ONCOLOGIE TRANSLATIONNELLE Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) // American Journal of Human Genetics // Blood // Cancer Reseach // Clinical Cancer Reseach // Nature // P roceedings of the National Academy of Sciences of the USA Les polymorphismes de type SNP des gènes du NER XPA, XPD, XPG et ERCC1 : facteurs prédictifs de la réponse des patients atteints de cancer colorectal avancé recevant de l’oxaliplatine en première ligne > Monzo M, Moreno I, Navarro A, Ibeas R, Artells R, Gel B, ­Martinez F, Moreno J, Hernandez R, Navarro-Vigo M. Single nucleotide polymorphisms in nucleotide excision repair genes XPA, XPD, XPG and ERCC1 in advanced colorectal cancer patients treated with first-line oxaliplatin/fluoropyrimidine. Oncology 2007;72(5-6):364-70. L’ association de l’oxaliplatine à d’autres agents peut améliorer les résultats dans le traitement des cancers colorectaux (CRC) métastatiques. De nombreuses études portant sur des patients atteints de CRC métastatiques montrent que l’addition d’oxaliplatine aux chimiothérapies à base de fluoro-uracile ou de leucovorine améliore le taux de réponse et prolonge la survie sans progression. L’activité cytotoxique de l’oxaliplatine est initiée par la formation d’adduits sur l’ADN en position N-7 des guanines et des adénines. Après la La pharmacoformation de ces génomique adduits, les cellules du système NER : tumorales activent leurs mécanismes vers une optimisation de réparation de de la chimiothérapie l’ADN. Le mécapar oxaliplatine nisme de réparation de l’ADN par excision de nucléotide (nucleotide excision repair [NER]) semble être le mécanisme principal par lequel les cellules éliminent les lésions de l’ADN induites par des agents chimiques. Ce système NER est le plus polyvalent en termes de diversité des lésions reconnues. Il est le système majeur de réparation des adduits covalents provoqués par des toxines environnementales ou xénobiotiques. Le mécanisme se déroule en quatre étapes : reconnaissance des dommages, ouverture de l’ADN de part et d’autre de la lésion, incision du brin d’ADN endommagé, puis resynthèse du fragment éliminé suivie d’une religation de l’oligonucléotide nouvellement synthétisé. Différents gènes de réparation interviennent, dont XPA, impliqué dans le complexe de reconnaissance des dommages sur l’ADN, XPD, qui code une hélicase ATP-dépendante, et XPG et ERCC1, responsables du clivage de l’ADN endommagé en 3’ et 5’ du site de la lésion. Les SNP relevant des gènes du NER peuvent moduler la capacité de réparation du NER et contribuer ainsi aux réponses individuelles des patients au même traitement thérapeutique. Les dommages de l’ADN induits par l’oxaliplatine peuvent entraîner l’apoptose. Les gènes XPA, XPD, XPG et ERCC1 sont impliqués dans la réparation de l’ADN de type NER, et les polymorphismes de type SNP de ces gènes peuvent conditionner l’efficacité de l’oxaliplatine. Dans cette étude, les auteurs ont recherché la valeur pronostique de différents SNP dans la réponse à l’oxaliplatine. À cette fin, ils ont étudié les SNP de ces gènes et corrélé les résultats avec le temps jusqu’à progression (TTP), la survie globale et la réponse à l’oxaliplatine chez 42 patients atteints de CRC avancé et recevant en première ligne une chimiothérapie par oxaliplatine/fluoropyrimidine. Pour élucider le rôle discriminant de ces polymorphismes dans la sensibilité à la combinaison oxaliplatine/fluoropyrimidine, on a extrait l’ADN des cellules du sang périphérique des 42 patients. La technique de discrimination allélique a permis d’analyser les SNP suivants : XPA 5’UTR T/C, XPD Lys751Gln, ERCC1 Lys259Thr et XPG C/T. Il s’avère que les patients de génotype XPG C/C présentent une survie (p = 0,001) et un TTP plus longs que ceux des patients avec les génotypes XPG T/T et C/T. Les patients de génotype XPG C/C et XPA T/C ou C/C ont une survie (p = 0,0001) et un TTP plus longs que les patients possédant les autres génotypes. Le polymorphisme du gène XPG combiné à celui du gène XPA peut être un facteur prédictif important à prendre en compte dans le choix d’une chimiothérapie oxaliplatine/fluoropyrimidine. Toutefois, des études supplémentaires sur des cohortes de patients plus importantes doivent être entreprises pour confirmer le rôle important de la recherche de ces SNP chez des patients atteints de CRC avancés devant recevoir de l’oxaliplatine. V. Le Morvan, institut Bergonié, Bordeaux 184 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 5 - mai 2008 LK5-NEW + pub.indd 184 27/05/08 17:05:51 Le niveau d’hypométhylation de LINE-1, un facteur pronostique potentiel des cancers épithéliaux de l’ovaire et de tissu tumoral ont été obtenus par microdissection à partir de pièces opératoires de patientes atteintes d’un CEO, et ils ont été étudiés quant au niveau de méthylation des séquences répétées LINE-1 par un protocole de polymerase chain reac> Pattamadilok J, Huapai N, Rattanatanyong P, Vasurattana A, tion (PCR) quantitative (1). Le degré de méthyTriratanachat S, Tresukosol D, Mutirangura A. LINE-1 hypo­ lation des séquences LINE-1 de ces 59 cancers methylation level as a potential prognostic factor for epithelial ovariens est de 35 ± 7 %, significativement plus ovarian cancer. Int J Gynecol Cancer 2007; epub ahead of print. faible que dans le tissu ovarien normal (47 ± 8 % ; e cancer épithélial de l’ovaire (CEO) est un IC95 : 9,42-14,62 ; p < 0,001). Les patientes présencancer gynécologique résultant de la transtant un degré d’hypométhylation ≤ 35 % ont une formation maligne de l’épithélium ovarien ; 80 % survie globale et une survie sans progression plus des cancers ovariens sont d’origine épithéliale. courtes (p = 0,003 et p < 0,001, respectivement). Environ 3 000 nouveaux La diminution cas sont diagnostiqués progressive du niveau chaque année en France. de méthylation des L’hypométhylation : Ce cancer touche 1,8 % séquences répétées des femmes et repréLINE-1 est un processus un facteur sente 5,8 % des causes épigénétique fréquent pronostique dans de mortalité féminine. dans les CEO et pourle cancer de l’ovaire ? Il constitue la troisième rait être utilisée comme cause de mortalité par marqueur de l’évolucancer génital féminin, tion de ces cancers. après le cancer du sein et le cancer de l’endoDes études prospectives devront préciser sa place mètre. La majorité des CEO sont diagnostiqués dans le suivi de routine de ces cancers et dans à un stade avancé et entraînent la mort à cause l’évaluation de leur pronostic. de la persistance de la maladie ou d’une rapide V. Le Morvan, institut Bergonié, Bordeaux reprise évolutive. Le taux de survie à 5 ans est inférieur à 20 %. Plusieurs facteurs, tels que Référence bibliographique 1. Xiong Z, Laird PW. COBRA: a sensitive and l’âge, le stade FIGO, le grade tumoral ou le résidu quantitative DNA methylation assay. Nucleic Acids tumoral, jouent un rôle dans le pronostic du CEO. Res 1997;25:2532-4. Plus récemment, des équipes se sont focalisées sur l’étude les altérations moléculaires du CEO. La diminution globale du niveau de méthylation du génome est l’un des événements moléculaires communs à tous les cancers. Elle pourrait expliquer une partie de la cancérogenèse et peut TWIST est directement régulé faciliter l’instabilité chromosomique. Le niveau par HIF-1α et promeut de l’hypométhylation génomique est souvent la formation de métastases > Yang MH, Wu MZ, Chiou SH, Chen PM, Chang SY, Liu CJ, Teng SC, corrélé à la progression tumorale et à l’invasiWu KJ. Direct regulation of TWIST by HIF-1α promotes metastasis. vité dans plusieurs types de cancers, dont le CEO. Nat Cell Biol 2008;10:295-305. Sont particulièrement atteintes par cette perte de méthylation les séquences répétées Long Intershypoxie intratumorale se caractérise par la persed Element-1 (LINE-1), qui constituent 17 % stabilisation et l’activation du facteur de du génome humain et sont retrouvées à plus de transcription HIF-1α. De nombreux facteurs, de 600 000 copies. Les auteurs ont réalisé une étude type Snail ou LOX, impliqués dans le processus rétrospective du statut d’hypo­méthylation des de transition épithélio-mésenchymateuse séquences LINE-1 aux différents stades évolutifs (TEM), sont contrôlés par HIF-1α. Cette transides CEO, et ont recherché l’existence de corrétion favorise l’invasion et la progression tumolations entre le degré d’hypométhylation et les rale en dédifférenciant les cellules épithéliales caractéristiques clinico-pathologiques des CEO. vers un phénotype de type mésenchymateux, Pour cela, 59 échantillons appariés de tissu sain accroissant ainsi leur mobilité. Dans cet article, L L’ les auteurs détaillent le rôle de HIF-1α dans l’induction de la TEM et caractérisent son implication dans le contrôle de l’expression du facteur de ­transcription TWIST. Dans une première série d’expériences, les auteurs montrent que l’exposition des lignées cellulaires FaDu (cancer hypopharyngique) et MCF-7 (cancer du sein) à des conditions hypoxiques entraîne l’induction de la TEM, caractérisée par la disparition des marqueurs épithéliaux (E-cadhérine et plakoglobine) et l’apparition de marqueurs mésenchymateux (vimentine et N-cadhérine). Ces changements s’accompagnent d’un accroissement de la capacité migratoire et invasive des cellules. Pour confirmer le rôle central de HIF-1α dans ce processus, les auteurs ont produit des cellules FaDu, dans lesquelles est exprimée une forme de HIF-1α, rendue constitutivement active par délétion de son domaine de dégradation dépendant de l’oxygène. L’expression de cette forme de HIF-1α entraîne, dans des conditions normoxiques, l’induction de la TEM et l’accroissement de la capacité migratoire des cellules. La présence de HIF-1α constitutivement active augmente le nombre de métastases pulmonaires formées par les cellules FaDu lorsque celles-ci sont injectées au niveau de la veine de la queue de souris NODSCID. De même, leur injection orthotopique se traduit par un accroissement de l’invasion locale, du nombre de métastases distantes et de la taille des tumeurs. À l’inverse, l’inhibition de l’expression de HIF-1α, par interférence ARN, dans les cellules de cancer du poumon H1299 en condition normoxique ou dans les cellules FaDu et MCF-7 en condition hypoxique se traduit par une perte d’expression des marqueurs mésenchymateux au profit des marqueurs épithéliaux, diminuant ainsi les propriétés migratoires, invasives et métastatiques des cellules étudiées, identifiant l’hypoxie et HIF-1α comme déterminants majeurs de l’induction de la TEM. En raison de la similitude des phénotypes des souris knockout HIF-1α –/– et TWIST –/– et de l’importance de ces deux protéines dans les processus métastatiques, les auteurs se sont intéressés à la régulation de TWIST en réponse à l’hypoxie ou à l’expression constitutive de HIF-1α. Des expériences de polymerase chain reaction (PCR) quantitative et de Western blot ont révélé que TWIST est exprimé en réponse à l’expression de HIF-1α. À l’inverse, son inhibition, par interférence ARN, bloque toute activation de TWIST. Les auteurs ont identifié un élément La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 5 - mai 2008 | 185 LK5-NEW + pub.indd 185 27/05/08 17:06:11 ONCOLOGIE TRANSLATIONNELLE de réponse à l’hypoxie (HRE) dans le promoteur du gène codant pour TWIST et ont montré, par des expériences de transfections transitoires, que l’intégrité de cet HRE, couplé à l’expression d’un HIF-1α fonctionnel, était nécessaire à l’activité du promoteur. Des expériences de retard sur gel, combinées à des expériences d’immunoprécipitation de chromatine, ont confirmé que HIF-1α lie cet HRE, contrôlant ainsi directement l’expression de TWIST. L’inhibition de l’expression de TWIST, par interférence ARN, dans les cellules FaDu, exprimant pourtant la forme constitutivement active de HIF-1α, se traduit par la perte des marqueurs de la TEM et la disparition de leur phénotype métastatique, soulignant l’importance de TWIST dans la réponse cellulaire à l’hypoxie ou la surexpression de HIF-1α. Néanmoins, la seule expression de TWIST ne peut être entièrement tenue responsable de l’apparition de la TEM. En effet, lorsque TWIST est surexprimé Vers un décryptage dans des cellules FaDu de la progression où Snail est inhibé par interférence ARN, il est tumorale induite impossible d’observer par l’hypoxie une capacité migratoire égale à celle observée lorsque Snail n’est pas inhibé. De même, lorsque l’expression de TWIST est elle-même inhibée, la répression de Snail ou de LOX diminue encore plus la capacité migratoire des cellules. Ces résultats suggèrent que seule une partie de la capacité invasive des cellules est contrôlée par TWIST et qu’il existe une complémentarité de fonction entre TWIST, Snail et LOX. En accord avec ce modèle, les auteurs montrent que l’expression conjointe de HIF-1α, TWIST et Snail dans des tumeurs primaires de patients atteints de cancers “tête-cou” (HNSCC) constitue un facteur de très mauvais pronostic au regard du risque métastatique et de la survie des patients, pronostic bien pire que lorsque ces trois marqueurs ne sont pas exprimés simultanément. Dans cet article, les auteurs identifient TWIST comme un déterminant majeur de la réponse cellulaire à l’hypoxie. Ce travail souligne surtout l’importance de développer des stratégies thérapeutiques innovantes pour inhiber les effets transcriptionnels de HIF-1α et, ainsi, prévenir les métastases des tumeurs hypoxiques. A. Escargueil, hôpital Saint-Antoine, Paris Rôle des microARN endogènes humains dans la suppression des métastases du cancer du sein > Tavazoie SF, Alarcón C, Oskarsson T, Padua D, Wang Q, Bos PD, Gerald WL, Massagué J. Endogenous human microRNAs that suppress breast cancer metastasis. Nature 2008;451:147-52. L es microARN (miARN) sont des molécules d’ARN non codantes, d’environ 22 nucléotides, qui fonctionnent comme régulateurs de l’expression génique. Ils sont codés par le génome et généralement transcrits par l’ARN polymérase II. Les miARN ciblent les ARN messagers, bloquant leur traduction ou induisant leur dégradation. De récents travaux ont montré que ces miARN jouent divers rôles dans les processus de différenciation et de prolifération cellulaire et qu’ils sont impliqués dans les mécanismes d’initiation et de progression tumorale (1, 2). L’analyse de l’expression génique de diverses tumeurs humaines a permis de définir un ensemble de gènes, ou signature, dont l’expression est associée à un risque important de rechute, en raison, notamment, du développement de métastases. Néanmoins, les événements qui régulent, en amont, l’activation de ces gènes restent méconnus. Les miARN, de par leur capacité à contrôler tout un ensemble de gènes, constituent donc des éléments précoces de régulation dont la simple dérégulation peut entraîner l’apparition de telles signatures, favorisant ainsi la formation de métastases. Dans cet article, les auteurs s’emploient à caractériser, dans un premier temps, un profil d’expression de ces miARN dans les cellules de cancer du sein MDA-MB-231 et de ses dérivés métastatiques LM2 (métastases pulmonaires) et BoM1 (métastases osseuses). Cette étude a permis non seulement de mettre en évidence l’existence d’un profil d’expression spécifique à chaque type cellulaire, mais aussi d’identifier six miARN dont l’expression est fortement diminuée dans les cellules métastatiques. La restauration de l’expression de ces six miARN dans les cellules LM2 et BoM1, par transduction rétrovirale, a permis de montrer que trois d’entre eux (miR-335, miR-126 et miR-206) réduisaient de manière importante et prolongée la colonisation des poumons ou la formation de métastases osseuses. De même, lorsque des cellules tumorales (CN34) issues d’une patiente atteinte de cancer du sein étaient injectées dans des souris, la formation de métastases pulmonaires (CN34-LM1) et osseuses (CN34-BoM1) était corrélée avec la perte d’expression de ces trois miARN. À l’inverse, la restauration 186 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 5 - mai 2008 LK5-NEW + pub.indd 186 27/05/08 17:06:21 ONCOLOGIE TRANSLATIONNELLE de leur expression dans les cellules CN34-LM1 ou CN34-BoM1 induisait une forte réduction de leur pouvoir métastatique. L’étude mécanistique des processus de suppression métastatique de ces trois miARN a révélé que miR-126 agit principalement en réduisant la prolifération des cellules tumorales tandis que miR-335 et miR-206 agissent en réduisant la capacité migratoire (Transwell® migration assay) et invasive (Matrigel™ ­invasion assay) des lignées cellulaires métastatiques dérivées des cellules MDA-MB-231 et CN34. Afin de voir si la perte d’expression de ces miARN était associée à la formation de métastases chez les patientes atteintes de cancer du sein, les auteurs ont mesuré leurs niveaux d’expression, par qRT-PCR, chez 20 patientes dont 11 présentant ou ayant présenté des métastases. La perte d’expression de ces trois miARN dans les tumeurs primaires, et en particulier de miR-335 et miR-126, bien que Les miARN : non corrélée au statut ER ou un facteur clé HER-2, était fortement assode la dissémination ciée à l’apparition de métasmétastatique tases. Pour confirmer in vitro cette observation, les auteurs ont inhibé l’expression de miR-335 avec un antimiARN (antagomir) dans les cellules MDA-MB-231, au faible pouvoir métastatique, et ont montré que cette inhibition entraînait un accroissement important de la colonisation pulmonaire. Afin de déterminer les gènes dont l’expression dépend de celle de miR-335, les auteurs ont procédé à une large analyse bio-informatique. Celle-ci a permis d’identifier six gènes dont l’expression est accrue dans les cellules métastatiques et inhibée par miR-335. Quatre d’entre eux (SOX4, PTPRN2, TNC et MERTK) sont directement régulés, via leur région 3’-UTR, par miR-335. Pour confirmer l’importance de ces six gènes, considérés comme une signature de miR-335, dans la formation de métastases, les auteurs ont analysé une cohorte de 368 patientes atteintes de cancers du sein et mesuré l’apparition ou non de cette signature. Ils ont ainsi montré que les patientes dont les tumeurs primaires étaient positives pour la signature miR335 présentaient un moins bon pronostic, en termes de survie sans métastases, que les patientes dont les tumeurs primaires étaient négatives pour cette même signature. En résumé, les auteurs ont mis en évidence, pour la première fois, une importante corrélation entre la perte d’expression des miARN et la capacité des cellules de cancer du sein à former des métastases. En relation avec les précédents travaux montrant un rôle oncogénique des miARN (1, 2), cette étude souligne l’importance de ces molécules dans l’ensemble des processus liés à la progression tumorale. A. Escargueil, hôpital Saint-Antoine, Paris Références bibliographiques 1. Cho WC. OncomiRs: the discovery and progress of microRNAs in cancers. Mol Cancer 2007; 6:60. 2. Ma L, Teruya-Feldstein J, Weinberg RA. Tumour invasion and metastasis initiated by microRNA-10b in breast cancer. Nature 2007;449:682-8. L’expression de l’isoforme M2 de la pyruvate kinase est importante pour la croissance tumorale > Christofk HR, Vander Heiden MG, Harris MH, Ramanathan A, Gerszten RE, Wei R, Fleming MD, Schreiber SL, Cantley LC. The M2 splice isoform of pyruvate kinase is important for cancer metabolism and tumour growth. Nature 2008;452:230-3. Il y a plus de soixante-quinze ans, Otto Warburg remarquait que les cellules tumorales métabolisent le glucose en utilisant préférentiellement le processus de glycolyse aérobie, changement métabolique induisant notamment une production accrue de lactate. Un récent article a démontré que, contrairement aux idées généralement admises, ce changement n’est pas forcément lié à un défaut de la chaîne de phosphorylation oxydative mitochondriale (1). D’une manière intéressante, les gènes codant pour les protéines de la glycolyse sont parmi les plus surexprimés dans les cancers. Parmi ces gènes, on retrouve celui codant pour la pyruvate kinase (PK), une enzyme régulant la dernière étape de la glycolyse. Quatre isoformes de cette enzyme existent : L et R, exprimées dans le foie et les globules rouges ; M1, exprimée dans la plupart des tissus adultes ; et M2, exprimée au cours de l’embryogenèse. Récemment, il a été rapporté que les tissus tumoraux exprimaient exclusivement l’isoforme M2 de l’enzyme (PK M2). Pour essayer de comprendre cet apparent paradoxe, les auteurs ont donc cherché à caractériser ce changement d’expression et à comprendre ses effets à la fois sur le métabolisme du glucose et sur la prolifération des cellules tumorales. 188 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 5 - mai 2008 LK5-NEW + pub.indd 188 27/05/08 17:06:52 Des enzymes de la glycolyse liées à la croissance tumorale Ils ont, dans un premier temps, utilisé un modèle murin de cancer du sein (souris MMTV-NeuNT) pour montrer que, lors de la tumorogenèse, l’expression de l’isoforme M1 de la PK (PK M1) est rapidement perdue au profit de celle de son isoforme M2. Ils ont confirmé l’importance de ce changement en montrant que l’ensemble de leurs lignées de cellules tumorales exprimaient la PK M2 et non la PK M1. Enfin, par immunohistochimie, sur des coupes de cancer colorectal, ils ont montré que, bien que la PK M1 soit exprimée dans les cellules stromales, elle est absente des cellules cancéreuses, où elle est remplacée par la PK M2. Pour comprendre le rôle de la PK M2 dans les cellules cancéreuses, les auteurs ont inhibé de manière stable son expression par interférence ARN dans les cellules humaines de cancer du poumon H1299. Cette inhibition entraîne un ralentissement du métabolisme du glucose et de la prolifération cellulaire. En condition normoxique, cette inhibition peut néanmoins être complétée par l’expression des isoformes M1 ou M2 murines. En condition hypoxique, en revanche, seule l’expression de la PK M2 murine peut complémenter les effets de l’inhibition de l’expression de l’enzyme endogène. De même, le traitement des cellules avec de l’oligomycine, un inhibiteur spécifique de l’ATP synthase mitochondriale, affecte uniquement la prolifération des cellules complémentées par la PK M1, ce qui suggère que la prolifération des cellules exprimant cette isoforme, et non la PK M2, est fortement dépendante du processus mitochondrial de phosphorylation oxydative. Pour confirmer cette hypothèse, les auteurs ont mesuré la consommation d’oxygène, la production de lactate et autres métabolites dans les cellules complémentées par la PK M1 ou la PK M2. En accord avec les résultats précédents, les cellules complémentées par la PK M1 consomment plus d’oxygène et produisent moins de lactate que celles qui sont complémentés par la PK M2, et ce bien que leur consommation en glucose soit similaire. D’autres métabolites tels que le pyruvate ou le fructose biphosphate voient aussi leur concentration modifiée en fonction de l’isoforme exprimée. Ces résultats démontrent que le changement d’isoforme de la PK observé dans les cellules tumorales entraîne un changement majeur de leur métabolisme. Pour confirmer le rôle de ce changement dans la prolifération tumorale in vivo, les auteurs ont injecté, dans des souris, les cellules complémentées avec la PK M1 ou la PK M2. Les résul- tats obtenus démontrent sans ambiguïté que l’expression de l’isoforme M2, et non celle de l’isoforme M1, est indispensable à l’établissement des tumeurs. Dans cet article, les auteurs mettent en évidence un rôle majeur de la PK M2 dans les processus de tumorogenèse et les changements métaboliques qui les accompagnent. Bien que les mécanismes sous-jacents restent à déterminer, il est vraisemblable que ce changement d’isoforme, tout en n’étant pas par lui-même transformant, crée un environnement métabolique favorable à la progression tumorale. A. Escargueil, hôpital Saint-Antoine, Paris Références bibliographiques 1. Fantin VR, St-Pierre J, Leder P. Attenuation of LDH-A expression uncovers a link between glycolysis, mitochondrial physiology, and tumor maintenance. Cancer Cell 2006;9:425-34. Le polymorphisme de la bléomycine hydrolase est associé à l’efficacité de la chimiothérapie des cancers testiculaires > De Haas EC, Zwart N, Meijer C, Nuver J, Boezen HM, Suurmeijer AJ, Hoekstra HJ, van der Steege G, Sleijfer DT, Gietema JA. Variation in bleomycin hydrolase gene is associated with reduced survival after chemotherapy for testicular germ cell cancer. J Clin Oncol 2008;26(11):18-23. Q ui se souvient de la bléomycine ? Une des rares indications de ce composé original est le cancer du testicule ; dans les protocoles associant cette molécule au cisplatine et à l’étoposide, on atteint maintenant une survie à long terme de plus de 80 % des patients, et il paraît difficile de faire mieux, malgré le fait que le groupe de patients de mauvais pronostic n’ait une survie à long terme que de 48 %. La bléomycine reste indispensable au traitement médical des tumeurs germinales (1), ce qui n’est pas sans poser problème, puisque ce médicament présente une toxicité pulmonaire non négligeable, et parfois fatale (2). La bléomycine est inactivée par une bléomycine hydrolase, qui présente un polymorphisme (A1450G, ile443val) souvent considéré comme fonctionnel parce qu’il est associé à une différence dans l’endommagement de l’ADN induit par la bléomycine (3). Les auteurs ont étudié rétrospectivement ce polymorphisme dans une cohorte de 372 patients traités pour une tumeur non séminomateuse du testicule dans un seul centre, de 1977 à 2003. Ils ont pu obtenir de l’ADN dans 304 cas et relier la présence de la variation polymorphique à la survie globale, à la survie liée au cancer et à la survie sans progression. La variation était présente à l’état homozygote chez 31 patients et à l’état hétérozygote chez 133 patients ; 140 patients présentaient le génotype commun homozygote. La survie des patients homozygotes variants était réduite de façon significative par rapport aux homozygotes communs, celle des hétérozygotes étant intermédiaire ; et cela a été observé Bléomycine : pour les trois paraen a-t-on vraiment mètres étudiés (survie globale : p = 0 ,006 ; fait le tour ? survie liée au cancer : p = 0,001 ; survie sans progression : p = 0,013). Un modèle de Cox multivarié a été établi : seuls apparaissent significativement prédictifs de la survie le grade pronostique classique et le polymorphisme de la bléomycine hydrolase ; le risque de décès lié au cancer est multiplié par 5 chez les patients homozygotes variants (intervalle de confiance à 5 % : 2,2-11,4). Voilà un travail “statistiquement satisfaisant” : un nombre suffisant de patients a été recruté, un seul type de paramètre a été évalué (la survie) et un seul polymorphisme a été recherché. À l’évidence, les uro-oncologues devraient pouvoir utiliser ce polymorphisme pour en tirer des conséquences cliniques, qui pourraient être l’intensification de la chimiothérapie chez les sujets homozygotes variants (10 % de la population), même s’ils appartiennent au groupe de bon pronostic. Mais la conduite à tenir ne pourra être validée que par un essai prospectif… J. Robert, institut Bergonié, Bordeaux Références bibliographiques 1. Levi JA, Raghavan D, Harvey V et al. The importance of bleomycin in combination chemotherapy for good-prognosis germ-cell carcinoma. Australasian Germ Cell Trial Group. J Clin Oncol 1993; 11:1300-5. 2. Sleijfer S. Bleomycin-induced pneumonitis. Chest 2001;120:617-24. 3. Tuimala J, Szekely G, Gundy S, Hirvonen A, Norppa H. Genetic polymorphisms of DNA repair and xenobiotic-metabolizing enzymes: role in mutagen sensitivity. Carcinogenesis 2002;23:1003-8. La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 5 - mai 2008 | 189 LK5-NEW + pub.indd 189 27/05/08 17:07:13 ONCOLOGIE TRANSLATIONNELLE Le trastuzumab agit aussi par l’intermédiaire d’un mécanisme immunologique Musolino A, Naldi N, Bortesi B, Pezzuolo D, Capelletti M, Missale G, Laccabue D, Zerbini A, C amisa R, Bisagni G, Neri TM, Ardizzoni A. Immunoglobulin G fragment C receptor polymorphisms and clinical efficacy of trastuzumab-based therapy in patients with HER-2/neu-positive metastatic breast cancer. J Clin Oncol 2008; 26:1789-96. L e mécanisme d’action des anticorps mono­ clonaux thérapeutiques dirigés contre les récepteurs membranaires de surface reste l’objet de controverses. La première idée est, bien sûr, que l’anticorps, en se fixant sur le récepteur, bloque l’action du ligand, la dimérisation du récepteur et son activation. Mais les mécanismes proprement immunologiques ne peuvent être exclus : l’ADCC (antibody-dependent cell-mediated cytotoxicity) et le CDC (complement-­dependent cytotoxicity) ont fait l’objet de recherches visant à préciser leur rôle dans l’activité de l’anticorps. Dans l’ADCC, le fragment Fc de l’anticorps est reconnu par des récepteurs FcγR Mécanismes de diverses classes, dont certains sont d’action portés par des macrophages et des multiples pour cellules NK (natural killer) capables de détruire les cellules portant cet anticorps le trastuzumab ! à leur surface : les récepteurs FcγRIIa et FcγRIIIa. Ces derniers présentent des polymorphismes fonctionnels qui modifient de façon importante leur affinité pour les IgG1 et, par voie de conséquence, l’activité cytotoxique des cellules tueuses vis-à-vis des cellules tumorales ayant fixé un anticorps thérapeutique. Le rôle de ces polymorphismes dans l’activité du rituximab (anticorps thérapeutique dirigé contre l’antigène CD20 présent à la surface des lymphocytes normaux et tumoraux) a été mis en évidence de façon très probante : les patients portant une valine à l’état homozygote en position 158 du FcγRIIIa ou une histidine à l’état homozygote en position 131 du FcγRIIa ont un taux de réponses au traitement plus élevé que les autres patients (1). Mais aucune étude n’avait montré le rôle de ces polymorphismes dans l’efficacité des anticorps anti-EGFR ou anti-Erb-B2, et le rôle de l’ADCC dans leur activité demeurait inconnu. L’étude rapportée dans cet article porte sur un petit nombre de patientes (54) traitées par trastuzumab pour un cancer du sein métastatique présentant une amplification ou une surexpression d’Erb-B2. Le taux de réponses et la survie sans progression ont servi de critères pour rechercher une association avec les polymorphismes des FcγR. Le polymorphisme du FcγRIIIa comme celui du FcγRIIa jouent un rôle prédictif significatif. Dans le premier cas, les patientes portant l’allèle V à l’état homozygote ont un taux de réponses significativement supérieur (80 %) à celui des patientes hétérozygotes V/F ou homozygotes F/F (40 %) [p = 0,03]. Elles ont aussi une survie sans progression médiane plus élevée (absence d’atteinte à 5 ans pour les homozygotes V/V, et à 12,9 mois pour les autres patientes). En ce qui concerne le polymorphisme du FcγRIIa, la différence entre les homozygotes pour l’allèle H et les autres patients n’est pas significative (70 % versus 43 %, p = 0,17) mais elle l’est en termes de survie sans progression lorsque l’on compare les homozygotes H/H (29,5 mois) aux homozygotes R/R (10,0 mois) [p = 0,04], les hétérozygotes ayant une médiane de survie sans progression intermédiaire (16,8 mois). L’influence de ces polymorphismes sur la survie montre que l’ADCC est un mécanisme crucial pour l’activité du trastuzumab, même s’il n’est pas le seul en cause. Sans parler encore du passage du test en routine, il faudra sans doute songer à évaluer l’association entre ces polymorphismes et la survie des patientes recevant du trastuzumab en situation adjuvante, dans une belle étude de phase III qui reste à construire… J. Robert, institut Bergonié, Bordeaux Référence bibliographique 1. Weng WK, Levy R. Two immunoglobulin G fragment C receptor polymorphisms independently predict response to rituximab in patients with follicular lymphoma. J Clin Oncol 2003;21:3940-7. 190 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 5 - mai 2008 LK5-NEW + pub.indd 190 27/05/08 17:07:24