L Impact du VHB sur la mortalité en France et dans le monde

70 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVII - n° 2 - mars-avril 2014
DOSSIER
Hépatite B : brose,
cancer et traitements
Impact du VHB
sur la mortalité en France
et dans le monde
Impact of HBV on mortality in France and in the world
X. Causse*
* Service d’hépato-gastroentéro-
logie et d’oncologie digestive, CHR
d’Orléans.
L
a mortalité due à l’infection par le virus de
l’hépatite B (VHB) est beaucoup moins liée
aux formes fulminantes, rares en l’absence de
co-infection par le VHD et accessibles à la transplan-
tation hépatique, qu’à la persistance de l’infection
virale et à l’évolution vers la cirrhose hépatique et
le carcinome hépatocellulaire (CHC).
Des études longitudinales de patients infectés par le
VHB non traités ont montré une incidence cumulée
de cirrhose 5 ans après le diagnostic, de 8 à 20 %.
Le risque de constitution d’une cirrhose hépatique
et sa vitesse de progression sont accélérés par les
co-infections par le VHC, le VHD ou le virus de l'im-
munodéfi cience humaine (VIH). Pour les patients
avec cirrhose compensée non traités, l’incidence
cumulée de décompensation est de 20 % à 5 ans. La
probabilité de survie des patients non traités présen-
tant une cirrhose décompensée est évaluée entre 14
et 35 % à 5 ans. L’incidence annuelle du CHC chez
les patients atteints d’une cirrhose virale B est de 2
à 5 %, avec d’importantes variations géographiques,
sans doute liées à la précocité du contact avec le
VHB d’une part, à des facteurs d’environnement
d’autre part (consommation d’afl atoxines, d’alcool,
de tabac, syndrome métabolique, etc.) [1-3].
L’étude REVEAL-HBV menée à Taïwan a montré que
le risque de développer un CHC lié au VHB était
fortement corrélé à la charge virale B, d’autant plus
élevé que la charge virale était haute. Dans cette
population, l’incidence annuelle du CHC chez les
patients dont la virémie est inférieure à 2 000 UI/
ml n’est que de 0,06 % (4). Une étude complémen-
taire dans la même population de porteurs inactifs
(anticorps anti-HBe positifs, ADN-VHB inférieur à
2 000 UI/ml) des génotypes B ou C du VHB montre
toutefois un risque relatif de CHC 13,7 fois plus élevé
chez les porteurs dont l’AgHBs quantitatif est supé-
rieur ou égal à 1 000 UI/ml par rapport à ceux dont
l’antigénémie est inférieure à 1 000 Ul/ml (5).
On estime qu’un tiers de la population mondiale,
particulièrement en Asie du sud-est et en Afrique
subsaharienne, présente des traces sérologiques de
contact avec le VHB et que 350 à 400 millions de
personnes sont porteuses chroniques de l’AgHBs.
Ainsi, les cirrhoses décompensées et les CHC seraient
responsables d’environ un million de décès liés au
VHB chaque année dans le monde (1-3, 5).
En France, la dernière enquête nationale sur la morta-
lité liée aux hépatites B et C a été réalisée en 2004-
2005 auprès des médecins certifi cateurs. Elle avait
permis d’estimer que 1 507 décès (IC95 : 640-2 373)
étaient associés au VHB (AgHBs positif), correspon-
dant à un taux de mortalité de 2,6 pour 100 000 (IC95 :
1,4-4,5), parmi lesquels 1 327 (88 %) ont été expertisés
imputables au VHB, soit un taux de mortalité corres-
pondant à 2,2 pour 100 000 (IC
95
: 0,8-3,7). Le taux de
décès est 2,5 fois plus élevé chez les hommes que chez
les femmes, avec un âge moyen au décès de 65 ans.
Le stade de la maladie au moment du décès est au
moins une cirrhose dans 93 % des cas, et un CHC sur
cirrhose dans 35 % des cas (6). On sait depuis (7) que
la prévalence du VHB augmente en France et qu’elle
est plus élevée dans les quarts nord-est et sud-est
du pays et en Île-de-France, que dans la moitié ouest
du pays. Les facteurs signifi cativement associés dans
cette enquête à la positivité des anticorps anti-HBc
étaient : l’usage de drogues par voie intraveineuse,
l’homosexualité, la précarité, un niveau d’éducation
inférieur au baccalauréat, un séjour d’au moins 3 mois
en milieu carcéral, un pays de naissance où la préva-
lence de l’AgHBs est supérieure à 2 %, le fait d’être un
homme et d’être âgé de plus de 29 ans.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVII - n° 2 - mars-avril 2014 | 71
Points forts
»La mortalité liée au virus de l’hépatiteB (VHB) est essentiellement la conséquence de la cirrhose et du
carcinome hépatocellulaire.
»
Le risque de ces complications est plus élevé chez l’homme, il augmente avec la durée de l’infection,
la charge virale, la consommation d’alcool et les co-infections virales.
»
L’augmentation de la prévalence du VHB en France majore ce risque, qui devrait être prévenu par la
vaccination, encore très insuffisante, et par le dépistage et le traitement des hépatites actives.
Mots clés
Virus de l’hépatite B
Carcinome
hépatocellulaire
Cirrhose
Mortalité
Highlights
»
The mortality related to
hepatits B virus is essentially
due to liver cirrhosis and hepa-
tocarcinoma.
»
The risk of such complica-
tions is higher among men
and is increasing with the
duration of exposure, the viral
load, alcohol consumption and
infection with other viruses.
»
The increase of the preva-
lence of HBV infection in France
is increasing this risk and need
to be prevented by the vaccina-
tion, now insuffi cient, and by
the screening and the treat-
ment of chronic active hepatitis.
Keywords
Hepatitis B virus
Hepatocarcinoma
Cirrhosis
Mortality
Il est désormais bien établi qu’un traitement anti-
viral B bien conduit limite le risque de complications
de l’hépatite chronique virale B, notamment celui de
survenue d’un CHC, et augmente signifi cativement
l’espérance de vie (8-10). Il est donc nécessaire de
dépister les porteurs d’AgHBs, d’évaluer leur situa-
tion clinique, de traiter ceux qui peuvent espérer un
bénéfi ce de survie, notamment les cirrhotiques (3),
et de dépister par échographie les patients à risque
de développer un CHC. Il est probable que ce dépis-
tage sera de plus en plus orienté par les facteurs de
risque exposés plus haut. Il est également nécessaire
de dépister un contact ancien avec le VHB (AgHBs,
anticorps anti-HBs, anticorps anti-HBc) avant
chimiothérapie ou traitement immunosuppresseur,
pour proposer une surveillance ou un traitement
antiviral préemptif adapté à la sévérité de l’immu-
nosuppression attendue (3).
La meilleure prévention de la mortalité liée au VHB
reste toutefois, comme l’ont montré nos collègues
chinois, la vaccination, simple et très efficace,
notamment sur le plan coût/bénéfi ce (11). Il faut
donc espérer une amélioration de la couverture
vaccinale en France, médiocre jusqu'à très récem-
ment, avec les vaccins combinés et la simplifi cation
du calendrier. Pour les nourissons nés en 2009, la
couverture contre le VHB restait inférieure à 60 %.
Pour les adolescents et pré-adolescents, les enquêtes
les plus récentes indiquent une couverture inférieure
à 50 % (6).
En conclusion, si la mortalité liée au VHB apparaissait
relativement limitée en France dans l’enquête menée
en 2004-2005, l’augmentation actuelle de la préva-
lence des porteurs d’AgHBs en métropole devrait
inciter à améliorer drastiquement la couverture vacci-
nale des nourrissons − qui reste très insuffi sante −,
ainsi que le dépistage, sachant que le traitement des
hépatites B actives et la transplantation des patients
les plus affectés restent des solutions plus coûteuses
pour diminuer la mortalité liée au VHB.
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Références bibliographiques
L’auteur déclare avoir des liens d’inrêts avec BMS et Gilead.
Congrès International d’Addictologie
8e
Edition
de L’ALBATROS
Inscription en ligne sur
www.centredesaddictions.org
Numéro de DPC : 15871400005
Jeudi 5 & Vendredi 6 juin 2014 ADDICTIONS :
DE LA TRANSVERSALITÉ
AUX PARTENARIATS
PARIS
Hôpital Paul Brousse
Département de Psychiatrie
et d’Addictologie - Villejuif
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