Prix Nobel de médecine 2005 L’avis de Colm O’Morain, professeur au Trinity College, Dublin, Irlande Interview par D. O’Toole* L’ Pr O’Morain : “En effet, avant la démonstration du rôle clé de cette bactérie, anciennement appelée Campylobacter pylori, l’acide semblait être le principal facteur favorisant le développement de l’ulcère gastrique ou duodénal. Les jeunes médecins ne se souviennent plus de l’ère des anti-H2, qui étaient des médicaments très novateurs au début des années 1980. Les travaux de Warren étaient fondés sur le principe d’une association entre la gastrite et l’observation des bactéries en microscopie optique en 1982… Les signes d’inflammation dans la muqueuse gastrique étaient toujours observés en présence de la bactérie. Avec l’aide de B. Marshall, la bactérie a été cultivée en laboratoire et nommée Helicobacter pylori. Outre l’association entre la bactérie et l’inflammation gastrique chronique dans les ulcères gastriques ou duodénaux, la preuve finale apportée était la quasiabsence de récidive de ces affections après une éradication efficace du germe, ce qui a été confirmé par une étude réalisée chez nous à Trinity College Dublin en 1987. Cette dernière étape pouvait être obtenue en tuant la bactérie grâce à une antibiothérapie (Marshall s’était auto-infecté avec le germe en 1985 avant de se soigner par des antibiotiques). Voici le début d’un nouveau dogme, ‘no bug, no ulcer’ ; mais sérieusement, cette recherche, suivie de plusieurs études européennes et américaines, a permis de changer radicalement la prise en charge d’une maladie jusqu’alors assez grave. Ils se sont heurtés au marché très lucratif des médicaments antiulcéreux de cette époque, mais ont contribué sans doute au développement d’autres molécules (IPP). Cette récompense est largement justifiée compte tenu de l’impact majeur de cette fréquente affection.” * Fédération médico-chirurgicale d’hépato-gastroentérologie, hôpital Beaujon, Clichy. La cérémonie de remise du prix Nobel – un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 10 millions de couronnes attribution du prix Nobel de médecine et de physiologie 2005, le lundi 3 octobre à Stockholm, aux deux chercheurs australiens Barry J. Marshall et J.R. Warren, pour leurs travaux sur Helicobacter pylori et son rôle dans les affections gastriques et duodénales, a incité à une revisitation de cette épopée révolutionnaire. Discutons-en avec le Pr O’Morain, lui-même pionnier de cette quête contre l’ancien dogme “no acid, no ulcer”. Qu’en pensez-vous ? ● Interview Interview suédoises (soit environ 1,1 million d’euros) – se déroulera à Stockholm et à Oslo le 10 décembre 2005, date anniversaire de la mort de son fondateur, l’inventeur suédois de la dynamite, Alfred Nobel. Alors qu’une trithérapie est instaurée comme efficace contre H. pylori depuis plus de 15 ans, quel est l’avenir de cette pathologie ? Pr O’Morain : “D’abord, grâce aux études épidémiologiques, nous savons tous que l’incidence de cette infection est, de façon assez nette, en cours de modification, avec une baisse dans les pays occidentaux. L’association du germe avec des affections extragastriques (cardiovasculaires, auto-immunes, hépatiques, etc.) a fait couler beaucoup d’encre pendant plusieurs années. Il semblerait que son imputabilité dans l’ischémie cardiaque reste incertaine ; cependant, l’association avec le purpura thrombopénique idiopathique est beaucoup plus établie – l’éradication de H. pylori augmente significativement le taux de plaquettes chez ces malades, via des mécanismes incertains, peut-être en rapport avec la réponse immunologique de l’hôte à la bactérie. D’ailleurs, le consensus Maastricht 3 de mars ● Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VIII - novembre-décembre 2005 67 2005 souligne ce point, ainsi que les données suggérant un rôle du germe dans l’anémie ferriprive. Toutefois, pour confirmer cette association, des études plus approfondies sont nécessaires, qui s’attacheront à éliminer d’autres causes d’anémie, surtout une affection de l’intestin grêle, en utilisant des techniques modernes, comme la vidéocapsule ou l’entéroscopie à double ballon. Enfin, Maastricht 3 proposera des recommandations sur l’implication de H. pylori dans la dyspepsie, le reflux gastroœsophagien et l’utilisation des antiinflammatoires non stéroïdiens. Bien entendu, nous avons également réévalué les grandes lignes du traitement, et ce document doit être publié prochainement.” Et où en est-on dans l’imputabilité de H. pylori dans le cancer gastrique ? ● Pr O’Morain : “Les travaux initiaux de Warren et Marshall n’avaient sans doute pas prévu le spectre physiopathologique de ce germe, en particulier son rôle oncogène. Il est universellement établi comme le facteur de risque le plus important dans les cancers gastriques de type intestinal. Le fait que 80 % des malades qui sont positifs pour le germe n’ont pas de manifestations cliniques témoigne d’un besoin d’identification d’autres cofacteurs dans le développement de l’adénocarcinome gastrique. Toutefois, en présence de certaines souches bactériennes, surtout celles exprimant certains des facteurs de viru- lence (Cag-A, Vac-A, S1m1…), on constate que le risque de cancer est beaucoup plus important (de l’ordre de 21 %). Des variations génétiques de la bactérie semblent jouer un rôle clé dans sa virulence, et des études prospectives examinant leurs implications cliniques doivent apporter davantage de lumière sur des souches plus agressives. Alors que les études d’association ont montré l’importance de H. pylori dans le cancer gastrique, nous attendons des études interventionnelles avant de proposer une éradication universelle. On peut également espérer que l’identification de facteurs bactériens de prédisposition, couplée aux données épidémiologiques, permettra un traitement préventif ciblé.” ■ ✂ Interview Interview À découper ou à photocopier JE M’ABONNE à : La Lettre de l’hépato-gastroentérologue à ses actualités et à ses suppléments Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. à l’attention de .............................................................................. 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