parmi les dix maladies générant la plus forte mortalité et le plus
important handicap, les troubles mentaux étant globalement res-
ponsables de 10,5 % du nombre total d’années de vie en bonne
santé perdues.
L’OMS a par ailleurs souligné les progrès considérables réalisés au
cours des 30 dernières années dans les domaines des neurosciences
et de la médecine du comportement (1). Après la spectaculaire per-
cée de la psychopharmacologie à partir des années 1960, les avan-
cées plus récentes de la génétique et de la biologie moléculaire ont
en effet permis de mieux caractériser le support organique de cer-
taines maladies mentales (schizophrénie, trouble affectif bipolaire,
par exemple), tandis que le développement de la neuro-imagerie et
des neurosciences cognitives a permis d’établir des liens entre cer-
taines activités cérébrales régionales et certains phénomènes men-
taux, normaux ou pathologiques.
Ces progrès devraient permettre le développement de nouveaux
médicaments, mais aussi de nouveaux traitements physiques tels
que la photothérapie, la stimulation magnétique transcrânienne
répétée (rTMS) ou la stimulation cérébrale profonde (SCP).
En santé mentale, les troubles anxieux représentent les affections
psychiatriques les plus répandues chez l’adolescent et l’adulte,
puisque l’on estime à près de 25 % la proportion de sujets ayant
subi un épisode de trouble anxieux sévère et/ou invalidant au cours
de leur vie (2). Toutefois, il demeure un certain nombre de ques-
tions quant à leur reconnaissance clinique, tant sur le plan de leur
classification que sur le plan du référentiel de stratégies thérapeu-
tiques, notamment médicamenteuses. Les classifications actuelle-
ment utilisées par la communauté scientifique internationale sont
celles de l’OMS et, surtout, celle de l’Association américaine de
psychiatrie (DSM-IV). Elles séparent les troubles anxieux en six
pathologies principales, qui se différencient par les sources de
l’anxiété ou par les stratégies utilisées pour tenter de la limiter.
En revanche, on peut dire qu’il existe des caractéristiques
communes à tous les troubles anxieux, c’est-à-dire un état d’hyper-
activité chronique du système nerveux sympathique, associé à une
hypervigilance consciente et préconsciente, ainsi que la présence de
nombreux évitements (de situations, d’images ou de pensées) qui
soulagent l’anxiété à court terme, mais la chronicisent à long terme
en validant les postulats anxiogènes. Ce contexte a conduit à l’éla-
boration de différents modèles, dont le modèle bio-psycho-social
est considéré comme le plus convaincant par les chercheurs et les
cliniciens. En effet, dans ce paradigme, pour qu’un trouble anxieux
existe et persiste, il faut que soient présents, à des degrés divers, une
vulnérabilité biologique (souvent innée), une trajectoire psycholo-
gique allant dans le sens du trouble (modèles parentaux eux-mêmes
anxieux, éducation trop protectrice, etc.) et un environnement social
facilitant (rapports sociaux de plus en plus exigeants).
Enfin, ces troubles sont assez souvent comorbides chez ces
patients de manière soit synchronique, soit diachronique, avec
une intensité qui peut aussi fluctuer dans le temps. De là la très
grande variété des tableaux cliniques rencontrés et la question de
savoir quel(s) traitement(s) semble(nt) le(s) plus approprié(s),
sachant qu’il se dégage au moins trois grands axes que sont l’édu-
cation et l’information des patients anxieux, les psychothérapies
et les traitements médicamenteux.
ASPECTS FONCTIONNELS DE L’ANXIÉTÉ
Support neuro-anatomiques
L’anxiété correspond à un état psychologique, physiologique et
comportemental signalant un danger, une menace ou un conflit,
qu’ils soient réels ou seulement perçus comme tels, et destiné à
déclencher une réponse adaptative. Par conséquent, l’anxiété,
comme la peur, est liée à la fois à notre évaluation subjective de
ces stimuli et à nos réactions physiologiques à l’environnement.
Bien que l’anxiété corresponde à une réaction adaptative natu-
relle, elle peut devenir pathologique, et interfère alors avec notre
capacité à faire face à notre environnement (3).
Force est encore de constater aujourd’hui que l’empirisme et
même des stratégies chimiothérapeutiques appropriées n’ont tou-
jours pas permis de formaliser précisément quels supports neu-
robiologiques pourraient rendre compte d’un état anxieux, et cela
même si de réels progrès ont été faits avec l’apport des neuro-
sciences et de l’imagerie cérébrale. Le rôle clé du système lim-
bique, et plus particulièrement de l’amygdale, de l’hippocampe,
du thalamus et des cortex préfrontal et cingulaire, a ainsi été mis
en évidence. Il est bien admis à l’heure actuelle que l’amygdale
constitue une structure primordiale pour l’étude des circuits de
l’anxiété, superposé à celui d’une émotion, la peur. Schémati-
quement, le processus évoqué pourrait être le suivant
(figure 1)
:
un stimulus sensoriel évoquant la présence d’un danger pour l’or-
ganisme va d’abord atteindre le thalamus. De là, il sera pris en
charge par deux voies parallèles : la voie thalamo-amygdalienne
(voie courte) et la voie thalamo-cortico-amygdalienne (voie
longue). La première véhicule une perception grossière et rapide
d’une situation puisque c’est une voie sous-corticale qui ne béné-
ficie pas de la cognition. Elle active l’amygdale qui, par l’entre-
mise de son noyau central, fait naître des réactions émotionnelles
avant même que l’intégration perceptuelle n’ait eu lieu et que le
système puisse se représenter complètement le stimulus.
Dans un deuxième temps, le traitement de l’information par la
voie corticale longue arrive à l’amygdale et précise si le simulus
est véritablement menaçant ou s’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Pour ce faire, différents niveaux de traitement cortical sont néces-
saires. En effet, après un traitement des différentes modalités de
l’objet par le cortex sensoriel primaire, le cortex associatif “uni-
modal” fournit à l’amygdale une représentation de l’objet. À un
niveau d’analyse encore supérieur, le cortex associatif “polymo-
dal” conceptualise la chose et en informe également l’amygdale.
Cette représentation élaborée de l’objet peut alors être comparée
au contenu de la mémoire explicite grâce à l’hippocampe, qui
entretient lui aussi des liens étroits avec l’amygdale.
C’est l’hippocampe qui permet en premier lieu l’apprentissage
du caractère dangereux d’un objet ou d’une situation grâce à la
mémoire explicite. L’hippocampe est aussi particulièrement sen-
sible à l’encodage du contexte associé à une expérience aversive.
C’est lui qui fait qu’un stimulus peut devenir une source de peur
conditionnée, mais également les objets autour, la situation ou le
lieu où il se produit. La perception d’un danger imminent pour-
suit alors le travail d’activation de l’amygdale, dont les patterns
La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006
Mise au point
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