NUTRITION 31 Psychotropes La prise de poids peu prise en compte Les patients sous psychotropes devraient être mieux informés du risque de prise de poids iatrogène et incités à respecter quelques règles hygiéno-diététiques, voire à consulter une diététicienne pour suivre des régimes non restrictifs. Cette prise de poids expose à une morbi-mortalité liée à toute surcharge pondérale mais aussi à la nonobservance du traitement prescrit. Graisse abdominale nocive On sait depuis longtemps que les patients sous antipsychotiques présentent très souvent une prise de poids au profit de la graisse abdominale, c’est-à-dire celle qui est la plus corrélée aux complications cardiaques et à l’insulinorésistance. Selon les patients, elle atteint en moyenne 6 à 8 kg pendant les 6 à 12 premiers mois du traitement. Si le traitement antipsychotique peut être arrêté (ce qui est rare), cette prise de poids est en général réversible. Plusieurs phénomènes interviennent, à savoir un effet orexigène par blocage des récepteurs à la dopamine, à la sérotonine et à l’histamine, une dysrégulation du poids liée à l’action de l’hyper-prolactinémie sur les hormones stéroïdiennes et l’insulinorésistance, l’augmentation de la soif secondaire à la sécheresse de la bouche qui est induite par l’effet anticholinergique de ce type de médicaments, avec l’accroissement de l’apport calorique par l’intermédiaire des sodas sucrés. Le risque de prise de poids est particulièrement élevé avec la clozapine et l’olanzapine (ces antipsychotiques stimuleraient la sécrétion de l’insuline), modérée avec la rispéridone et la chlorpromazine, et moindre avec l’amisulpride et l’halopéridol. Risque d’obésité Il est aussi acquis que les patients bipolaires sont plus à risque d’obésité que la population générale et que le gain de poids est d’au moins 5 % chez deux tiers des patients sous lithium et chez près de la moitié de ceux sous acide valproïque ou carbamazépine. En ce qui concerne le lithium, plusieurs mécanismes sont évoqués : il inhibe la synthèse des hormones thyroïdiennes (d’où une hypothyroïdie patente ou a minima), bloque les récepteurs dopaminergiques, ce qui entraîne un accroissement de l’appétit, augmente la diurèse, accroît l’effet GABA (d’où consommation accrue de glucides et réduction du métabolisme de base) et stimule les surrénales et la sécrétion de glucocorticoïdes du fait de son action noradrénergique au niveau hypothalamique. Quant à l’acide valproïque, la prise de poids qu’il induit est en rapport avec l’accroissement de l’effet GABA et avec une déficience en carnitine qui serait responsable d’une réduction de l’oxydation des acides gras. Chez les patients sous antidépresseurs, il faut distinguer la reprise de poids perdu pendant la dépression de la prise de poids iatrogène, laquelle doit être soupçonnée lorsqu’elle est aggravée après la rémission complète de l’épisode dépressif. Cet effet indésirable, cause majeure d’arrêt prématuré du traitement, est bien connu avec le miansérine (utilisé chez les sujets âgés) et les antidépresseurs tricycliques dont on sait qu’ils réduisent des dépenses caloriques de base. Le mécanisme reste mal expliqué, il semble qu’il existe un ralentissement de la transmission sérotoninergique. Dans la classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, toutes les molécules n’ont pas les mêmes effets. Ainsi la fluoxétine et la fluvoxamine réduisent l’appétit voire entraînent l’anorexie et font perdre du poids à court terme, probablement par activation des récepteurs 5-HT2c. Ce qui n’est pas le cas de la paroxétine et de la sertraline qui au contraire augmentent l’appétit et favorisent la prise de poids. LC 18es Journées de nutrition pratique Dietecom 2005 Focus sur l’obésité Lutter contre l’obésité quelles qu’en soient les causes s’impose aujourd’hui comme une priorité. Les personnes qui consultent pour une pathologie doivent faire l’objet de soins où l’aspect de surcharge pondéral est pris en compte. Il ne s’agit pas de stigmatiser les personnes obèses, a fortiori si elles se soignent pour des troubles psychologiques. La prise en charge doit être globale c’est-à-dire médicale, psychologique et sociale, ce qui est encore rarement le cas. Au-delà d’une stratégie médicale concernant la personne, il s’agit d’une stratégie de santé publique intégrant le concept de “santé durable”, comme le souligne le députémédecin J.M. Le Guen. >> DOSSIER É tant donné la difficulté à retrouver un poids normal, il paraît important de se préoccuper de la prévention de la prise de poids iatrogène dès le début du traitement. Si le patient est déjà en surcharge pondérale ou présente des antécédents personnels ou familiaux, il convient de choisir le médicament le moins nocif sur ce plan dans la classe thérapeutique. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 63 • mai 2005