Médecine & enfance Les troubles du rythme chez l’enfant ABÉCÉDAIRE E. Villain, cardiologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants Malades, Paris A COMME ADÉNOSINE TRIPHOSPHATE (STRIADYNE®) Le diagnostic de l’origine d’une tachycardie supraventriculaire (TSV) de l’enfant repose sur l’identification des auriculogrammes et sur l’analyse de la liaison entre les ondes P et les complexes QRS (figure 1). Lorsque l’ECG montre autant d’ondes P que de QRS, ou quand on ne voit pas les ondes P, il faut recourir à des manœuvres vagomimétiques, qui créent un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) transitoire. En milieu hospitalier, le test à l’ATP (Striadyne ® ) permet d’identifier l’origine des TSV. L’injection se fait par voie intraveineuse, en bolus (sur une bonne voie d’abord, avec une purge de sérum physiologique), à la dose de 0,5 à 2 mg/kg, répétable, l’estomac ayant été vidé ou chez l’enfant à jeun ; l’injection d’ATP est déconseillée en cas de bronchospasme. Chez le nouveau-né, la méthode non invasive la plus efficace pour stimuler le tonus vagal est l’application d’une vessie de glace sur le visage durant 10 secondes ; chez l’enfant plus grand, on a recours au réflexe oculo-cardiaque. En bloquant l’influx électrique dans le nœud auriculo-ventriculaire, les manœuvres vagales entraînent l’arrêt brutal des TSV par réentrées dans 80 % des cas (ou bien n’ont aucun effet) : c’est la loi du tout ou rien. En cas de tachycardie d’origine atriale, les manœuvres vagales permettent de démasquer les ondes P en créant un BAV transitoire (figure 2), mais elles n’interrompent pas le trouble du rythme. Figure 1 Schéma pour le diagnostic des TSV Identification des auriculogrammes P’ (spontanés ou manœuvres vagales) P > QRS Réentrée atriale – flutter – tachysystolie – tachycardie atriale chaotique P = QRS Réentrée jonctionnelle – voie accessoire – réentrée intranodale P < QRS (ou dissociation) Tachycardie hissienne Figure 2 TSV du nouveau-né et du nourrisson, ECG en 25 mm/s Tracés du haut et du milieu : tachycardie à QRS fins, à 280/mn avec des ondes P difficiles à identifier. L’injection de Striadyne® « casse » la tachycardie avec retour en rythme sinusal. Il s’agit donc d’une TSV par réentrée jonctionnelle. On voit ensuite l’aspect avec PR court et onde delta, caractéristique d’un syndrome de Wolff-Parkinson-White. Tracé du bas (D II) : l’injection de Striadyne® crée un BAV transitoire, qui laisse apparaître les ondes P’ d’une tachycardie atriale ectopique (P’ négatives en DII). B COMME BLOC AURICULOVENTRICULAIRE COMPLET (BAVC) Le BAVC est une anomalie rare, le plus souvent diagnostiquée sur une bradycardie. L’ECG montre une dissociation complète entre le rythme sinusal normal et un rythme d’échappement ventriculaire plus lent (figure 3), ce qui permet de faire le diagnostic différentiel avec des extrasystoles atriales bloquées. septembre 2008 page 287 Quand le bloc est diagnostiqué avant ou peu après la naissance, la recherche d’anticorps maternels anti-SSA et/ou anti-SSB est presque toujours positive, indiquant l’origine immunologique du bloc. La cause des blocs diagnostiqués plus tard dans l’enfance reste le plus Médecine & enfance souvent inconnue, et on pense maintenant qu’il ne s’agit pas de blocs authentiquement « congénitaux » [1]. Le seul traitement efficace d’un BAVC est l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Des symptômes ou une fréquence ventriculaire basse sont les principales indications de stimulation. Les nourrissons dont la fréquence ventriculaire est inférieure à 50/mn et les enfants dont la fréquence moyenne diurne (sur un enregistrement des vingt-quatre heures) est inférieure à 50/mn représentent un groupe à haut risque de syncope ou de mort subite et doivent être stimulés. Les sondes de stimulation sont introduites par voie chirurgicale chez les jeunes enfants, puis par voie veineuse au-delà de 10-15 kg. Les progrès de la stimulation permettent maintenant aux enfants ayant un BAVC de mener une vie normale. C COMME CATÉCHOLERGIQUE La TV catécholergique est une affection rare, à rechercher chez des enfants qui font des syncopes lors d’efforts ou d’émotions et dont l’ECG et l’échocardiographie sont normaux. Les syncopes sont dues à des troubles du rythme ventriculaire polymorphes. L’épreuve d’effort permet de faire le diagnostic, car elle reproduit le trouble du rythme de façon stéréotypée : accélération sinusale, puis extrasystoles ventriculaires polymorphes, volontiers bidirectionnelles (figure 4), enfin TV bidirectionnelle ou polymorphe. Un caractère familial est retrouvé chez environ 30 % des patients. Ces formes sont liées à des mutations dans des gènes contrôlant les mouvements calciques intracellulaires. L’évolution sans traitement est la mort subite, mais les bêtabloquants préviennent les troubles du rythme efficacement chez la plupart des enfants ; dans d’autres cas, l’implantation d’un défibrillateur est nécessaire [3]. D COMME DÉFAILLANCE SINUSALE Très rare chez l’enfant, elle s’observe surtout chez les enfants opérés de car- Figure 3 BAVC congénital Dissociation auriculo-ventriculaire complète avec une fréquence sinusale normale (120/mn) plus rapide que le rythme d’échappement ventriculaire (60/mn). Figure 4 TV catécholergique Extrasystoles ventriculaires bidirectionnelles apparaissant lors d’une épreuve d’effort. plique que la tolérance clinique soit initialement bonne. La méthode élective de réduction de ce trouble rythmique est la stimulation atriale transœsophagienne. Quand on ne dispose pas du matériel nécessaire, on fait un choc électrique externe si l’hémodynamique est compromise ; si le flutter est bien toléré, on peut prescrire de l’amiodarone per os, souvent efficace en quelques jours pour réduire les flutters néonatals. En principe, une fois réduit, ce trouble du rythme ne récidive pas. G COMME GÈNES diopathies congénitales. Rappelons que certains syndromes de QT long se révèlent par une bradycardie sinusale néonatale [4]. E COMME EXTRASYSTOLES La constatation d’extrasystoles, atriales ou ventriculaires, est rare chez le nouveau-né et le nourrisson ; elles sont habituellement bénignes et régressent dans les premiers mois de vie [5]. Chez l’enfant sans anomalie cardiaque, on observe parfois des extrasystoles ventriculaires, qui sont en règle bénignes lorsqu’elles sont toutes identiques (monomorphes), isolées et qu’elles disparaissent à l’effort. Dans tous les cas, une consultation spécialisée avec échocardiographie doit être demandée. F COMME FLUTTER ATRIAL Le flutter atrial sur cœur sain est un trouble du rythme observé in utero et chez les nouveau-nés. L’ECG montre une tachycardie régulière, avec des ondes P en dents de scie sans retour à la ligne isoélectrique (figure 5). Chez le nouveau-né, la distinction entre un flutter et un foyer ectopique est parfois difficile. La conduction vers les ventricules se fait habituellement en 2/1, ce qui exseptembre 2008 page 288 Les progrès de la génétique moléculaire ont permis de rattacher certaines pathologies rythmiques à des mutations dans les gènes codant pour les canaux ioniques myocardiques, ouvrant ainsi la voie à la notion de « canalopathies ». Dans ce groupe s’intègrent en particulier le syndrome de Brugada (mutation dans le gène SCN5A), très rare chez l’enfant mais pouvant entraîner des morts subites, en particulier lors d’un épisode fébrile [6] , ainsi que les syndromes de QT long ou court et les TV catécholergiques. Des anomalies génétiques sont également à rechercher en cas de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire [7]. H COMME HISSIEN Les tachycardies hissiennes sont les plus rares des TSV, mais les plus graves, car elles sont souvent méconnues et réfractaires au traitement. Elles surviennent chez des nourrissons au cœur sain, et également dans les suites immédiates de la chirurgie cardiaque. Elles sont liées à l’activité d’un foyer ectopique situé dans le faisceau de His. L’ECG montre une tachycardie entre 150 et 300/mn, à QRS fins, avec dissociation auriculo-ventriculaire (plus de complexes QRS que d’ondes P) et complexes de capture (figure 6). L’amiodarone est le traitement le plus efficace des tachycardies hissiennes ; il est souvent nécessaire de débuter le traitement par une dose importante (1 g/m2 per os). Médecine & enfance I COMME INTERDIT L’injection intraveineuse de drogues anti-arythmiques peut s’avérer dangereuse chez les jeunes enfants (risque de BAV, de collapsus). C’est le cas en particulier de l’amiodarone et des calciumsbloquants, dont nous proscrivons l’utilisation par voie intraveineuse. Rappelons ici que la digoxine est contre-indiquée chez tous les patients ayant une pré-excitation ventriculaire, quel que soit leur âge. Figure 5 Flutter néonatal A : flutter atrial, bloqué 2/1 vers les ventricules ; B : ondes de flutter démasquées par l’injection de Striadyne® ; C : stimulation atriale en « rafale », par voie œsophagienne, permettant de casser le trouble du rythme. J COMME JOULES Certains troubles du rythme sévères avec collapsus doivent être réduits par choc électrique externe synchronisé. Chez le jeune enfant, l’énergie délivrée ne doit pas dépasser 3 J/kg. N COMME NORMAL Chez le nouveau-né, la fréquence cardiaque maximale est d’environ 170 à 190/mn et la fréquence minimale ne descend pas au-dessous de 80/mn. Chez le nourrisson, la fréquence maximale lors des cris peut atteindre 220 voire 240/mn, et la fréquence minimale reste au-dessus de 60/mn ; l’écart entre le jour et la nuit apparaît à partir du troisième mois. Chez l’enfant plus grand, la limite supérieure du rythme sinusal à l’activité est d’environ 180 à 200/mn et les fréquences minimales peuvent s’abaisser jusqu’à 45/mn. Au repos, l’accentuation de la variabilité sinusale est banale au-delà de huit à dix ans, mais les pauses sinusales nocturnes n’excèdent en règle pas 1 800 ms. O K COMME OREILLETTE COMME KALIÉMIE Dans les formes typiques, les tachycardies naissant dans les oreillettes [10] se caractérisent sur l’ECG par des ondes P’ dont l’axe n’est pas sinusal, avec plus d’ondes P’ que de QRS, spontanément ou sous l’effet des manœuvres vagales (figure 2). Penser à la contrôler en cas de torsades de pointes ou de troubles de la repolarisation : hypokaliémie : aplatissement de T et apparition d’une onde U, allongement de QT ; hyperkaliémie : élargissement de QRS, ondes T pointues. Figure 6 Tachycardie hissienne postopératoire. La fréquence ventriculaire est à presque 150/mn, avec des QRS fins, et on voit des ondes P dissociées et dont la fréquence est plus lente (environ 70/mn). Les tachycardies atriales ectopiques ou tachysystolies (TSA) sont liées à l’automa- L COMME LUCIANI-WENCKEBACH Se définit sur l’ECG par un allongement progressif de l’espace PR précédant une onde P bloquée. Des périodes de Luciani-Wenckebach peuvent s’observer chez l’enfant normal, lors d’une stimulation vagale transitoire, en particulier la nuit. Par contre, la constatation d’un bloc du deuxième degré durable chez un enfant est pathologique, et nécessite une consultation en milieu spécialisé, en raison du risque d’évolution vers un bloc complet [8]. M COMME MYOCARDIOPATHIE RYTHMIQUE N’importe quel trouble du rythme chronique peut évoluer vers une défaillance cardiaque avec altération de la fonction myocardique par épuisement des réserves énergétiques du cœur. Devant une myocardiopathie en apparence primitive de l’enfant, il faut donc toujours rechercher un trouble du rythme sousjacent. Le diagnostic est particulièrement difficile en cas de foyer ectopique situé dans la partie haute de l’oreillette droite ou bien à proximité de la veine pulmonaire supérieure droite, car l’auriculogramme a alors la morphologie et l’axe d’une onde P normale, si bien que ces tachycardies ressemblent à des tachycardies sinusales. L’attention doit être attirée par un espace PR un peu long ; les manœuvres vagales sont très utiles pour démasquer les ondes P en créant un BAV transitoire [9]. septembre 2008 page 289 ticité anormale d’un foyer ectopique auriculaire. Ces tachycardies sont difficiles à traiter et sont insensibles à la cardioversion, comme à la stimulation rapide ; l’amiodarone, les agents IC (flécaïnide), seuls ou associés aux bêtabloquants, sont les drogues les plus efficaces. Le pronostic des TSA de l’enfant est très bon quand le trouble du rythme débute avant l’âge de deux ou trois ans, car le foyer ectopique finit en règle par disparaître avec la croissance [9-11]. Chez le grand enfant par contre, une ablation par radiofréquence est nécessaire pour supprimer le foyer anormal d’activation atriale. La tachycardie atriale chaotique s’observe surtout chez des nourrissons de moins de six mois. Le diagnostic est facile à faire en examinant l’ECG, qui montre une activité atriale polymorphe (au moins trois morphologies d’ondes P) ra- Médecine & enfance pide et irrégulière ; la conduction auriculo-ventriculaire est variable et des aspects de bloc de branche sont également observés (figure 7). Les formes rapides doivent être traitées médicalement, et l’amiodarone et/ou les bêtabloquants sont les traitements les plus efficaces. La guérison définitive permet le sevrage thérapeutique dans les premières années de vie. Figure 7 Tachycardie atriale chaotique. L’activité atriale est irrégulière, polymorphe et instable. On voit également des ondes P bloquées et des QRS larges, par bloc de branche fonctionnel. P COMME PALPITATIONS Chez les enfants, les palpitations sont un motif fréquent de consultation. Un bilan cardiologique doit être réalisé mais le plus souvent l’ECG et l’enregistrement holter sont normaux. Dans certains cas, il peut être utile de remettre à l’enfant un appareil permettant la transmission par téléphone-fax des ECG enregistrés au cours des symptômes. Dans la pratique, il est rare de faire ainsi le diagnostic d’un authentique trouble du rythme, mais cet examen a le mérite de rassurer la famille et l’enfant. Figure 8 Syndrome de QT long congénital. Tracé du haut : QT long avec aspect en double bosse de ST, laisse penser qu’il s’agit d’un QTL 2. Tracé du bas : torsade de pointes. R COMME RÉENTRÉE Q COMME QT LONG Le syndrome de QT long (QTL) congénital se caractérise par un allongement de l’espace QT sur l’ECG de surface. L’espace QT varie avec la fréquence cardiaque et doit être « corrigé » en fonction de la fréquence instantanée grâce à la formule de Bazett : QT corrigé (QTc) = QT mesuré (ms) intervalle RR précédent (ms) chez l’enfant et l’adolescent, on parle de QT long lorsque QTc est supérieur à 440 msec (figure 8). Les syndromes de QTL congénital sont la conséquence de mutations dans les gènes codant pour les canaux ioniques responsables du potentiel d’action cellulaire. A chaque gène correspond une affection différente. QTL 1 et 2, les plus fréquents, sont dus à des mutations dans les gènes qui codent les canaux potassiques ; beaucoup plus rare, QTL3 est dû à des mutations dans le gène codant le canal sodique rapide. Les troubles du rythme ventriculaires (torsades de pointe) sont la complica- tion la plus sévère des syndromes de QTL (figure 8). Ils sont responsables de syncopes, d’effort le plus souvent (noyades), et d’une mortalité très élevée en l’absence de traitement. Les syndromes du QTL peuvent également entraîner des troubles fonctionnels de la conduction auriculo-ventriculaire (formes néonatales sévères de QTL2) [4]. Le traitement de fond des syndromes de QTL repose sur les bêtabloquants à vie [12]. Il faut également remettre à l’enfant et à sa famille une liste de tous les médicaments susceptibles d’allonger l’espace QT, qui doivent être exclus. Les formes sévères (QTL 3) et les patients homozygotes (Jervell et Lange-Nielsen) justifient souvent la pose d’un défibrillateur automatique implantable. Figure 9 Schéma d’un mécanisme de réentrée entre la voie normale de conduction, empruntée des oreillettes vers les ventricules, et un faisceau de Kent, emprunté des ventricules vers les oreillettes, activées de façon rétrograde. Les tachycardies jonctionnelles par réentrée sont les plus fréquentes des TSV du nourrisson [13]. Durant les accès de tachycardie, la voie normale nodo-hissienne est empruntée des oreillettes vers les ventricules, et la voie accessoire (faisceau de Kent) est empruntée dans le sens rétrograde (figure 9). Après interruption du circuit grâce aux manœuvres vagales, le traitement préventif des récidives repose sur l’amiodarone jusqu’à l’âge de un an [14]. Chez l’enfant plus grand, on observe également des réentrées à l’intérieur de la jonction auriculo-ventriculaire : ce sont les réentrées intranodales (maladie de Bouveret). S COMME SYNCOPE Les malaises et syncopes représentent une cause fréquente de consultation en pédiatrie, et la majorité d’entre eux sont bénins. Un ECG doit être fait systématiquement chez tout enfant ayant eu un malaise. Chez le nourrisson, les malaises sont en règle la conséquence d’une bradycardie brutale, d’origine réflexe vagale, souvent déclenchée par un stimulus douloureux (reflux gastroœsophagien). Chez les enfants plus grands, les circonstances de survenue septembre 2008 page 290 Médecine & enfance des spasmes du sanglot ou des malaises sont assez stéréotypées et permettent d’identifier l’origine vagale bénigne des symptômes. Tout malaise ou syncope survenant dans un contexte d’effort (natation surtout) Figure 10 Tachycardie ventriculaire monomorphe chez un nourrisson Tachycardie à QRS larges, avec dissociation entre les ondes P (cf DII) et les QRS. W mérite une exploration plus poussée. Une consultation spécialisée avec ECG, échocardiographie, enregistrement holter, voire épreuve d’effort, permettra d’identifier les causes de syncope et de mort subite que sont certaines malformations et myocardiopathies, le bloc complet, le syndrome de Wolff-Parkinson-White et les « canalopathies » [15]. T COMME TRAITEMENT L’amiodarone est l’anti-arythmique pédiatrique de référence en France. L’amiodarone doit être administrée per os, à la dose de charge de 500 mg/m2/j durant 8 à 10 jours, relayée par une dose d’entretien de 250 mg/m2/j. Les effets secondaires indésirables sont rares chez l’enfant. Il s’agit essentiellement de l’intolérance cutanée avec photosensibilisation. Les dysthyroïdies ne sont le plus souvent que biologiques, mais tout traitement par l’amiodarone doit être accompagné d’une surveillance systématique des fonctions thyroïdiennes. Le propranolol (Avlocardyl®) reste encore aujourd’hui le bêtabloquant de référence le plus connu et le plus utilisé, à la dose de 3 mg/kg/j en 3 ou 4 prises. Le nadolol (Corgard ® ) est le bêtabloquant d’effet retard le plus puissant, et c’est donc le médicament électif des syndromes du QTL et des TV catécholergiques. Chez l’enfant, on le prescrit à la dose de 50 mg/m2/j en 2 prises. L’effet du traitement doit être vérifié par des épreuves d’effort et par des enregistrements holter. U COMME UNITÉS Toujours vérifier la vitesse de déroulement et l’étalonnage d’un ECG, de même que le positionnement des électrodes ! Rappelons qu’un ECG normal est enregistré en 25 mm/s (un « petit » carré = 200 ms) et en 1 cm = 1 mV. l’amiodarone per os permet en règle de restaurer un rythme sinusal stable, et la tachycardie disparaît habituellement avant l’âge de quatre ans, ce qui autorise le sevrage thérapeutique [17]. COMME WOLFF-PARKINSON-WHITE Figure 11 ECG enregistré après une syncope chez un enfant de douze ans On voit des complexes QRS de morphologies variables, irréguliers. Le RR le plus court correspond à une fréquence ventriculaire > 300/mn = fibrillation atriale conduite par voie antérograde à la fois par la voie nodohissienne et par un faisceau de Kent. V COMME VENTRICULAIRE Une tachycardie ventriculaire (TV) monomorphe est une tachycardie à QRS larges, différents des complexes sinusaux, et identiques entre eux ; l’existence d’une dissociation auriculo-ventriculaire et de complexes de fusion et de capture permet d’affirmer le diagnostic de TV (figure 10). Ce diagnostic doit toujours faire rechercher une cause sous-jacente, mais les TV sur cœur normal constituent le sous-groupe le plus important des TV de l’enfant [16]. Les TV « idiopathiques » du nourrisson s’observent entre trois et vingt-quatre mois. La fréquence ventriculaire est habituellement comprise entre 160 et 350/mn, et, du fait de son caractère incessant, ce type de TV conduit souvent à une myocardiopathie dilatée sévère. La cardioversion est inefficace, mais septembre 2008 page 291 Chez certains enfants ayant une voie accessoire (faisceau de Kent), l’influx électrique d’origine sinusale circule simultanément dans la voie nodo-hissienne et dans la voie accessoire (dépourvue du frein vagal), si bien qu’un des ventricules est activé avant l’autre : il en résulte un aspect de pré-excitation avec PR court et onde delta sur l’ECG (figure 2) définissant une syndrome de Wolff-Parkinson-White. La gravité de ce syndrome tient au risque de syncope, voire de mort subite, auquel sont exposés les patients [18]. Ces accidents sont la conséquence de la conduction très rapide vers les ventricules d’un trouble du rythme atrial, habituellement une fibrillation, à travers une voie accessoire très perméable, court-circuitant le nœud auriculo-ventriculaire. L’ECG montre alors une tachycardie irrégulière, avec des QRS plus ou moins larges (plus ou moins « pré-excités ») car l’influx en provenance des oreillettes est conduit à la fois par la voie normale et par la voie accessoire (figure 11) . Les formes avec collapsus sont traitées par choc électrique externe. L’utilisation d’agents déprimant la conduction (adénosine, ATP) est contre-indiquée, car ces drogues favorisent la transmission exclusive des influx atriaux par la voie accessoire et induisent donc une accélération de la fréquence ventriculaire. C’est également en raison de ce risque que la digoxine est contre-indiquée chez tous les patients ayant une pré-excitation ventriculaire. Aucune méthode ne permet avec certitude de prédire quels sont les enfants à risque de syncope, mais l’étude électrophysiologique permet de tester la vulnérabilité atriale et la perméabilité antérograde de la voie accessoire [19] . On conseille de réaliser cet examen vers l’âge de dix ans, et une ablation par ra- Médecine & enfance diofréquence est proposée chez les enfants ayant une voie accessoire considérée comme dangereuse. XYZ COMME ZEN Attitude conseillée au pédiatre devant un trouble du rythme. Garder son calme, vérifier que l’enfant va bien et prendre alors son temps pour interpréter l’ECG et faire un diagnostic. Références [1] LUPOGLAZOFF J.M., DENJOY I. : « Attitude pratique devant un trouble du rythme chez le nourrisson », Arch. Pédiatr., 2004 ; 11 : 1268-73. [2] VILLAIN E., COASTEDOAT-CHALUMEAU N., MARIJON E., BOUDJEMLINE Y., PIETTE J.C., BONNET D. : « Presentation and prognosis of complete atrioventricular block in childhood, according to maternal antibody status », J. Am. Coll. Cardiol., 2006 ; 48 : 1682-7. [3] DENJOY I., POSTMA A., LUPOGLAZOFF J.M. et al. : « Tachycardies ventriculaires catécholergiques chez l’enfant », Arch. Mal. Coeur, 2005 ; 98 : 506-12. 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