F. Petitjean L’Encéphale, 2006 ;
32 :
855-7, cahier 3
S 856
NIVEAUX DE PREUVE
Les recommandations sont indexées selon le niveau de
preuve dont on dispose pour les édicter. Il existe ainsi des
recommandations de niveau A lorsqu’elles se font sur la
base de références cliniques substantielles, avec plu-
sieurs études contrôlées ; de niveau B lorsqu’elles se font
sur la base de références cliniques moins complètes, avec
peu d’études et des données moins consistantes ; ou enfin
de niveau C, lorsque les recommandations peuvent être
faites sur la base d’opinions d’experts, avec des résultats
controversés ou insuffisamment prouvés.
CONSENSUS SUR L’UTILISATION
DES ANTIPSYCHOTIQUES
En 1994, la première Conférence de Consensus fran-
çaise avait recommandé de recourir à une monothérapie
neuroleptique lors du traitement au long cours, d’éviter la
prescription systématique d’antiparkinsoniens, de ne pas
recourir aux antidépresseurs en phase aiguë. Elle avait
également souligné l’importance d’une information sim-
ple, complète et compréhensible sur la maladie et les trai-
tements pour l’observance thérapeutique.
Une synthèse des guidelines plus récents, rédigés
après l’apparition des antipsychotiques de seconde géné-
ration, conduit à souligner que l’objectif du traitement d’un
épisode aigu est de contrôler l’émergence des symptômes
psychotiques et des troubles du comportement pour per-
mettre le retour à un bon niveau de fonctionnement psy-
chosocial. Le choix de la molécule doit être fait en fonction
de la voie d’administration, de la symptomatologie pré-
pondérante (positive ou négative), des effets indésirables
éventuels, et de la réponse antérieure éventuelle
; les
recommandations récentes préconisent toutes l’utilisation
des antipsychotiques de seconde génération en première
intention.
Ces guidelines récents recommandent, pour le traitement
d’entretien, une durée du traitement de 12 à 24
mois après
un premier épisode, avec une prolongation en cas d’épiso-
des multiples (5
ans après le dernier épisode). Ils décon-
seillent les traitements intermittents, et indiquent un traite-
ment pour la vie entière en cas de comportements violents.
L’adaptation des posologies doit se faire par une dimi-
nution graduelle, jusqu’à l’obtention de la posologie mini-
male (par exemple d’un cinquième de la posologie initiale
tous les six mois pour les antipsychotiques de première
génération, selon l’APA en 2003). Cette stratégie reste
toutefois discutée à l’heure actuelle. Les traitements adju-
vants doivent être discutés en fonction de la symptoma-
tologie associée (benzodiazépines, normothymiques,
anticholinergiques…).
Toujours pour l’APA en 2003, les antipsychotiques de
seconde génération possèdent une meilleure tolérance
neurologique, mais ils nécessitent une surveillance de cer-
tains paramètres cliniques et biologiques (poids, pression
artérielle, glycémie, bilan lipidique, ionogramme sanguin,
électrocardiogramme).
Des études complémentaires apparaissent nécessai-
res afin de mieux évaluer l’efficacité et le rapport bénéfice/
risque (notamment la tolérance au long cours) des antip-
sychotiques de seconde génération.
APPROCHES PSYCHOSOCIALES
Le traitement des schizophrénies s’inscrit dans un pro-
cessus de prise en charge qui doit être bio-psychosocial,
incluant le dépistage des comorbidités, et la prise en
charge, lorsque c’est possible, en structures de soins et
de dépistage. Outre l’utilisation des agents pharmacolo-
giques (antipsychotiques de seconde génération, thymo-
régulateurs…), les recommandations de l’APA mettent
l’accent sur la nécessité d’approches psychothérapiques
adaptées, d’une démarche devant conduire à une alliance
thérapeutique, et qui doit s’appuyer sur un soutien apporté
aux familles.
La prise en charge doit être intégrée et à long terme ;
elle doit tenir compte des spécificités individuelles que
sont le fonctionnement cognitif du patient, ses habiletés
sociales, l’évolution de sa pathologie dans le temps, et les
facteurs traumatiques qui peuvent être associés à sa
pathologie.
Sur le plan psychothérapique, la pratique de la cure type
psychanalytique est contre indiquée
; cependant il existe
un certain consensus professionnel pour estimer que cette
approche peut apporter un éclairage utile à la compréhen-
sion des troubles. En revanche, les thérapeutiques cogni-
tives et comportementales doivent être mises en place,
en complément des autres thérapeutiques, dès le dia-
gnostic établi (grade A).
Les récentes recommandations du PORT font une
place importante aux traitements psychosociaux, en récu-
sant le réductionnisme biologique et en soulignant l’intérêt
d’un modèle intégré bio-psychosocial.
Les programmes d’intervention psychosociale mis en
avant dans les recommandations sont les programmes
d’
Assertive Community Treatment
, les programmes psy-
cho-éducatifs concernant les familles, le soutien à la réin-
sertion professionnelle, les traitements cognitivo-compor-
tementaux, l’entraînement aux habiletés sociales.
L’importance d’une mise en œuvre précoce de ces traite-
ments est également soulignée.
L’
Assertive Community Treatment
est une méthode
thérapeutique décrite en 1980 par Stein et Test dans le
Wisconsin. Cette technique, largement utilisée aux États-
Unis et au Royaume-Uni, a conduit à de nombreuses étu-
des contrôlées et à un nombre important de recherches
(Mueser
et al.
, Schizophrenia Bull 1998). Ce modèle
recouvre étroitement ce qui est pratiqué en France dans
le cadre du Secteur psychiatrique : il s’agit d’un modèle
de prise en charge de la schizophrénie basé sur la proxi-
mité, la mobilité, la flexibilité, sur des services accessibles
directement et sur de larges plages horaires, des dossiers
partagés entre cliniciens, une continuité de soins et une
prise en charge qui n’est pas limitée dans le temps. Ce