Professions Santé Infirmier Infirmière N° 63 • mai 2005
Étant donné la difficulté à
retrouver un poids normal,
il paraît important de se
préoccuper de la prévention de la
prise de poids iatrogène dès le
début du traitement. Si le patient
est déjà en surcharge pondérale
ou présente des antécédents per-
sonnels ou familiaux, il convient
de choisir le médicament le
moins nocif sur ce plan dans la
classe thérapeutique.
Graisse abdominale nocive
On sait depuis longtemps que les
patients sous antipsychotiques
présentent très souvent une prise
de poids au profit de la graisse
abdominale, c’est-à-dire celle qui
est la plus corrélée aux complica-
tions cardiaques et à l’insulino-
résistance. Selon les patients, elle
atteint en moyenne 6 à 8 kg pen-
dant les 6 à 12 premiers mois du
traitement. Si le traitement antipsy-
chotique peut être arrêté (ce qui
est rare), cette prise de poids est
en général réversible. Plusieurs
phénomènes interviennent, à
savoir un effet orexigène par blo-
cage des récepteurs à la dopa-
mine, à la sérotonine et à l’hista-
mine, une dysrégulation du poids
liée à l’action de l’hyper-prolacti-
némie sur les hormones stéroï-
diennes et l’insulinorésistance,
l’augmentation de la soif secon-
daire à la sécheresse de la bouche
qui est induite par l’effet anticholi-
nergique de ce type de médica-
ments, avec l’accroissement de
l’apport calorique par l’intermé-
diaire des sodas sucrés. Le risque
de prise de poids est particulière-
ment élevé avec la clozapine et
l’olanzapine (ces antipsychotiques
stimuleraient la sécrétion de l’insu-
line), modérée avec la rispéridone
et la chlorpromazine, et moindre
avec l’amisulpride et l’halopéridol.
Risque d’obésité
Il est aussi acquis que les patients
bipolaires sont plus à risque d’obé-
sité que la population générale et
que le gain de poids est d’au moins
5 % chez deux tiers des patients
sous lithium et chez près de la moi-
tié de ceux sous acide valproïque
ou carbamazépine. En ce qui
concerne le lithium, plusieurs
mécanismes sont évoqués : il
inhibe la synthèse des hormones
thyroïdiennes (d’où une hypothy-
roïdie patente ou a minima),
bloque les récepteurs dopaminer-
giques, ce qui entraîne un accrois-
sement de l’appétit, augmente la
diurèse, accroît l’effet GABA (d’où
consommation accrue de glucides
et réduction du métabolisme de
base) et stimule les surrénales et la
sécrétion de glucocorticoïdes du
fait de son action noradrénergique
au niveau hypothalamique. Quant à
l’acide valproïque, la prise de poids
qu’il induit est en rapport avec l’ac-
croissement de l’effet GABA et
avec une déficience en carnitine
qui serait responsable d’une réduc-
tion de l’oxydation des acides gras.
Chez les patients sous antidépres-
seurs, il faut distinguer la reprise de
poids perdu pendant la dépression
de la prise de poids iatrogène,
laquelle doit être soupçonnée lors-
qu’elle est aggravée après la rémis-
sion complète de l’épisode dépres-
sif. Cet effet indésirable, cause
majeure d’arrêt prématuré du traite-
ment, est bien connu avec le mian-
sérine (utilisé chez les sujets âgés)
et les antidépresseurs tricycliques
dont on sait qu’ils réduisent des
dépenses caloriques de base.
Le mécanisme reste mal expliqué,
il semble qu’il existe un ralentisse-
ment de la transmission sérotoni-
nergique. Dans la classe des inhibi-
teurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine, toutes les molécules
n’ont pas les mêmes effets. Ainsi la
fluoxétine et la fluvoxamine rédui-
sent l’appétit voire entraînent l’ano-
rexie et font perdre du poids à
court terme, probablement par
activation des récepteurs 5-HT2c.
Ce qui n’est pas le cas de la
paroxétine et de la sertraline qui au
contraire augmentent l’appétit et
favorisent la prise de poids.
LC
18es Journées de nutrition pratique
Dietecom 2005
>> DOSSIER
Les patients sous psychotropes devraient être mieux informés du risque de prise de
poids iatrogène et incités à respecter quelques règles hygiéno-diététiques, voire à
consulter une diététicienne pour suivre des régimes non restrictifs. Cette prise de poids
expose à une morbi-mortalité liée à toute surcharge pondérale mais aussi à la non-
observance du traitement prescrit.
Psychotropes
La prise de poids peu prise en compte
NUTRITION 31
Focus sur l’obésité
Lutter contre l’obésité quelles
qu’en soient les causes s’impose
aujourd’hui comme une priorité.
Les personnes qui consultent
pour une pathologie doivent
faire l’objet de soins où l’aspect
de surcharge pondéral est pris
en compte. Il ne s’agit pas de
stigmatiser les personnes obè-
ses, a fortiori si elles se soignent
pour des troubles psycholo-
giques. La prise en charge doit
être globale c’est-à-dire médi-
cale, psychologique et sociale,
ce qui est encore rarement le
cas. Au-delà d’une stratégie
dicale concernant la person-
ne, il s’agit d’une stratégie de
santé publique intégrant le
concept de “santé durable”,
comme le souligne le député-
médecin J.M. Le Guen.
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