Les antiviraux dans l’hépatite B : mode d’action et résistance D

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Les antiviraux dans l’hépatite B :
mode d’action et résistance
Antiviral treatment in hepatitis B: mode of action and resistance
IP C. Fournier, F. Zoulim*
 Points forts
 Le virus de l’hépatite B provoque une réaction immunitaire
dirigée contre les hépatocytes infectés, permettant dans la
majorité des cas d’éliminer le virus et d’obtenir une guérison
spontanée. En cas de réponse immunitaire insuffisante, le virus
persiste et conduit à un large spectre de lésions hépatiques
chroniques, incluant la cirrhose et le développement d’un
hépatocarcinome.
 L’infection à VHB persiste dans l’organisme durant des décennies, entretenue principalement grâce à une forme d’ADN viral,
appelée ADNccc, qui maintient le génome viral en servant de
matrice à la transcription de celui-ci.
 Jusqu’en 1998, l’interféron α était le seul antiviral efficace
reconnu. La découverte des analogues des nucléosides et des
nucléotides a permis d’offrir une alternative thérapeutique aux
patients n’ayant pas répondu au traitement antérieur ou ne
tolérant pas l’interféron α. Ces antiviraux agissent en inhibant
l’activité de la polymérase virale impliquée dans le processus
de réplication virale.
 Cependant, l’administration prolongée d’antiviraux favorise
l’émergence de mutants capables de survivre et de se répliquer
sous traitement. Les principales mutations sont situées dans
le gène de la polymérase virale et sont actuellement défi-
L’
hépatite B représente un problème majeur de santé publique, avec environ 400 millions de porteurs chroniques
du virus. Le virus de l’hépatite B (VHB), bien que peu
cytopathique, induit une réponse immunitaire contre les hépatocytes infectés, entraînant des lésions cellulaires et pouvant aboutir
au développement d’une hépatite chronique, d’une cirrhose et
potentiellement d’un hépatocarcinome (2, 44, 46). La découverte
d’agents antiviraux actifs contre le VHB a révolutionné le traitement des patients atteints d’hépatite B chronique. Longtemps,
le seul médicament capable d’inhiber la réplication virale et
d’induire une séroconversion a été l’interféron α. Actuellement,
les analogues des nucléosides et des nucléotides constituent les
piliers du traitement antiviral. Outre leur très bonne tolérance,
* Service d’hépato-gastroentérologie, Hôtel-Dieu et Inserm, unité 271, Lyon.
188
nies. Elles entraînent un échappement viral, qui se manifeste
dans un premier temps par une augmentation de la charge
virale, puis cliniquement, par la reprise de la progression de
la maladie hépatique.
 Une surveillance régulière du patient est donc indispensable
pour détecter la survenue d’une résistance et pour modifier le
traitement avant que celle-ci n’entraîne une nouvelle poussée
inflammatoire hépatique. L’addition d’un autre analogue de
nucléoside ou de nucléotide sans résistance croisée avec le
précédent représente la meilleure stratégie thérapeutique
dans la prise en charge des souches résistantes au traitement
antiviral.
 La prévention des résistances peut être obtenue par la combinaison d’antiviraux d’emblée ou l’addition précoce d’une
seconde molécule antivirale en cas d’inhibition insuffisante.
Mots-Clés : Hépatite chronique B – Traitement antiviral –
Résistance génotypique – Mutations.
Keywords: Chronic hepatitis B – Antiviral treatment – Genotypic
resistance – Mutations.
ils ont un effet antiviral précoce, conduisant à une diminution des
transaminases et à une amélioration de l’histologie. Cependant,
la survenue de mutants résistants au traitement limite le bénéfice
à long terme des antiviraux (49). Cette revue traite, d’une part,
des facteurs impliqués dans la persistance de l’infection, du mode
d’action des antiviraux, des mécanismes de résistance du VHB
aux inhibiteurs de la polymérase virale, et d’autre part des grandes
lignes de prophylaxie et de traitement des souches résistantes.
RÉPLICATION VIRALE ET PERSISTANCE DU VIRUS
DANS LA CELLULE
Notre connaissance du VHB et de sa faculté à infecter et à se
perpétrer dans les hépatocytes découle des expériences en culture
cellulaire et dans les modèles animaux (marmotte et canard de
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 4 - septembre 2006
Pékin principalement) [11, 32]. Ces systèmes d’études in vitro et
in vivo ont permis l’analyse génétique et fonctionnelle du virus,
la compréhension de son cycle cellulaire et du rôle de l’ADNccc
(circulaire clos de façon covalente) intrahépatique dans la persistance de l’infection (11, 32). Ils ont permis également d’étudier le
mécanisme d’action et l’efficacité des analogues des nucléosides, la
cinétique de la clairance virale, l’apparition de mutations responsables de résistances au traitement et la toxicité des médicaments.
Le VHB infecte les hépatocytes, mais également d’autres cellules
comme les cellules épithéliales biliaires, médullaires, rénales,
cutanées, spléniques, pancréatiques et les cellules mononucléées.
Le cycle de réplication virale est actuellement bien décrit et
représenté dans la figure 1 (11, 32).
L’élimination naturelle du virus se fait par l’action des différents
composants de la réponse immune, médiée à la fois par les CD4
et les cellules B produisant des anticorps neutralisants contre les
virions, les cytokines, TNFα ou interféron γ, induisant un effet
antiviral direct, les lymphocytes CD8 entraînant la destruction
des hépatocytes et les cellules NK et NKT amplifiant la réponse
immune (13, 36, 41, 42).
Virion
Interaction
L’infection chronique est due à la persistance de l’ADNccc
dans les hépatocytes. Lors de l’infection, celui-ci est synthétisé,
incorporé dans le noyau sous forme de minichromosome non
intégré au génome cellulaire et maintenu à un niveau de 30 à
50 copies par cellule (38). Il sert de matrice à la transcription
des gènes viraux. Son importance est liée au fait que l’ADNccc
peut persister dans l’organisme durant plusieurs décennies, et
ce, même si l’infection n’est plus détectable dans le sang par les
marqueurs sérologiques classiques (31, 40). En cas de diminution
de l’immunité (coïnfection VIH-VHB, greffe hépatique), le réservoir d’ADNccc est à l’origine du redémarrage de la réplication
virale, avec réactivation de la maladie. La quantité d’ADNccc
intrahépatique peut être évaluée par des marqueurs indirects,
comme les taux d’antigène HBs et l’antigène préS1, qui sont
corrélés à l’importance du “pool” de l’ADNccc (40).
La persistance du virus est donc liée à des facteurs provenant à la
fois de l’hôte et du virus (49). La longue demi-vie des hépatocytes
et l’ADNccc intrahépatique permettent de maintenir la réplication
virale, notamment si la réponse immunitaire spécifique du VHB
est déficiente. La grande variabilité du génome viral joue égale-
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Récepteur
Entrée
Noyau
Formation de l'ADNccc
Transcription
pgRNA
ADN
ADNccc
Amplification de
l'ADNccc
Synthèse du
brin (+)
RE
ADN (+)
Transcription
inverse
ARNm
AAA
AAA
AAA
AAA
Traduction
Encapsidation
ARN prégénomique
Hépatocyte
Figure 1. Cycle de la réplication virale.
Après son entrée dans la cellule, le virus perd sa nucléocapside et l’ADN viral pénètre dans le noyau où il est transformé en ADNccc. L’ARN prégénomique est transcrit à partir de cet ADN viral, encapsidé et relâché dans le cytoplasme où il sert de matrice à la synthèse de l’ADN négatif. La
polymérase virale initie la formation du brin ADN positif. Une fois mature, la capside s’assemble avec les protéines de l’enveloppe présentes
dans le réticulum endoplasmique en un virion complet qui est libéré dans la circulation. Elle est aussi recyclée dans le noyau où elle générera
d’autres copies d’ADNccc.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 4 - septembre 2006
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ment un rôle important. En effet, de multiples erreurs spontanées
surviennent quotidiennement dans le génome viral, à l’origine
de variants génétiques. Enfin, au niveau de l’hôte interviennent
des pressions de sélection, positives ou négatives, induites par
l’administration d’antiviraux, par exemple. Ces modifications
conduisent à la sélection de mutants capables de se répliquer
dans ce nouvel environnement et confèrent à ces souches un
potentiel de résistance aux antiviraux.
ANTIVIRAUX
Le but du traitement est de contrôler la réplication virale en
accélérant l’évolution naturelle de la maladie, de manière à passer
d’une phase d’hépatite active à une phase plus tardive, où la
réplication virale et les lésions hépatiques diminuent significativement. L’autre objectif est d’intensifier la réponse immune
nécessaire à contrôler la réplication virale. À plus large échelle,
il consiste à diminuer la transmission du virus par action sur
l’infectiosité du VHB.
Les antiviraux actuellement approuvés pour le traitement de
l’hépatite B sont résumés dans le tableau.
Tableau. Antiviraux approuvés ou en cours d’étude utilisés dans le
traitement de l’hépatite chronique B.
Type de médicament
Approuvés
Analogues
des nucléosides
Lamivudine
Entécavir
Analogues des
nucléotides
Adéfovir – dipivoxil
Cytokines
Interféron alpha
Interféron pégylé alpha-2a
Phase III
Phase II
Clévudine
Elvucitabine
Emtricitabine
Amdoxovir
Telbivudine
Racivir
LB80380
Ténofovir
Alamifovir
Pradéfovir
Mécanisme des antiviraux
L’interféron α fut le premier antiviral introduit sur le marché dans
les années 1980. Il agit par deux mécanismes, un effet antiviral
direct (inhibition de la synthèse de l’ADN et des protéines du VHB,
prévention de la propagation de l’infection aux cellules) et un effet
immunomodulateur (augmentation de l’expression des antigènes
d’histocompatibilité de classe I et stimulation des lymphocytes CD4
et CD8). L’interféron pégylé est le résultat de la liaison entre l’interféron α et le polyéthylène glycol (PEG). L’association diminuant
la clairance de l’interféron par les reins, elle augmente sa demi-vie,
permettant l’administration d’une injection unique par semaine.
L’avantage de l’interféron pégylé est d’obtenir une concentration
plus stable du médicament. Il montre par ailleurs une meilleure
efficacité antivirale que l’interféron standard (7, 22, 28).
190
Les analogues des nucléosides et des nucléotides bloquent
l’activité de la polymérase virale durant la synthèse du génome
viral, et inhibent ainsi l’élongation de l’ADN viral. Par ailleurs,
après incorporation dans l’ADN viral, ils empêchent l’addition
du nucléotide suivant dans le génome par un mécanisme de
terminaison de chaîne.
La lamivudine est un inhibiteur compétitif du dCTP (désoxycytidine-triphosphate). Elle présente un avantage sur l’interféron
par son absence d’effets secondaires. Par ailleurs, elle induit une
amélioration clinique, une diminution rapide et efficace (4-5 log
10 copies/ml) de la charge virale dans le sérum, une normalisation des transaminases et une amélioration de l’histologie (18).
Cependant, son efficacité est limitée par la survenue de résistances. Le mode d’action de l’emtricitabine est similaire à celui
de la lamivudine (12). La clévudine (L-FMAU) est un nouveau
β-L-nucléoside dérivé de la déoxythymine (TTP). Cette molécule
n’a qu’un effet limité sur l’activité de la transcriptase inverse. Son
action principale consiste en l’inhibition de l’activité de l’ADN
polymérase ADN dépendante (29, 33). L’entécavir est un analogue de la cyclopentyl-guanosine, inhibant l’élongation du brin
négatif de l’ADN viral par son incorporation à la place du dGTP
(déoxyguanosine-triphosphate) naturel. Cette substance a un
haut potentiel suppresseur de la réplication virale (diminution de
5-6 log 10 copies/ml de la charge virale), révélant ainsi une efficacité supérieure à celle de la lamivudine (4, 21, 48). La telbivudine
(LdT) a une activité inhibitrice in vitro. Son efficacité est évaluée
actuellement dans une étude de phase III (20).
Après administration orale, l’adéfovir-dipivoxil est métabolisé en
adéfovir, qui agit en inhibant l’incorporation d’adénosine triphosphate dans le génome de la polymérase virale (15, 27). Le ténofovir
disoproxil fumarate est la prodrogue du ténofovir (PMPA). Déjà
utilisé dans le traitement de l’infection au VIH, il s’est avéré très
efficace in vivo et in vitro dans le traitement des hépatites B chroniques. Son profil rend ce médicament particulièrement intéressant
dans le traitement des patients coïnfectés (17).
Résistance aux antiviraux
Le bénéfice clinique des antiviraux a été freiné par la survenue
de mutations des souches virales diminuant leur sensibilité au
traitement. La résistance génotypique représente l’émergence
d’un mutant résistant dans le gène de la polymérase virale sous la
pression de sélection exercée par le médicament. Elle est suivie
d’un échappement viral, caractérisé par la perte de suppression
de la réplication virale en dépit du traitement et se manifeste
par une augmentation persistante de la charge virale sérique
(au moins 1 log 10 copies/ml par rapport aux valeurs les plus
basses sous traitement antiviral) [24, 30].
On note également une perte du bénéfice clinique avec la reprise
de la progression de la maladie hépatique, parfois sous la forme
d’une exacerbation aiguë grave (23, 25).
L’analyse génétique du génome viral devient alors indispensable
pour l’adaptation du traitement antiviral. Le séquençage repose
sur l’amplification d’une partie du génome viral par PCR et
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 4 - septembre 2006
permet d’identifier les mutations, puis de les comparer aux
séquences connues du virus répertoriées dans les banques de
données (26, 35). Les tests phénotypiques in vitro distinguent
ensuite une mutation secondaire à une résistance d’une variabilité spontanée du virus et déterminent si cette mutation est
véritablement capable de conférer une résistance au médicament.
Ces techniques génotypiques et phénotypiques permettent de
déceler les mutants résistants avant la montée de la charge virale.
Les analyses phénotypiques permettent aussi de déterminer le
profil de résistance croisée (3, 10, 43).
La plupart des données concernant les résistances ont été obtenues à partir d’études menées sur la lamivudine, puisqu’il s’agit
de l’agent le plus largement prescrit. De nombreuses mutations
induites par les antiviraux utilisés dans le traitement de l’hépatite
B sont actuellement connues (24, 49). Celles-ci sont résumées
dans la figure 2.
d’échappement à l’entécavir est lent et le mécanisme de résistance à cet antiviral s’avère plus complexe. Plusieurs mutations
seraient nécessaires à l’apparition de souches résistantes (5, 37).
Les études suggèrent également que l’administration antérieure
de lamivudine et la présence concomitante dans le génome
viral des mutations de résistance à la lamivudine accélèrent la
survenue d’une résistance complète à l’entécavir par l’addition
de mutations de type S202G ou S202I ou M250V (5, 37). L’adéfovir-dipivoxil appartenant à une famille chimique différente
de la lamivudine, les mutations se font dans d’autres régions
de la polymérase (domaines B et D). Deux sont maintenant
bien connues : A181V et N236T (1, 39). La mutation n’entraîne
qu’une diminution peu importante de la susceptibilité in vitro du
médicament, possiblement en raison de l’homologie de l’adéfovir
avec son substrat naturel. Cela explique le faible pourcentage
et le délai observé dans l’émergence des souches résistantes.
Cette baisse de susceptibilité est cependant suffisante pour que
le virus échappe au traitement antiviral. La mutation rtA194T
a été détectée chez deux patients traités par ténofovir, mais son
rôle dans la résistance au ténofovir reste à confirmer (34).
Mécanisme de la résistance aux antiviraux
La résistance à la lamivudine in vivo et in vitro est due à une
mutation de la méthionine (M) en valine (V), isoleucine (I)
(rarement sérine) au niveau de l’acide aminé 204, situé dans
le motif YMDD du domaine C de la polymérase virale (M204I
ou M204V). Les souches mutantes dans le motif YMDD ont
une activité enzymatique et une réplication diminuées, nécessitant des mutations compensatoires (L180M et V173L) pour
restaurer leurs capacités réplicatives (8). Les données sur les
résistances à l’emtricitabine, la clévudine et la telbivudine sont
encore partielles. Les premières études montrent cependant des
mutations similaires à celles de la lamivudine (20). Le processus
Protéine terminale
Impact clinique de la résistance
L’incidence cumulative de la résistance à la lamivudine est d’environ 20 % par année (70 % après 4 ans) [19, 50]. Des facteurs
prédictifs de l’apparition de souches mutantes sont actuellement
connus. Avant le début du traitement, la présence d’une cytolyse
importante (ALT > 3 fois la norme), d’un index d’inflammation
hépatique histologique modéré à sévère, d’une charge virale
élevée et d’un index de masse corporelle important indiquent
Espaceur
Pol/RT
183
RNaseH
349
(rt1)
692
(rt344)
GVGLSPFLLA
I(G)
II(F)
A
LAM/FTC
B
V173L
L180M
ADV
A181V
ETV
I169T/T184G
LdT
TDF
Dossier thématique
D ossier thématique
845 acides
aminés
YMDD
C
D
E
M204I/V
N236T
S202G/I
M250V
M204I
V191I A194T
Figure 2. Les principales mutations du gène de la polymérase virale responsables de la résistance aux antiviraux.
LAM : lamivudine, FTC : emtricitabine, ADV : adéfovir, ETV : entécavir, LdT : telbivudine, TDF : ténofovir.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 4 - septembre 2006
191
un risque accru d’échappement au traitement à la lamivudine
(19, 50). Sous traitement, la persistance d’une charge virale
supérieure à 3 log 10 copies/ml après 24 semaines est associée à un risque significatif de survenue d’une résistance à la
lamivudine (45). Le pourcentage de résistance à l’adéfovir est
beaucoup plus faible, quasi inexistant après un an de traitement,
mais augmentant progressivement pour atteindre 29 % après
5 ans (14, 16). À noter qu’il existe également une minorité de
patients (5 %) présentant une mauvaise réponse primaire au traitement par adéfovir. Les dernières données montrent l’absence
de résistance à l’entécavir chez les patients naïfs de traitement
après 96 semaines. En revanche, le taux de résistance augmente
à 10 % lorsque les patients sont traités par entécavir pour une
résistance à la lamivudine (6). Les premières études sur la telbivudine montrent un échappement virologique confirmé par
analyse génotypique chez 4,5 % des patients après 52 semaines
de traitement (20).
Les répercussions cliniques de la résistance à la lamivudine
sont maintenant reconnues (9, 25). En effet, l’échappement au
traitement entraîne une progression de la maladie hépatique
pouvant conduire à des exacerbations aiguës et à une insuffisance
hépatique. Les altérations graves sont plus fréquentes en cas
d’infection par un mutant précore, de cirrhose ou d’immunosuppression (figure 3).
Progression de la maladie (%)
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Placebo (n=215)
YMDDm (n=209) (49 %)
Type sauvage (n=221)
21 %
Placebo
13 %
YMDDm
TS
5%
Temps après randomisation (mois)
Figure 3. Impact clinique de la résistance à la lamivudine.
La présence de la mutation YMDD entraîne une évolution plus
rapidement défavorable de la maladie (d’après 23).
Résistances croisées
Les résistances croisées correspondent au fait qu’une mutation
ou une combinaison de mutations peut conférer une résistance
à plusieurs molécules antivirales (3, 49). Ainsi, les souches résistantes à la lamivudine restent le plus souvent sensibles à l’adéfovir et au ténofovir, alors qu’elles montrent une susceptibilité
diminuée aux analogues de la pyrimidine (emtricitabine, clévudine, elvucitabine, telbivudine) et à l’entécavir. Inversement,
les souches résistantes à l’adéfovir (N236T) restent sensibles à
la lamivudine, l’emtricitabine et l’entécavir, mais sont moins
sensibles à la clévudine. Les données concernant la mutation
A181V sont encore préliminaires, mais suggèrent une baisse
de susceptibilité à la lamivudine. Cette notion est primordiale
dans les choix de traitements à adapter en fonction du profil
de mutation.
192
Prise en charge clinique d’une résistance
aux antiviraux
Afin de minimiser les risques de sélection de souches résistantes, une surveillance régulière de l’évolution du patient sous
antiviraux doit être effectuée de manière à pouvoir modifier le
traitement dans les plus brefs délais en cas d’échappement virologique. Après s’être assuré que le patient suit correctement son
traitement, la stratégie comprend le dosage quantitatif tous les 3
à 6 mois de la charge virale par PCR, le séquençage du génome
viral pour détecter l’apparition de mutations et le contrôle de
la fonction hépatique (24). La charge virale doit rester aussi
basse que possible sous traitement (moins de 1 000 copies/ml
sous lamivudine) [45]. Par ailleurs, l’augmentation de la charge
virale (1 log 10 copies/ml par rapport à la valeur la plus basse
sous traitement) précède la perturbation des tests hépatiques
et la péjoration des lésions histologiques. Si cette remontée de
la charge virale est confirmée par un nouveau prélèvement,
elle constitue le premier signe d’échappement au traitement.
La perturbation des transaminases est un indicateur de lyse
cellulaire et donc de l’activation de la réponse immune. Elle
apparaît plus tardivement et devrait être évitée par une détection
plus précoce des souches résistantes et par la modification du
traitement en cours (49).
Traitement et prévention de la résistance
aux antiviraux
En cas de résistance virale, la modification du traitement ou l’adjonction d’un deuxième antiviral ne présentant pas de résistance
croisée avec le premier prévient la détérioration biologique et
clinique. La combinaison d’antiviraux représente donc la stratégie thérapeutique de choix lors de résistance au traitement
antiviral, permettant, d’une part de diminuer la réplication virale,
et d’autre part d’augmenter la pression antivirale sur les souches
virales résistantes (47, 49).
Le même principe est applicable dans la prévention des
résistances­ virales : l’utilisation de novo d’une combinaison d’antiviraux agissant sur des sites différents de la polymérase virale,
ou, en cas d’inhibition insuffisante de la réplication, l’addition
précoce d’un antiviral induisant peu de résistance, devrait permettre de contrôler la situation virologique et d’éviter l’évolution
clinique vers une cirrhose.
CONCLUSION
L’apparition de résistances constitue un problème incontournable
du traitement antiviral. L’évolution des techniques virologiques
pour l’analyse du génome viral, sa quantification et une meilleure
connaissance de l’incidence et des conséquences cliniques de la
survenue de souches résistantes permettront, dans l’avenir, le
développement de stratégies thérapeutiques ciblant directement
les mutations virales trouvées chez un individu donné. n
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 4 - septembre 2006
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