Re c h e r c h e Re c he r c he En Suisse, une femme sur huit est touchée par un cancer du sein au cours de sa vie. Compte tenu de la fréquence de cette pathologie, on pourrait penser que celle-ci n’a plus de mystères depuis longtemps. Or, il n’en est rien: si certains facteurs de risque comme l’âge, le sexe ou la prédisposition génétique sont connus, d’autres sont moins clairs. «Notre connaissance du cancer du sein et des hormones est encore lacunaire» Pas de cycle menstruel, pas de grossesse ni de lait maternel: si les hormones sexuelles féminines n’existaient pas, le genre humain se serait éteint depuis longtemps. Mais les hormones n’exercent pas seulement une influence positive sur le métabolisme; elles peuvent aussi favoriser le développement de tumeurs mammaires. 8 De la souris à l’homme Les hormones sexuelles – œstrogènes et progestérone – jouent elles aussi un rôle important, mais encore largement méconnu. Ce sont elles qui déclenchent le développement sexuel à la puberté, qui régissent les cycles menstruels et qui déterminent la fécondité chez la femme. Chez deux tiers environ des femmes atteintes d’un cancer du sein, les cellules tumorales portent des récepteurs d’œstrogènes et de progestérone. Les tumeurs de ce type peuvent être traitées avec succès par des médicaments qui bloquent les récepteurs d’œstrogènes. Mais quel est le rôle de la progestérone dans le développement de la maladie? Telle est la question à laquelle Cathrin Brisken s’intéresse. A la Faculté des sciences de la vie de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, la chercheuse étudie l’influence de la progestérone sur les cellules mammaires. «Ces dernières années, nous avons commencé à comprendre les effets des hormones chez les souris femelles», explique Cathrin Brisken. «A présent, nous aimerions savoir si les mêmes mécanismes sont à l’œuvre dans le tissu mammaire humain.» Des recherches possibles grâce aux patientes Le groupe de recherche travaille avec du tissu mammaire frais. Celui-ci provient de femmes en bonne santé qui procèdent à une réduction mammaire. Avant l’intervention, on leur demande si elles seraient d’accord de faire don de leur tissu à la recherche. La réaction positive des femmes enthousiasme Cathrin Brisken: «Jusqu’ici, nous avons adressé une demande à 150 patientes, et pratiquement toutes ont accepté. Je trouve cette ouverture magnifique.» Nouvelles stratégies en vue En laboratoire, le tissu est préparé de manière à obtenir de minuscules fragments cellulaires. Ceux-ci sont traités avec différentes hormones ou combinaisons d’hormones. On observe ensuite comment les cellules réagissent à cette stimulation. Cette partie du travail doit s’effectuer rapidement, car lorsque les cellules sont séparées de l’organisme, elles perdent la capacité de réagir aux hormones en quelques jours. L’étude est centrée sur la question suivante: comment la progestérone favorise-t-elle ou accélère-t-elle le développement d’une tumeur? Les résultats obtenus visent à élaborer de nouvelles stratégies en vue de prévenir ou de traiter le cancer du sein. Texte: Dr med.Eva Ebnöther; photos: Peter Schneider Carte d’identité Cathrin Brisken a fait ses études de médecine à Göttingen, en Allemagne, où elle a obtenu un doctorat en biophysique. «A la base, je voulais devenir pédiatre, dit-elle, mais la recherche m’a toujours attirée.» C’est ainsi qu’elle est partie à Boston, aux Etats-Unis, où elle a travaillé comme chercheuse au Whitehead Institute (MIT) et à Harvard. En 2002, elle est arrivée à Lausanne avec sa famille pour travailler à l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC). Mariée à un Italien, Cathrin Brisken a trois enfants, un garçon de 11 ans et deux filles de 9 et 6 ans. 9