Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2001
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Nouvelles approches
croissance et le développement, le contrôle
du comportement (essentiellement mater-
nel), et, enfin, l’immunomodulation. La réa-
lité physiologique de certaines de ces fonc-
tions doit cependant être regardée avec
prudence, notamment lorsqu’elles ont été
observées dans des contextes éloignés de la
physiologie (cellules transfectées par
exemple), mais sans doute plus encore lors-
qu’elles ont été déduites de modèles ani-
maux classiques dont on connaît aujour-
d’hui les limites, voire les biais. C’est le
cas, par exemple, des modèles animaux trai-
tés par des analogues dopaminergiques ou
hypophysectomisés, qui s’avèrent incom-
plets dans l’inhibition de la source endogè-
ne de prolactine puisque sans effet sur la
synthèse extra-hypophysaire de l’hormone
(voir paragraphe suivant), ou encore de sou-
ris naines Snell-dwarf (dw/dw) présentant
une déficience hypophysaire dépassant la
seule PRL (la GH et la TSH sont également
absentes).
Au cours des cinq dernières années, des
modèles animaux mieux contrôlés ont été
développés et analysés : il s’agit de souris
knockout dont les gènes codants pour la
PRL (7) ou son récepteur (8) ont été invali-
dés, ou encore de souris transgéniques dans
le génome desquelles le gène de la PRL a
été inséré, conduisant à la surexpression de
l’hormone (9). En résumé, l’analyse phéno-
typique de ces modèles animaux a permis i)
de confirmer les actions historiquement
décrites de la PRL sur la lactation et la
reproduction, ii) de mettre en lumière de
nouvelles actions/tissus cibles de la PRL et,
enfin, iii) de replacer certaines actions pré-
cédemment attribuées à la PRL au rang de
fonctions sans doute modulées, mais certai-
nement pas contrôlées par l’hormone.
La fonction lactotrope historiquement
reconnue pour la PRL a été confirmée non
seulement par les modèles d’invalidation
des gènes de la PRL et du PRLR, mais éga-
lement par celui de Stat5a, une des molé-
cules essentielles dans la transmission du
signal intracellulaire par le PRLR. Les
femelles PRL–/–ou PRLR–/–étant stériles, la
lactation ne peut évidemment pas s’observer
chez ces animaux. Plus surprenant, les
jeunes femelles hétérozygotes PRLR+/–ne
peuvent allaiter correctement, indiquant que
le seuil d’expression du PRLR nécessaire au
développement fonctionnel de la glande
mammaire et à une lactation correcte ne
peut être obtenu avec un seul allèle PRLR.
En revanche, dès la deuxième gestation, la
lactation devient possible chez ces mêmes
femelles PRLR+/–(8), ce qui suggère que la
glande mammaire acquiert un nombre de
canaux et d’alvéoles compatible avec une
lactation efficace après plusieurs cycles
œstraux d’imprégnation hormonale et une
nouvelle gestation. Outre ces troubles de
lactation, assez attendus, les femelles
PRLR–/–sont stériles et présentent un déficit
d’implantation des embryons fécondés, tra-
duisant le rôle essentiel de la PRL dans les
fonctions de reproduction chez la souris. La
gestation de ces souris peut être partielle-
ment restaurée par l’administration de pro-
gestérone exogène, la synthèse de progesté-
rone (endogène) étant, chez la souris (mais
pas chez l’homme), sous contrôle d’un sti-
mulus prolactinique (et donc très basse chez
les animaux PRLR–/–). Ces observations
suggèrent que certaines déficiences des
fonctions reproductives humaines pour-
raient, outre les hormones gonadotropes,
impliquer également la PRL, même si tout
reste à démontrer dans ce domaine.
À côté de ces fonctions typiques confirmées
sans ambiguïté, les modèles knockout ont
établi de nouvelles cibles de la PRL, comme
le remodelage osseux. Ainsi, un retard de
développement dans la mise en place du
squelette des animaux PRLR–/–a-t-il été
observé. Chez l’adulte, on observe aussi une
densité minérale osseuse et un taux d’appo-
sition minérale plus faibles ainsi qu’une
hypercalcémie, par rapport aux souris sau-
vages, ce qui a pour conséquence une vites-
se réduite du remodelage osseux (10). Plus
récemment, une altération du métabolisme
adipeux a également été observée chez les
souris PRLR–/–âgées (< 8 mois), avec un
dimorphisme sexuel marqué puisque ce sont
les femelles qui sont affectées. Leur masse
adipeuse abdominale est significativement
réduite, de même que le taux circulant de
leptine, suggérant un rôle de la prolactine
sur le métabolisme et la croissance du tissu
adipeux. À l’inverse des phénotypes obser-
vés chez les animaux knockout, qui mettent
en lumière les déficiences résultant de l’ab-
sence d’activation du PRLR, les souris
transgéniques pour la PRL reflètent les
conséquence d’une surexpression de l’hor-
mone et, en corollaire, de la suractivation de
son récepteur. Ainsi, ces souris transgé-
niques développent des hyperplasies mam-
maires plus rapidement que les souris
contrôles (9), ce qui rejoint les observations
faites in vitro quant au rôle prolifératif de la
prolactine sur les cellules épithéliales mam-
maires (tumorales), cibles par excellence de
la PRL. En revanche, l’hyperplasie prosta-
tique observée chez ces souris démontre
l’action prépondérante de la PRL sur ce
tissu, jusque-là timidement suggérée (11).
Bien que encore préliminaires et réalisées
chez la souris, ces observations ouvrent la
porte à de nouvelles orientations de
recherches qui pourraient permettre de
mettre en évidence le rôle éventuel de la
PRL dans un contexte physiopathologique
élargi (12).
Enfin, si le spectre fonctionnel de la PRL
demeure vaste, certaines des actions qui lui
sont classiquement attribuées n’ont pas été
totalement confirmées à la lumière de ces
modèles murins. L’exemple typique concer-
ne l’une des fonctions actuellement les plus
controversées de la PRL, à savoir son activi-
té sur le système immunitaire. Au cours de
ces 30 dernières années, une multitude
d’études réalisées tant in vitro que sur des
modèles animaux aujourd’hui remis en
question (traitement par analogues dopami-
nergiques, hypophysectomie, etc.), ont
conclu à une fonction immunomodulatrice
de la PRL. Cependant, aucune altération des
réponses immunitaires n’a été décelée chez
les animaux knockout pour le PRLR ou la
PRL, suggérant que l’hormone n’exerce pas
d’action spécifiquement indispensable au
développement ou au fonctionnement d’une
sous-population particulière du système
immunitaire. Il a été proposé que l’action
stimulatrice de la PRL sur la plupart des
populations cellulaires immunitaires soit
relativement modeste en condition non