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8e Cours francophone supérieur
sur le cancer du sein
Saint-Paul-de-Vence, 16-18 janvier 2003
Organisé par M. Namer, M. Héry et M. Spielmann.
Animé par D. Serin
● F. Dalenc*, B. de Lafontan*
omme tous les deux ans, le cours de Saint-Paul-deVence a été un grand succès, tant sur le plan de la qualité des communications que sur celui de la convi-
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vialité.
P. Neven a évoqué les développements récents de la prévention
primaire.
Deux nouveaux facteurs ont été reconnus comme augmentant le
risque de cancer du sein : l’obésité (RR : 2,5) et l’alcool
(RR : 1,28). L’association THS (RR : 1,32) et alcool double le
risque de cancer du sein (RR : 1,98).
P. Neven a décrit la situation idéale pour diminuer le risque de
cancer du sein (prévention primaire) : augmenter le nombre de
grossesses, diminuer l’âge de la première grossesse, allaiter, ne
pas commencer trop jeune une contraception orale, éviter le THS
et boire du lait écrémé...
Dans la prise en considération du risque génétique des cancers
du sein développée par H. Sobol, on a vu qu’en dehors des
femmes qui ont des indicateurs familiaux, on peut proposer un
test génétique aux femmes qui ont des indicateurs individuels.
Ainsi, on retrouve 13 % de mutations chez les femmes qui présentent un cancer du sein avant 30 ans, 30 % chez celles qui ont
un cancer de grade III à RH– avant 35 ans, 25 % chez celles qui
ont un cancer médullaire, 15 % chez les hommes porteurs d’un
cancer du sein ainsi que 10 % chez les femmes qui présentent un
cancer du sein et un cancer de l’ovaire... Lorsque la mutation est
identifiée, la surveillance sénologique doit s’instaurer à partir de
30 ans, avec un examen clinique semestriel et une mammographie annuelle. Sur le plan ovarien, on peut proposer une échographie à partir de 35 ans. La chirurgie prophylactique est peu
* Institut Claudius-Regaud , Toulouse.
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acceptée par les Françaises (moins de 10 %), alors qu’elle tourne
autour de 60 % aux Pays-Bas. Cependant, en France, pour ce qui
est de l’ovariectomie, l’acceptation a doublé en 4 ans. Plusieurs
centres français ont reçu du gouvernement un budget de fonctionnement important pour augmenter le nombre de tests génétiques et diminuer les délais.
B. Séradour a donné des nouvelles du dépistage en France.
Le ministre de la Santé s’est engagé sur une généralisation au
1er janvier 2004. Une campagne est prévue pour inciter les médecins à envoyer les femmes dans des centres agréés, y compris
pour le dépistage individuel, le problème étant qu’il n’y a pas, à
l’heure actuelle, de deuxième lecture pour le dépistage hors programme. Or, 10 à 20 % des cancers sont détectés à la deuxième
lecture.
M. Héry, en étudiant l’histoire naturelle des cancers du sein de
moins de 1 cm, a confirmé qu’il s’agit d’un groupe hétérogène :
10 % des tumeurs de moins de 1 cm sont en fait inférieures à
5 mm, avec un très bon pronostic (3 % de métastases à 10 ans,
les tumeurs de 6-10 mm en présentant 12,4 %).
M. Escoute a fait un plaidoyer pour la mammographie numérique, gold standard de la mammographie dans les années à
venir. Même si, sur le plan des performances diagnostiques, elle
est équivalente à la mammographie analogique, cette technique
permet de diminuer les doses d’irradiation et d’améliorer la qualité de l’image. L’archivage des images permet de confronter le
diagnostic du radiologue et le résultat anatomopathologique, et
permet donc une autoformation. Il est aussi possible d’utiliser le
diagnostic assisté par ordinateur, qui permet d’augmenter de 13
à 20 % le nombre de cancers détectés (la sensibilité en est de 97 %
pour les microcalcifications malignes). Enfin, la mammographie
numérique contribue à la protection de l’environnement. Cependant, elle n’est pas encore acceptée dans le dépistage de masse.
La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003
En ce qui concerne le ganglion sentinelle, J.Y. Bobin a rappelé
qu’il n’y a pas de technique standard tant pour le site d’injection
que pour le volume du traceur, la dose de radio-colloïde, la qualité de la sonde, l’épaisseur des coupes (500, 250 ou 200 microns)
ou la place de l’immunohistochimie (IHC). En France, on commence à observer une utilisation en routine de la technique du
ganglion sentinelle malgré un contrôle de qualité parfois insuffisant. Il n’y a pas d’évaluation (en particulier du taux de
deuxième chirurgie). J. Jacquemier a évoqué les nombreuses
questions qui sont encore sans réponse dans le cadre de cette
nouvelle technique : faut-il réaliser un examen extemporané ?
Par empreinte ou par grattage (durée 20 mn : cette technique permet le diagnostic extemporané des micrométastases ganglionnaires deux fois sur trois) ? L’extemporanée est validé en cytologie, il n’y a pas de faux positifs et elle permet de ne réaliser
que 14 % de deuxième chirurgie (au lieu des 30 % habituels).
Quelle technique d’échantillonnage utiliser ? Si on réalise des
coupes de 4 microns sur un ganglion de 5 mm, seul 0,01 % du
volume du ganglion est analysé. La technique habituellement
retenue réalise 10 niveaux de coupe espacés de 200 microns et
l’IHC n’est appliquée qu’aux ganglions négatifs. Que faire des
micrométastases qui ne sont pas retrouvées par la technique standard ? Quelle est la place de la RT-PCR ? Il est important de
standardiser rapidement l’analyse anatomopathologique du ganglion sentinelle.
F. Penault-Llorca a rappelé les critères du consensus de 1999
concernant le compte-rendu anatomopathologique d’un carcinome canalaire in situ : il doit comporter les paramètres histologiques (type architectural, nécrose et grade nucléaire), la distribution des lésions (multicentrique ou multifocale), la taille des
lésions, les marges et les limites de l’exérèse chirurgicale
(encrage des berges). Si les marges sont positives, il est important de préciser le nombre de foyers et le type d’envahissement
(minime < 1 mm, focal de 1 à 15 mm et étendu > 15 mm), les
micro-invasions (1 ou plusieurs foyers inférieurs à 2 mm).
K. Clough a rappelé que le traitement conservateur est réalisé
dans 56 % des CIC (78 % des CCI). La chirurgie doit être réglée,
de la “sous-peau” au pectoral (pas de “boulectomie”). En plus
de la démarche thérapeutique, la chirurgie doit être envisagée
d’un point de vue esthétique : l’oncoplastie du sein traité permet
une extension des traitements conservateurs (poids moyen de la
tumorectomie 200 g, CIC jusqu’à 10 cm). La plastie de symétrisation peut être réalisée lors du premier temps opératoire.
D’autre part, devant un diagnostic de CIC, il est possible de réaliser une mastectomie avec conservation de l’étui cutané (mêmes
résultats à 5 ans), sans conservation de la plaque aréolo-mamelonnaire (7 % d’envahissement sous-aréolaire dans les séries de
mastectomies). B. Cutuli a évoqué le problème des CIC des
femmes jeunes : chez les femmes de moins de 40 ans, on observe
30 % de récidives locales (avec ou sans radiothérapie) et on sait
que les récidives locales invasives (soit la moitié des récidives
locales) entraînent des métastases dans 12,6 % des cas. Le nouvel index de Silverstein inclut l’âge.
A. Lesur a largement repris les conséquences endocriniennes
La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003
et gynécologiques du tamoxifène et de l’hormonothérapie
adjuvante chez les femmes non ménopausées : l’enregistrement en cours de 300 femmes non ménopausées sous tamoxifène va nous apporter des informations quantitatives sur ces effets
secondaires, et en particulier sur l’apparition de kystes ovariens,
ainsi que sur l’estradiolémie, qui reste particulièrement élevée,
avec des conséquences difficiles à évaluer à l’heure actuelle.
Les orateurs ont rappelé les acquis du traitement néoadjuvant :
celui-ci représente une alternative thérapeutique au traitement
chirurgical non conservateur des tumeurs mammaires volumineuses (il n’est pas délétère en termes de survie pour les patientes
et permet, dans plus de la moitié des cas, une chirurgie conservatrice par la suite). E. Luporsi a insisté sur un point fondamental : le traitement néoadjuvant représente un modèle idéal
pour l’étude de la biologie des tumeurs, et notamment pour la
recherche de facteurs prédictifs de réponse aux médicaments. Il
permet d’étudier des marqueurs de résistance, des variations
d’expression de protéines qui sont la cible des traitements...
L’auteur nous a invités à participer aux essais thérapeutiques en
cours et, surtout, a-t-elle ajouté, “il faut réfléchir biologie et non
plus drogues” dans la construction des futurs essais, afin de pouvoir espérer prescrire un jour un traitement adapté au profil biologique des tumeurs. F. Penault-Llorca a souligné que des nouvelles techniques de biologie sont applicables sur des
prélèvements de cytologie ou de microbiopsies moins invasifs
pour les patientes. Enfin, la difficulté d’évaluation de la réponse
aux traitements néoadjuvants a été discutée : l’apport des moyens
d’imagerie moderne a été évoqué par C. Maestro. L’intérêt de
l’IRM, susceptible notamment de modifier l’approche chirurgicale secondaire grâce à une meilleure appréciation des volumes
résiduels et de la multifocalité, et celui du TEP, susceptible de
prédire précocement la réponse à la chimiothérapie ou à l’hormonothérapie, doivent être évalués dans des essais thérapeutiques prospectifs.
L’actualité du traitement adjuvant a fait l’objet d’exposés et
de discussions. Les résultats de l’étude ATAC après une médiane
de suivi de 47 mois ont été rapportés en détail par J.P. Guastalla. Il a été rappelé que ces résultats, obtenus avec l’anastrozole, ne peuvent en aucun cas être extrapolés aux autres inhibiteurs de l’aromatase, que l’anastrozole n’a pas en encore obtenu
d’AMM en adjuvant en France et que, conformément au consensus de l’ASCO 2002, cette molécule doit pour l’instant être réservée aux situations de contre-indication relative ou absolue au
tamoxifène. L’effet délétère de l’anastrozole sur la minéralisation de l’os, principal point négatif, devrait pouvoir être prévenu
par les biphosphonates de nouvelle génération. La chimiothérapie adjuvante est encore le sujet de nombreuses interrogations
sans réponse. Faut-il exclure les tumeurs de grade 1 des traitements adjuvants par chimiothérapie ? Si l’on considère que le
FEC constitue le traitement de référence en France, doit-il être
dosé de la même manière selon que les patientes présentent ou
non un envahissement ganglionnaire axillaire ? La réponse est
oui sur le plan fondamental, mais a-t-on le droit de prendre le
même risque de toxicité pour des patientes à faible risque que
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pour des patientes à haut risque ? M. Spielmann, intuitivement
convaincu du bénéfice que peuvent apporter les taxanes, a souligné qu’à ce jour 10 500 patientes N+ ont été traitées par le paclitaxel et 24 300 patientes N+ par le docétaxel dans le cadre de
plusieurs essais thérapeutiques prospectifs, et qu’une méta-analyse serait envisageable et certainement informative. L’appel est
lancé aux statisticiens en quête de travail… Affaire à suivre !
H. Roché et J. Gligorov ont rappelé que tout cancer du sein
surexprimant c-erb B2 représente maintenant une entité à part
et doit faire l’objet d’un traitement ciblé par Herceptin® (en
l’absence de contre-indication) en phase métastatique (les schémas d’administration de l’anticorps et les associations optimales
avec les cytotoxiques sont en cours d’évaluation). Des études
prospectives évaluant Herceptin® sont en cours en adjuvant et
en néoadjuvant. Une partie du débat a porté sur l’attitude que
l’on doit avoir en cas de surexpression ++ en IHC de c-erb B2
(situation toutefois assez rare si la technique d’IHC et la lecture
sont de bonne qualité, a rappelé F. Penault-Llorca). Le risque,
dans ce cas, est de ne pas faire bénéficier une patiente de Herceptin®. Faut-il demander une recherche d’amplification du gène
par FISH (24 % ont une amplification du gène) ? Faut-il, par
méthode Elisa, rechercher un taux élevé de la protéine tronquée
(ECD Her-2) dans le sang circulant ? Faut-il faire un test thérapeutique ? Les orateurs ont également souligné que des études
prospectives sont en cours, étudiant la signification du taux de
ECD Her-2 dans le sang circulant : pourra-t-il un jour permettre
le diagnostic précoce de rechute ? Pourra-t-il être le reflet rapide
de l’efficacité du traitement par Herceptin® et de l’échappement
à cette molécule ? Enfin, le taux élevé de métastases cérébrales
chez ces patientes traitées par Herceptin® a fait l’objet de discussions, et de questions qui restent pour l’instant sans réponse
(quelques lettres contradictoires ont été rapportées dans The
Lancet).
L’exposé de A. Monnier sur les traitements hormonaux des
cancers du sein métastatiques a été remarquable. Après avoir
rappelé les résultats des études comparant les antiaromatases non
stéroïdiens au tamoxifène en première ligne, il a souligné que,
pour mieux définir la stratégie thérapeutique, il était important
de prendre en compte l’évolution des patientes qui ont bénéficié du cross-over après échappement thérapeutique. C’est en
effet la durée de la phase d’hormonosensibilité qui est la plus
importante à ce stade. En ce qui concerne les études anastrozole
versus tamoxifène, l’analyse rétrospective conclut à une efficacité équivalente du tamoxifène après anastrozole et vice versa.
Pour l’étude létrozole versus tamoxifène, 50 % des patientes ont
participé (comme prévu par le protocole) au cross-over : Fémara®
apparaît plus efficace après l’antiestrogène que celui-ci après
Fémara® (expliquant un croisement des courbes de survie). Enfin,
nous avons retenu de cet exposé et du débat qui a suivi que l’hormonothérapie prend une place croissante dans l’arsenal théra-
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peutique des cancers du sein, surtout chez la femme ménopausée : l’avenir évaluera la place exacte de Faslodex® et les associations prometteuses hormonothérapie + modulateurs des voies
de signalisation des récepteurs à activité tyrosine kinase ou antiCOX-2.
Une place a été accordée, durant ces trois jours, aux mesures
d’accompagnement. Si le rôle éventuel de l’anémie dans l’évolution péjorative des cancers du sein n’est pas démontré, celleci est fréquente, altérant la qualité de vie des patientes. Les érythropoïétines permettent aujourd’hui d’améliorer cette qualité
de vie ainsi que les fonctions cognitives des patientes. Les
biphosphonates contribuent également à l’amélioration de la qualité de vie des femmes atteintes de métastases osseuses. Leur rôle
supplémentaire sur le maintien de la masse osseuse et leur effet
antitumoral éventuel sont en cours d’évaluation dans des essais
prospectifs. Enfin, P. Guex, dans un débat animé et passionnant,
nous a fourni quelques recettes pour mieux communiquer avec
nos patientes.
Samedi, la salle s’est vidée quelque peu, mais les courageux sont
restés attentifs. E. Teissier a rappelé les modalités et les objectifs de la surveillance des patientes traitées pour un cancer
du sein. Il est admis qu’aucun examen radiologique n’est utile
en dehors de la mammographie annuelle, et cela n’a fait l’objet
d’aucun débat ; toutefois, on est en droit de se demander si, pour
les patientes ayant une tumeur surexprimant c-erb B2, un diagnostic très précoce de la rechute métastatique par les techniques
d’imagerie, avant que n’apparaissent les symptômes, ne serait
pas souhaitable compte tenu de la possibilité d’un traitement
ciblé par Herceptin®, qui améliore, on le sait, la SG lorsqu’il est
prescrit précocement. Enfin, plusieurs d’entre nous ont évoqué,
lors du débat, la possibilité d’un suivi exclusif par les médecins
traitants ou les gynécologues. Plutôt qu’un suivi exclusif par une
sorte de catégorie de médecin (spécialiste, généraliste), il serait
tout à fait profitable aux uns et aux autres et aux patients d’organiser de façon structurée un suivi alterné.
Enfin, P. Viens, soutenu par H. Roché lors du débat, a plaidé
pour la chimiothérapie haute dose. En adjuvant, l’étude
PEGASE 01 et celle de Rodenhuis, rapportée à l’ASCO 2000,
ont démontré qu’une chimiothérapie forte dose après 4 cycles
de chimiothérapie standard allonge au moins la SSR, témoignant
du fait que toute la chimiosensibilité n’est pas épuisée après un
traitement standard. H. Roché a créé un suspense en suggérant
qu’en 2003, nous aurions de nombreux résultats informatifs
concernant le traitement par chimiothérapie haute dose des
tumeurs mammaires. Ces résultats devraient relancer le débat et
inciter à construire de nouveaux essais thérapeutiques en tenant
compte de ces informations. Rendez-vous donc lors des congrès
2003 et, en attendant, n’oublions pas d’inclure les patientes dans
■
les essais prospectifs en cours !
La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003
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