M i s e a u ... Diagnostic,

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Mise au point
Diagnostic,
investigations et prise en charge
des hypersexualités pathologiques
S. Louchart*, F. Thibaut*
✎ Le terme paraphilie est utilisé
pour dénommer les comportements sexuels déviants.
✎ Les paraphilies les plus fréquentes sont l’exhibitionnisme et
la pédophilie.
✎ L’évaluation clinique des
paraphilies doit être la plus
rigoureuse possible car de celleci dépendra la stratégie thérapeutique mise en œuvre.
✎ Il est nécessaire d’obtenir le
consentement éclairé du patient
avant d’envisager un traitement
antiandrogène.
✎ Le traitement s’articule autour
D
u Moyen Âge à la Renaissance,
seules étaient condamnables la sodomie et la zoophilie. Ensuite, la sexualité fut
régie par le droit coutumier et religieux qui
privilégiait la sexualité dans le cadre de la
procréation. Le code établi par Napoléon a
de deux objectifs fondamentaux : empêcher la récidive et
améliorer la qualité de vie du
délinquant sexuel en atténuant sa
souffrance psychique.
✎ Les traitements antiandrogènes
nécessitent une surveillance régulière.
✎ L’utilisation des traitements
antiandrogènes permet, chez
des sujets consentants, pédophiles ou violeurs récidivistes,
d’améliorer considérablement la
prise en charge de ceux-ci avec
une efficacité quasi constante
sur la prévention des récidives.
ensuite interdit les comportements sexuels
susceptibles de troubler l’ordre public
(outrage public à la pudeur, viol, abus sur
mineurs). Progressivement, un mouvement
d’intégration des perversions sexuelles
dans le champ de la compétence médicale
* Service hospitalo-universitaire de psychiatrie, CHU Charles-Nicolle, INSERM EMI 9906,
UFR médecine de Rouen.
est apparu au cours du XIXe siècle.
L’établissement de leur catalogue et leur
description par Krafft-Ebing et Havelock
Ellis visaient à préciser l’incidence médicolégale d’actes délictueux et à apprécier leur
rapport avec la nosographie psychiatrique.
Le DSM IV (1) donne une définition
générale des paraphilies (anciennes perversions) : “Les caractéristiques essentielles
d’une paraphilie sont des fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, des impulsions sexuelles ou des comportements survenant de façon répétée et intense, et
impliquant :
– des objets inanimés ;
– la souffrance ou l’humiliation de soimême ou du partenaire ;
– des enfants ou d’autres personnes non
consentantes, et qui s’étendent sur une
période d’au moins six mois. Chez
certaines personnes, des fantaisies imaginatives ou des stimuli paraphiliques sont obligatoires pour déclencher une excitation
érotique et font toujours partie de l’acte
sexuel. Chez d’autres, les préférences paraphiliques n’apparaissent qu’épisodiquement (par exemple, au cours de périodes de
stress), alors qu’à d’autres moments, la
personne est capable d’avoir un fonctionnement sexuel sans faire appel à des fantaisies
imaginatives ou à des stimuli paraphiliques. Les comportements, impulsions
sexuelles ou fantaisies imaginatives sont à
l’origine d’un désarroi cliniquement significatif ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres
domaines importants.”
Épidémiologie
La prévalence des paraphilies est
inconnue ; les plus fréquentes sont l’exhibitionnisme, le voyeurisme et surtout la
pédophilie. Plusieurs types de paraphilies
sont souvent associés chez un même individu. Environ un tiers des sujets pédophiles
ou violeurs sont également exhibitionnistes. Il paraît donc extrêmement impor-
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 5, octobre 2000
Mise au point
tant, lorsqu’un sujet vient consulter pour
un type de paraphilie, de rechercher
d’autres comportements paraphiliques parfois plus graves avant d’opter pour une
stratégie thérapeutique.
Le nombre moyen d’incidents rapportés
par un individu au cours de son existence
varie de 30 à 75, ce qui est probablement
encore sous-estimé. Ce chiffre correspond
au nombre de victimes pour les pédophiles, les exhibitionnistes et les auteurs de
viols (cité dans 2). Les paraphilies sont
essentiellement l’apanage des hommes
(99 % des cas en France). Les femmes
auteurs de délits sexuels ont une incidence
plus importante de maladie mentale,
d’alcoolisme ou de retard mental.
Le nombre de signalements d’abus sexuels,
au sens large du terme, ne cesse d’augmenter (+ 50 % en France en dix ans environ, la
hausse la plus importante concernant les
viols d’enfants). Cela traduit probablement
un accès facilité aux plaintes. Il y aurait
chaque année, selon F. Bredin,
10 000 mineurs victimes d’atteintes
sexuelles (rapport établi pour la Commission des Lois de l’Assemblée nationale en
1997). Pithers et al. (3), dans leur revue sur
les abus sexuels aux États-Unis, rapportent
qu’environ 30 % des femmes et 15 % des
hommes dans la population générale signalent avoir été victimes d’abus sexuels avant
l’âge de 18 ans. Seulement 3 % des victimes ont déposé plainte.
En France, selon une étude réalisée en
1996 sur la population carcérale, environ
14,5 % des prisonniers avaient commis des
délits ou des crimes sexuels. La majeure
partie d’entre eux avait plus de 18 ans.
Cependant, Pithers et al. (3) observent
qu’environ un adulte sur deux ayant
commis un délit sexuel considère que son
comportement déviant a débuté avant l’âge
de 18 ans. Aux États-Unis, environ 20 %
des viols et 30 à 50 % des attentats à la
pudeur perpétrés sur des enfants sont commis par des adolescents.
L’évolution à l’âge adulte de ces adolescents et préadolescents délinquants
sexuels n’est pas très favorable ; on
observe souvent la poursuite de leurs comportements violents (sexuels ou non), et la
probabilité de commettre à nouveau des
délits sexuels est d’autant plus importante
qu’ils ont eux-mêmes été victimes d’abus
sexuels dans l’enfance (4). Les délits et
crimes sexuels commis par ces jeunes
s’inscrivent en général dans le cadre d’un
comportement antisocial (échec scolaire,
isolement social...).
Évaluation clinique
et paraclinique
L’examen clinique d’un patient présentant
des conduites paraphiliques débute par une
recherche des antécédents criminels,
médicaux, psychiatriques, de la notion
d’abus sexuel dans l’enfance et d’une
éventuelle consommation abusive de
toxiques. Le praticien tentera de faire préciser le délit ainsi que l’activité sexuelle
habituelle du patient. On recherchera un
trouble de la personnalité ou une pathologie psychiatrique sous-jacente et on évaluera les capacités intellectuelles et le
degré d’insertion socioprofessionnelle du
sujet.
À l’issue de ce bilan, les orientations thérapeutiques pourront être décidées. Si un
traitement antiandrogène est prévu chez un
sujet pubère, on achèvera alors le bilan par
un examen clinique complet avec bilan
hormonal et hépatique.
La seule réponse physiologique qui soit
spécifique de l’excitation sexuelle chez
l’homme est la réponse pénienne qui peut
être mesurée par pléthysmographie. De plus,
celle-ci varie selon le contenu des stimuli
érotiques présentés, ce qui permet d’identifier ceux que le sujet préfère. À la différence
de ce qui est observé chez les violeurs, la
présence de préférences sexuelles déviantes
chez les pédophiles semble établie (cité
dans 2). Cependant cette méthode n’a pas de
valeur diagnostique.
Hypothèses hormonales
Sur le plan hormonal, les relations entre la
testostérone et les comportements sexuels
déviants demeurent mal connues. Deux
aspects peuvent être identifiés : le rôle de la
testostérone dans le comportement sexuel
et son rôle dans l’agressivité.
Chacun des acteurs principaux de la régulation gonadotrope (stéroïdes sexuels,
neuropeptides, amines biogènes) paraît
jouer un rôle dans le comportement sexuel.
La production et la sécrétion de testostérone sont sous le contrôle de l’hormone
hypophysaire LH dont la sécrétion est ellemême sous l’influence de la gonadotrophin
releasing hormone (GnRH) d’origine
hypothalamique. La LH et très probablement la GnRH sont soumises à un rétrocontrôle négatif par la testostérone.
En ce qui concerne le rôle de la testostérone dans l’activité sexuelle, plusieurs
aspects ont été précisés. Des études portant
sur des sujets hypogonadiques ont démontré que la testostérone est indispensable à
l’obtention d’érections nocturnes mais
qu’elle n’est pas nécessaire à l’obtention
d’érections lors de présentations de stimuli
érotiques visuels (5,6). Les androgènes
interviennent dans la production de liquide
séminal et, par conséquent, dans l’éjaculation. Le rôle de la testostérone dans la
libido n’est pas clairement établi. Une
imprégnation adéquate en androgènes
paraît indispensable à l’obtention d’une
activité sexuelle optimale chez l’homme
(7). Toutefois, lorsque les taux de testostérone sont situés dans les valeurs normales,
il n’existe pas de corrélation entre ces taux
et les fantasmes, ni avec la fréquence ou la
qualité des érections (8). De plus, la GnRH
exercerait chez l’animal des effets centraux
sur le comportement sexuel par le biais
d’une facilitation des performances
sexuelles (9).
Les relations entre testostérone et agressivité sont controversées (2). Chez les
primates, la testostérone joue un rôle extrêmement important dans le comportement
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 5, octobre 2000
social normal (dominance, ambitions territoriales) et dans les comportements agressifs. Chez d’autres espèces (comme la
caille), la testostérone doit être transformée
par l’aromatase en estradiol pour influer
sur l’agressivité. Chez l’homme, en dépit
de quelques données négatives, des taux de
testostérone normaux mais significativement plus élevés ont été mesurés chez des
sujets témoins dont l’agressivité, mesurée à
l’aide d’échelles comportementales, est
plus importante, ou encore chez des sujets
délinquants ayant présenté des raptus
violents (10).
Ainsi, le rôle de la testostérone n’est pas
établi de manière linéaire dans l’activité
sexuelle ou dans la violence masculine ;
cependant, un certain nombre d’arguments
permettent de supposer que des modifications du taux plasmatique de la testostérone influent sur l’agressivité ou sur le comportement sexuel.
Les peptides opioïdes endogènes (β−endorphine, enképhaline...) jouent également un
rôle dans la régulation gonadotrope comme
maillons essentiels dans le rétrocontrôle
négatif exercé par les stéroïdes sexuels sur
la sécrétion gonadotrope. De nombreux
neurotransmetteurs modulent également la
sécrétion gonadotrope. L’investigation
animale a permis de montrer qu’ils étaient
également capables d’influencer le comportement sexuel. La dopamine et la noradrénaline apparaissent stimulantes, alors que le
gaba, la sérotonine ou l’acétylcholine
seraient dépresseurs (7).
Paraphilies les plus fréquentes
L’exhibitionnisme
L’exhibitionnisme peut être défini comme
une tendance récurrente ou persistante à
exposer ses organes génitaux, généralement devant des femmes ou des enfants
isolés dans des endroits publics, sans désirer ou solliciter un contact plus étroit. Il y a
souvent, mais pas obligatoirement, une
excitation sexuelle au moment de l’exhibi-
tion et l’acte est en général suivi d’une
masturbation. Il s’agit presque exclusivement de sujets de sexe masculin. La prévalence est inconnue, mais il existe un taux
de récidive élevé.
Selon Balier (11), la vie de ces individus
serait marquée par un hyperconformisme,
l’acte s’expliquant de ce fait “comme une
manifestation de droit à l’existence”.
Les auteurs de viols
Le viol est défini par la loi comme “tout
acte de pénétration sexuelle de quelque
nature qu’il soit, commis sur la personne
d’autrui par violence, contrainte, menace
ou surprise” (article 222-23 du nouveau
code pénal).
Les auteurs de viol possèdent des caractéristiques cliniques différentes et constituent
le groupe le plus hétérogène. Des antécédents judiciaires sont retrouvés, avec une
fréquence particulière d’infractions non
sexuelles associées ou antérieures (vols,
coups et blessures volontaires). On retrouve une fréquente problématique psychopathique avec des conduites d’alcoolisation,
d’abus de toxiques et de prise de risques.
Quatre-vingts pour cent des violeurs ont
moins de 40 ans. Seuls 10 % des viols
seraient la marque d’un sadisme sexuel,
défini par une excitation sexuelle liée à la
souffrance de la victime.
Dans son enquête multicentrique, Ciavaldini (12) met en évidence que la catégorie des violeurs d’adultes se dégage comme
particulièrement fragile sur le plan de l’insertion sociale. Plusieurs auteurs ont
essayé d’étudier et de faire une synthèse
des typologies des violeurs. Quatre grands
axes semblent se dégager :
– recherche de pouvoir ;
– rage ;
– sadisme ;
– comportement antisocial.
Les auteurs d’inceste
L’inceste apparaît dans le DSM IV (1), cité
dans la liste des critères participant à l’élaboration du diagnostic de pédophilie et de
ses différentes formes. L’inceste est alors
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 5, octobre 2000
une forme de pédophilie dont l’expression
est exclusivement intrafamiliale. Cependant, la complexité des facteurs en jeu dans
l’inceste impose une perception différenciée de celle de la pédophilie (absence de
fixation pédophilique au sens strict du
terme).
Les pères incestueux constituent un groupe
relativement homogène : 80 % d’entre eux
ont plus de 40 ans, ils sont le plus souvent
bien insérés et leurs antécédents judiciaires se
révèlent quasi inexistants. Particulièrement
décrit dans les milieux ruraux, l’inceste est
loin d’épargner les zones urbaines. On
constate une fréquence singulière d’alcoolisme chronique, et les récidives seraient plutôt
rares (inférieures à 10 %). L’inceste ne
concerne pas seulement l’enfant du sexe
opposé mais aussi celui du même sexe.
Des profils communs se retrouvent dans la
personnalité des pères incestueux avec
mise en évidence de deux types de personnalité, parfois associés :
– la psychorigidité, l’égocentrisme, l’autoritarisme (voire le despotisme) sont retrouvés
chez cet homme qui les impose souvent avec
agressivité dans le foyer familial. Il exerce un
pouvoir et une relation d’emprise au sein de
sa famille, contrastant parfois avec un comportement effacé dans la vie sociale ;
– dans une dimension de retrait et d’inhibition, c’est un homme réservé, inhibé dans
la relation interpersonnelle, adapté et stable
au niveau professionnel, investissant peu la
vie sociale en se repliant sur la famille.
Le père incestueux serait attiré par son
enfant et non par les enfants, et rares sont
les délits hors du cadre familial.
Cependant, une minorité seraient en fait
des “pédophiles masqués” soulevant la
question de la motivation principale et fréquente d’accès aux enfants à travers une vie
de couple (les beaux-pères, par exemple).
Les pédophiles
Le DSM IV (11) en donne une définition
précise :
“Présence de fantaisies imaginatives
193
Mise au point
sexuellement excitantes, d’impulsions
sexuelles ou de comportements survenant
de façon répétée et intense, pendant une
période d’au moins six mois, impliquant
une activité sexuelle avec un enfant ou des
enfants prépubères (âgés de treize ans ou
plus jeunes). Les fantasmes, impulsions
sexuelles ou comportements sont à l’origine d’une souffrance cliniquement significative ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans
d’autres domaines importants. Le sujet est
âgé de 16 ans ou plus et a au moins cinq
ans de plus que la victime. Le sujet peut
être attiré sexuellement par les garçons ou
par les filles, ou encore par les deux sexes.
La pédophilie peut être exclusive ou non.”
La pédophilie est la paraphilie la plus fréquente. Les “objets” les plus courants de
l’excitation sexuelle des pédophiles sont
les fillettes de 8 à 10 ans ou les jeunes garçons de 10 à 12 ans. Cette sensibilité n’exclut pas pour autant une vie homo- ou hétérosexuelle “stabilisée”. L’évolution de la
pédophilie est de type chronique, surtout
chez les pédophiles attirés par les garçons.
Ces sujets exercent souvent des professions
les mettant en contact continu avec des
enfants. Selon des études rigoureuses,
30 % des sujets pédophiles auraient été
victimes de pédophilie lorsqu’ils étaient
eux-mêmes enfants.
On retrouve chez les sujets pédophiles une
fréquence accrue de condamnations pour
infractions sexuelles et moins de condamnations pour atteintes contre les biens. Le
taux de récidives est particulièrement
élevé, de l’ordre de 30 à 40 % surtout chez
les pédophiles homosexuels (2). La nature
de l’activité sexuelle est extrêmement
variable ; la dangerosité physique est donc
aussi très variable. Certains pédophiles se
contentent de regarder des enfants se
déshabiller ; d’autres ont des relations
sexuelles avec eux ou parfois les tuent
(exceptionnel). Les passages à l’acte surviennent souvent dans des moments de
crise (crises sociale, matérielle, relationnelle, affective, professionnelle...) où le sujet
devient plus vulnérable. Il faut souligner
toutefois qu’il peut exister chez un individu
des fantasmes pédophiles (vie psychique),
sans que pour autant ce dernier les concrétise en actes ou abus sexuels sur des
enfants.
On distingue des formes secondaires, où la
pédophilie est l’expression directe d’une
pathologie mentale : déficience intellectuelle, détérioration débutante sénile ou
présénile, schizophrénie (passages à l’acte
exceptionnels dans un contexte de discordance) et troubles obsessionnels compulsifs (passages à l’acte exceptionnels).
demment décrite, une stratégie thérapeutique pourra être mise en œuvre en tenant
compte des capacités psychologiques et du
niveau d’élaboration du patient. Un autre
élément à prendre en considération est la
motivation du patient, selon qu’il s’agit
d’une démarche personnelle ou d’une
injonction de soins. Dans ce dernier cas, il
sera alors fondamental que le traitement ne
soit pas proposé comme une alternative à la
sanction pénale.
On peut également individualiser des
formes réactionnelles ou transitoires. La
classification de Mohr (13) distingue, selon
l’âge du pédophile, trois groupes :
– de l’adolescence à l’âge de 20 ans, avec
une pédophilie “exploratoire” chez des
sujets inhibés ;
– entre 30 et 50 ans, avec des sujets rencontrant des difficultés de couple et
d’insertion sociale dans un contexte fréquent d’alcoolisation ;
– chez des sujets de plus de 50 ans, qui se
trouvent inquiets quant à leurs capacités
sexuelles.
Enfin il existe des formes primaires qui
définissent le groupe des “véritables pédophiles”, avec une évolution chronique du
trouble, une fixation pédophilique souvent
présente depuis l’adolescence et une attirance souvent plus grande pour les jeunes
garçons.
Ces différentes classifications soulignent la
grande diversité des passages à l’acte pédophiliques.
Les traitements antiandrogènes (acétate de
cyprotérone [CPA] et agonistes de la
GnRH) ont une bonne efficacité symptomatique (> 80 %) dans le contrôle des comportements sexuels déviants en un à deux
mois (14). Ils constituent un adjuvant
majeur à d’autres types d’interventions
comme la psychothérapie et sont souvent
plus efficaces (2, 10). Le mode d’action des
antiandrogènes demeure mal élucidé. Leur
efficacité apparaît parallèlement aux modifications du taux de testostérone, mais un
rôle direct du CPA ou des analogues de la
GnRH sur les structures nerveuses centrales
ne peut être exclu. La durée pendant laquelle les traitements androgènes doivent être
poursuivis n’est pas clairement établie (15).
L’utilisation des traitements antiandrogènes impose une surveillance stricte et
annuelle de la densité osseuse et, parfois, le
recours à une supplémentation calcique. En
outre, la mise en route d’un traitement antiandrogène ne peut être réalisée chez un
sujet pubère qu’après obtention du consentement du patient et après réalisation d’un
examen physique complet et d’un bilan
sanguin et hormonal.
Aspects thérapeutiques
Conclusion
Le traitement des paraphilies s’articule
autour de deux objectifs fondamentaux :
– empêcher la récidive ;
– améliorer la qualité de vie du déviant
sexuel en atténuant sa souffrance psychique.
À l’issue de l’évaluation clinique précé-
L’évaluation clinique des paraphilies devra
être la plus rigoureuse possible car de
celle-ci dépendra la stratégie thérapeutique
à mettre en place. Le choix de cette stratégie sera lui-même fonction du type de paraphilie, du risque de passage à l’acte et des
capacités psychologiques du patient.
194
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 5, octobre 2000
En outre, toute infraction sexuelle ne relève pas systématiquement d’une prise en
charge médicale, seules les données cliniques permettent de poser l’indication
d’un traitement.
L’utilisation des traitements antiandrogènes,
chez les sujets pédophiles ou violeurs récidivistes et consentant au traitement, permet
d’améliorer considérablement la prise en
charge de ces patients. Cependant la durée
du traitement nécessaire n’est pas encore
clairement établie.
■
Références
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mentaux, 4e édition du DSM IV. Traduction française coordonnée par JD Guelfi, Masson 1996.
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agonist in cases of severe paraphilia : a lifetime
treatment ? Psychoneuroendocrinology 1996 ;
21 (4) : 411-9.
A U T O - T E S T
réponses page 215
1. Qu’est-ce que la pédophilie ?
2. Quel est le taux de récidive chez les
pédophiles ?
3. Qui peut bénéficier d’un traitement
antiandrogène ?
4. Quel est le mode d’action de ces
traitements chimiothérapiques ?
195
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