Épidémiologie
L’implication hormonale est tout de
suite évidente au vu de l’épidémio-
logie : jusqu’à la puberté, garçons et
filles ont la même fréquence de
migraine, avec une prévalence de 4%.
Ensuite, 18 % des femmes et seule-
ment 6 % des hommes seront migrai-
neux. Dans le cours de la vie de la
femme, l’on retrouve cette influence
avec un premier pic de fréquence des
crises à l’adolescence, qui diminuera
avec la régulation des cycles mens-
truels, puis une ascension progressive
au cours de la vie, avec à nouveau un
pic de fréquence dans la période péri-
menstruelle, et enfin une diminution
ou une disparition de fréquence des
crises intéressant quelque 60 % des
femmes. À nuancer toutefois, le
développement de la migraine au
ménarche et sa majoration lors des
règles concerne quasi exclusivement
la migraine sans aura.
Contraception
Parfois s’observe une induction de
migraine par la prise de pilule contra-
ceptive, migraine qui ne rétrocédera
pas immédiatement après l’arrêt de
celle-ci. La diminution de fréquence
des crises à l’arrêt d’une pilule peut
prendre six mois à un an avant de s’ob-
server. Les liens pilule-migraine sont
assez décevants en termes de gestion
des migraines pour le neurologue, les
patientes ayant souvent déjà essayé,
avec l’aide de leur gynécologue, diffé-
rentes pilules estroprogestatives, voire
progestatives seules, avec un bonheur
variable, mais qui méritent d’être ten-
tées, surtout si elles ne sont pas à
faible dosage en estrogènes (moins de
50 µg), lesquelles induiraient moins de
céphalées que les pilules de première
génération. Plus rarement, la prise de
pilule OP améliore les migraines
comme chez cette patiente, script-girl,
qui n’en prenait que lors des tour-
nages.
Le problème principal des relations
pilule-migraine est, en fait, indépen-
dant d’un contrôle de la fréquence des
crises de migraine et relève de la pré-
vention du risque vasculaire chez les
jeunes femmes. Si le risque est
modeste, du fait de la fréquence très
basse des accidents vasculaires céré-
braux (AVC) chez les femmes jeunes,
la migraine augmente le risque relatif
d’AVC de 3, au même titre que la
pilule et le tabac par rapport à une
femme non migraineuse. Toutefois, les
facteurs de risque sont multiplicatifs et
font ainsi encourir un risque relatif
autour de 30 à une femme migrai-
neuse, fumant et sous contraceptif oral
(1). De ce fait, celle-ci ne devrait pas
prendre une contraception orale dosée
à plus de 20 µg d’EE, puisque les
études ne montrent, pour ces faibles
dosages, qu’une augmentation du RR
d’AVC autour de 1,2-1,3 ; évidem-
ment, une patiente migraineuse ne
devrait pas non plus fumer (2). La
migraine avec aura est, quant à elle,
associée à un risque d’AVC supérieur,
autour de 4 à 6 suivant les études, ren-
dant raisonnable d’interrompre transi-
toirement la contraception orale en cas
de migraines avec aura très fréquentes.
Migraine cataméniale
Les crises survenant autour de la
période cataméniale sont souvent les
plus sévères. Il existe un spectre de
sévérité de la crise de migraine en
fonction de sa survenue par rapport
aux règles : les crises survenant dans
les trois jours avant celles-ci sont de
loin les plus fortes. Et comme le fac-
teur déclenchant – la chute du taux
d’estrogènes – est persistant, elles sont
souvent plus longues que les crises
non cataméniales et source de récur-
rence après traitement de crise. Chez
certaines femmes, il existe enfin une
sorte de “queue de comète” qui laisse
un état de céphalée persistante non
typiquement migraineuse plusieurs
jours après la reprise de la pilule.
Par abus de langage, les crises de
migraine de la période menstruelle
sont englobées dans la migraine cata-
méniale, tandis que, stricto sensu, la
migraine cataméniale est une migraine
survenant exclusivement pendant la
période des règles. En conséquence,
une migraine non exclusivement cata-
méniale peut être améliorée, même
dans sa composante cataméniale, par
un traitement de fond. Inversement,
certaines migraines peuvent répondre
à un traitement de fond pour toutes
leurs crises, sauf pour la composante
cataméniale qui peut secondairement
requérir un traitement spécifique.
Traiter une migraine survenant pen-
dant la période cataméniale suppose
déjà d’utiliser un traitement de réfé-
rence de la crise de migraine, AINS à
forte dose et/ou triptan (si la crise
n’est pas plus longue ou plus résis-
tante que les autres, cela peut suffire).
Les récurrences du lendemain peuvent
simplement nécessiter une nouvelle
prise de traitement de crise. Dans
cette logique de risque de récurrence,
il est préférable de privilégier les
traitements, si possible plutôt à demi-
vie longue tant pour les AINS
(Bi-profénid®, par exemple) que pour
Migraine
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a migraine, dans l’esprit
des patients, “c’est hor-
monal” et, pour une fois,
plus sûrement que pour une ori-
gine sinusienne ou ophtalmo-
logique.
L
Migraines et hormones
S. Iglesias*
* Paris.
Migraine
les triptans (élétriptan et naratriptan)
puisque, pour ces derniers, il a été
montré que le risque de récurrence
était corrélé à la brièveté de la demi-
vie. Les patientes ne prenant pas de
triptan peuvent essayer la DHE sous-
cutanée. En cas de crise restant forte
ou régulière, l’étape supérieure est
celle d’un traitement séquentiel pris
un à deux jours avant et pendant toute
la durée de la période à risque par
AINS ou par triptan (naratriptan CP
deux fois par jour ou sumatriptan
25 mg deux fois par jour), voire utili-
sant la DHE, le méthysergide (officiel-
lement contre-indiqué avec les triptans
toutefois) ou le magnésium. Les
femmes sous traitement prophylac-
tique de la migraine conservant une
crise au moment du cycle peuvent éga-
lement augmenter la dose de celui-ci
autour de la période à risque. L’usage
des substances à visée prophylactique
rend souvent les patientes plus sen-
sibles au traitement de crise.
En cas d’échec de ces différents traite-
ments, un traitement à visée hormo-
nale doit être envisagé. Avant celui-ci,
reste la solution souvent déjà testée
par le gynécologue de faire prendre la
pilule OP en continu, ce qui entraîne-
rait une diminution tant des céphalées
que des autres symptômes prémens-
truels dans un nombre non limité de
cas (3). Sinon, un traitement séquen-
tiel par estrogène percutané est classi-
quement proposé. Celui-ci doit être
débuté de deux jours avant les règles
et jusqu’à leur arrêt, afin de maintenir
une estrogénémie circulante constante.
Cela nécessite ou la prise d’une pilule
ou des cycles extrêmement réguliers.
Les études princeps ont été menées
avec l’estrogel percutané, souvent
délaissé au profit des patchs, d’usage
plus facile, mais obtenir la même
estrogénémie circulante nécessite
d’utiliser des patchs à 100 µg.
D’autres thérapeutiques d’usage plus
délicat ont été proposées dans les
migraines résistantes, telles que le
danazol, voire le tamoxifène ou la bro-
mocriptine (4).
Grossesse
Inversement, la grossesse, qui amène
une hypersécrétion constante d’estro-
gènes, entraîne une disparition des
migraines chez la plupart des femmes.
Mais cela ne s’installe souvent
qu’après les trois premiers mois, sou-
vent plus ou moins “chaotiques” chez
environ 25 % des femmes. Reste que
la migraine avec aura peut souvent
être inaugurée ou exacerbée pendant
la grossesse.
Il est nécessaire de dépasser l’abandon
thérapeutique des patientes à un para-
cétamol notoirement inefficace. Au
niveau des services d’urgence, le pro-
dafalgan est couramment utilisé mais,
tout récemment, le service d’urgences
céphalée de l’hôpital Lariboisière a pu
tester l’oxygénothérapie à 8 l/min pen-
dant 15 min à l’instar du traitement
des crises d’algie vasculaire de la face.
On peut déjà remarquer que l’Association
américaine de pédiatrie autorise pen-
dant la grossesse la prise d’un anti-
inflammatoire, le fénoprofène, jus-
qu’au 6emois (après il y a un risque
d’HTAP et d’insuffisance rénale).
Pour le Pr C. Lejeune, les AINS ne
sont pas tératogènes, tout comme l’as-
pirine, quoique celle-ci soit très anti-
agrégante, mais ils induisent une dimi-
nution du liquide amniotique et ainsi
ne doivent pas être utilisés en fin de
grossesse, sinon de manière régulière
plusieurs jours de suite (5). Le cas des
triptans n’est pas encore résolu : une
communication du congrès de l’IHS
(New York 2001, Cephalalgia) recen-
sait trois registres de femmes migrai-
neuses ayant consommé du sumatrip-
tan, le plus ancien des triptans, au
cours de leur grossesse, la différence
de malformation infantile n’y était
pas statistiquement significativement
supérieure par rapport au groupe des
femmes migraineuses n’en ayant pas
pris. Cela permet a priori de rassurer
les patientes en ayant consommé mal-
gré tout, à défaut de pouvoir claire-
ment l’autoriser.
Concernant les traitements prophylac-
tiques, une prise en charge non médi-
camenteuse reposant sur l’acupunc-
ture et la relaxation est à envisager en
première intention, mais elle n’est pas
souvent disponible. Ensuite, pour
l’Association américaine de pédiatrie,
le métoprolol est également autorisé
pendant la grossesse, ne nécessitant
qu’un arrêt préventif dans le dernier
mois pour éviter une bradycardie
fœtale. Quant à l’amitriptyline, elle
doit être arrêtée dans le dernier mois
pour se prémunir d’un effet atropi-
nique chez le nouveau-né (6).
Le méthysergide, comme les dérivés
de l’ergot, a un effet ocytocique rési-
duel. Les autres traitements, pizoti-
fène, oxétorone et flunarizine sont de
vieux produits, sans publication rap-
portée concernant leur tératogénicité
mais également sans étude prospective
à ce sujet. Concernant la gabapentine :
pas de recul, mais peu de cas décrits.
Dans le post-partum, il semble que les
crises soient plus fréquentes. Mais il
faut ne pas méconnaître une thrombo-
phlébite cérébrale, une angiopathie
aiguë bénigne liée à l’administration
de méthylergométrine ou de bromo-
criptine, utilisée pour contrecarrer la
montée laiteuse, ou encore un syn-
drome d’hypotension secondaire du
LCR lié à une péridurale poussée trop
loin.
Certaines femmes, après le “choc hor-
monal” induit par le passage d’un
excès d’estrogènes pendant la gros-
sesse à l’après-grossesse, peuvent voir
apparaître – ou du moins être majorée
– la fréquence des migraines.
Ménopause
Après l’augmentation de la fréquence
des crises de la périménopause, la
ménopause entraînera une diminution
du nombre des crises de migraine chez
deux tiers des femmes. Chez le tiers
restant, elle sera sans effet sur la fré-
quence des crises ou parfois entraînera
une apparition de crises de migraine.
Les ménopauses chirurgicales indui-
sent souvent des migraines sévères.
Migraine
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Migraine
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L’effet des THS sur la fréquence des
migraines chez la femme migraineuse
ménopausée n’est pas clairement établi.
En revanche, l’augmentation de fré-
quence des migraines sous THS doit
d’abord conduire à rechercher la dose
la plus basse en estrogènes nécessaire
au contrôle des symptômes vaso-
moteurs ou pour prévenir l’atrophie
cutanée ou vaginale. On peut essayer
de remplacer le type d’estrogènes uti-
lisé, quoique les estrogènes percutanés
quasi constamment utilisés en Europe
fournissent le ratio le plus physio-
logique entre estradiol et estrone et
seraient associés à un taux plus bas de
céphalée. Les progestatifs peuvent eux
aussi bénéficier d’un dosage plus bas.
Un passage en continu des estrogènes
peut se révéler utile en cas d’équiva-
lents de migraine cataméniale ; celui
des progestatifs administrés de
manière cyclique également, en cas de
céphalées associées aux autres signes
du syndrome prémenstruel. Une autre
stratégie est d’user de progestatifs par
voie endovaginale, qui maximisent
l’effet local mais diminuent le passage
systémique. Enfin, en cas de nécessité
d’une prévention du risque cardiaque
ou ostéoporotique, l’usage de modula-
teurs sélectifs des récepteurs aux
estrogènes, tels que le ramoxifène,
pourrait entraîner moins de céphalées
que les THS habituels.
Le traitement des crises repose,
comme chez la femme non ménopau-
sée, sur les AINS en première inten-
tion ; quant aux triptans, leur utilisa-
tion continue souvent après la
ménopause ; pour une initiation de
traitement, le Naramig®, qui a moins
d’effets secondaires thoraciques que
les autres triptans, semble être un pro-
duit de choix. Les traitements de fond
ont les mêmes indications, sous
réserve des précautions d’usage liées à
l’âge.
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