormone-récepteur se fait toujours via le site 1 et non le site 2 ; l’affinité
de liaison supérieure du site 1 pour le PRLR
y est sans doute pour quelque chose (1).
Ce modèle d’activation des récepteurs
homodimériques, initialement décrit pour le
récepteur de la GH, a permis de développer
des antagonistes de la PRL (ou de la GH)
selon une même stratégie : des hormones
dont le site de liaison 2 est rendu non fonctionnel par mutagenèse dirigée ne sont plus
capables d’induire l’homodimérisation du
récepteur, et sont de ce fait inactives. En
revanche, comme de tels mutants sont toujours capables de se lier au récepteur via
leur site de liaison 1 (non modifié), ils
induisent la formation de complexes 1:1,
inactifs (figure 3,B). Lorsqu’ils sont ajoutés
en présence de la hPRL, ces mutants entrent
en compétition avec l’hormone naturelle
pour la liaison au récepteur. Ainsi, lorsqu’ils
sont présents en excès molaire (au moins
dix fois) par rapport à la hPRL, la formation
de complexes 1:1 (inactifs) est favorisée, ce
qui conduit à l’inactivation des voies de
signalisation et, en corollaire, inhibe les
activités biologiques normalement induites
par la hPRL (1, 4) (figure 3,C). Ces mutants
de site 2 sont donc des antagonistes.
274
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001
Nouvelles approches
Agonistes et antagonistes
de la PRL : vers de nouvelles
applications en thérapeutique ?
Si le spectre des tissus cibles de la PRL est
potentiellement très étendu, l’hormone ne
jouit actuellement d’aucune application thérapeutique. De plus, aucune mutation naturelle, ni moins encore de maladie monogénique liée à la PRL ou son PRLR n’ayant été
décelée à ce jour, une des questions essentielles qui se posent aujourd’hui réside dans
la nature des pathologies potentiellement
liées au couple PRL/PRLR. Comme nous
l’avons évoqué plus haut, il est sans doute
nécessaire de revoir quelque peu les vieilles
notions ancrées suite à l’inefficacité des analogues dopaminergiques dans certaines
pathologies. L’idée que des cibles insoupçonnées puissent être concernées par la PRL
(os, tissu adipeux) émerge progressivement.
À l’heure actuelle, il apparaît raisonnable de
reconsidérer l’implication de la PRL dans le
cancer du sein. Il est indéniable que le rôle
joué par le estrogènes dans la prolifération
tumorale mammaire est évidemment prépondérant, et les thérapies anti-hormonales
actuelles font d’ailleurs essentiellement
appel aux molécules anti-estrogènes. Il
apparaît, cependant, qu’une part non négligeable des tumeurs mammaires n’expriment
pas les récepteurs aux estrogènes et/ou ne
répondent pas aux anti-estrogènes. Dans de
tels cas, des approches complémentaires
et/ou alternatives sont nécessaires. Contrairement aux récepteurs aux estrogènes, (à
peu près) toutes les tumeurs mammaires
expriment de PRLR, et même de manière
plus intense dans le contexte tumoral que
dans le tissu sain. La glande mammaire
étant l’une des sources extra-hypophysaire
de PRL, nous considérons donc comme fondée l’hypothèse d’une action proliférative
de la PRL exercée par un mécanisme autocrine-paracrine. Dans un tel contexte, en
l’absence de molécule connue pour réguler
négativement l’expression du gène PRL
dans l’épithélium mammaire, les antagonistes de la PRL apparaissent comme un
Figure 3. Modèle d’activation du PRLR et mécanisme d’action des antagonistes de la hPRL.
A. La hPRL active son récepteur en induisant sa dimérisation de manière séquentielle : le site de liaison 1
d’abord, puis le site de liaison 2 ensuite interagissent chacun avec une molécule de récepteur. B.
L’introduction d’un encombrement stérique dans le site 2 (par exemple, remplacement d’une glycine par une
arginine) inactive ce second site de liaison ; les hPRL mutées dans le site 2 ne peuvent donc plus induire la
dimérisation du PRLR et sont de ce fait inactives. C. Ces hPRL mutées dans le site 2 conservant la capacité
de se lier au hPRL via leur site 1, elles agissent comme des antagonistes par un mécanisme de compétition
avec la hPRL naturelle pour la liaison au PRLR.
outil de choix pour inhiber l’action mitogénique de l’hormone endogène. Une étude
récemment menée dans notre laboratoire a
confirmé l’efficacité des antagonistes pour
inhiber la prolifération de lignées tumorales
mammaires humaines in vitro (16) ; les ana-
lyses in vivo sont actuellement en cours. Si
les tumeurs mammaires demeurent certainement le champ d’application potentiel
actuellement le plus documenté pour les
antagonistes de la PRL, un raisonnement
similaire commence à émerger autour des
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001
Nouvelles approches
tumeurs prostatiques. La prostate humaine
exprime la PRL et son récepteur, et les
observations réalisées sur les souris surexprimant la PRL vont également dans le sens
d’une action pro-néoplasique de la PRL
(11).
De manière beaucoup plus spéculative, nous
pouvons également évoquer l’une ou l’autre
application potentielle non pas pour les
antagonistes de la PRL, mais au contraire
pour des agonistes de l’hormone. C’est le
cas, par exemple, du système immunitaire,
même si le rôle de la PRL y demeure encore
ambigu. Les modèles animaux récents suggèrent qu’elle n’est pas indispensable au
développement ni au fonctionnement du
système immunitaire, à tout le moins chez
la souris. En revanche, l’action agoniste de
la PRL pourrait s’articuler autour d’un effet
immunomodulateur positif (stimulation)
exercé en situation de stress, ce qui a amené
un groupe américain à suggérer l’utilisation
de PRL dans divers cas d’immuno-déficience, comme des cancers ou encore un
contexte de myélosuppression (17). Par
ailleurs, et cette fois sans réels autres arguments que ceux tirés des modèles animaux,
le rôle bénéfique de la PRL sur le métabolisme osseux mérite d’être exploré, et a fait
l’objet d’une revue de synthèse dans ce
périodique il y a deux ans (18).
Nous terminerons ce bref tour d’horizon des
diverses facettes de la PRL en mentionnant
un de ses variants tout à fait intéressant,
dénommé PRL 16K. Comme son nom l’indique, cette PRL possède une masse moléculaire de 16 kDa et correspond à la partie
N-terminale de la PRL naturelle. La PRL
16K résulte d’un clivage enzymatique de la
PRL native par une protéase supposée être
la cathepsine D, exprimée dans de très nombreux types de tissus. Cette PRL 16K
n’exerce apparemment plus aucune des
fonctions de la PRL entière (elle ne se lie
pas au PRLR), mais a acquis la faculté de se
lier à un autre récepteur, non identifié à ce
jour, via lequel elle exerce une activité antiangiogénique (19). L’angiogenèse étant un
des paramètres essentiels de la prolifération
des tumeurs solides, les propriétés antiangiogéniques de la PRL font aujourd’hui
l’objet d’études intensives dans plusieurs
Figure 4. Les antagonistes de la hPRL inhibent potentiellement tous les ligands du PRLR.
Chez l’homme, chaque cellule exprimant le PRLR est la cible potentielle de plusieurs ligands (hPRL, hGH
et hPL), ayant des origines diverses (hypophyse et sources extra-hypophysaires), qui peuvent agir par voie
endocrine classique ou autocrine-paracrine (locale). À l’heure actuelle, seul le mode d’action endocrine de
la hPRL et de la hGH peuvent être inhibés au niveau de leur synthèse par les analogues dopaminergiques et
la somatostatine, respectivement. Agissant au niveau de l’étape d’activation du PRLR, les antagonistes de la
hPRL inhibent potentiellement l’action de tous les ligands du récepteur, quels que soient leur nature (PRL,
GH, PL), leur origine (hypophysaire ou périphérique) et leur mécanisme d’action (endocrine ou local).
groupes. Selon le modèle proposé par J.
Folkman pour d’autres facteurs anti-angiogéniques, nous avons récemment émis l’hypothèse que l’action de la PRL dans certains
contextes tumoraux pourrait donc s’inscrire
dans un équilibre entre les effets angiogéniques et mitogéniques de l’hormone native
(“protumorale”), et l’action anti-angiogénique de son fragment 16 K (“antitumorale”)
(20). Si cete hypothèse est élégante, elle se
doit cependant d’être démontrée expérimen-
talement quant à sa pertinence physiologique, notamment chez l’homme.
Conclusion
Si la diversité des tissus cibles de la prolactine in vivo est aujourd’hui clairement
démontrée chez la souris, le prolongement
de cette observation à l’espèce humaine
demande sans doute un regard nouveau dans
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001
Nouvelles approches
nos approches investigatrices de cette hormone.
L’importance physiologique de la PRL
d’origine extra-hypophysaire et le mécanisme d’action autocrine-paracrine qui l’accompagne, même s’ils sont difficiles à évaluer précisément, apportent sans doute une
part d’explication quant à l’échec des thérapies dopaminergiques dans certaines pathologies comme le cancer du sein ; assurément, comprendre la voie autocrine-paracrine
est un axe de recherche prometteur dans le
contexte physiopathologique. Enfin, la disponibilité récente d’antagonistes de la prolactine et, nous l’espérons, le développement de nouvelles générations d’antagonistes
plus puissants figurent parmi les éléments
qui devraient changer notre perception
actuelle du rôle attribué à la prolactine en
physiopathologie humaine (figure 4,).
●
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A U T O - T E S T
A U T O - T E S T
1. La source unique de prolactine est l’hypophyse.
2. La dopamine inhibe totalement la synthèse de prolactine
in vivo.
3. Le principal tissu cible de la prolactine est la glande mammaire.
4. ll existe de nombreuses sources extra-hypophysaires de
prolactine.
5. Dans des modèles expérimentaux, la prolactine stimule la
prolifération tumorale de certains de ses tissus cibles,
comme la glande mammaire ou la prostate.
6. Le mécanisme d’action autocrine-paracrine de la prolactine est suspecté d’être responsable de l’action de prolifération tumorale de l’hormone sur ces tissus in vivo.
7. L’os, le tissu adipeux ou le système immunitaire sont des
cibles potentielles de la prolactine.
8. Les antagonistes de la prolactine se lient au récepteur de
la prolactine mais ne l’activent pas, mécanisme moléculaire ayant sous-tendu meur développement.
9. L’action des antagonistes de la prolactine sur la porlifération tumorale des tumeurs mammaires et prostatiques
est démontré in vivo, tant sur modèles animaux que chez
l’homme.
10. La prolactine et l’un de ses variants jouent un rôle
potentiel dans le contrôle de l’angiogenèse.
Réponses : 1. faux - 2. faux - 3. vrai - 4. vrai - 5. vrai - 6. vrai - 7. vrai - 8. vrai - 9. faux - 10. vrai.
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