ONCOLOGIE TRANSLATIONNELLE // Coordonné par S. Faivre

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ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
// American Journal of Human Genetics
// Blood
// Cancer Reseach
// Clinical Cancer Reseach
// Nature
// P roceedings of the National
Academy of Sciences of the USA
Les polymorphismes de type SNP
des gènes du NER XPA, XPD,
XPG et ERCC1 :
facteurs prédictifs
de la réponse des patients
atteints de cancer colorectal
avancé recevant
de l’oxaliplatine en première
ligne
> Monzo M, Moreno I, Navarro A, Ibeas R, Artells R, Gel B,
­Martinez F, Moreno J, Hernandez R, Navarro-Vigo M. Single
nucleotide polymorphisms in nucleotide excision repair genes
XPA, XPD, XPG and ERCC1 in advanced colorectal cancer patients
treated with first-line oxaliplatin/fluoropyrimidine. Oncology
2007;72(5-6):364-70.
L’
association de l’oxaliplatine à d’autres
agents peut améliorer les résultats dans le
traitement des cancers colorectaux (CRC) métastatiques. De nombreuses études portant sur des
patients atteints de CRC métastatiques montrent
que l’addition d’oxaliplatine aux chimiothérapies à base de fluoro-uracile ou de leucovorine
améliore le taux de réponse et prolonge la
survie sans progression. L’activité cytotoxique
de l’oxaliplatine est initiée par la formation
d’adduits sur l’ADN
en position N-7 des
guanines et des
adénines. Après la
La pharmacoformation de ces
génomique
adduits, les cellules
du système NER :
tumorales activent
leurs mécanismes
vers une optimisation
de réparation de
de la chimiothérapie
l’ADN. Le mécapar oxaliplatine
nisme de réparation de l’ADN par
excision de nucléotide (nucleotide excision repair [NER]) semble
être le mécanisme principal par lequel les cellules
éliminent les lésions de l’ADN induites par des
agents chimiques. Ce système NER est le plus
polyvalent en termes de diversité des lésions
reconnues. Il est le système majeur de réparation des adduits covalents provoqués par des
toxines environnementales ou xénobiotiques.
Le mécanisme se déroule en quatre étapes :
reconnaissance des dommages, ouverture de
l’ADN de part et d’autre de la lésion, incision
du brin d’ADN endommagé, puis resynthèse
du fragment éliminé suivie d’une religation de
l’oligonucléotide nouvellement synthétisé. Différents gènes de réparation interviennent, dont
XPA, impliqué dans le complexe de reconnaissance des dommages sur l’ADN, XPD, qui code
une hélicase ATP-dépendante, et XPG et ERCC1,
responsables du clivage de l’ADN endommagé
en 3’ et 5’ du site de la lésion. Les SNP relevant
des gènes du NER peuvent moduler la capacité
de réparation du NER et contribuer ainsi aux
réponses individuelles des patients au même
traitement thérapeutique. Les dommages de
l’ADN induits par l’oxaliplatine peuvent entraîner
l’apoptose. Les gènes XPA, XPD, XPG et ERCC1
sont impliqués dans la réparation de l’ADN de
type NER, et les polymorphismes de type SNP de
ces gènes peuvent conditionner l’efficacité de
l’oxaliplatine. Dans cette étude, les auteurs ont
recherché la valeur pronostique de différents
SNP dans la réponse à l’oxaliplatine. À cette fin,
ils ont étudié les SNP de ces gènes et corrélé les
résultats avec le temps jusqu’à progression (TTP),
la survie globale et la réponse à l’oxaliplatine
chez 42 patients atteints de CRC avancé et recevant en première ligne une chimiothérapie par
oxaliplatine/fluoropyrimidine.
Pour élucider le rôle discriminant de ces polymorphismes dans la sensibilité à la combinaison
oxaliplatine/fluoropyrimidine, on a extrait l’ADN
des cellules du sang périphérique des 42 patients.
La technique de discrimination allélique a permis
d’analyser les SNP suivants : XPA 5’UTR T/C,
XPD Lys751Gln, ERCC1 Lys259Thr et XPG C/T.
Il s’avère que les patients de génotype XPG C/C
présentent une survie (p = 0,001) et un TTP plus
longs que ceux des patients avec les génotypes
XPG T/T et C/T.
Les patients de génotype XPG C/C et XPA T/C
ou C/C ont une survie (p = 0,0001) et un TTP
plus longs que les patients possédant les autres
génotypes.
Le polymorphisme du gène XPG combiné à
celui du gène XPA peut être un facteur prédictif
important à prendre en compte dans le choix
d’une chimiothérapie oxaliplatine/fluoropyrimidine. Toutefois, des études supplémentaires
sur des cohortes de patients plus importantes
doivent être entreprises pour confirmer le rôle
important de la recherche de ces SNP chez des
patients atteints de CRC avancés devant recevoir
de l’oxaliplatine.
V. Le Morvan,
institut Bergonié, Bordeaux
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Le niveau d’hypométhylation
de LINE-1, un facteur
pronostique potentiel
des cancers épithéliaux
de l’ovaire
et de tissu tumoral ont été obtenus par microdissection à partir de pièces opératoires de patientes
atteintes d’un CEO, et ils ont été étudiés quant
au niveau de méthylation des séquences répétées
LINE-1 par un protocole de polymerase chain reac> Pattamadilok J, Huapai N, Rattanatanyong P, Vasurattana A,
tion (PCR) quantitative (1). Le degré de méthyTriratanachat S, Tresukosol D, Mutirangura A. LINE-1 hypo­
lation des séquences LINE-1 de ces 59 cancers
methylation level as a potential prognostic factor for epithelial
ovariens est de 35 ± 7 %, significativement plus
ovarian cancer. Int J Gynecol Cancer 2007; epub ahead of print.
faible que dans le tissu ovarien normal (47 ± 8 % ;
e cancer épithélial de l’ovaire (CEO) est un
IC95 : 9,42-14,62 ; p < 0,001). Les patientes présencancer gynécologique résultant de la transtant un degré d’hypométhylation ≤ 35 % ont une
formation maligne de l’épithélium ovarien ; 80 %
survie globale et une survie sans progression plus
des cancers ovariens sont d’origine épithéliale.
courtes (p = 0,003 et p < 0,001, respectivement).
Environ 3 000 nouveaux
La diminution
cas sont diagnostiqués
progressive du niveau
chaque année en France.
de méthylation des
L’hypométhylation :
Ce cancer touche 1,8 %
séquences répétées
des femmes et repréLINE-1 est un processus
un facteur
sente 5,8 % des causes
épigénétique fréquent
pronostique dans
de mortalité féminine.
dans les CEO et pourle cancer de l’ovaire ?
Il constitue la troisième
rait être utilisée comme
cause de mortalité par
marqueur de l’évolucancer génital féminin,
tion de ces cancers.
après le cancer du sein et le cancer de l’endoDes études prospectives devront préciser sa place
mètre. La majorité des CEO sont diagnostiqués
dans le suivi de routine de ces cancers et dans
à un stade avancé et entraînent la mort à cause
l’évaluation de leur pronostic.
de la persistance de la maladie ou d’une rapide
V. Le Morvan,
institut Bergonié, Bordeaux
reprise évolutive. Le taux de survie à 5 ans est
inférieur à 20 %. Plusieurs facteurs, tels que
Référence bibliographique
1. Xiong Z, Laird PW. COBRA: a sensitive and
l’âge, le stade FIGO, le grade tumoral ou le résidu
quantitative DNA methylation assay. Nucleic Acids
tumoral, jouent un rôle dans le pronostic du CEO.
Res 1997;25:2532-4.
Plus récemment, des équipes se sont focalisées sur
l’étude les altérations moléculaires du CEO.
La diminution globale du niveau de méthylation
du génome est l’un des événements moléculaires
communs à tous les cancers. Elle pourrait expliquer une partie de la cancérogenèse et peut
TWIST est directement régulé
faciliter l’instabilité chromosomique. Le niveau
par HIF-1α et promeut
de l’hypométhylation génomique est souvent
la formation de métastases
> Yang MH, Wu MZ, Chiou SH, Chen PM, Chang SY, Liu CJ, Teng SC,
corrélé à la progression tumorale et à l’invasiWu KJ. Direct regulation of TWIST by HIF-1α promotes metastasis.
vité dans plusieurs types de cancers, dont le CEO.
Nat Cell Biol 2008;10:295-305.
Sont particulièrement atteintes par cette perte de
méthylation les séquences répétées Long Intershypoxie intratumorale se caractérise par la
persed Element-1 (LINE-1), qui constituent 17 %
stabilisation et l’activation du facteur de
du génome humain et sont retrouvées à plus de
transcription HIF-1α. De nombreux facteurs, de
600 000 copies. Les auteurs ont réalisé une étude
type Snail ou LOX, impliqués dans le processus
rétrospective du statut d’hypo­méthylation des
de transition épithélio-mésenchymateuse
séquences LINE-1 aux différents stades évolutifs
(TEM), sont contrôlés par HIF-1α. Cette transides CEO, et ont recherché l’existence de corrétion favorise l’invasion et la progression tumolations entre le degré d’hypométhylation et les
rale en dédifférenciant les cellules épithéliales
caractéristiques clinico-pathologiques des CEO.
vers un phénotype de type mésenchymateux,
Pour cela, 59 échantillons appariés de tissu sain
accroissant ainsi leur mobilité. Dans cet article,
L
L’
les auteurs détaillent le rôle de HIF-1α dans l’induction de la TEM et caractérisent son implication
dans le contrôle de l’expression du facteur de
­transcription TWIST.
Dans une première série d’expériences, les auteurs
montrent que l’exposition des lignées cellulaires
FaDu (cancer hypopharyngique) et MCF-7 (cancer
du sein) à des conditions hypoxiques entraîne
l’induction de la TEM, caractérisée par la disparition des marqueurs épithéliaux (E-cadhérine
et plakoglobine) et l’apparition de marqueurs
mésenchymateux (vimentine et N-cadhérine). Ces
changements s’accompagnent d’un accroissement
de la capacité migratoire et invasive des cellules.
Pour confirmer le rôle central de HIF-1α dans ce
processus, les auteurs ont produit des cellules
FaDu, dans lesquelles est exprimée une forme
de HIF-1α, rendue constitutivement active par
délétion de son domaine de dégradation dépendant de l’oxygène. L’expression de cette forme
de HIF-1α entraîne, dans des conditions normoxiques, l’induction de la TEM et l’accroissement de
la capacité migratoire des cellules. La présence
de HIF-1α constitutivement active augmente le
nombre de métastases pulmonaires formées par
les cellules FaDu lorsque celles-ci sont injectées
au niveau de la veine de la queue de souris NODSCID. De même, leur injection orthotopique se
traduit par un accroissement de l’invasion locale,
du nombre de métastases distantes et de la taille
des tumeurs. À l’inverse, l’inhibition de l’expression de HIF-1α, par interférence ARN, dans les
cellules de cancer du poumon H1299 en condition
normoxique ou dans les cellules FaDu et MCF-7
en condition hypoxique se traduit par une perte
d’expression des marqueurs mésenchymateux au
profit des marqueurs épithéliaux, diminuant ainsi
les propriétés migratoires, invasives et métastatiques des cellules étudiées, identifiant l’hypoxie
et HIF-1α comme déterminants majeurs de l’induction de la TEM. En raison de la similitude des
phénotypes des souris knockout HIF-1α –/– et
TWIST –/– et de l’importance de ces deux protéines
dans les processus métastatiques, les auteurs
se sont intéressés à la régulation de TWIST en
réponse à l’hypoxie ou à l’expression constitutive
de HIF-1α. Des expériences de polymerase chain
reaction (PCR) quantitative et de Western blot
ont révélé que TWIST est exprimé en réponse à
l’expression de HIF-1α. À l’inverse, son inhibition,
par interférence ARN, bloque toute activation
de TWIST. Les auteurs ont identifié un élément
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ONCOLOGIE
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de réponse à l’hypoxie (HRE) dans le promoteur
du gène codant pour TWIST et ont montré, par
des expériences de transfections transitoires, que
l’intégrité de cet HRE, couplé à l’expression d’un
HIF-1α fonctionnel, était nécessaire à l’activité du
promoteur. Des expériences de retard sur gel,
combinées à des expériences d’immunoprécipitation de chromatine, ont confirmé que HIF-1α lie
cet HRE, contrôlant ainsi directement l’expression
de TWIST. L’inhibition de l’expression de TWIST,
par interférence ARN, dans les cellules FaDu, exprimant pourtant la forme constitutivement active
de HIF-1α, se traduit par la perte des marqueurs
de la TEM et la disparition de leur phénotype
métastatique, soulignant l’importance de TWIST
dans la réponse cellulaire à l’hypoxie ou la surexpression de HIF-1α. Néanmoins, la seule expression
de TWIST ne peut être entièrement tenue responsable de l’apparition de
la TEM. En effet, lorsque
TWIST est surexprimé
Vers un décryptage
dans des cellules FaDu
de la progression
où Snail est inhibé par
interférence ARN, il est
tumorale induite
impossible d’observer
par l’hypoxie
une capacité migratoire
égale à celle observée
lorsque Snail n’est pas inhibé. De même, lorsque
l’expression de TWIST est elle-même inhibée, la
répression de Snail ou de LOX diminue encore plus
la capacité migratoire des cellules. Ces résultats
suggèrent que seule une partie de la capacité
invasive des cellules est contrôlée par TWIST et
qu’il existe une complémentarité de fonction
entre TWIST, Snail et LOX. En accord avec ce
modèle, les auteurs montrent que l’expression
conjointe de HIF-1α, TWIST et Snail dans des
tumeurs primaires de patients atteints de cancers
“tête-cou” (HNSCC) constitue un facteur de très
mauvais pronostic au regard du risque métastatique et de la survie des patients, pronostic bien
pire que lorsque ces trois marqueurs ne sont pas
exprimés simultanément.
Dans cet article, les auteurs identifient TWIST
comme un déterminant majeur de la réponse
cellulaire à l’hypoxie. Ce travail souligne surtout
l’importance de développer des stratégies thérapeutiques innovantes pour inhiber les effets
transcriptionnels de HIF-1α et, ainsi, prévenir
les métastases des tumeurs hypoxiques.
A. Escargueil,
hôpital Saint-Antoine, Paris
Rôle des microARN endogènes
humains dans la suppression
des métastases du cancer
du sein
> Tavazoie SF, Alarcón C, Oskarsson T, Padua D, Wang Q, Bos PD,
Gerald WL, Massagué J. Endogenous human microRNAs that
suppress breast cancer metastasis. Nature 2008;451:147-52.
L
es microARN (miARN) sont des molécules d’ARN
non codantes, d’environ 22 nucléotides, qui
fonctionnent comme régulateurs de l’expression
génique. Ils sont codés par le génome et généralement transcrits par l’ARN polymérase II. Les miARN
ciblent les ARN messagers, bloquant leur traduction
ou induisant leur dégradation. De récents travaux
ont montré que ces miARN jouent divers rôles dans
les processus de différenciation et de prolifération
cellulaire et qu’ils sont impliqués dans les mécanismes d’initiation et de progression tumorale (1,
2). L’analyse de l’expression génique de diverses
tumeurs humaines a permis de définir un ensemble
de gènes, ou signature, dont l’expression est associée à un risque important de rechute, en raison,
notamment, du développement de métastases.
Néanmoins, les événements qui régulent, en amont,
l’activation de ces gènes restent méconnus. Les
miARN, de par leur capacité à contrôler tout un
ensemble de gènes, constituent donc des éléments
précoces de régulation dont la simple dérégulation
peut entraîner l’apparition de telles signatures,
favorisant ainsi la formation de métastases.
Dans cet article, les auteurs s’emploient à caractériser, dans un premier temps, un profil d’expression de ces miARN dans les cellules de cancer du
sein MDA-MB-231 et de ses dérivés métastatiques
LM2 (métastases pulmonaires) et BoM1 (métastases
osseuses). Cette étude a permis non seulement de
mettre en évidence l’existence d’un profil d’expression spécifique à chaque type cellulaire, mais
aussi d’identifier six miARN dont l’expression est
fortement diminuée dans les cellules métastatiques.
La restauration de l’expression de ces six miARN
dans les cellules LM2 et BoM1, par transduction
rétrovirale, a permis de montrer que trois d’entre
eux (miR-335, miR-126 et miR-206) réduisaient
de manière importante et prolongée la colonisation des poumons ou la formation de métastases
osseuses. De même, lorsque des cellules tumorales
(CN34) issues d’une patiente atteinte de cancer du
sein étaient injectées dans des souris, la formation
de métastases pulmonaires (CN34-LM1) et osseuses
(CN34-BoM1) était corrélée avec la perte d’expression de ces trois miARN. À l’inverse, la restauration
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ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
de leur expression dans les cellules CN34-LM1 ou
CN34-BoM1 induisait une forte réduction de leur
pouvoir métastatique. L’étude mécanistique des
processus de suppression métastatique de ces
trois miARN a révélé que miR-126 agit principalement en réduisant la prolifération des cellules
tumorales tandis que miR-335 et miR-206 agissent
en réduisant la capacité migratoire (Transwell®
migration assay) et invasive (Matrigel™ ­invasion
assay) des lignées cellulaires métastatiques dérivées
des cellules MDA-MB-231 et CN34. Afin de voir si
la perte d’expression de ces miARN était associée
à la formation de métastases chez les patientes
atteintes de cancer du sein, les auteurs ont mesuré
leurs niveaux d’expression, par qRT-PCR, chez
20 patientes dont 11 présentant ou ayant présenté
des métastases. La perte d’expression de ces trois
miARN dans les tumeurs
primaires, et en particulier de
miR-335 et miR-126, bien que
Les miARN :
non corrélée au statut ER ou
un facteur clé
HER-2, était fortement assode la dissémination
ciée à l’apparition de métasmétastatique
tases. Pour confirmer in vitro
cette observation, les auteurs
ont inhibé l’expression de
miR-335 avec un antimiARN (antagomir) dans les
cellules MDA-MB-231, au faible pouvoir métastatique, et ont montré que cette inhibition entraînait un accroissement important de la colonisation
pulmonaire. Afin de déterminer les gènes dont
l’expression dépend de celle de miR-335, les auteurs
ont procédé à une large analyse bio-informatique.
Celle-ci a permis d’identifier six gènes dont l’expression est accrue dans les cellules métastatiques
et inhibée par miR-335. Quatre d’entre eux (SOX4,
PTPRN2, TNC et MERTK) sont directement régulés,
via leur région 3’-UTR, par miR-335. Pour confirmer
l’importance de ces six gènes, considérés comme
une signature de miR-335, dans la formation de
métastases, les auteurs ont analysé une cohorte
de 368 patientes atteintes de cancers du sein et
mesuré l’apparition ou non de cette signature. Ils
ont ainsi montré que les patientes dont les tumeurs
primaires étaient positives pour la signature miR335 présentaient un moins bon pronostic, en termes
de survie sans métastases, que les patientes dont
les tumeurs primaires étaient négatives pour cette
même signature.
En résumé, les auteurs ont mis en évidence, pour
la première fois, une importante corrélation entre
la perte d’expression des miARN et la capacité des
cellules de cancer du sein à former des métastases. En relation avec les précédents travaux
montrant un rôle oncogénique des miARN (1, 2),
cette étude souligne l’importance de ces molécules
dans l’ensemble des processus liés à la progression
tumorale.
A. Escargueil,
hôpital Saint-Antoine, Paris
Références bibliographiques
1. Cho WC. OncomiRs: the discovery and progress
of microRNAs in cancers. Mol Cancer 2007;
6:60.
2. Ma L, Teruya-Feldstein J, Weinberg RA. Tumour
invasion and metastasis initiated by microRNA-10b
in breast cancer. Nature 2007;449:682-8.
L’expression de l’isoforme M2
de la pyruvate kinase
est importante
pour la croissance tumorale
> Christofk HR, Vander Heiden MG, Harris MH, Ramanathan A,
Gerszten RE, Wei R, Fleming MD, Schreiber SL, Cantley LC. The
M2 splice isoform of pyruvate kinase is important for cancer
metabolism and tumour growth. Nature 2008;452:230-3.
Il y a plus de soixante-quinze ans, Otto Warburg
remarquait que les cellules tumorales métabolisent le glucose en utilisant préférentiellement
le processus de glycolyse aérobie, changement
métabolique induisant notamment une production
accrue de lactate. Un récent article a démontré que,
contrairement aux idées généralement admises, ce
changement n’est pas forcément lié à un défaut
de la chaîne de phosphorylation oxydative mitochondriale (1). D’une manière intéressante, les
gènes codant pour les protéines de la glycolyse
sont parmi les plus surexprimés dans les cancers.
Parmi ces gènes, on retrouve celui codant pour
la pyruvate kinase (PK), une enzyme régulant la
dernière étape de la glycolyse. Quatre isoformes
de cette enzyme existent : L et R, exprimées dans le
foie et les globules rouges ; M1, exprimée dans la
plupart des tissus adultes ; et M2, exprimée au cours
de l’embryogenèse. Récemment, il a été rapporté
que les tissus tumoraux exprimaient exclusivement
l’isoforme M2 de l’enzyme (PK M2). Pour essayer
de comprendre cet apparent paradoxe, les auteurs
ont donc cherché à caractériser ce changement
d’expression et à comprendre ses effets à la fois sur
le métabolisme du glucose et sur la prolifération
des cellules tumorales.
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Des enzymes
de la glycolyse
liées à la croissance
tumorale
Ils ont, dans un
premier temps, utilisé
un modèle murin de
cancer du sein (souris
MMTV-NeuNT) pour montrer que, lors de la tumorogenèse, l’expression de l’isoforme M1 de la PK
(PK M1) est rapidement perdue au profit de celle de
son isoforme M2. Ils ont confirmé l’importance de ce
changement en montrant que l’ensemble de leurs
lignées de cellules tumorales exprimaient la PK M2
et non la PK M1. Enfin, par immunohistochimie, sur
des coupes de cancer colorectal, ils ont montré que,
bien que la PK M1 soit exprimée dans les cellules
stromales, elle est absente des cellules cancéreuses,
où elle est remplacée par la PK M2. Pour comprendre
le rôle de la PK M2 dans les cellules cancéreuses, les
auteurs ont inhibé de manière stable son expression
par interférence ARN dans les cellules humaines de
cancer du poumon H1299. Cette inhibition entraîne
un ralentissement du métabolisme du glucose et de
la prolifération cellulaire. En condition normoxique,
cette inhibition peut néanmoins être complétée par
l’expression des isoformes M1 ou M2 murines. En
condition hypoxique, en revanche, seule l’expression de la PK M2 murine peut complémenter les
effets de l’inhibition de l’expression de l’enzyme
endogène. De même, le traitement des cellules
avec de l’oligomycine, un inhibiteur spécifique
de l’ATP synthase mitochondriale, affecte uniquement la prolifération des cellules complémentées
par la PK M1, ce qui suggère que la prolifération
des cellules exprimant cette isoforme, et non la
PK M2, est fortement dépendante du processus
mitochondrial de phosphorylation oxydative. Pour
confirmer cette hypothèse, les auteurs ont mesuré la
consommation d’oxygène, la production de lactate
et autres métabolites dans les cellules complémentées par la PK M1 ou la PK M2. En accord avec les
résultats précédents, les cellules complémentées par
la PK M1 consomment plus d’oxygène et produisent
moins de lactate que celles qui sont complémentés
par la PK M2, et ce bien que leur consommation
en glucose soit similaire. D’autres métabolites tels
que le pyruvate ou le fructose biphosphate voient
aussi leur concentration modifiée en fonction de
l’isoforme exprimée. Ces résultats démontrent que
le changement d’isoforme de la PK observé dans les
cellules tumorales entraîne un changement majeur
de leur métabolisme. Pour confirmer le rôle de ce
changement dans la prolifération tumorale in vivo,
les auteurs ont injecté, dans des souris, les cellules
complémentées avec la PK M1 ou la PK M2. Les résul-
tats obtenus démontrent sans
ambiguïté que l’expression de
l’isoforme M2, et non celle de
l’isoforme M1, est indispensable à l’établissement des tumeurs.
Dans cet article, les auteurs mettent en évidence
un rôle majeur de la PK M2 dans les processus de
tumorogenèse et les changements métaboliques
qui les accompagnent. Bien que les mécanismes
sous-jacents restent à déterminer, il est vraisemblable que ce changement d’isoforme, tout en
n’étant pas par lui-même transformant, crée un
environnement métabolique favorable à la progression tumorale.
A. Escargueil,
hôpital Saint-Antoine, Paris
Références bibliographiques
1. Fantin VR, St-Pierre J, Leder P. Attenuation
of LDH-A expression uncovers a link between
glycolysis, mitochondrial physiology, and tumor
maintenance. Cancer Cell 2006;9:425-34.
Le polymorphisme
de la bléomycine hydrolase
est associé à l’efficacité
de la chimiothérapie
des cancers testiculaires
> De Haas EC, Zwart N, Meijer C, Nuver J, Boezen HM, Suurmeijer AJ,
Hoekstra HJ, van der Steege G, Sleijfer DT, Gietema JA. Variation
in bleomycin hydrolase gene is associated with reduced survival
after chemotherapy for testicular germ cell cancer. J Clin Oncol
2008;26(11):18-23.
Q
ui se souvient de la bléomycine ? Une des
rares indications de ce composé original est
le cancer du testicule ; dans les protocoles associant
cette molécule au cisplatine et à l’étoposide, on
atteint maintenant une survie à long terme de plus
de 80 % des patients, et il paraît difficile de faire
mieux, malgré le fait que le groupe de patients de
mauvais pronostic n’ait une survie à long terme
que de 48 %. La bléomycine reste indispensable
au traitement médical des tumeurs germinales (1),
ce qui n’est pas sans poser problème, puisque ce
médicament présente une toxicité pulmonaire non
négligeable, et parfois fatale (2). La bléomycine
est inactivée par une bléomycine hydrolase, qui
présente un polymorphisme (A1450G, ile443val)
souvent considéré comme fonctionnel parce qu’il
est associé à une différence dans l’endommagement de l’ADN induit par la bléomycine (3).
Les auteurs ont étudié rétrospectivement ce polymorphisme dans une cohorte de 372 patients traités
pour une tumeur non séminomateuse du testicule
dans un seul centre, de 1977 à 2003. Ils ont pu
obtenir de l’ADN dans 304 cas et relier la présence
de la variation polymorphique à la survie globale,
à la survie liée au cancer et à la survie sans progression. La variation était présente à l’état homozygote
chez 31 patients et à l’état hétérozygote chez
133 patients ; 140 patients présentaient le génotype commun homozygote. La survie des patients
homozygotes variants était réduite de façon significative par rapport aux homozygotes communs, celle
des hétérozygotes
étant intermédiaire ;
et cela a été observé
Bléomycine :
pour les trois paraen a-t-on vraiment
mètres étudiés (survie
globale : p = 0 ,006 ;
fait le tour ?
survie liée au cancer :
p = 0,001 ; survie sans
progression : p = 0,013). Un modèle de Cox multivarié
a été établi : seuls apparaissent significativement
prédictifs de la survie le grade pronostique classique
et le polymorphisme de la bléomycine hydrolase ;
le risque de décès lié au cancer est multiplié par 5
chez les patients homozygotes variants (intervalle
de confiance à 5 % : 2,2-11,4).
Voilà un travail “statistiquement satisfaisant” : un
nombre suffisant de patients a été recruté, un seul
type de paramètre a été évalué (la survie) et un
seul polymorphisme a été recherché. À l’évidence,
les uro-oncologues devraient pouvoir utiliser ce
polymorphisme pour en tirer des conséquences
cliniques, qui pourraient être l’intensification de
la chimiothérapie chez les sujets homozygotes
variants (10 % de la population), même s’ils
appartiennent au groupe de bon pronostic. Mais
la conduite à tenir ne pourra être validée que par
un essai prospectif…
J. Robert,
institut Bergonié, Bordeaux
Références bibliographiques
1. Levi JA, Raghavan D, Harvey V et al. The
importance of bleomycin in combination
chemotherapy for good-prognosis germ-cell
carcinoma. Australasian Germ Cell Trial Group.
J Clin Oncol 1993; 11:1300-5.
2. Sleijfer S. Bleomycin-induced pneumonitis. Chest
2001;120:617-24.
3. Tuimala J, Szekely G, Gundy S, Hirvonen A,
Norppa H. Genetic polymorphisms of DNA repair and
xenobiotic-metabolizing enzymes: role in mutagen
sensitivity. Carcinogenesis 2002;23:1003-8.
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ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
Le trastuzumab agit aussi par
l’intermédiaire d’un mécanisme
immunologique
Musolino A, Naldi N, Bortesi B, Pezzuolo D, Capelletti M, Missale G,
Laccabue D, Zerbini A, C amisa R, Bisagni G, Neri TM, Ardizzoni A.
Immunoglobulin G fragment C receptor polymorphisms and
clinical efficacy of trastuzumab-based therapy in patients with
HER-2/neu-positive metastatic breast cancer. J Clin Oncol 2008;
26:1789-96.
L
e mécanisme d’action des anticorps mono­
clonaux thérapeutiques dirigés contre les
récepteurs membranaires de surface reste l’objet
de controverses. La première idée est, bien sûr, que
l’anticorps, en se fixant sur le récepteur, bloque
l’action du ligand, la dimérisation du récepteur et
son activation. Mais les mécanismes proprement
immunologiques ne peuvent être exclus : l’ADCC
(antibody-dependent cell-mediated cytotoxicity)
et le CDC (complement-­dependent cytotoxicity)
ont fait l’objet de recherches visant à préciser leur
rôle dans l’activité de l’anticorps. Dans
l’ADCC, le fragment Fc de l’anticorps
est reconnu par des récepteurs FcγR
Mécanismes
de diverses classes, dont certains sont
d’action
portés par des macrophages et des
multiples pour
cellules NK (natural killer) capables de
détruire les cellules portant cet anticorps
le trastuzumab !
à leur surface : les récepteurs FcγRIIa
et FcγRIIIa. Ces derniers présentent des
polymorphismes fonctionnels qui modifient de
façon importante leur affinité pour les IgG1 et,
par voie de conséquence, l’activité cytotoxique
des cellules tueuses vis-à-vis des cellules tumorales
ayant fixé un anticorps thérapeutique. Le rôle de
ces polymorphismes dans l’activité du rituximab
(anticorps thérapeutique dirigé contre l’antigène
CD20 présent à la surface des lymphocytes normaux
et tumoraux) a été mis en évidence de façon très
probante : les patients portant une valine à l’état
homozygote en position 158 du FcγRIIIa ou une
histidine à l’état homozygote en position 131 du
FcγRIIa ont un taux de réponses au traitement plus
élevé que les autres patients (1). Mais aucune étude
n’avait montré le rôle de ces polymorphismes dans
l’efficacité des anticorps anti-EGFR ou anti-Erb-B2,
et le rôle de l’ADCC dans leur activité demeurait
inconnu.
L’étude rapportée dans cet article porte sur un petit
nombre de patientes (54) traitées par trastuzumab
pour un cancer du sein métastatique présentant
une amplification ou une surexpression d’Erb-B2.
Le taux de réponses et la survie sans progression
ont servi de critères pour rechercher une association
avec les polymorphismes des FcγR. Le polymorphisme du FcγRIIIa comme celui du FcγRIIa jouent
un rôle prédictif significatif. Dans le premier cas,
les patientes portant l’allèle V à l’état homozygote
ont un taux de réponses significativement supérieur
(80 %) à celui des patientes hétérozygotes V/F ou
homozygotes F/F (40 %) [p = 0,03]. Elles ont aussi
une survie sans progression médiane plus élevée
(absence d’atteinte à 5 ans pour les homozygotes V/V, et à 12,9 mois pour les autres patientes).
En ce qui concerne le polymorphisme du FcγRIIa,
la différence entre les homozygotes pour l’allèle H
et les autres patients n’est pas significative (70 %
versus 43 %, p = 0,17) mais elle l’est en termes de
survie sans progression lorsque l’on compare les
homozygotes H/H (29,5 mois) aux homozygotes R/R
(10,0 mois) [p = 0,04], les hétérozygotes ayant une
médiane de survie sans progression intermédiaire
(16,8 mois).
L’influence de ces polymorphismes sur la survie
montre que l’ADCC est un mécanisme crucial pour
l’activité du trastuzumab, même s’il n’est pas le
seul en cause. Sans parler encore du passage du test
en routine, il faudra sans doute songer à évaluer
l’association entre ces polymorphismes et la survie
des patientes recevant du trastuzumab en situation
adjuvante, dans une belle étude de phase III qui
reste à construire…
J. Robert,
institut Bergonié, Bordeaux
Référence bibliographique
1. Weng WK, Levy R. Two immunoglobulin G
fragment C receptor polymorphisms independently
predict response to rituximab in patients with
follicular lymphoma. J Clin Oncol 2003;21:3940-7.
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