126 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 3 - mai-juin 2011
Gestion des effets indésirables du sunitinib dans les cancers digestifs
DOSSIER THÉMATIQUE
Gestion des thérapies ciblées
Des interruptions transitoires et des ajustements de
doses par paliers de 12,5 mg peuvent être nécessaires
selon la tolérance au traitement (tableau III). Le
rapport bénéfi ce/risque doit être évalué avant toute
modifi cation de dose, un équilibre entre effi cacité
et qualité de vie du patient étant nécessaire. En
pratique, la posologie ne devra pas être inférieure
à 25 mg/j. En cas d’utilisation du schéma on/off, les
effets secondaires diminuent nettement durant les
périodes de repos.
Les examens paracliniques recommandés avant et
pendant le traitement par sunitinib sont indiqués
dans le tableau IV.
Il convient de systématiquement tenir compte du
risque d’interactions médicamenteuses avec des
traitements concomitants. L’administration conco-
mitante avec des inducteurs puissants du CYP3A4
(tels que la rifampicine) doit être évitée, car elle
peut entraîner une diminution des concentrations
plasmatiques du sunitinib. Il en est de même avec
des inhibiteurs puissants du CYP3A4 (tels que le
kétoconazole), qui peuvent induire une augmenta-
tion des concentrations plasmatiques du sunitinib.
Il convient aussi d’éviter le pamplemousse et son
jus, qui modifi ent l’activité du CYP3A4.
Toxicité digestive et muqueuse
Les troubles digestifs (diarrhée, dyspepsie, nausées,
vomissements et anorexie) mais aussi des muqueuses
(xérose buccale, mucite, dysgueusie, glossodynie,
enrouement, dysphonie, épistaxis) sont fréquents
(> 30 % des patients). La prise en charge de ces effets
indésirables doit être précoce. Elle consiste en des
traitements symptomatiques classiques par conseils
diététiques, antidiarrhéiques, antiémétiques, bains
de bouche antiseptiques et dentifrices ne contenant
pas d’alcool. Une hyper-hydratation orale – voire
parentérale dans de rares cas – est nécessaire lors
d’une diarrhée. En cas de toxicité de grade 3, une
interruption provisoire du traitement est recom-
mandée (tableau III).
Lésions de la peau
et des phanères
Les modifi cations de la peau et des phanères sont
très variées sous sunitinib. Leur prise en charge
s’appuie largement sur des avis d’experts.
Le SMP se manifeste par des lésions érythémateuses
douloureuses hyperkératosiques, desquamatives et
fi ssuraires. Elles siègent sur les zones de pression,
comme les talons, et les zones de frottement des
chaussures. Certaines formes sont plus œdéma-
teuses et infl ammatoires. Une consultation précoce,
voire une prise en charge initiale par un podologue-
pédicure, est importante, car l’intensité maximale
du SMP est observée dès la deuxième semaine du
traitement.
La prise en charge thérapeutique du SMP du sunitinib
est différente de celle du SMP chimio-induit, observé
par exemple avec la capécitabine (6, 7). Le traite-
ment est d’abord préventif : décapage doux par un
pédicure, suivi de l’application de crèmes émollientes
et kératolytiques, en cas d’hyperkératose plantaire
préexistante. Il faut éviter les chaussures trop serrées,
les talons trop hauts ; le port de chaussettes en coton
et de semelles absorbantes est conseillé. Le traite-
ment curatif repose sur les topiques kératolytiques
à base d’urée ou d’acide salicylique (20 à 30 % selon
l’épaisseur de la kératose), plutôt en préparations
magistrales (tableau V), les spécialités commerciales
n’étant pas remboursées (par exemple, crème pieds
Xérial
®
30 ou 50). Il peut être utile d’y associer un
dermocorticoïde (par exemple, Diprosone
®
) lorsque
les lésions sont inflammatoires. Des compresses
froides peuvent avoir un effet antalgique dans les
formes sévères. En cas de SMP de grade 3 ou 4,
Tableau IV. Examens paracliniques recommandés avant et pendant le traitement par sunitinib.
Avant le début du traitement NFS
TSH/T4
Protéinurie par bandelette urinaire (BU)
Bilan cardiovasculaire TA, ECG, échographie cardiaque (FEVG)
En cours de traitement NFS, bilan hépatique, ionogramme créatinine tous les 14jours
pendant 1mois puis toutes les 4 à 6semaines
TSH/T4 si signe clinique d’appel
Bandelette urinaire à chaque cycle si HTA ou signe d’appel
néphrologique. Si BU = ++ faire protéinurie des 24h
TA : mesure régulière de préférence par automesure
à domicile, sinon régulièrement auprès du médecin traitant
et à chaque consultation
ECG et/ou FEVG si facteurs de risque cardiovasculaire ou
signe clinique*
* antécédents de maladie coronarienne, d’insuffi sance cardiaque ou troubles du rythme.
FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche.
Tableau V. Exemples de préparations magistrales kératolytiques* pour la prise en charge du
syndrome pied-main lié au sunitinib (d’après 4).
À base de vaseline Vaseline (Codex®) salicylée à 20% ou 30% une fois par jour (en
occlusif le soir avec Tegaderm® ou fi lm alimentaire)
À base d’urée Urée 40 g, eau purifi ée 40 g, Excipial® lipocrème 20 g
* Il faut noter sur l’ordonnance “prescription médicale à but thérapeutique en l’absence de spécialité
équivalente disponible” pour que le produit soit remboursé.