DOSSIER THÉMATIQUE
–en cas de doute diagnostique avec une maladie de Crohn (5) ;
–chez les femmes jeunes désireuses d’une grossesse.
RÉSULTATS OPÉRATOIRES ET COMPLICATIONS
PRÉCOCES DE L’ANASTOMOSE ILÉO-ANALE
Mortalité opératoire
S’il s’agit d’une intervention dont la mortalité est actuellement
proche de zéro dans les centres spécialisés (0,2 % sur 1 310 AIA),
le patient avec AIA reste exposé à plusieurs complications post-
opératoires (principalement septiques et mécaniques) et à long
terme (pochite surtout) qui peuvent grever le résultat fonctionnel
et conduire, dans de rares cas (5 à 10 % des patients), à la perte du
réservoir et à l’iléostomie définitive (1, 2).
–Le sepsis pelvien et la fistule anastomotique
Ce sont là deux complications postopératoires redoutables, non
pas tant par le risque vital qui est faible, que par leur répercus-
sion sur le résultat fonctionnel à distance. Leur traitement est
surtout préventif, par réalisation d’une iléostomie de protection
temporaire.
Le taux de sepsis pelvien varie suivant les études (et l’expérience
de l’équipe). Il était de 23 % dans une série récente (6)où une ana-
lyse multivariée retrouvait comme seul facteur indépendant prédic-
tif de sepsis une corticothérapie préopératoire supérieure à 40 mg/j
(RR = 3,8). En cas de survenue d’un sepsis pelvien, une réinter-
vention précoce est rarement nécessaire (grâce à l’iléostomie) et
le plus souvent un drainage sous scanner ou par voie transanale et
une antibiothérapie suffisent à traiter le sepsis. Le plus souvent, ce
sepsis est la conséquence d’une fistule anastomotique qui va retar-
der la fermeture de l’iléostomie jusqu’à cicatrisation complète de
l’AIA, soit une durée d’iléostomie d’au moins 3 à 4 mois.
RÉSULTATS FONCTIONNELS ET COMPLICATIONS
À DISTANCE
Le résultat fonctionnel
Le patient doit être prévenu qu’après fermeture de l’iléostomie tem-
poraire, le résultat fonctionnel (nombre de selles/24 heures, conti-
nence diurne et nocturne, impériosité, etc.) va s’améliorer très pro-
gressivement au cours de la première année postopératoire.
Au début, il n’est pas rare d’observer un nombre de selles de 8 à
10 par 24 heures, avec quelques épisodes de fuites nocturnes, une
impériosité, et enfin une mauvaise discrimination gaz-selles. Ni le
patient ni le médecin ne doivent s’inquiéter.
Après avoir vérifié par un toucher anal que l’anastomose n’est pas
sténosée, il est licite :
–de conseiller au patient un régime sans résidus, en évitant notam-
ment les légumes verts ou les tomates, qui accélèrent de manière
importante le transit intestinal ;
–de prescrire si besoin un ralentisseur du transit (lopéramide,
Imodium®) et un mucilage (ispaghule, Spagulax®) augmentant le
volume du bol fécal ;
–enfin, en cas d’irritation anale, de faire appliquer localement un
mélange de type Biafine®+ Questran®.
Chez certains patients, le lopéramide est sans effet. Seuls le régime
(en évitant si possible les légumes verts et les fruits) et la patience
permettront d’obtenir un résultat fonctionnel “normal”.
Dans une série portant sur plus de 1 300 patients, le résultat fonc-
tionnel était de 6,5 selles en moyenne par 24 heures (dont une la
nuit), avec une continence jugée parfaite chez 54 % des patients
et avec quelques petites fuites dans 39 % des cas. Enfin, 7 % de
patients se plaignaient d’une véritable incontinence (1).
Globalement, dans 10 à 20 % des cas, malgré un résultat opératoire
satisfaisant, le résultat fonctionnel définitif reste médiocre, soit du
fait d’un nombre trop élevé de selles, soit du fait d’épisodes d’incon-
tinence nocturnes et diurnes, soit en raison d’une impériosité
invalidante.
Les sténoses anastomotiques
et les sepsis pelviens chroniques
Elles apparaissent chez 5 à
10 % des patients dans les pre-
miers mois postopératoires et
sont source de détérioration du
résultat fonctionnel, avec une
augmentation du nombre des
selles et incontinence. Une
simple dilatation au doigt en
consultation peut suffire si la
sténose est relative (ou s’il s’agit
d’un “diaphragme” postopéra-
toire). Quand tel n’est pas le cas,
des dilatations à la bougie sous
anesthésie générale sont parfois
nécessaires. Cette sténose est sou-
vent liée à un problème septique
postopératoire et, en premier lieu,
à une sclérose après fistule anastomotique. Lorsque la sténose n’est
pas dilatable, ou si elle récidive rapidement après dilatation, il est
possible de réaliser des sphinctéroplasties de l’AIA, efficaces chez
environ deux patients sur trois (figure 3) [7].
Dans les cas les plus complexes, qui font suite à un sepsis post-
opératoire, avec fistule iléo-périnéale ou iléo-vaginale, il est possible
de réintervenir, soit par voie transanale pour “redescendre” le réser-
voir en J en faisant une nouvelle AIA, soit au maximum par voie
abdominale, notamment en cas de réservoir en J enfermé dans une
gaine scléreuse pelvienne, responsable d’un résultat fonctionnel
catastrophique. Entre des mains entraînées, ces réinterventions per-
mettent d’éviter la perte définitive du réservoir, et l’obtention d’un
résultat fonctionnel acceptable chez environ deux tiers des malades.
Les troubles sexuels
Le problème en fait le plus important aujourd’hui est celui de la
diminution de la fertilité observée après AIA. Un désir de grossesse
chez une femme jeune doit donc aujourd’hui faire reconsidérer
la réalisation d’une AIA. Une enquête de population récente (8) a
en effet montré que les femmes ayant une AIA avaient une diminu-
tion très importante de la fertilité (figure 4) par rapport aux femmes
non opérées ou avec une anastomose iléo-rectale. Cela s’explique
probablement par les adhérences tubaires dues à la dissection pel-
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VIII - novembre-décembre 2005 271
Figure 3. Mauvaise fonction après
anastomose iléo-anale. Sphinctéro-
plastie pour sténose anastomotique.