L Théorie et pratique des essais thérapeutiques en onco-hématologie

Correspondances en Onco-hématologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2007
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méthodologie
Tableau.Effectifsnécessairesenfonctiondel’écart
attenduetdurisquebêta(alpha=0,05,testbila
téral).
Survieà2ans 0,05 0,10
40 % versus 60 % 350 285
40 % versus 55 % 565 460
40 % versus 50 % 1 145 925
40 % versus 45 % 4 095 3 310
Théorie et pratique
des essais thérapeutiques
en onco-hématologie
Épisode 2
Theory and practice of clinical trials - Episode 2
N. Mounier*
* Département d’onco-hématologie,
CHU l’Archet, Nice.
L
ors du premier épisode de cette chronique,
nous avons vu comment construire un
essai thérapeutique en onco-hématologie.
Nous allons maintenant aborder la question de
sa conduite. Ces deux étapes peuvent paraître
triviales, mais elles sont d’une importance consi-
dérable, car elles représentent plus de 80 % du
temps et du budget alloués à l’essai et condi-
tionnent sa réussite.
COnTRÔleR les RIsques D’eRReuR
Les résultats d’un essai thérapeutique s’expri-
ment en termes de fréquence de survenue de
l’événement d’intérêt (réponse, toxicité, décès).
C’est simple lorsqu’il s’agit d’un taux de réponse
ou de toxicité, un peu plus complexe pour les don-
nées de survie. Dans ce dernier cas, on considère
un couple (délai ; survenue d’un événement) ;
l’événement pouvant être par exemple le décès
(survie globale) ou la progression/rechute (survie
sans progression). On exprime alors la probabilité
de survie à un temps donné.
Quoi qu’il en soit, chaque probabilité observée
doit être précisée par son intervalle de con ance,
qui représente l’intervalle à l’intérieur duquel
se situerait cette probabilité 95 fois sur 100 si
l’essai thérapeutique était répété 100 fois sur
une population identique.
Lorsque deux traitements sont comparés, la
différence observée peut être seulement due
au hasard des  uctuations d’échantillonnage.
L’expérimentateur court donc deux risques : le
risque alpha (type I, faux positif) de conclure que
les traitements sont différents, alors qu’ils sont
identiques, et le risque bêta (type II, faux négatif)
de conclure que les traitements sont identiques,
alors qu’ils sont différents. Le risque alpha est
généralement  xé à 5 %. Cette valeur est arbi-
traire et le résultat de tout test statistique doit
être précisé par le seuil de signi cation (p), qui
estime la probabilité que la différence observée
soit due aux  uctuations d’échantillonnage.
Le risque bêta a une importance fondamentale
pour calculer le nombre de sujets à inclure. En
effet, un effectif important et une forte différence
entre les traitements diminuent ce risque de faux
négatif. Il est donc essentiel, avant de commen-
cer l’essai, de calculer l’effectif nécessaire pour
contrôler ce risque. Le tableau ci-dessous montre
le nombre de patients nécessaire pour détecter
des différences de survie à deux ans en fonction
de bêta.
Ainsi, lorsqu’un essai conclut à l’absence de
différence signi cative, deux explications sont
envisageables : soit il n’y a pas de différence entre
les deux traitements, soit l’effectif était trop petit
pour détecter la différence existant réellement
(bêta trop grand, manque de puissance).
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Théorie et pratique des essais trapeutiques en onco-hématologie
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Figure. Effet des données manquantes sur la survie globale.
Courbes en pointillé : données incomplètes ; courbes en plein : données complètes. Les
données manquantes (mal actualisées) peuvent faire croire, à tort, à une différence.
OPTImIseR lA quAlITé Des DOnnées
Pour chaque investigateur-coordinateur, en charge
de l’écriture du cahier de recueil des données, la
tentation est fréquente de vouloir collecter un
maximum de données avec des cahiers d’ob-
servation de plus de 100 pages ayant l’ambition
d’être absolument exhaustifs. En fait, plus les
informations sont nombreuses, plus elles courent
le risque d’être altérées ou inexploitables. Par
ailleurs, elles vont être extrêmement coûteuses
en temps et en argent, car il va falloir payer le
technicien d’étude clinique qui aura à monito-
rer” l’étude en se rendant sur le site pour vérier
les données et clarier les imprécisions. Sur le
plan méthodologique, le cahier d’observation
doit essentiellement permettre de déterminer
l’éligibilité du patient, l’observance du traitement,
et de mesurer les critères de jugement principal et
secondaire. En pratique, les cahiers comportent
trois sections : caractéristiques hématologiques
initiales, traitements et toxicités, évaluation en
n de traitement et au cours du suivi. Le niveau
de monitoring peut être adapté au niveau de
l’étude : toutes les variables pour les phases I et
seulement les principales pour les phases III. Les
cahiers associent, autant que possible, des items
à cocher an de faciliter la saisie en ligne et limi-
ter les possibilités d’interprétation personnelle.
En revanche, un espace de texte en clair est ser
pour permettre à l’investigateur d’apporter des
précisions. Par ailleurs, la double validation de la
saisie sur logiciel et la validation médicale sont
garantes de la qualité du recueil des données.
PROgRAmmeR les AnAlyses
InTeRméDIAIRes
En onco-hématologie, il arrive que l’investigateur
ait des nouvelles récentes concernant uniquement
un sous-groupe de patients non représentatifs de
la population étudiée. Par exemple, les patients
revus dans les trois derniers mois peuvent être
soit des patients dont la consultation était prévue
par le protocole, soit des patients en rechute ou
présentant une complication. Pour limiter ce biais,
une date de point est déterminée arbitrairement,
au-delà de laquelle on ne tient pas compte des
informations lors de l’analyse.
Les analyses intermédiaires non planifiées
constituent un autre difcile problème. Certes,
des considérations éthiques liées à l’expérimen-
tation sur l’homme nécessitent l’arrêt précoce
de l’essai en cas de différence d’efcacité ou de
toxiciimportante. Cependant, plus les données
sont réévaluées, plus elles sont exposées à des
uctuations statistiques pouvant conduire à des
conclusions faussement positives (augmentation
du risque alpha en fonction du nombre d’analy-
ses). Une solution est de planier, lors du calcul
de l’effectif, le nombre d’analyses intermédiai-
res et de déterminer les seuils de signication
permettant de préserver un risque alpha de 5 %
sur l’ensemble de l’essai (par exemple pour deux
analyses intermédiaires, p = 0,02 à chacune).
Bien entendu, une analyse intermédiaire doit être
faite sur des données complètes. On prend, par
exemple, les deux premières années d’inclusion
(pour une étude qui dure quatre ans) et on se
donne six mois pour collecter les données an
de ne pas s’exposer à une conclusion erronée,
comme le montre la gure.
CAs De lA quAlITé De vIe (qDv)
Durant ces dernières années, les essais théra-
peutiques n’ont plus uniquement été centrés
sur le contrôle de la maladie, mais ils ont pro-
gressivement intégré un concept plus large de
la santé. Ce concept est sous-tendu par la dé-
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méthodologie
nition de la santé donnée par l’OMS : “La santé
n’est pas seulement l’absence d’in rmité ou de
maladie, mais aussi un état de bien-être physi-
que, psychique et social.” Ainsi, la santé peut
être considérée comme un critère composite
combinant le bien-être physique, fonctionnel,
émotionnel et social avec le contrôle d’un état
pathologique. L’élargissement du concept de
santé a progressivement entraîné l’intégration de
l’étude, comme critère de jugement secondaire,
dans les essais thérapeutiques. Cette approche
tient aussi compte d’une évolution de la relation
médecin-malade qui va dans le sens d’un meilleur
échange dans la compréhension et la réalisation
des traitements.
L’étude de la QDV repose sur la mesure de ses
différents domaines en utilisant des méthodes
psychométriques et des questionnaires remplis
par le patient lui-même à des temps précis, en
général liés aux visites de surveillance. L’intérêt
de cette approche est sa facilité d’application
aux grandes études multicentriques. Sa princi-
pale limite est liée aux dif cultés d’interprétation
des scores estimés par les questionnaires, peu
familiers au médecin et au patient.
Actuellement, les dif cultés d’analyse des don-
nées de QDV apparaissent. Elles sont de trois
types. La première est liée au problème des
comparaisons multiples. En effet, les données
de QDV sont, d’une part, longitudinales, c’est-
à-dire mesurées de manière répétitive au cours
du temps et, d’autre part, multidimensionnelles,
c’est-à-dire composées par les nombreux domai-
nes de la santé. La deuxième dif culté est liée à la
présence de données manquantes, principalement
dans les essais avec une longue période de sur-
veillance. Plus particulrement, le mécanisme des
données manquantes n’est vraisemblablement
pas aléatoire mais informatif, tenant au fait que
les patients ne répondant pas au questionnaire
peuvent souffrir de la toxicité du traitement ou
de la reprise évolutive de la maladie. En n, la
dernière dif culté consiste en l’intégration des
données de survie dans l’analyse des données
de QDV. Dans les situations la survie et la QDV
sont supérieures d’un groupe à l’autre, le choix
est simple. En revanche, un dilemme apparaît lors
de divergences : par exemple, un traitement peut
être plus ef cace, mais aussi plus toxique.
Nous verrons lors d’un prochain épisode que
l’ensemble des travaux actuels dans le domaine
de l’analyse des données de survie laisse des
possibilités d’intégration de la QDV. En particu-
lier, la méthode Q-TWiST (Quality-adjusted Time
Without Symptom and Toxicity) permet de limiter
simultanément ces dif cultés.
lectuRe Recommandée
Molenberghs G, Kenward M. Missing data in clinical
studies. Wiley, 2007.
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